Votre pays est-il un état fragile ?

???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????Le Nigeria et le Cameroun, sont-ils des états fragiles ? Que dire du Malawi ou du Kenya sur le même sujet ? Cet article se propose de revenir sur l’expression « état fragile » utilisée pour caractériser certains pays afin de  mieux appréhender les enjeux auxquels font face ces derniers.

Un concept difficile à cerner !

Le mot « fragile » est défini dans le dictionnaire de langue française comme «quelque chose qui se brise facilement, quelque chose qui est précaire ». Il est donc aisé de dire d’un œuf ou de la porcelaine qu’ils sont fragiles. Mais quand il s’agit de faire référence à ce mot pour qualifier un pays, cela devient plus complexe. En effet, si l’expression « état fragile » est utilisée pour désigner certains pays, il faut dire qu’il est aujourd’hui très difficile d’établir une liste concrète d’états fragiles. Cette complexité provient du fait qu’il est aujourd’hui difficile de définir avec exactitude l’expression « état fragile ». Pour y voir un peu plus clair sur le sujet, commençons par regarder de près ce qu’on peut considérer comme un état stable ou non fragile.

La stabilité d’un pays fait généralement référence à l’absence de conflit armée sur son sol, une situation politique calme, apaisée et inclusive. Économiquement, un état stable se caractérise par une croissance durable et inclusive. C’est aussi un état qui dispose d’institutions solides, qui pratique la bonne gouvernance, un état où les règles démocratiques sont respectées, où il existe la liberté de la presse, où les minorités sont représentées à tous les niveaux de la société. Au vu de ces critères, un état fragile peut être considéré comme un état qui ne présente pas les caractéristiques d’un état non fragile. Selon l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), « une région ou un état fragile a une faible capacité à exercer des fonctions de base de la gouvernance, et n'a pas la capacité de développer des relations mutuellement constructives avec la société. Les régions ou États fragiles sont également plus vulnérables aux chocs internes ou externes tels que la crise économique ou les catastrophes naturelles. En revanche, les états plus résistants présentent la capacité et la légitimité pour gouverner une population et son territoire. »

Si un consensus général se dégage sur les aspects politiques, économiques et sociaux caractérisant les états fragiles, il faut souligner également que certaines variables permettent parfois de prédire le risque que court un pays de devenir un état fragile.

Fragilité : une approche universelle pour traiter des sources très diverses !

Dans son rapport intitulé État de fragilité 2015, l’OCDE distingue cinq dimensions principales qui caractérisent la fragilité d’un état : la violence, la justice, les institutions, les fondements économiques, et la résilience.  Les cinq dimensions de la fragilité proposées révèlent des profils de vulnérabilité différents. En effet, d’après l’OCDE, il faut aborder la fragilité selon une approche plus universelle, qui n’enferme pas les états fragiles dans une seule et même catégorie, mais repose au contraire sur des mesures rendant compte des diverses facettes du risque et de la vulnérabilité surtout dans la période post-2015 marquée par les Objectifs de Développement Durable (ODD). Utilisant un diagramme de Ven regroupant les cinq dimensions de la fragilité évoquées plus haut, l’OCDE conclut qu’une approche universelle pour appréhender la fragilité présente de multiples avantages. Elle peut faciliter la détermination des priorités en faisant apparaître les pays qui sont vulnérables à des risques spécifiques et qui sont susceptibles de perdre des acquis du développement ; elle peut éclairer les priorités de la communauté internationale afin de réduire conjointement la fragilité ; elle peut continuer d’axer les efforts sur la réalisation de progrès dans les situations de pauvreté et de fragilité extrêmes. Une approche par groupe remédie en outre à certains des inconvénients d’une liste unique d’États fragiles. Par exemple, les pays eux-mêmes ne voient pas toujours l’intérêt d’être inscrits sur la liste. Un indicateur unique peut en outre passer à côté de risques importants qui interagissent avec la faiblesse des institutions et la fragilité, comme le changement climatique, les risques de pandémie et le crime organisé transnational.

Quel état est donc considéré comme fragile ?

Le rapport de l’OCDE sur l’état de fragilité en 2015 identifie 28 pays africains. On retrouve évidemment dans cette liste des pays comme le Mali, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, la Somalie, pays marqués par de l’instabilité politique et des conflits armés auxquels il faut ajouter une situation économique difficile. On y retrouve également des pays comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Togo. Le Nigéria, à cause des tensions communautaires entre le Nord et le Sud, de la violence sur son sol avec le groupe terroriste Boko Haram ainsi que des institutions minées par la corruption, le Rwanda à cause de l’exposition et de la vulnérabilité du pays aux phénomènes extrêmes liés au climat et à d’autres chocs et catastrophes d’ordre économique, social et environnemental, le Togo à cause d’un système judiciaire ne respectant pas encore les standards et des fondements économiques encore à bâtir et à consolider.

D’autres organisations multilatérales comme la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développent et la Banque Asiatique de Développement se sont également penchées sur le sujet. Ces dernières ont développé une liste harmonisée d’états fragiles qui est révisée chaque année. D’après la liste harmonisée de ces trois institutions, un pays est considéré comme fragile s’il a une moyenne des scores de l’évaluation de la politique et des institutions nationales (CPIA) des trois organisations inférieure ou égale à 3,2 et/ou s’il y a eu la présence d'une mission régionale et/ou des Nations Unies de maintien ou de consolidation de la paix au cours des trois dernières années sur son territoire. Ainsi pour le compte de l’année 2015, le Burundi, le Tchad, le Madagascar sont considérés comme des états fragiles conformément à la liste de l’OCDE. Par contre, avec le classement de la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développent et la Banque Asiatique de Développement, le Cameroun, le Nigeria, le Kenya par exemple ne figurent plus parmi les états fragiles.

Fragile ou pas, les défis restent les mêmes !

Si le consensus n’est pas définitif sur la classification des états fragiles, beaucoup de pays restent marquer par l’instabilité politique et les conflits armés, la mauvaise gouvernance, les tensions communautaires et font maintenant face au risque climatique. Le chômage, les inégalités , la pauvreté, l’exclusion sont autant de sources de fragilité dans un pays .La fragilité est aujourd’hui une question importante pour la communauté internationale, raison pour laquelle celle-ci en a fait un des objectifs de développement durable à travers son objectif 16, qui est de « Promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, l'accès à la justice pour tous et bâtir des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux », en vue de relever ce défi. Si une vingtaine d’états fragiles dont la Guinée-Bissau, le Libéria, le Togo, ont effectué des progrès en atteignant une ou plusieurs cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), les États fragiles sont restés tout de même à la traîne dans l’atteinte des OMD pour l'ensemble des 8 objectifs. En moyenne, les États fragiles ont affiché un retard de 18% par rapport aux états non fragiles en ce qui concerne le nombre de pays ayant atteint chacune des cibles des OMD.  Par conséquent, les états fragiles doivent s’atteler à relever les défis de la sécurité et de la stabilité politique, de la bonne gouvernance, de l’inclusion, de la résilience et construire des institutions fortes. Dans le même temps, les états stables ou non fragiles doivent, quant à eux, continuer de maintenir le cap de la bonne gouvernance, de la sécurité, de l’inclusion et de la résilience.

Loss of competitiveness in the Waemu: do not blame just the CFA

waemuTwo very different monetary zones, yet linked through currency

There are three “Franc zones” stemming from colonization and sharing one (though not interchangeable) currency, the CFA Franc: the WAEMU (West African Economic and Monetary Union), the CEMAC (Economic and Monetary Community of Central Africa, or EMCCA) and the Union of the Comoros. This currency has evolved in a fixed parity regime with the French Franc from 1959 (1981 for the Comoros) to 1999 before being pegged to the Euro.

