Les nouveaux agriculteurs : Anturia Mihidjai, la femme qui change la vision de l’agriculture aux Comores

nutrizone-agriculture-anturiamL’agriculture est, avec la pêche, le pilier de l’économie dans l’archipel des Comores. Mais elle est de loin la plus plébiscitée. La société lui préfère les emplois de bureau, les hauts postes politiques, et les fonctions culturelles, plus prestigieux en surface que les métiers de la terre. Pourtant, la donne est en train de changer. Entretien avec Anturia Mihidjai, fondatrice de Nutrizone Foods, qui instaure le changement avec une démarche innovante : valoriser les ressources alimentaires locales.  

Pouvez-vous nous présenter Nutrizone Foods ?

J’ai créé Nutrizone Foods vers fin 2014, dans le but de valoriser les produits alimentaires locaux et d’encourager leur consommation par la population a travers la transformation agroalimentaire.

Comment vous est venue l’idée d’entreprendre ?

L’idée de créer une entreprise m’a habitée depuis mes études universitaires au Kenya. L’environnement entrepreneurial Kenyan m’a vraiment impressionné par son dynamisme. J’ai su, durant mes études, que l’entrepreneuriat était ce que je voulais. De  retour au pays en 2012, je me suis dit que l’agriculture était mon domaine : elle me permettait de commencer avec un capital minimal. Je suis partie avec un avantage non négligeable : celui d’être issue d’une famille d’agriculteurs.

Quelles difficultés avez-vous surmonté pour réaliser ce projet ?

Je n’avais pas fait d’études commerciales : je suis infirmière et prothésiste dentaire. Cela a occasionné quelques doutes. D’autre part, il me fallait convaincre ma famille, ce qui n’était pas simple : culturellement, l’agriculture est vue comme un métier dégradant, « sale », aux Comores. Il était impensable qu’ayant fait mes études à l’université, je décide de m’investir dans une telle activité. Mais à présent, mon entourage l’accepte.

L’autre difficulté est liée à la pénétration du marché, l’environnement entrepreneurial aux Compres étant un peu plus compliqué qu’ailleurs pour un concept nouveau comme le mien. Ce n’est qu’après avoir présenté le projet devant un concours entrepreneurial national en 2013, au cours duquel j’ai été sélectionnée, que j’ai compris que je pouvais bien faire quelque chose.  J’ai commencé a m’impliquer, et à chercher des opportunités de formation.

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Farine de sagou, par Nutrizone Foods.

Et l’environnement entrepreneurial du continent africain, était-il plus favorable ?  

En 2014, j’ai été selectionnée par le Programme Young African Leaders Initiative (YALI) grâce auquel j’ai beneficié de ma toute première formation en entrepreneuriat et affaires a la Clark Atlanta University. J’avais toute la motivation dont j’avais besoin, et tout mon temps aussi : les six semaines durant lesquelles je m’étais absentée de mon travail d’infirmière de pharmacie pour suivre la formation du YALI m’ont valu la perte de mon emploi ! Je n’avais donc qu’un seul choix : exploiter ma motivation et les 150 euros que j’avais avec moi.

Aujourd'hui, l'agriculture est encore vue comme un métier de "paysan", donc forcément dégradant, peut-être à cause des relations féodales qu'entretenaient les grandes cités avec leurs serfs, à qui était réservée l'activité agricole…

Avant, j'avais la même vision que celle que notre culture entretient envers l’agriculture et la pêche. A l’école, j’avais honte de dire que ma mère payait mes frais de scolarité en produisant et en vendant des tomates et des feuilles de feleke*. Ce projet, c’est un hommage à mes parents et à leur noble métier.

 Je me rendais dans les champs de ma famille, je cueillais les sagous*,  les cassais et les séchais. Puis je payais pour le broyage et j’emballais ma farine dans des sachets à fermeture zip que je me suis procurés durant mon séjour aux Etats Unis.

 Je distribuais gratuitement les échantillons a des amis en échange de leur avis sur la manière dont je pourrais améliorer le produit. Apres plusieurs essais, j’ai fini par y arriver. L’étape la plus difficile fut ensuite de convaincre les supermarchés et autres distributeurs d’accepter de proposer ma farine dans leurs rayons. Le sagou est un produit qui d’habitude ne se vend qu’au marche local et non en rayons, et j’avais de bien faibles compétences en vente. Le premier magasin à accepter mes produits fut le supermarché Mag Market.

