L’Afrique Subsaharienne continue d’afficher des performances macroéconomiques intéressantes avec une croissance économique réelle 4,9% en 2012 (FMI) malgré la récession qui frappe actuellement l’économie mondiale. Cependant, le niveau de vie demeure encore assez faible. En effet, le PIB/habitant y est le plus faible dans le monde même s’il a augmenté de 3,9% en 2012 pour se situer à 2365,9 Dollars US (PPA internationaux courants).
Les ressources extractives et minières, les services ainsi que l’agriculture comptent parmi les moteurs de cette croissance économique. Cette dernière a contribué à hauteur de 12% du PIB de l’Afrique Subsaharienne en 2012 et se pratique notamment dans les zones rurales qui concentrent près de 63,2% de la population. Seulement 43,8% des terres arables sont destinées à la pratique de l’agriculture (Banque Mondiale, WDI 2012). Les conditions de vie des populations rurales en Afrique Subsaharienne ne sont pas les meilleures. Il faut dire que l’agriculture en Afrique est encore rudimentaire et loin du niveau technologique observé en occident. Ce qui limite les performances de ce secteur. A cela, il faut ajouter les facteurs climatiques comme les inondations, la sécheresse, une pluviométrie capricieuse et des sols parfois surexploités et un déficit en matière de techniques culturales modernes.
Décidés à ne pas laisser perdurer cet état de chose, les Etats ouest africains ont pris l’initiative de soutenir le secteur en mettant en œuvre une réponse à l’échelle régionale en vue de rendre l’agriculture plus productive et pérenne en Afrique de l’Ouest. A cet effet, un programme conjoint entre les pays de la CEDEAO, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO ou WAAPP-West Africa Agricultural Productivity Program) avec l’appui financier de la Banque Mondiale et d’un coût total de 51 millions de Dollar US, a été mis en place.
Cet article se propose de présenter et d’analyser les enjeux du WAAPP à travers ses objectifs et ses composantes. Il met en exergue ses particularités par rapport à d’autres programmes déjà en cours initiés dans la sous-région ouest-africaine en vue de rendre le secteur agricole plus performant.
WAAPP/PPAAO : un prolongement par continuité !
Le WAAPP met l’accent sur les filières prioritaires de la région notamment les racines et tubercules au Ghana, le bétail, le riz au Mali, les céréales au Sénégal, la banane plantain en Côte d’Ivoire, le maïs au Togo, ainsi que fruits et légumes, oléagineux et les principales spéculations d’exportations comme le coton, le café, le cacao. Il vise à contribuer à l’atteinte des objectifs du PDDAA du NEPAD à travers une croissance importante du PNB agricole mais également à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Chaque pays constitue une unité indépendante et sera donc chargé de gérer les activités du programme sur son territoire en fonction des spéculations cultivées dans le pays et entrant dans le cadre du WAAPP avec des bilans périodiques en collaboration avec toutes les institutions partenaires.
Le WAAPP n’est pas la première réponse sous régionale apportée aux problèmes que connait le secteur agricole ouest-africain. On peut évoquer le Cadre stratégique de sécurité alimentaire porté par le CILSS, Programme d’action sous régional de lutte contre la désertification mis en place depuis 1973, la Politique Agricole de l’UEMOA (PAU) lancée en 2001. En 2005, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la CEDEAO ont adopté la politique agricole régionale, l’ECOWAP dans le but de créer un cadre régional de politique agricole et dont les objectifs sont entre autres la sécurité alimentaire, l’intégration des producteurs aux marchés, la création d’emplois garantissant des revenus à même d’améliorer les conditions de vie des populations rurales ainsi que les services en milieu rural, l’intensification durable des systèmes de production ou encore l’adoption de mécanismes de financement appropriés.