This fixed parity aimed at ensuring macroeconomic stability, reducing risks of exchange rate crises, importing policy credibility and promoting intra-zone trade. It was deemed adequate given that the Eurozone is the main trading partner. Nevertheless, both monetary areas are not only suboptimal with regard to Mundell’s criteria, but are also very different from one another, as the Eurozone consists of industrialized countries and the CFA Franc is used in low-income economies. This potentially induces incompatibility of monetary policies, and therefore an inadequate policy stance in the Franc zone. The inflation target in the eurozone is 2 percent, acceptable for a group of industrialized economies, but less desirable for the Franc zone whose target of 3 percent is costly in terms of growth. Studies have clearly shown that inflation levels of developing countries between 7% and 11% stimulate production, against 2% to 3% in developed economies. However, the main goal of the three Franc zone central banks is to fight inflation with tools adapted to an inflation of monetary causes in a zone where real factors dominate: climate hazards impacting countries still very reliant on agriculture, an increase in energy prices (notably oil) and inflation imported from the Eurozone. Despite these factors, they maintain the 3% target while trying to support local economic activity.

The immediate explanation of currency overvaluation

A common challenge to all monetary zones is convergence among its economies. In the Eurozone, this convergence is still a slow on-going process—marked by diverging competitiveness, labor market trends, and external balances.[i] Within the Franc zone, a few groups of countries emerge. CEMAC economies experience trade surpluses thanks to oil exports. This similarity of production structures allows for a convergence of CEMAC members’ external trade, measured by the standard deviation of their current accounts weighted by their real GDP.[ii] In the WAEMU, Côte d’Ivoire (the largest economy) displays significant trade surpluses while other countries experience deficits, such as Senegal, often considered another WAEMU economic power.

Critics estimate that the strong level of the Euro against the US dollar is responsible for an overvalued CFA Franc that penalizes the zone’s export competitiveness. The question is whether this loss of competitiveness is simply due to the CFA Franc level, or whether other factors can be identified.

Economies with little diversification and very exposed to international competition

WAEMU global competitiveness, measured by the real effective exchange rate, has deteriorated over the 2002 – 2011 period by about 5 percent according to the BCEAO. In 2012, it improved with a decrease of 3% of the real effective exchange rate and inflation lower than its partners’. WAEMU countries are mainly commodity exporters. Between 2000 and 2004, oil, cotton, cacao, gold and precious metals represented 50% of exports and rose to 60% in the 2005 – 2011 period. In 2012, these countries recorded increasing export rates, due to the dynamism of extractive industries, with the exception of Senegal and Guinea-Bissau that lost respectively 0.2% and 1.4% in 2012 compared to 2011. The zone as a whole gained 2.1% over the period 2002 – 2011 and an additional 1.1% in 2012. On the other hand, the penetration rate for foreign enterprises progressed by 1.2% between 2001 and 2011, and an additional 3.8% from 2011 to 2012, which translates into a decrease of domestic companies’ market share, and thus a net loss of competitiveness. At the level of individual countries, foreign penetration rates increased by 11.3% in Burkina Faso between 2001 – 2011, 14.7% in Niger and 8.7% in Togo.[iii] In addition, imports are generally finished equipment and consumption products with a strong added value. Individual countries’ deficits suggest that imports outweigh competitiveness gains.

High costs of factors of production and an unfavorable business climate

Over the period 2001 – 2011, the steady increase in world oil prices strongly disadvantaged local producers. This caused a generalized price increase in oil products within the WAEMU and therefore a cumulated growth of energy prices of 33.4% in Côte d’Ivoire and 91.5% in Senegal over the same period, the weakest prices being in Benin. Different price levels among countries are chiefly due to differing tax levels. Electricity and transportation costs have equally risen. Fuel oil, used as intermediate consumption in thermal electricity production, leading to an increase of electricity rates of an approximate average of 100 FCFA.

Labor and financing costs also rose substantially. While remaining stable in Côte d’Ivoire and Senegal, minimum interprofessional wages went up by 26.5% in Benin, 50% in Niger and even 103.5% in Togo. Higher costs of factors of production have strongly deteriorated local companies’ competitiveness.

The unfavorable business climate to these higher costs. The World Bank’s 2014 Doing Business ranking, based upon the ease of doing business in a country, issues a severe judgment for the WAEMU and the Franc zone generally. First among these countries, Burkina Faso is ranked 154th, just before Mali (155th) and Togo (157th). Côte d’Ivoire, the regional export champion, is only 167th, Senegal 178th and the Central African Republic and Chad come last, respectively 188th and 189th.

What policies for the future? Budgetary rigor, economic diversification and… federalism ?

Competitiveness could be restored with budgetary restraint measures aiming at minimizing situations of twin deficits in the long run. This may be difficult to conciliate with economic development imperatives, and may come at a cost for public as well as private investment, in countries that have paid the costs of structural adjustments in the past. More reforms at the regional level will be needed to ensure convergence among economies. As mentioned before and alike the Eurozone, the WAEMU is far from being an optimal currency area due to its exposure to idiosyncratic shocks and low mobility of capital and labour. The BCEAO has admittedly decided to reduce banking transaction costs in the whole zone, but federalism is certainly not underway. The WAEMU has undertaken a number of initiatives in favour of greater market integration in labour, agricultural and manufactured goods, energy and oil products, but in the end decisions are still taken at the national level, thus perpetuating an intra-zone segmentation that limits the competitiveness of local companies and delays convergence among countries. But dismantling trade barriers, especially non-tariff ones, would improve efficiency of investments as well as circulation of talents, knowledge and goods. This integration, coupled with efforts in broadening the tax base (an IMF recommendation for the EU also applicable to the WAEMU), could provide local political and economic institutions with greater means to finally stimulate the emergence of a real common industrial setting and diversify their economies in order to improve resilience to idiosyncratic shocks. This seems all the more desirable as the openness of local economies weakens local enterprises, very exposed to international competition, yet still lacking the capacities to produce needed equipment goods. Finally, even if the fixed pegging to the Euro remains an important factor of stability and credibility given the weaknesses of African economies and their persistently strong ties with the Eurozone, the question of abandoning this monetary regime may be raised more seriously in the nearby future, especially in view of increasing trade relations with Asia, and China in particular.

Koffi Zougbede and Victor Valido Vilela


[i] (OCDE, estimations Coe-Rexecode, D. Ordonez, 2013)

[ii] Lessoua, Albert & Sokic, Alexandre, “Union monétaire et compétitivité comparée : les cas de la zone euro et de la zone CFA”, Bulletin de l’Observatoire des politiques économiques en Europe, 2012

[iii] Rapport sur la compétitivité des économies de l’UEMOA en 2001-2011 et 2012

L’Afrique et la Data Revolution 

dataCombien de pauvres existe-il vraiment dans le monde ? Savons-nous avec exactitude le nombre de personnes vivant dans les pays en développement ? Quel est le vrai PIB du Nigeria ou du Ghana ? Ces questions élémentaires restent à ce jour sans réponses claires ou précises aussi bien de la part des pays en développement que des organisations internationales et des agences multilatérales travaillant dans le domaine du développement. Cette imprécision dans l’information concernant les pays en développement, notamment ceux d’Afrique, pose un énorme problème, celui de l’efficacité des politiques publiques d’où la nécessité de répondre au problème de manque de données de bonne qualité.

Des appareils statistiques encore « fragiles »…

L’efficacité des politiques publiques passe par une maitrise du problème à régler ainsi que de toutes les facteurs qui déterminent ce problème. Il deveint donc nécessaire de disposer d’informations précises. Mais tel n’est pas le cas dans les pays en développement où l’appareil statistique, le système statistique national composé entre autres de l’Institut National de la Statistique (INS), des ministères sectoriels, de l’État Civil et du système d’enregistrement des statistiques vitales et des faits d’état civil pour ne citer que ceux-là, sont encore défaillants et ne permettent pas une conception et une mise en œuvre efficace ainsi qu’un suivi en temps réel et une évaluation pertinente des politiques publiques et des projets et programmes de développement.

En effet, moins de 10% des pays Africains[1], Maghreb y compris, ont une couverture de l’état civil  (enregistrement des naissances et des décès) dépassant les 90%. La majorité des pays africains n’arrivent pas à produire à temps pour une année N donnée (soit en N+1), les principaux agrégats macroéconomiques tels que les comptes nationaux, les chiffres du commerce extérieur, etc. Les recensements de la population et de l’habitat ne sont pas toujours organisés tous les 10 ans, et quand c’est le cas, les résultats sont disponibles 2 ou 3 ans après.  Tous ces dysfonctionnements s’expliquent par des problèmes structurels liés à l’organisation et à la gestion des systèmes statistiques nationaux et aussi à des problèmes conjoncturels comme l’instabilité politique et ou sécuritaire, etc.