Les plus grands soutiens que j'ai eu, ont été mes coachs et mentors, et un financement de la fondation Tony Elumelu.

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Le sagou n'est vendu que sur le marché; local. Le commercialiser (ici, sachet de sagou précuit) contribue à changer la vision d'un métier essentiel.

Comment avez-vous fait face aux barrières culturelles ?

Ce qui m'a aidé à continuer, c’est d’abord l’envie de me prouver à moi-même que je suis capable de changer les choses, notamment dans un contexte où la plupart des jeunes sont convaincus que pour réussir dans la vie, il faut soit vivre à l'extérieur, soit s’impliquer dans la politique et les nombreux travers dont elle souffre.

Ayant vécu au Kenya, j'ai été contaminée, si l’on peut dire, par cette niaque entrepreneuriale. Je ne suis pas près d'accepter que ce projet échoue alors que chez mes amis, dans d'autres pays, ce concept fonctionne.

* Le feleke (ou bredy mafana à Madagascar) est une plante dont les feuilles sont appréciées pour leur goût proche de la menthe, et utilisées en sauce. 

** Le sagou est une fécule du sagoutier, probablement un lointain cousin du palmier, connue pour ses qualités nutritives. 

TIC et agriculture : pour mieux informer et accompagner les agriculteurs !

inclusion_financièreMalgré la montée de l’urbanisation dans certaines villes africaines, l’Afrique pourrait trouver son salut dans l’agriculture. On peut citer le Nigeria qui en réponse à la baisse continue et soutenue des prix des hydrocarbures a décidé de se replier sur l’agriculture afin de maintenir son niveau de croissance économique. Dans le monde, environ 60% des terres cultivables sont non cultivées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, une grande partie de ces terres se trouvent aux États-Unis et en Russie. En revanche, l’Afrique possède aussi beaucoup de terres cultivables non cultivées. Selon McKinsey, l’agriculture ferra partie dans les années à venir des secteurs offrant le plus de perspectives de croissance et de profitabilité. L’industrie agricole pourra s’appuyer sur les NTIC pour accompagner sa croissance et surtout éviter le gaspillage alimentaire.
Le gaspillage alimentaire est, en effet, une grande problématique dans le monde. Cependant, force est de constater que le gaspillage ne se produit pas au même moment dans la chaîne de distribution et varie suivant le pays en question. Le gaspillage a plutôt tendance à se produire pour les pays les moins avancés après la récolte durant la phase de récolte et de transformation contrairement au pays riches et industrialisés pour lesquels le gaspillage se produit durant la phase de consommation par le client final. Pour les PMA (pays les moins avancés), ceci peut s’expliquer par différentes raisons telles que le manque de moyens financiers, d’infrastructures de transport ou de conservation et de communication.

Aujourd’hui avec le développement des NTIC, ces derniers  peuvent apporter une plus-value importante au secteur agricole. Cet article présente   les effets positifs des NTIC sur l’industrie agricole et identifie les conditions à remplir afin que les effets soient ressentis dans toute la chaine de distribution pour limiter le gaspillage alimentaire.

 

Le secteur agricole est dépendant des principaux éléments suivants :

  • Le cheptel : Les agriculteurs doivent s’assurer que le troupeau puisse vivre dans les meilleures conditions (protections contre les maladies, achat de vaccins …) ;
  • La météo : la majorité de l’irrigation des champs en Afrique subsaharienne provient de l’eau de pluie ;
  • Engrais et semences : obtenir les meilleurs produits aux meilleurs prix ;
  • Terre : entretenir la qualité de la terre afin que les récoltes puissent pousser dans des conditions optimales ;
  • Récoltes : s’assurer que les récoltes puissent subvenir aux besoins du village et que le reste puisse être revendu au meilleur prix.

 

La gestion de l’information

L’agriculteur doit donc avoir une bonne connaissance des différents paramètres liés  aux éléments ci-dessus. Et les NTIC peuvent l’aider à y arriver.

Les NTIC ont pour principal but d’accéder et d’échanger  l’information grâce à des supports comme les téléphones portables ou les ordinateurs. Les informations permettent aux agriculteurs d’accéder aux prix du marché des engrais et semences ou du marché des animaux (achat et revente, vaccins). En effet, une grande partie des récoltes sert à nourrir les habitants d’un village et le reste est revendu. Cependant, les agriculteurs n’ayant pas accès aux prix du marchés sont souvent emmenés à revendre leurs récoltes bien en deçà des prix du marché. Grâce aux NTIC, ces derniers pourront s’aligner plus facilement sur les prix du marché.
Les NTIC auront pour principal objectif de connecter les villages au monde extérieur notamment pour les prix du marché ou la connaissance des effets néfastes de certains produits chimiques.