Un nouveau souffle pour l’intégration régionale
Si le WAAPP ne diffère pas fondamentalement des projets existant déjà dans la sous-région ouest-africaine en ce qui concerne ses objectifs, c’est plutôt l’approche adoptée et les composantes du WAAPP qui font la différence. En effet, le projet est axé sur quatre composantes à savoir : la création de conditions propices à la coopération régionale en matière de développement et de diffusion de technologies, le développement de Centres Nationaux de Spécialisation (CNS), le financement de la création et l’adoption de technologies axées sur la demande en vue de renforcer et de rendre plus transparents les mécanismes de financement des activités prioritaires de R&D agricole axées sur la demande dans les pays participants et enfin la Coordination, Gestion et Suivi-Evaluation du programme.
Dans le cadre du WAAPP, des filières sont considérées comme prioritaires au niveau de chaque pays dans le but de mettre sur pied des Centres Nationaux de Spécialisation. Mais l’étude des autres filières n’est pas pour autant négligée. Par la suite, les résultats obtenus, concernant les filières non prioritaires dans chaque pays, seront diffusés et partagés avec les autres centres nationaux. Ceci dans le but de favoriser une circulation de l’information et une meilleure coopération au niveau sous régional.
Cet aspect du programme vise à pallier au manque de collaboration constatée entre les chercheurs, les services d’appui-conseils et universitaires, afin de leur permettre de travailler en partenariat avec les producteurs agricoles, le secteur privé et la société civile ; ceci en vue de mieux répondre aux besoins et aux opportunités d’innovation dans le secteur. La réhabilitation des équipements essentiels des CNS retenus, le renforcement des capacités des chercheurs, l’Appui des programmes de R&D des CNS sont également au programme. A cela, il faut ajouter, une accélération du processus de mise en place d’un cadre commun des règles et législations sur les semences et les pesticides, la mise en place d’un cadre commun en matière de Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) et autres comme les droits des paysans et l’Indication Géographique (IG) ainsi que la révision des procédures nationales afin de les aligner aux directives régionales.
L’approche retenue pour le WAAPP se base donc d’une part, sur l’intégration et l’harmonisation des politiques agricoles nationales et d’autre part, sur l’établissement de liens étroits entre la recherche, la vulgarisation, les producteurs et les opérateurs privés.
Une aubaine pour les agriculteurs et les filières ciblées
Les agriculteurs sont les premiers bénéficiaires de ce programme. En effet, il sera établi un diagnostic sur les performances des exploitations agricoles et des filières retenues sur la base d’indicateurs bien précis qui seront calculés comme le rendement, la production agricole, les superficies emblavées ainsi que le revenu moyen des ménages, le type de financement des exploitations agricoles. Ensuite seront mise en place, des actions bien ciblées afin de mieux accompagner les exploitants agricoles dans leurs activités de production en mettant à leur disposition plus de moyens techniques et financiers, ce qui leur permettra d’améliorer leur productivité et leur compétitivité ainsi que leurs revenus et leurs conditions de vie. En effet, dans un contexte international instable marquée par l’insécurité alimentaire, la volatilité des prix, la récession et la baisse de la demande de certains produits comme le coton, les aléas climatiques, les agriculteurs sont de plus en plus tournés vers les cultures pouvant leur assurer des revenus réguliers comme l’hévéa, dont la saignée peut se faire durant toute l’année aux détriments de la culture du cacao dont la récolte est ponctuelle. Ce projet est donc salutaire pour peu qu’il puisse redynamiser le secteur agricole ouest-africain. Il faut dire que l’agriculture est l’un des principaux moyens de subsistance dans la région ouest-africaine, employant 60% de la population active d’après l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI).
Le WAAPP en mettant l’accent sur la recherche, apporte un plus et offre de nouvelles perspectives au secteur agricole ouest-africain. Cependant, il montre que l’intégration régionale totale a encore du chemin devant lui et se trouve confronter à un manque de coordination apparent et un fédéralisme encore poussif conjugué à un paysage institutionnel dense marqué par une multiplication de programmes et de propositions de politiques, dont la cohérence et l’efficacité globales sont limitées. Ce qui suppose que le WAAPP, ainsi que les autres programmes ne seront efficaces que s’il y a une meilleure collaboration entre les Etats et moins de barrières à l’application des réglementations sous régionales.
Koffi ZOUGBEDE