…malgré les efforts nationaux et le soutien international

Si la période 2000-2015 a été favorable au développement de la statistique officielle grâce notamment aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), elle s’est inscrite comme un des piliers essentiels de la période Post 2015 comme le démontre l’objectif 17 des Objectifs de Développement Durable (ODD) qui prennent le relais des OMD pour les 15 prochaines années.

En effet, le premier rapport de suivi des OMD est survenu 5 ans après le lancement du processus. Pour pallier à ce manque, la communauté internationale a décidé de mettre la statistique au cœur de la période post 2015 en faisant d’elle un des objectifs principaux des ODD à travers son objectif 17.18 en continuant d’appuyer des appareils statistiques des pays en développement à travers la mise en œuvre des Stratégies Nationales de Développement de la Statistique (SNDS,) qui se sont généralisées dans tous les pays en développement. Aujourd’hui, plus de 100 pays en développement ont déjà mis en œuvre une SNDS et certains en sont déjà à leur deuxième.

Toutefois, malgré les efforts accomplis, le travail à accomplir reste encore énorme et le temps et les ressources, eux comme d’habitude, reste limités. Cette situation a incité la communauté internationale à appeler une Data Revolution pour pallier au problème de données de bonne qualité et disponible en temps réel.

La Data Revolution : une Evolution plus qu’une Révolution !

La Data Revolution, une expression de plus en plus évoquée dans la communauté du développement international, dans les médias et considérée comme un moyen, sinon le moyen, pour mettre à disposition des décideurs, les statistiques qu’il faut, quand il faut et dans le format adéquat. Mais de quoi s’agit-il réellement ?

En réalité, la data révolution ou révolution des données a déjà commencé. Pour beaucoup, Data Revolution rime surtout avec utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment l’utilisation des téléphones portables, des tablettes, des PDA, etc. dans la collecte et la production des statistiques officielles et d’indicateurs socioéconomiques.  Ceci n’est pas une pratique nouvelle en soi : à titre d’exemple, le dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) en 2013 du Sénégal a été réalisé à l’aide de PDA. Grace à ce procédé, les résultats ont été publiés quelques mois après la fin de l’opération, contraire à 2002 où les résultats n’ont été finalisés que 3 ou 4 ans plus tard. En Afrique de l’Est, UN Global Pulse,  UN World Food Programme (WFP), l’Université Catholique de Louvain et Real Impact Analytics grâce à des données extraites de l’achat de crédits de communication (ou « top-up ») et de l’activité de téléphonie mobile dans un pays d’Afrique de l’Est, ont estimé l’état de la sécurité alimentaire du pays[2].

Au-delà de l’utilisation des technologies, c’est surtout une évolution dans l’organisation et la gestion des institutions, ainsi que dans la planification de la production statistique qui est visée avec la Data Revolution. En effet, les nouveaux défis auxquels font face les États demandent de penser autrement la production des statistiques et de tenir compte des acteurs notamment le secteur privé qui, autrefois, étaient à l’écart du système. Il s’agit par exemple de mettre en place des Partenariats Public-Privé entre les sociétés privés qui disposent de grandes base de microdonnées actualisées, comme les sociétés de téléphonie mobile, et les INS pour la production d’indicateurs socioéconomiques permettant d’informer les décideurs politiques sur le niveau de bien-être des populations comme c’est le cas avec le Projet D4D au Sénégal. C’est aussi considérer l’utilisation de sources de données non traditionnelles comme celles provenant d’internet, des réseaux sociaux, des emails et aussi l’utilisation des méthodes d’analyse de big data.

Il s’agit aussi de penser à la mise en place de plateforme d’échange pour faciliter la communication et le partage d’information pour coordonner la réponse et l’action humanitaire ainsi que la constitution de réseaux d’experts en prévision de la gestion de crises humanitaires dans les pays à risques comme les petits états insulaires, les états fragiles etc. Également, l’utilisation d’images satellites pour capter l’information disponible dans zones difficilement joignables, ainsi que la mise à disposition des données disponibles auprès des administrations publiques et sans restrictions sont aussi préconisées comme  essentielles à la Data Revolution.

Le projet Informing Data Revolution (IDR) initié par la Fondation Bill et Melinda Gates et réalisé par PARIS21 a permis de répertorier une multitude d’innovations déjà opérationnelles ou en cours de  réalisation dans toutes les régions du monde et qui peuvent être adaptées à d’autres régions du monde comme l’Afrique subsaharienne où la question d’informations fiables se posent avec accuité.

De la nécessité d’assurer les fondamentaux !

La Data Revolution peut apporter beaucoup à la production de statistique officielle dans les pays en développement mais ne réglera pas tous les problèmes de données. Et elle risque d’être encore moins effective si les fondamentaux nécessaires ne sont pas mis en place. En effet, un récent rapport intitulé « Data For Development » produit en 2015 par une large coalition d’experts du développement provenant de SDSN, Open Data Watch, CIESIN, PARIS21, Banque Mondiale, UNESCO a estimé à 1 milliard US$ par an, le montant total nécessaire aux 77 pays à faibles revenus dans le monde pour mettre en place un système statistique capable de leur permettre de suivre et de mesurer les ODD. Aujourd’hui, le soutien à la statistique provenant des bailleurs de fonds s’élève à 300 millions US$ et un effort supplémentaire de 200 millions US$ leur est demandé pour couvrir les besoins supplémentaires des pays en développement dans le cadre des ODD. Le reste de la facture devra être payée par les pays en développement grâce à la mobilisation de ressources internes et des moyens innovants de financement.

Tout partira donc d’un engagement politique fort provenant du plus haut sommet de l’État au service la statistique avec à la clé des moyens importants et surtout financiers. Sans financement adéquat, les INS des pays en développement ne disposeront toujours pas d’un environnement de travail de qualité avec des locaux connectés à internet, d’ordinateurs performants capables d’exécuter des analyses big data, des outils de collectes performants capable d’accélérer la vitesse de la production statistique. Mais surtout, le manque ressources humaines se fera toujours sentir car il faut pouvoir disposer des statisticiens compétents, dont la formation est assez onéreuse, pour accomplir les activités de production de statistiques officielles mais aussi il faudra pouvoir les retenir car la concurrence du secteur privé  et des organisations internationales est de plus en plus rude, ces derniers offrant le plus souvent des rémunérations et des conditions de travail attrayantes sur lesquelles les INS ne peuvent pas toujours s’aligner.

Un autre aspect fondamental est l’amélioration de la coordination entre les membres du système statistique national pour favoriser une meilleure gestion et programmation des activités de production des statistiques officielles ainsi qu’un meilleur partage de l’information. Aussi, une meilleure coordination favorisera une harmonisation des concepts statistiques, des procédures de collecte et un contrôle efficace de la qualité des différentes données produites par les différents acteurs du système statistique national.

C’est seulement quand ces fondamentaux seront mises en place que la Data Revolution aura un véritable impact sur la production des statistiques officielles en Afrique et permettra aux décideurs et utilisateurs de données de disposer des données de qualité, quand il faut et dans le format adéquat.

Perte de compétitivité dans l’UEMOA : faut-il continuer de remettre en cause le franc CFA ?

Deux zones monétaires très différentes, mais toujours liées par la même la monnaie  

L’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine), la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) et l’Union des Comores sont trois zones franc issues de la colonisation qui ont la même devise en commun (quoiqu’elle n’est pas interchangeable), le franc CFA. Cette monnaie a évolué dans un régime de parité  fixe avec le Franc français de 1959 (1981 pour les Comores) à 1999 avant d’être ancrée à l’Euro.