Les effets sur la chaine de distribution

L’efficacité d’une chaine de distribution se mesure par la circulation de l’information. Et ceci peut se faire grâce aux applications mobiles. Ces dernières permettront le rééquilibrage de l’offre et de la demande. 
Un des moyens pour limiter ces gaspillages serait d’informer en continue et en temps réel les acteurs en aval de la chaine de l’évolution des récoltes afin d’écouler les produits dans les délais impartis (durée de vie faible pour certains aliments)., Aujourd’hui, de nombreuses applications ont vu le jour pour aider les paysans. Prenons l’exemple de l’application M-Farm qui a pour principales objectifs d’informer l’agriculteur en temps réel de la météo mais aussi des potentiels acheteurs.  Ce type d’application donne plus de pouvoir aux paysans qui pourront anticiper et mieux contrôler leurs récoltes sur le long terme.

Les conditions nécessaires pour bénéficier des effets des NTIC

Plusieurs conditions doivent être réunies afin que les NTIC soient utilisées à bonne escient.
La couverture réseau fait partie des conditions primordiales. Celle-ci selon sa puissance et sa fréquence permettra de faire circuler l’information.
Ensuite vient la problématique et pas des moindres de l’analphabétisme. La meilleure solution pour lutter contre cela reste la scolarité. Cependant, une alternative s’offre aux développeurs des NTIC pour faire face à cet obstacle. Il s’agit de l’utilisation d’images et pictogrammes. Non seulement l’utilisation des NTIC en sera simplifiée mais elles seront aussi accessible à plus de personnes du fait de l’existence d’une multitude de dialectes. Car il  est commun de retrouver plusieurs dialectes au sein d’un même village. Les solutions informatiques proposées doivent aussi être lisibles dans plusieurs dialectes afin de toucher un maximum de personnes au sein d’un même village mais aussi dans une même région.

L’agriculture restera donc un secteur à privilégier et à soutenir par le pouvoir étatique. Ce secteur reste une valeur sûre sur le long terme grâce aux terres très fertiles ainsi qu’une météo conciliante. Dans le cas où les NTIC sont utilisées à bon escient, celles-ci pourront diminuer le gaspillage alimentaire. Les prochaines étapes pour le secteur agricole seraient d’automatiser la production et de trouver une alternative à l’irrigation des champs par l’eau de pluie. Ces actions permettraient d’accélérer l’industrialisation de secteur agricole. Les NTIC constituent un support essentiel à la croissance de l’agriculture.

 

Issa Kanouté

 

Sources

Partage d’informations

http://www.finyear.com/Les-nouveaux-enjeux-technologiques-de-la-Supply-Chain_a36813.html?platform=hootsuite

Stimuler les rendements agricoles grâce aux TIC

http://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/tic/actualites/stimuler-les-rendements-agricoles-gr-ce-aux-tic.html

Les sols fertiles d’Afrique peuvent-ils nourrir la planète

http://www.nationalgeographic.fr/12418-les-sols-fertiles-afrique-peuvent-ils-nourrir-la-planete-enquete-alimentation/

Paradoxe : Afrique ; région la plus touchée par la faim mais ou il y’a le plus de terres fertiles

"Il est certain qu’il s’agit là d’une vision optimiste de l’avenir. La Thaïlande exporte actuellement davantage de produits agricoles que tous les pays subsahariens réunis,"

Terres africaines exploités par des groupes étrangers. Face à la pression démographique, manque de terres en Chine donc viennent en Afrique pour exporter en Chine

Travailler en collaboration avec grandgroupe qui possède la technologie

MacKinsey y croit toujours

http://www.jeuneafrique.com/mag/358092/economie/mckinsey-y-croit-toujours/

Gaspillage alimentaire

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/16/chaque-annee-1-3-milliard-de-tonnes-de-nourritures-gaspillee_4507636_4355770.html

Ampleur des pertes et gaspillage alimentaires

http://www.fao.org/docrep/016/i2697f/i2697f02.pdf

Les terres cultivables non cultivées dans le monde

http://www.agter.org/bdf/fr/corpus_chemin/fiche-chemin-208.html

Déçu par le pétrole, le Nigeria renoue avec l’agriculture

http://www.jeuneafrique.com/depeches/354558/economie/decu-petrole-nigeria-renoue-lagriculture/

Article teranga : TIC et agriculture: l’innovation au service du secteur primaire

http://terangaweb.com/tic-et-agriculture-linnovation-au-service/

High tech : le top 10 des applications mobiles africaines

http://www.jeuneafrique.com/165339/societe/high-tech-le-top-10-des-applications-mobiles-africaines/

 

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

Comment moderniser l’agriculture africaine ?

agroforesterie-kenya_lightboxEn 2100, l’Afrique devrait compter plus de quatre milliards d’habitants. Une forte pression démographique qui représente autant un défi qu’une opportunité pour les paysans du continent. Il y aura bien sûr de nombreuses bouches à nourrir, mais aussi un marché intérieur en pleine expansion, qui pourra profiter aux agriculteurs s’ils parviennent à moderniser leurs exploitations, avec l’appui de politiques agricoles plus ambitieuses.

On aurait tort de présenter l’agriculture africaine sous le seul angle de l’insécurité alimentaire, comme un secteur souffreteux, incapable de répondre aux besoins du continent. “Les exploitations familiales, qui sont les plus répandues sur le continent, se caractérisent surtout par leur grand hétérogénéité”, témoigne ainsi Jean-Luc François, responsable de la division agriculture et développement rural à l’Agence française de développement (AFD). “Certes il peut y avoir de petites parcelles vivrières faiblement productives et parfois en voie d’appauvrissement, mais il y a aussi de nombreuses success stories, que ce soit dans les exploitations hyper-productives de cacao, d’hévéa ou de coton destinés à l’exportation, ou dans des PME très dynamiques, tournées vers le marché domestique”.

Sur les pages de L’Afrique des Idées, René Ngiriye, un jeune exploitant sénégalais, avait par exemple livré un témoignage passionnant sur un projet entrepreneurial réussi, avec d’un côté une production de tomate destinée aux consommateurs locaux, et de l’autre du melon pour l’exportation.

Tout l’enjeu est ainsi de favoriser le développement de véritables opérateurs économiques agricoles structurés et tournés vers une demande intérieure qui ne cesse de croître. Car faute de mécanisation, les exploitations sont souvent trop petites, de un à deux hectares en moyenne. Et l’agriculture, qui reste le principal employeur du continent, et fait vivre parfois de 60 à 80 % de la population d’un pays, ne parvient toujours pas à faire face à la demande de certains produits comme le riz, le lait ou les oléagineux. Avec l’exemple emblématique des Sénégalais, qui consomment plus d’un million de tonnes de riz chaque année, tandis que la production locale dépasse à peine les 200 mille tonnes.

S’unir pour avoir accès au crédit

La modernisation agricole passe d’abord par le développement de capacités d’investissement, souvent trop faibles, voire inexistantes. L’accès au crédit reste extrêmement difficile pour un paysan africain moyen, qui dans la plupart des cas a peu de fonds propres. Rares sont les banques, structures de micro-crédit comprises, à s’aventurer dans un secteur soumis aux aléas climatiques et dont les taux de rentabilité sont somme toute assez réduits. Il ne faudra pas non plus compter sur un système de subvention ou de financement public direct dans des États qui restent fragiles économiquement.

C’est donc avant tout du privé, que peuvent venir les capacités d’investissement. Et des paysans eux-mêmes, s’ils parviennent à se structurer pour atteindre une taille critique, et négocier collectivement l’achat d’intrants, de machines ou un accès au crédit à des taux non prohibitifs. Les exemples réussis de coopératives sont déjà nombreux sur le continent. Citons Faso Jigi (« Espoir du peuple » en Bambara) au Mali, qui rassemble près de 5 000 producteurs de riz, de sorgho, de mil ou d’échalotes, notamment des femmes, et les fait bénéficier d’accès au crédit et aux équipements.

À une échelle plus large, le développement agricole passe aussi par la structuration en filières interprofessionnelles, à l’image de l’organisation réussie de la filière céréalière en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso, où les groupements, syndicats et fédérations agricoles rassemblés pèsent davantage auprès des pouvoirs publics, et peuvent pratiquer le plaidoyer, au niveau national comme sous-régional.