Cette parité fixe visait à assurer la stabilité macroéconomique, réduire les risques de crise du taux de change, importer la crédibilité de la politique et promouvoir le commerce intra-zone. Elle a été jugée adéquate étant donné que la zone euro est le principal partenaire commercial. Néanmoins, les deux zones monétaires ne sont pas seulement sous-optimales au regard des critères de Mundell mais elles sont aussi très différentes les unes des autres, vu que la zone euro est composée de pays industrialisés et le Franc CFA est utilisé dans les économies à faible revenu. Ceci induit potentiellement une incompatibilité des politiques monétaires et donc une politique inadéquate dans la zone franc. Le taux d'inflation cible dans la zone euro est de 2 %, ce qui est acceptable pour un groupe de pays industrialisés mais moins souhaitable pour la zone franc dont le taux d'inflation cible de 3 %. Cela est coûteux en termes de croissance. Des études ont clairement montré que le taux d’inflation dans les pays en développement, entre 7% et 11%, stimule la production. Les pays développés ont, quant à eux, ont un taux d’inflation de 2% à 3%. Toutefois, le principal objectif des banques centrales des trois zones Franc est de lutter contre l'inflation avec des outils adaptés dans une zone où les facteurs réels dominants sont: les aléas climatiques impactant les pays encore très tributaires de l'agriculture, l’augmentation de prix de l'énergie (notamment le pétrole) et l'inflation importée de la zone euro. Malgré ces facteurs, ils maintiennent l'objectif de 3% tout en essayant de soutenir l'activité économique locale.

L'explication immédiate de la surévaluation de la monnaie

Un défi commun à toutes les zones monétaires est la convergence de ses économies. Dans la zone euro, cette convergence est encore un processus lent et continu marqué par la compétitivité divergente, les tendances du marché du travail et les balances commerciales extérieurs [i]. Dans la zone franc, quelques groupes de pays émergent. Les économies de la CEMAC connaissent des excédents commerciaux grâce aux exportations de pétrole. Cette similitude des structures de production permet une convergence du commerce extérieur de membres de la CEMAC, mesurée par l'écart-type de leurs comptes courants pondérés par leur PIB réel. [ii]Dans l'UEMOA, la Côte d'Ivoire (la plus grande économie) affiche un important excédent commercial tandis que d'autres pays connaissent des déficits, comme le Sénégal qui est souvent considéré comme une autre puissance économique de l'UEMOA.

Les critiques faites estiment que le niveau élevé de l'euro par rapport au dollar américain est responsable de la surévaluation du franc CFA, ce qui pénalise la compétitivité en matière d’exportations de la zone. La question est de savoir si cette perte de compétitivité est tout simplement due à la valeur du Franc CFA ou si d'autres facteurs responsables peuvent être identifiés.

Des économies peu diversifiées et très exposées à la concurrence internationale

La compétitivité globale de l'UEMOA, mesurée par le taux de change effectif réel, s’est détériorée de 2002 à 2011 d'environ 5 % selon la BCEAO. En 2012, elle s’est améliorée avec une baisse de 3% du taux de change effectif réel et une inflation plus faible que ses partenaires. Les pays de l'UEMOA sont principalement exportateurs de matières premières. Entre 2000 et 2004, le pétrole, le coton, le cacao, l'or et les métaux précieux ont représenté 50% des exportations et 60% de 2005 à 2011. En 2012, ces pays ont enregistré une augmentation du taux d'exportation grâce au dynamisme des industries extractives, à l'exception du Sénégal et de la Guinée-Bissau qui ont  perdu respectivement 0,2% et 1,4% en 2012 par rapport à 2011. La zone dans son ensemble a atteint 2,1% de croissance sur la de 2002 à 2011 et une croissance supplémentaire de 1,1% en 2012. D'autre part, le taux de pénétration des entreprises étrangères a progressé de 1,2% entre 2001 et 2011 et de 3,8% de 2011 à 2012 ; ce qui s’est traduit par une diminution de la part de marché des entreprises nationales et donc une perte nette de compétitivité. A l’échelle des pays, les taux de pénétration étrangère ont augmenté de 11,3% au Burkina Faso entre 2001 à 2011, de 14,7% au Niger et de 8,7% au Togo [iii]. En outre, les importations concernent généralement les produits finis et de consommation à forte valeur ajoutée. Les déficits des pays, considérés individuellement, suggèrent que les importations sont supérieures aux gains de compétitivité.

Des coûts de production élevés et un climat d’affaires défavorable

De 2001 à 2011, l'augmentation constante des prix du pétrole à l’échelle mondiale a fortement défavorisé les producteurs locaux. Cela a provoqué une augmentation généralisée des prix des produits pétroliers au sein de l'UEMOA et donc une croissance cumulée du prix de l'énergie de 33,4% en Côte d'Ivoire et de 91,5% au Sénégal sur la même période. Les prix les plus faibles ont été relevés au Bénin. La différence de prix entre les pays est  principalement due  aux niveaux d'imposition différents. L'électricité et les coûts de transport ont également augmenté. Le mazout, utilisé comme produit intermédiaire dans la production d'électricité thermique, a conduit à une augmentation moyenne approximative du coût de l'électricité de 100 FCFA.

Les coûts de main d’œuvre et de financement ont aussi beaucoup augmenté, sauf en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Les salaires interprofessionnels minimum ont atteint 26,5% au Bénin, 50% au Niger et même 103,5 % au Niger. Les coûts de production élevés ont fortement dégradé la compétitivité des entreprises locales.

Le climat des affaires devient défavorable à ces coûts plus élevés. Le classement « Doing Business »  de la Banque mondiale sur l’année 2014, qui se fonde sur la facilité de la pratique d’affaires dans un pays, a émis un jugement sévère à l’égard de l'UEMOA et la zone franc en général. Parmi ces pays, le Burkina Faso est classé à la 154è place, juste avant Mali (155è) et le Togo (157è). La Côte d'Ivoire, le champion régional d'exportation, n’occupe que la 167è place et le Sénégal la 178è. La République Centrafricaine et le Tchad viennent en dernier, respectivement 188è et 189è.

Quelles politiques pour l'avenir? La rigueur budgétaire, la diversification économique et … le fédéralisme?

La compétitivité pourrait être rétablie par des mesures de restriction budgétaire visant à minimiser les situations de double déficit dans le long terme. Cela peut être difficile à  concilier avec les impératifs de développement économique et peut générer un coût pour le transport ainsi que l'investissement privé dans les pays qui ont financé les ajustements structurels dans le passé. Plus de réformes au niveau régional seront nécessaires pour assurer la convergence des économies. Comme mentionné précédemment, à l’image de la zone euro, l'UEMOA est loin d'être une zone monétaire optimale en raison de son exposition aux chocs idiosyncrasiques et la faible mobilité du capital et du travail. La BCEAO a certes décidé de réduire les coûts de transaction bancaire dans toute la zone mais le fédéralisme n’est certainement pas entamé. L'UEMOA a entrepris un certain nombre d'initiatives en faveur d'une plus grande intégration du marché du travail, des produits agricoles et manufacturés, de l'énergie et des produits pétroliers, mais au final, les décisions sont toujours prises au niveau national perpétuant ainsi une segmentation intra-zone qui limite la compétitivité des entreprises locales et retarde la convergence des pays. Toutefois, le démantèlement des barrières commerciales, en particulier non-tarifaires, permettrait d'améliorer l'efficacité des investissements ainsi que la circulation des talents, des connaissances et des biens. Cette intégration, associée à des efforts pour l’élargissement de  la base d'imposition (la recommandation du FMI pour l'UE s’applique également à l'UEMOA), pourrait fournir aux institutions politiques et économiques locales davantage de moyens pour, enfin, stimuler l'émergence d'un milieu industriel commun réel et diversifier leurs économies afin d'améliorer la résistance aux chocs idiosyncrasiques. Cela semble d'autant plus souhaitable que l'ouverture des économies locales affaiblit les entreprises locales très exposées à la concurrence internationale. Mais il manque encore les capacités nécessaires pour produire des biens d'équipement. Enfin, même si l'ancrage fixe à l'euro reste un facteur important de la stabilité et de la crédibilité étant donné les faiblesses des économies africaines et leurs liens étroits avec  la zone euro, la question de l'abandon de ce régime monétaire peut être soulevée plus sérieusement  dans l'avenir proche, en particulier dans l’optique d'accroître les relations commerciales avec l'Asie et la Chine en particulier.