Outre le soutien au crédit, les agriculteurs devraient aussi bénéficier beaucoup plus largement de systèmes de micro-assurances sur leurs productions et leurs élevages. Des expériences pilotes ont déjà été menées en Afrique de l’Ouest, mais elles restent pour le moment marginales. De telles assurances peuvent pourtant protéger efficacement les agriculteurs des aléas climatiques, notamment des grandes sécheresses sahéliennes, en modélisant les risques grâce au suivi satellite de leurs exploitations, et les effets de la météo sur les rendements.

« L’une des difficultés est enfin l’accès au foncier de jeunes paysans au capital restreint », complète Jean-Luc François, en charge de la division agriculture à l’AFD.“Il faut développer plus largement les systèmes de fermage ou de métayage, qui permettent aux jeunes de se lancer sans être directement propriétaire. Il faut leur donner l’envie de s’installer”, conclut-il en employant une formule, “les trois “F” du jeune agriculteur : “formation, financement et foncier”.

Offrir un environnement favorable

Car faute de moyens pour soutenir durablement leur agriculture, les États africains doivent au moins tenter d’offrir un environnement favorable à leurs paysans. Il y a d’une part les infrastructures et les équipements de base, eau, électricité, et routes, pour éviter l’enclavement des régions agricoles. Il y a aussi l’indispensable formation agricole. Ces dernières années, le Cameroun s’est par exemple lancé dans une politique agricole plus audacieuse saluée par les experts. Tout en soutenant les projets d’équipements des communes rurales, les autorités ont renouvelé considérablement l’offre de formation agricole, avec le soutien des bailleurs internationaux.

Depuis 2007, le programme d’Appui à la rénovation et au développement de la formation professionnelle dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et des pêches (AFOP) a permis de réorganiser en profondeur les formations et de les mettre en adéquation avec les besoins du secteur agricole grâce au système de l’alternance. Certes il manque encore des ressources financières et du personnel pour que l’AFOP fonctionne à plein régime, ou des garanties pour assurer sa pérennité, mais les premiers bilans sont très positifs.

Autre outil de la politique agricole, celui des taxations aux frontières au bénéfice de la production locale. Un levier nécessaire mais délicat à employer. Les taxes doivent malgré tout rester raisonnables, pour éviter de faire trop grimper les prix au détriment du consommateur, et elles doivent être harmonisées avec les pays voisins, pour être véritablement efficaces.

Les TIC et le développement agricole

Dernière piste, prometteuse, celle de l’utilisation croissante des nouvelles technologies au service du développement agricole. L’Afrique des Idées a déjà consacré un article à ce sujet. Avec de simple téléphones portables (et pas nécessairement des smartphones), les agriculteurs peuvent avoir accès à des informations qui leur manquaient jusqu’ici sur les marchés, les cours, et la demande en temps réel. Ce type de solution se développe dans des pays comme le Ghana notamment. Et elles sont amenées à évoluer à mesure que les paysans seront équipés et connectés. Ils pourront ainsi mieux gérer leurs commandes et leurs productions, et se prémunir là encore des risques climatiques.

Reste enfin l’argent sonnant et trébuchant que sont censés investir les États africains dans leur politique agricole. En 2003, lors du sommet de Maputo, ils s’étaient engagés sur une échéance de cinq ans, à consacrer 10% de leurs budgets nationaux au secteur agricole chaque année. Plus de dix ans après, les résultats sont très disparates. Seuls sept pays africains (Burkina Faso, Niger, Guinée, Sénégal, Mali, Malawi et Éthiopie) ont respecté leurs promesses, regrettent les ONG comme Oxfam, qui avait rassemblé en 2013 plusieurs artistes pour interpeller leurs gouvernements avec cette question: “où sont passés nos dix pourcents ?”.

Adrien de Calan

Que savons-nous de l’agroforesterie ?

agroforesterie-kenya_lightboxEconomie verte… Sommée d’écrire sur cette notion peu familière, j’appelle à la rescousse un expert en la matière, Dominique Herman[1]. Nous décidons de parler des palmiers à huile, culture source de forts dégâts écologiques et présente en Afrique de l’ouest et centrale Ses yeux brillent, mon stylo s’agite tandis que l’agroforesterie entre en scène.