Traduit par Koriangbè Camara

[i] (OCDE, estimations Coe-Rexecode, D. Ordonez, 2013)

[ii] Lessoua, Albert & Sokic, Alexandre, “Union monétaire et compétitivité comparée : les cas de la zone euro et de la zone CFA”, Bulletin de l’Observatoire des politiques économiques en Europe, 2012

[iii] Rapport sur la compétitivité des économies de l’UEMOA en 2001-2011 et 2012

Des OMD aux ODD : un simple jeu de mots ?

OMD-petite-fille2Ce billet se propose de revenir sur les OMD dont l’échéance est 2015 et de mettre en exergue les ODD qui seront au cœur de l’agenda post 2015.

L’année 2015 devait être une année de référence, l’aboutissement de quinze années de lutte contre la pauvreté avec le soutien des institutions internationales. Si 2015 restera une année de référence, elle constituera aussi un point de départ vers, cette fois-ci, un monde meilleur où les conditions de vie en termes économiques et sociaux seront meilleures. C’est en tout cas l’objectif que s’est fixé la communauté internationale à travers les Objectifs de Développement Durable (ODD) qui prendront le relais des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et qui constituent le point focal de l’agenda post 2015.

Au début des années 2000, la Communauté Internationale avait adopté les OMD, réparti en 8 objectifs à atteindre au plus tard en 2015 : (i) Éliminer l’extrême pauvreté et la faim, (ii) Assurer l’éducation primaire pour tous, (iii) Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, (iv) Réduire la mortalité des enfants, (v) Améliorer la santé maternelle, (vi) Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, (vii) Assurer un environnement durable, (viii) Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Bilan des OMD : des objectifs trop ambitieux ?!

Près de 15 ans après le lancement des OMD, le bilan reste mitigé. Tous les objectifs n’ont pas été atteints et ceux pour lesquels c’est le cas au niveau mondial, il subsiste des disparités, parfois énormes, entre les régions.

Si le premier objectif des OMD, qui est la réduction de l’extrême pauvreté de moitié dans le monde entre 1990 et 2015, a été atteint (36% en 1990 contre 18% en 2010), en Afrique Subsaharienne, la proportion d’individus vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 56% en 1990 à 48% en 2010 alors que cette proportion a largement baissé de 45% à 14% sur la même période en Asie du Sud Est, selon le PNUD (2014).

Concernant l’éducation primaire pour tous, le taux brut de scolarisation est passé de 52% à 78% entre 1990 et 2012 en Afrique Subsaharienne alors que dans le monde en développement en général, ce taux est passé de 80% à 90% sur la même période. La bataille pour donner avant 2015 à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens de terminer un cycle complet d’études primaires n’est pas encore gagnée. En 1990, en Asie du Sud, seulement 74 filles étaient inscrites à l’école primaire pour 100 garçons. Fin 2012, les taux de scolarisation étaient les mêmes pour les filles et les garçons.  En Afrique subsaharienne, en Océanie et en Asie de l’Ouest, les filles sont toujours confrontées à des obstacles aussi bien pour l’entrée dans l’enseignement primaire que secondaire. Les disparités sont donc persistantes contrairement à la cible qui était d’éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire dès 2005 si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard. Pourtant, le statut des femmes occupant un emploi salarié non agricole est en augmentation, 23% à 33% en Afrique Subsaharienne entre 1990 et 2012, 38% à 44% en Amérique latine et Caraïbes sur la même période. En janvier 2014, 46 pays se targuaient d’avoir plus de 30 % de femmes parlementaires dans au moins une des chambres des représentants.

La mortalité infantile quant à elle est passée de 177 à 98 décès pour 1000 naissances vivantes entre 1990 et 2012. Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était la cible de cet objectif et seules l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Est y sont parvenues entre 1990 et 2012. Les décès maternels ont diminué, passant de 990 à 510 décès pour 100 000 naissances vivantes de femmes dont l’âge est compris entre 15 et 49 ans. Ce chiffre est passé de 380 à 210 dans le monde entre 1990 et 2013 alors que la cible était une réduction de trois quarts de décès maternels. Entre 2001 et 2012, le taux d’incidence du VIH  (nombre estimé de nouvelles infections par an pour 100 personnes âgées de 15 à 49 ans) reste élevé en Afrique Australe même s’il est passé de 1,98 à 1,02 alors qu’il est de 0,03 en Amérique Latine et de 0.01 en Afrique du Nord sur la même période alors que l’objectif était d’enrayer et commencer à inverser la propagation du VIH/SIDA.

La dégradation de l’environnement se poursuit dans le monde : 13 millions d’hectares de forêts ont disparu, la faute aux ravages naturels, à l’urbanisation et à l’expansion de l’agriculture à grande échelle. Les émissions mondiales de CO2 ont atteint 32,2 milliards de tonnes métriques en 2011, soit une augmentation de 48,9% par rapport à leur niveau en 1990. Dans le même temps, la consommation mondiale de substances appauvrissant la couche d’ozone a diminué de plus de 98% entre 1986 et 2013.

Enfin, l’aide publique au développement s’est élevée à 134,8 milliards de dollars en 2013, son niveau le plus élevé jamais enregistré, après deux années de baisse des montants. Toutefois, l’aide va de moins en moins aux pays les plus pauvres. Ainsi ces dernières années, près d’un tiers du flux de l’aide totale des donateurs était destiné aux pays les moins avancés (PMA). En 2012, l’aide des donateurs du Comité d’Aide au Développement (CAD) aux PMA se montait à 0,09 % de leur revenu national brut cumulé, son ratio le plus bas depuis 2008. L’aide bilatérale nette à l’Afrique (où se trouvent 34 des 48 PMA) a baissé de 5,6% en 2013, passant à 28,9 milliards en termes réels.

Pour autant, la Communauté Internationale ne s’avoue pas vaincu et reste déterminé à faire mieux. Pour ce faire, elle propose une nouvelle palette d’objectifs, sous le nom d’Objectifs de Développement Durable (ODD) pour remplacer les OMD afin de lutter contre la pauvreté et les inégalités et réduire les disparités entre les pays développés et les pays en développement.

Les Objectifs de Développement Durable: quelles différences par rapport aux OMD ?

La première différence notable entre les OMD et les ODD est le nombre d’objectifs. En effet, on passe de 8 objectifs avec les OMD à 17 objectifs avec les ODD décrits comme suit :

  1. Mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes et partout
  2. Mettre fin à la faim, assurer la sécurité alimentaire et une nutrition adéquate à tous et promouvoir l’agriculture durable
  3. Atteindre une vie saine pour tous à tous les âges
  4. Fournir un enseignement de qualité équitable et inclusif et des opportunités de formation tout au long de la vie
  5. Parvenir à l’égalité des sexes, autonomiser les femmes et les filles partout
  6. Assurer l’eau et l’assainissement pour tous pour un monde durable
  7. Assurer l’accès à des services énergétiques pour tous, modernes, abordables, durables et fiables
  8. Promouvoir une croissance économique inclusive et soutenable et le travail décent pour tous
  9. Promouvoir une industrialisation soutenable
  10. Réduire les inégalités entre et à l’intérieur des pays
  11. Construire des villes et établissements humains inclusifs, sûrs et soutenables
  12. Promouvoir des modes de consommation et de production soutenables
  13. Promouvoir des actions à tous les niveaux pour lutter contre le changement climatique
  14. Parvenir à une conservation et un usage soutenable des ressources marines, des océans et des mers
  15. Protéger et restaurer les écosystèmes terrestres et mettre fin à toute perte de biodiversité
  16. Parvenir à des sociétés, des systèmes juridiques, des institutions efficaces, en paix et inclusives
  17. Renforcer et améliorer les moyens de mise en œuvre et le partenariat mondial pour le développement soutenable.