L’agroforesterie, quèsaco ? Voici la recette : au sein d’une exploitation agricole, plantez de vrais arbres, entendez des arbres d’ombrage, ne requérant aucun pesticide et attrayant toute une flore multicolore. Vous obtiendrez un joli mélange bigarré, entre fruits agricoles et arche de Noé. La monoculture cède la place à la biodiversité et le stock de carbone émis est contenu[2]. En bonus parfois, la diminution des risques de maladies, notamment autour des caféiers.  Ainsi, alors que la plantation de palmiers engendre beaucoup de déforestation, l’agroforesterie contribuerait-elle à sauver les forêts africaines ?

Minute papillon : l’agroforesterie n’est pas un super héros. Elle vise à réintégrer les arbres et la biodiversité dans un paysage dominé par la monoculture ou du moins des cultures moins boisées. Ce système agricole se décline en différentes actions et s’articule autour d’acteurs variés. Tour d’horizon. L’histoire commence avec le programme onusien REDD+ (Reducing emissions from deforestation and forest degradation) s’attaquant à la déforestation. L’initiative, lancée en 2005, vise à inciter les gouvernements de pays tropicaux en développement à financer la conservation de leurs forêts. Le processus commence par dresser un inventaire forestier à l’aide d’une carte carbone pour estimer les risques futurs de déforestation. Ensuite, il s’agit de mettre en place des mesures politiques contre la déforestation et les problèmes indirects liés à la déforestation (en particulier le travail des enfants dans les plantations de cacao). Or, les deux étapes sont floues : l’approche d’identification est multifactorielle : quel scenario choisir ? Les mesures anti déforestation sont trop indéfinies pour être suivies, entre diminution des expansions agricoles, lutte contre le déboisement, sensibilisation aux enjeux environnementaux, etc. Sans compter que ces problématiques sont le cadet des soucis des gouvernements ciblés, souvent grevés par la pauvreté et la corruption. Bref, le bilan est morose, ce qui invite d’autres acteurs à se saisir du problème. Des ONG, des associations et des bureaux d’études prennent alors en charge des projets spécifiques et sur une petite surface dite prioritaire. Ils jouent le rôle délaissé par les Etats précédemment. Leur posture d’agent extérieur et leur maitrise du sujet accroit l’impact de leur intervention. Celle-ci se décline en distribution de fours à basse consommation et de promotion de l’agroforesterie et non plus de cultures itinérantes et extensives telles que l’abattis brulis. Un marché nait de ce nouveau système financé par les crédits carbones (CC). En démontrant un écart entre un taux d’émission de CO2 avec et sans leur action, ces acteurs obtiennent un financement en CC. Aujourd’hui les deux modèles s’affrontent, se critiquant mutuellement : le modèle global et régalien avec REDD +, basé sur un fonds vert mondial est dit trop général et dispendieux par ses détracteurs. Le système de projets menés par une myriade d’acteurs, voit son financement par CC vivement critiqué suite à de nombreux scandales (les carbones cowboys) et sa nébuleuse de certifications (VCS, Plan Vivo, CCB, etc.).   

Néanmoins, certains pays tirent leur épingle du jeu en mettant en place des systèmes efficients contre la déforestation. L’astuce a été de trouver un arrangement : le paiement pour service environnemental (PSE). Ainsi, au Costa Rica, le gouvernement s’est engagé avec succès à payer les utilisateurs de zones forestières en échange du respect de certains critères de protection et la Côte d'Ivoire est sur le point d’adopter des mesures PSE pour le parc Taï dont la grande biodiversité est à préserver. Le principe est de compenser les coûts d’opportunité liés à l’implantation d’arbres à la place/avec des surfaces agricoles. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de ces mesures, les risques restent forts : certains bénéficiaires peuvent accepter les paiements tant que la perte en coût d’opportunité reste faible (quand les arbres sont encore petits) mais qu’ils les coupent lorsque ces arbres grandissent et qu’une partie des rendements est effectivement perdue ou que la peur de les perdre, en vertu d’un scepticisme très ancré dans l’agroforesterie du cacao, l’emporte. Toutefois, ces coûts peuvent également être nuls, bien au contraire : les récipiendaires gagnant alors de loin au change. Le fonds Moringa Fund a investi ce marché en réhabilitant des zones de culture avec un système agro-forestier. Dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, jusqu’à 75% de la récolte totale de produits ligneux et non ligneux proviennent des parcs agro-forestiers, produits sources de revenus pour les communautés locales. Cependant, si un intérêt croissant pour les PSE est porté à l’Afrique, la majorité des PSE ont jusqu’à présent été instaurés en Amérique latine, en Europe et en Asie. Les PSE requièrent non seulement des agents privés mais également des structures publiques solides et un engagement des autorités fort pour assurer leur efficacité.

Pour conclure ce panorama, focus sur l’action d’une multinationale dans la lutte contre la déforestation. Un bref retour historique s’impose : suite aux critiques sur les effets polluants et contraires aux droits de l’homme que sa production engendre, l’huile de palme a fait l’objet d’un accord en 2004, le Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO). Porté par Unilever et WWF, le RSPO est un système de label applicable à l’huile de palme. Néanmoins, cette norme reste floue quant aux enjeux de la déforestation (sur le drainage des tourbières par exemple),  et de son impact sur les populations. De nombreuses ONG la critiquent et entament de vives critiques contre les multinationales qui l’utilisent. Nestlé subit les foudres de Greenpeace (Cf. campagne Kit Kat killer) en vertu de sa position de leader sur le marché. Cette confrontation fait place à un accord constructif entre la multinationale et l’ONG, facilité par le directeur de The Forest Trust (TFT), Scott Poynton. Nestlé s’engage alors à assurer la traçabilité de son approvisionnement d’huile de palme selon des critères d’approvisionnement responsables (les RSG) : l’enjeu est sauvegarder les forêts secondaires et de veiller au consentement libre et informé  au préalable des populations (CLIP). Au Liberia, l’entreprise GVL qui fait partie du groupe Indonésien Sinar Mas (du sous-groupe Golden Agri Ressources) a transformé ses pratiques suite aux campagnes de Greenpeace et la pression de Nestlé. Si GVL n’exporte pas, étant encore en phase de plantation, son huile n’est pas à ce stade intégrée dans les chaines d’approvisionnement de Nestlé. Le géant agroalimentaire veille en revanche très attentivement à ce que ses principaux fournisseurs d’huile de palme, principalement en Indonésie et Malaisie (80-90% de la production mondiale), revoient ainsi leur copie grâce à un travail d’évaluation et de traçabilité sur toute la chaine d’approvisionnement, jusqu’à la plantation. Les ONG enclenchent alors la phase finale de leur bataille : taper sur les fournisseurs de Nestlé, en premier lieu Sinar Mas, dont la marge de manœuvre est déterminée par ce dernier. Si le fournisseur refuse d’obéir aux règles de planification d’usage des terres, Nestlé menace de clore le marché. Ainsi, Nestlé et d’autres acteurs ont arrêté de se fournir auprès de Sinar Mas (Golden Agri) lors de la campagne médiatique lancée contre eux. Mélange des fins – préserver sa réputation et respecter les principes environnementaux – les moyens sont assez lourds pour modifier les comportements. L’ONG TFT, acteur hybride entre ONG et bureau d’études, très actif en Afrique (en Côte d'Ivoire et au Liberia en particulier), travaille avec plusieurs entreprises agro-industrielles de l’huile de palme (www.tft-earth.org). L’ONG a ainsi développé la méthodologie High carbon stock forests (HCS), qui distingue les zones à la végétation dégradée des forêts secondaires à préserver.  

Tandis que l’huile de palme est toujours autant plébiscitée (cosmétiques, agro alimentation et agro-carburants), les forêts rétrécissent. Néanmoins, clouer au pilori l’huile de palme est vrai et acceptable à condition que les aspects environnementaux et sociaux mentionnés plus haut ne soient pas pris en compte. D’une part, des huiles propres existent, tout un chacun peut se renseigner notamment via des comparatifs sur internet. Le travail d’organisations comme le TFT est justement d’accompagner les acteurs liés à l’huile de palme à faire preuve de transparence et à ne pas avoir honte de transformer positivement leur chaine d’approvisionnement. D’autre part, la morgue des consommateurs occidentaux pour cette huile n’empêchera pas la dynamique exponentielle de l’huile de palme (dont la production est jusqu’à dix fois supérieure à l’hectare que ses concurrentes[3]), tirée par la hausse de la population africaine et de la demande asiatique.  

Pauline Deschryver


[1] Dominique Herman est ingénieur forestier tropical de formation (AgroParisTech – Engref). Il travail pour le TFT en tant que chef de projet, en Afrique de l’ouest (Côte d’Ivoire, Libéria et surtout Nigéria).