Les ODD sont très ambitieux comme objectifs et se différencient des OMD par l’intégration pleine et entière des trois volets (social, économique et environnemental) du développement durable. Ensuite, la mise en place d’autres indicateurs que le PIB pour mesurer correctement le bien-être et les progrès humains, l’élimination des inégalités et l’accent sur une gouvernance efficace ont été identifiés au nombre des priorités clés des ODD. Et cette fois-ci, les objectifs sont universellement applicables à tous les pays. Leur adoption est prévue en 2015 durant l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Quelles implications pour lAfrique ?

L’Afrique reste à ce jour le continent le plus pauvre de la planète. Les défis à relever en matière de développement restent de premier plan. Le bilan des OMD a, certes, montré que des progrès ont été réalisés entre 1990 et 2015 mais l’écart avec les autres régions du monde est très grand. Les ODD tout comme les OMD se focalisent sur les questions de pauvreté, de santé, d’éducation, d’inégalités entre pays et d’environnement.

Si les pays développés prévoient de continuer d’aider les pays en développement, notamment africains, avec les ODD au travers de l’APD, il faut que ces derniers s’approprient le discours sur leur développement et oeuvrent dans ce sens. Ce qui implique pour les pays africains qu’en plus de l’assistance de la communauté internationale, il faut faudra fournir un gros effort au niveau des pays. Ainsi, des programmes ambitieux en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures et d’emplois doivent être élaborés avec des plans de financement cohérents et soutenables sur le long terme. L’amélioration de la sécurité, de la gouvernance politique et économique, l’optimisation du système fiscal afin que les pays puissent dégager plus de ressources internes sont autant d’aspect à prioriser également sur le continent Africain.

Koffi Zougbédè

Référence :

Rapport 2014 du PNUD sur les objectifs du millénaire pour le développement

Afrique : entre espoir et inquiétudes

Private-Equitys-Perception-of-AfricaTout le monde s’accorde à dire que l’Afrique bouge. Si les chiffres concernant l’activité économique nous donnent de l’espoir, le constat sur le terrain procure parfois des inquiétudes sur la situation en Afrique. Le continent suscite aujourd’hui l’engouement d’investisseurs et de pays étrangers notamment les émergents du fait de son potentiel tant décrié, qui est entrain de se mettre en valeur. Certes, les changements ne se font systématiquement, cependant ils génèrent des opportunités qui intéressent ses partenaires. Mais cette prospérité économique contraste avec une situation politique et sécuritaire instable et des institutions à améliorer. Cet article se propose de revenir sur certains défis auxquels doit faire face le continent africain.

Un continent en pleine mutation…

L’Afrique a entamé sa transformation. Le dernier rapport en date de Décembre 2013 rédigé par Hubert Védrine concernant un partenariat pour l’avenir entre la France et l’Afrique en dit long sur l’état actuel du continent africain. L’activité économique continue d’y être soutenue. Déjà en 2013, le taux de croissance de l’économie devrait se situer à 5% et le FMI prévoit pour 2014, une croissance de 6%. Cette croissance est tirée par les exportations de pétrole, de gaz naturel et des ressources minières dont les prix ont augmenté sur les dernières années. La croissance provient aussi des activités agricoles et des activités commerciales et de transformation qu’elles génèrent. A cela, il faut également ajouter l’accroissement des investissements qui ont contribué à la croissance réelle à hauteur de 2,2% en 2013[1] et devraient se poursuivre en 2014, notamment dans les infrastructures publiques qui contribuent au développement du secteur du BTP. Dans le même temps, une classe moyenne est entrain d’émerger en Afrique[2]. Elle contribue à soutenir la demande intérieure entrainant dans son sciage le secteur des services. Cependant, le tableau n’est pas totalement rose et beaucoup d’Etats Africains restent encore fragiles. Et si rien n’est fait, le continent risque de faire des pas en arrière.

…mais encore beaucoup de réformes à réaliser !

L’Afrique s’en est relativement bien sortie durant la crise mais quand on constate que les émergents commencent à s’essouffler, il est clair que la croissance ne durera pas indéfiniment et des périodes de dépression sont à anticiper. Il est donc impératif que les Etats Africains créent le cadre nécessaire pour soutenir et faire durer la croissance et développer les outils pour amortir les chocs qui pourraient toucher  leurs économies dans les années à venir. L’assainissement des finances publiques et l’efficacité des régies financières sont indispensables  pour dégager plus de ressources internes. Les pays d’Afrique Subsaharienne aujourd’hui, mobilisent moins de 17% de leur PIB en revenus fiscaux d’après l’OCDE[3]. La faute en partie à un secteur informel important difficile à cerner et aussi à une mauvaise collecte des impôts. L’Afrique du Sud par exemple a vu son déficit se réduire sur la période 1994-2002 grâce en partie à une amélioration de la collecte des impôts. Les pays africains tirent pour la plupart leurs ressources des exportations énergétiques ou minières. Certes le Nigéria et l’Angola ont créé en 2012 des fonds souverains pour faire profiter les autres secteurs de la manne pétrolière afin qu’ils puissent garder leurs compétitivités mais ce n’est pas le cas dans les autres pays.

En plus de la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance, des réformes déjà en cours comme celle de la fonction publique en vue la rendre plus efficiente, de la justice pour rassurer leurs citoyens ainsi que les investisseurs étrangers, il faut penser aussi à protéger les plus fragiles avec des systèmes de sécurité sociale adaptés aux réalités africaines. L’amélioration de l’offre de santé et d’éducation doit continuer afin de garantir l’accumulation du capital humain nécessaire au développement du continent.

Les chiffres, qui rendent comptent de l’évolution du continent et qui sont à la base de la planification et des décisions prises par les gouvernants se doivent d’être fiables pour entrainer des actions efficaces en vue d’améliorer le bien-être des populations. Ce qui ramène à un plaidoyer en faveur des Instituts Nationaux de Statistique (INS) qui sont encore marginalisés dans le monde en développement et notamment en Afrique alors qu’ils ont un rôle primordial à jouer dans la lutte contre la pauvreté et l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement. L’intégration régionale fait son chemin mais on est encore loin du fédéralisme souhaité.

Une meilleure redistribution pour  vaincre les instabilités politiques et les tensions sociales ?

« Dans le monde en développement en général, chaque point de croissance entraîne une réduction de 2 % de la pauvreté. En Afrique, ce chiffre tombe à 0,7 % » disait Francisco Ferreira, directeur du pôle recherche économique pour l’Afrique subsaharienne de la Banque Mondiale dans un entretien accordé à Jeune Afrique Economie. En clair, la pauvreté a augmenté en Afrique. Ce qui pose encore et toujours l’éternel problème de la redistribution des fruits de la croissance. Le Magazine Hebdomadaire britannique The Economist dans une publication datant du 23 Décembre 2013 et titré « Social unrest  in 2014 » faisait la liste des pays susceptibles de risques des tensions sociales en 2014 avec des degrés de risque différents. Et on pouvait y trouver 17 pays africains menacés de hauts risques de tensions sociales dont le Nigéria et l’Afrique du Sud bien qu’étant de grandes puissances économiques du continent.

Ces tensions tirent leurs origines le plus souvent de la hausse des prix des produits de première nécessité, la perte du pouvoir d’achat des ménages et surtout de la hausse du chômage. Le chômage structurel est toujours d’actualité en Afrique et touche de plus en plus les jeunes (60% des chômeurs africains sont des jeunes selon la Banque Mondiale), qui se sentent délaisser par les pouvoirs publics. En plus de tensions sociales, les conflits armés sont encore récurrents dans les pays du continent sous fond de frustration de certaines régions ou groupes ethniques du fait qu’ils ne bénéficient pas ou presque des richesses de leurs pays. Des conflits qui retardent l’avancée des pays, freinent l’intégration régionale et fragilisent l’activité économique sur le continent. La situation sécuritaire est, en effet, toujours au cœur des préoccupations et demande un effort important de la part des pays africains mais également des institutions panafricaines qui peinent à réagir efficacement en cas de crises. Preuve en est la déclaration de François Hollande, Président de la République Française au dernier sommet France-Afrique de Décembre 2013 à Paris : «L’Afrique doit maîtriser pleinement son destin et pour y parvenir assurer pleinement par elle-même sa sécurité» au moment où la France est encore une fois à l’œuvre pour ramener la sécurité sur le continent notamment au Mali et en République Centrafricaine.

L’Afrique a un bel avenir devant elle car malgré tous les problèmes qu’elle connait, elle arrive tout de même à réaliser de belles performances macroéconomiques. Ce qui fait penser que si elle arrive à faire face à tous ces challenges évoqués ci-dessus, l’activité serait encore plus dynamique pour le plus grand bonheur des populations africaines.

Koffi ZOUGBEDE

 

 


[1] Banque de France, La lettre de la Zone France, n°2 Décembre 2013

 

 

[2] L’émergence d’une classe moyenne en Afrique, http://blogs.worldbank.org/futuredevelopment/fr/l-mergence-dune-classe-moyenne-en-afrique

 

 

[3] Measuring OECD Responses to Illicit Financial Flows from Developing Countries

 

 

Afrique-France : une nouvelle ère de coopération

186545137Dans un contexte économique mondial marqué par une reprise difficile, la France n’est pas épargnée et fait face à un chômage qui peine à baisser (10,5% au troisième trimestre de 2013, son plus haut niveau depuis 1997) et surtout une perte de compétitivité de ses entreprises (191 usines ont fermé sur les neuf premiers mois de 2013 selon Trendeo[1])  subissant une appréciation de l’euro par rapport au dollar et un coût du travail assez élevé. « La France doit appeler de ses vœux et soutenir la croissance africaine. C’est ainsi qu’elle fortifiera sa place en Afrique et y trouvera le relais de croissance dont elle a besoin. » peut-on lire à la page 2 du Rapport « Afrique France : un partenariat pour l’avenir » réalisé par Hubert Vedrine, ancien ministre des Affaires étrangères en France, le banquier d’affaires franco-béninois Lionel Zinsou et le dirigeant d’entreprise franco-ivoirien Tidjane Thiam à la demande du Ministre de l’économie et des finances Français. L’heure est donc à la réaction pour se relever rapidement et le salut pourrait venir de : l’Afrique !

Ce qu’on sait déjà !

Le rapport estime que « Plus de cinquante ans après les premières indépendances, les relations de la France avec l’Afrique subsaharienne ne sont pas exemptes du poids de l’histoire, et ce malgré les appels répétés au renouveau y compris au plan européen : l’opinion publique française perçoit encore assez largement l’Afrique comme le continent de la pauvreté et des guerres, et qu’il convient d’aider. L’administration française ne semble pas avoir encore pleinement intégré la transformation du continent africain »

Heureusement, d’autres pays ont constaté que l’Afrique subsaharienne dispose aujourd’hui d’une conjoncture et d’un potentiel économiques exceptionnels qui devraient faire d’elle un pôle majeur de l’économie mondiale grâce notamment à ses ressources naturelles et ses richesses minières. Si par le passé, une grande partie de l’Afrique était sa chasse gardée, la France est entrain de perdre du terrain ou du moins d’autres pays notamment la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Turquie sont entrain de lui faire de l’ombre en Afrique. En effet, la part de marché de la France en Afrique Subsaharienne a décliné de 10,1% à 4,7% entre 2000 et 2011, alors que la part de marché de la Chine y est passée de moins de 2% en 1990 à plus de 16% en 2011, chiffrent qui résument l’ampleur du déclin.

Comment la France compte relever la pente en Afrique ?

La France qui entretient des liens forts avec l’Afrique de par son statut d’ancienne métropole, les fortes communautés africaines en France et les nombreux français résidents en Afrique, sa prépondérance dans les institutions africaine notamment la Zone Franc ou encore la BAD, ne veut pas s’avouer vaincu et compte se repositionner en Afrique. Pour ce faire, elle doit innover dans son approche et renouveler ses relations avec l’Afrique : « La France doit modifier les fondements de sa relation économique avec l’Afrique : l’État français doit mettre au cœur de sa politique économique le soutien à la relation d’affaires du secteur privé et assumer pleinement l’existence de ses intérêts sur le continent africain » comme préconisé par le rapport ainsi qu’une meilleure concertation entre l’Etat français et ses entreprises afin de mieux saisir les opportunités en Afrique en fonction des besoins africains.

Ainsi, 15 propositions ont été faites en vue de replacer la France sur le continent africain qui est au cœur d’une guerre économique où s’affrontent la France, les pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Turquie) ainsi que les Etats-Unis et d’autres encore sous fond de ressources naturelles, minières et énergétiques mais également de recherche de débouchés. Elles se présentent comme suit :

1 – poursuivre et amplifier les mesures révisant la politique française de visas économiques afin de faciliter la circulation des acteurs économiques entre la France et l’Afrique ;

2 – relancer la formation du capital humain, la coopération universitaire et de recherche, les échanges intellectuels et les orienter vers le développement ;

3 – soutenir le financement des infrastructures en Afrique ;

4 – réduire le coût de mobilisation des capitaux privés et des primes de risques appliquées à l’Afrique ;

5 – contribuer au renforcement des capacités de financement de l’économie africaine ;

6 – augmenter les capacités d’intervention de l’union européenne en faveur de l’Afrique ;

7 – susciter des alliances industrielles franco-africaines dans des secteurs clés pour les économies française et africaine ;

8 – promouvoir l’économie responsable et l’engagement sociétal des entreprises ;

9 – accompagner l’intégration régionale de l’Afrique ;

10 – renforcer l’influence de la France en Afrique ;

11 – réinvestir au plus vite la présence économique extérieure française en Afrique ;

12 – intensifier le dialogue économique entre l’Afrique et la France ;

13 – favoriser l’investissement des entreprises françaises en Afrique ;

14 – faire de la France un espace d’accueil favorable aux investissements financiers, industriels, commerciaux et culturels africains ;

15 – créer une fondation publique-privée franco-africaine qui sera le catalyseur du renouveau de la relation économique entre la France et l’Afrique.

Ces propositions comme on peut le constater font la part belle aux intérêts français laissant penser que finalement ce serait plus un changement plus dans la forme que dans le fond.

Et l’Afrique dans tout cela ?

L’Afrique ne sera un bon partenaire pour la France dans sa quête de renouveau que si elle continue sur sa lancée actuelle. En effet, si la France est à la recherche d’un second souffle pour repartir de l’avant, l’Afrique elle, continue sa marche en avant avec des transformations économiques et sociales flagrantes même si les inégalités persistent et qu’elle doit faire face aux défis perpétuels de la lutte contre la pauvreté, de la lutte contre la corruption et de la promotion de la bonne gouvernance.

Le rapport insiste sur la formation du capital humain, les dotations en infrastructures et l’accélération de l’intégration régionale. Sur ce dernier point, il s’agira de se rapprocher du Nigeria en passant par un élargissement de la Zone CFA aux pays limitrophes notamment le Liberia, la Sierra Leone et surtout le Ghana comme moteur de cet élargissement sous fond d’échanges commerciaux et de la levée de la barrière linguistique. Et c’est seulement quand ce nouvel espace économique verra le jour que le nom de « Zone Franc » pourrait disparaitre avec une possibilité de faire flotter la monnaie par rapport à l’euro.

Un autre défi du continent, est la sécurité. Elle est primordiale pour les investisseurs et pour les réformes en cours sur le continent. La sécurité était au cœur du sommet France-Afrique qui se déroulait du 06-07 Décembre 2013, au lendemain donc de la publication du  Rapport « Afrique France : un partenariat pour l’avenir » dans un contexte marqué par une présence militaire française en Afrique notamment en Côte d’Ivoire, au Mali et plus récemment en République Centrafricaine. Car s’il y a une volonté de plus en plus affiché des deux parties de mettre fin à ce qu’on appelle « la France-Afrique », la difficulté des Africains à gérer les crises et à mettre fin aux conflits armés amène la France à jouer le rôle de gendarme pour des raisons humanitaires et surtout pour protéger ses intérêts économiques.

Après tout, « Il n’y a pas d’amitié entre les peuples. Il n’y a que des intérêts. » comme disait le Général De Gaulle. C’est sans doute lui qui était le plus lucide.

 

Koffi ZOUGBEDE


[1] Trendeo : Observatoire de l’emploi et de l’investissement

 

 

 

WAAPP : Aider les agriculteurs et redonner du souffle à l’intégration régionale ouest-africaine !

57522021L’Afrique Subsaharienne continue d’afficher des performances macroéconomiques intéressantes avec une croissance économique réelle 4,9% en 2012 (FMI) malgré la récession qui frappe actuellement l’économie mondiale. Cependant, le niveau de vie demeure encore assez faible. En effet,  le PIB/habitant y est le plus faible dans le monde même s’il a augmenté de 3,9% en 2012 pour se situer à 2365,9 Dollars US (PPA internationaux courants).

Les ressources extractives et minières, les services ainsi que l’agriculture comptent parmi les moteurs de cette croissance économique. Cette dernière a contribué à hauteur de 12% du PIB de l’Afrique Subsaharienne en 2012 et se pratique notamment dans les zones rurales qui concentrent près de 63,2% de la population. Seulement 43,8% des terres arables  sont destinées à la pratique de l’agriculture (Banque Mondiale, WDI 2012). Les conditions de vie des populations rurales en Afrique Subsaharienne ne sont pas les meilleures. Il faut dire que l’agriculture en Afrique est encore rudimentaire et loin du niveau technologique observé en occident. Ce qui limite les performances de ce secteur. A cela, il faut ajouter les facteurs climatiques comme les inondations, la sécheresse, une pluviométrie capricieuse et des sols parfois surexploités et un déficit en matière de techniques culturales modernes.

Décidés à ne pas laisser perdurer cet état de chose, les Etats ouest africains ont pris l’initiative de soutenir le secteur en mettant en œuvre une réponse à l’échelle régionale en vue de rendre l’agriculture plus productive et pérenne en Afrique de l’Ouest. A cet effet, un programme conjoint entre les pays de la CEDEAO, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO ou WAAPP-West Africa Agricultural Productivity Program) avec l’appui financier de la Banque Mondiale et d’un coût total de 51 millions de Dollar US, a été mis en place.

Cet  article se propose de présenter et d’analyser les enjeux du  WAAPP à travers ses objectifs et ses composantes. Il met en exergue ses particularités par rapport à d’autres programmes déjà en cours initiés dans la sous-région ouest-africaine en vue de rendre le secteur agricole plus performant.

WAAPP/PPAAO : un prolongement par continuité !

Le WAAPP met l’accent sur les filières prioritaires de la région notamment les racines et tubercules au Ghana, le bétail, le riz au Mali, les céréales au Sénégal, la banane plantain en Côte d’Ivoire, le maïs au Togo, ainsi que fruits et légumes, oléagineux et les principales spéculations d’exportations comme le coton, le café, le cacao. Il vise à contribuer à l’atteinte des objectifs du PDDAA du NEPAD à travers une croissance importante du PNB agricole mais également à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Chaque pays constitue une unité indépendante et sera donc chargé de gérer les activités du programme sur son territoire en fonction des spéculations cultivées dans le pays et entrant dans le cadre du WAAPP avec des bilans périodiques en collaboration avec toutes les institutions partenaires.

Le WAAPP n’est pas la première réponse sous régionale apportée aux problèmes que connait le secteur agricole ouest-africain. On peut évoquer le Cadre stratégique de sécurité alimentaire porté par le CILSS, Programme d’action sous régional de lutte contre la désertification mis en place depuis 1973, la Politique Agricole de  l’UEMOA (PAU) lancée en 2001. En 2005, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de la CEDEAO ont adopté  la politique agricole régionale, l’ECOWAP dans le but de créer un cadre régional de politique agricole et dont les objectifs sont entre autres la sécurité alimentaire, l’intégration des producteurs aux marchés, la création d’emplois garantissant des revenus à même d’améliorer les conditions de vie des populations rurales ainsi que les services en milieu rural, l’intensification durable des systèmes de production ou encore l’adoption de mécanismes de financement appropriés.

Un nouveau souffle pour l’intégration régionale

Si le WAAPP ne diffère pas fondamentalement des projets existant déjà dans la sous-région ouest-africaine en ce qui concerne ses objectifs, c’est plutôt l’approche adoptée et les composantes du WAAPP qui font la différence. En effet, le projet est axé sur quatre composantes à savoir : la création de conditions propices à la coopération régionale en matière de développement et de diffusion de technologies, le développement de Centres Nationaux de Spécialisation (CNS), le financement de la création et l’adoption de technologies axées sur la demande en vue de renforcer et de rendre plus transparents les mécanismes de financement des activités prioritaires de R&D agricole axées sur la demande dans les pays participants et enfin la Coordination, Gestion et Suivi-Evaluation du programme.

Dans le cadre du WAAPP, des filières sont considérées comme prioritaires au niveau de chaque pays dans le but de mettre sur pied des Centres Nationaux de Spécialisation. Mais l’étude des autres filières n’est pas pour autant négligée. Par la suite, les résultats obtenus, concernant les filières non prioritaires dans chaque pays, seront diffusés et partagés avec les autres centres nationaux. Ceci dans le but de favoriser une circulation de l’information et une meilleure coopération au niveau sous régional.

Cet aspect du programme vise à pallier au manque de collaboration constatée entre les chercheurs, les services d’appui-conseils et universitaires, afin de leur permettre de travailler en partenariat avec les producteurs agricoles, le secteur privé et la société civile ; ceci en vue de mieux répondre aux besoins et aux opportunités d’innovation dans le secteur. La réhabilitation des équipements essentiels des CNS retenus,  le renforcement des capacités des chercheurs, l’Appui des programmes de R&D des CNS sont également au programme. A cela, il faut ajouter, une accélération du processus de mise en place d’un cadre commun des règles et législations sur les semences et les pesticides, la mise en place d’un cadre commun en matière de Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) et autres comme les droits des paysans et l’Indication Géographique (IG) ainsi que la révision des procédures nationales afin de les aligner aux directives régionales.

L’approche retenue pour le WAAPP se base donc d’une part, sur l’intégration et l’harmonisation des politiques agricoles nationales et d’autre part, sur l’établissement de liens étroits entre la recherche, la vulgarisation, les producteurs et les opérateurs privés.

 Une aubaine pour les agriculteurs et les filières ciblées

Les agriculteurs sont les premiers bénéficiaires de ce programme. En effet, il sera établi un diagnostic sur les performances des exploitations agricoles et des filières retenues sur la base d’indicateurs bien précis qui seront calculés comme le rendement, la production agricole, les superficies emblavées ainsi que le revenu moyen des ménages, le type de financement des exploitations agricoles. Ensuite seront mise en place, des actions bien ciblées afin de mieux accompagner les exploitants agricoles dans leurs activités de production en mettant à leur disposition plus de moyens techniques et financiers, ce qui leur permettra d’améliorer leur productivité et leur compétitivité ainsi que leurs revenus et leurs conditions de vie. En effet, dans un contexte international instable marquée par l’insécurité alimentaire, la volatilité des prix, la récession et la baisse de la demande de certains produits comme le coton, les aléas climatiques, les agriculteurs sont de plus en plus tournés vers les cultures pouvant leur assurer des revenus réguliers comme l’hévéa, dont la saignée peut se faire durant toute l’année aux détriments de la culture du cacao dont la récolte est ponctuelle. Ce projet est donc salutaire pour peu qu’il puisse redynamiser le secteur agricole ouest-africain. Il faut dire que l’agriculture est l’un des principaux moyens de subsistance dans la région ouest-africaine, employant 60% de la population active d’après l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI).

Le WAAPP en mettant l’accent sur la recherche, apporte un plus et  offre de nouvelles perspectives au secteur agricole ouest-africain. Cependant, il montre que l’intégration régionale totale a encore du chemin devant lui et se trouve confronter à un manque de coordination apparent et un fédéralisme encore poussif conjugué à un paysage institutionnel dense marqué par une multiplication de programmes et de propositions de politiques, dont la cohérence et l’efficacité globales sont limitées. Ce qui suppose que le WAAPP, ainsi que les autres programmes ne seront efficaces que s’il y a une meilleure collaboration entre les Etats et moins de barrières à l’application des réglementations sous régionales.

Koffi ZOUGBEDE