 

[2] Pour plus d’informations, visitez le site www.agroforesterie.fr

 

[3] Pour produire autant d'huile que 1 hectare de palmiers, il faut 6 hectares de colza, 8 de tournesol ou 10 de soja

 

A New Approach to Land Tenure Security in Africa?

kenya-105816_640Contending that tenure insecurity under informal customary institutions dampens incentives for investment and contributes to low agricultural productivity in much of Sub-Saharan Africa, policy makers have tried to formalize customary land use through the provision of de jure rights to users.

In this article we describe the challenge of low agricultural productivity in Sub-Saharan Africa and review the available evidence on the effects of the policy responses throughout the region. Our findings indicate that formalization of land rights alone is unlikely to bring agricultural productivity in Sub-Saharan Africa close to the level observed in the rest of the world. However, the time window used is often too short to credibly assess the effect of the land rights formalization programmes on agricultural productivity. Besides, the formalization of land rights in rural areas raises a number of concerns about the land tenure security of the least powerful and least informed.

While it may be too soon to assess the long-term effect of the land rights formalization programmes in Sub-Saharan Africa, other approaches to increase tenure security are tested. Read the full study.

La télé-irrigation : une solution innovante au potentiel important

Nous avons rencontré Philippe Mingotaud1 , directeur de MTP-Editions, une société française d'informatique qui a contribué au développement d'un procédé de télé-irrigation innovant et adapté aux pays africains.

PhilippeMingotaud-TBADI : Vous avez développé un procédé de télé-irrigation. De quoi s'agit-il ?

Philippe Mingotaud: Le principe est simple. Un agriculteur peut, à l'aide de son seul téléphone fixe ou GSM, activer à distance les pompes à eau qui lui servent à irriguer ses champs et récupèrer les paramètres dont il a besoin pour déterminer les temps d'irrigation nécessaires à chacune de ses parcelles. Nous avons développé un système vocal interactif multivoix, multilingue et multimédia qui s’adapte à de nombreux contextes.

Au Niger, notre partenaire Tech-Innov2 utilise notre technologie pour proposer un système vocal mutualisé permettant de contourner l'analphabétisme encore présent dans les campagnes. Le système répond de la façon la plus simple au multilinguisme du pays et  permet de déclencher des pompes à eau sur tout le territoire en utilisant le réseau GSM en priorité mais aussi les ondes radio lorsque la couverture GSM fait défaut.

Dans d’autres contextes, le système peut également être déclenché par des emails ou SMS entrants en privilégieant l'écrit à la voix.

ADI : Comment le système fonctionne-t-il concrètement ?

Philippe Mingotaud: L'agriculteur se connecte à un serveur qui le détecte, l'identifie puis lui renvoie une information personnalisée ou déclenche une action appropriée.
Le système calcule automatiquement le temps d'irrigation nécessaire à chaque parcelle, en fonction du débit de la pompe à eau, du type de culture, des engrais utilisés et des nombreux relevés effectués par différents capteurs, comme le degré d'hygrométrie, l'indice UV, la nature et la porosité des sols, etc. En fonction de ces critères, il active la ou les pompes à eau concernées pour la durée déterminée par le demandeur ou par lui-même.

Tele-Irrigation-03ADI : Pourquoi est-il important d’améliorer l’irrigation ?

Philippe Mingotaud: Il y a urgence à agir. Les chiffres avancés par les experts qui travaillent sur le devenir de l'agriculture de part le monde devraient alerter. 40 % des terres émergées sont menacés de désertification dont 66 % sont déjà affectés. 37 % des terres arides sont en Afrique.3

La productivité des terres cultivées baisse continuellement. Le dépeuplement des campagnes en direction des villes et les flux migratoires de l'Afrique vers l'Europe ne cessent d'augmenter. Il faut se mobiliser sans attendre de nouvelles catastrophes. Il y va de l'intérêt de tous que les agriculteurs puissent rester dans les campagnes pour continuer à produire et à fournir aux populations des villes, les aliments dont elles ont besoin.

ADI : Que peut apporter la télé-irrigation aux économies africaines ?

Philippe Mingotaud: Le premier apport est une augmentation significative en terme de qualité et de quantité des productions obtenues qui varient selon les cultures, les régions et la conformité des installations d'irrigation.

La télé-irrigation ne se résume pas à installer une configuration informatique permettant à une pompe à eau de se déclencher à distance, pour une durée déterminée. Cela va beaucoup plus loin. A la composante informatique s'ajoutent des panneaux solaires, une mise en conformité du réseau d'irrigation, une meilleure gestion des ressources en eau disponibles et surtout une modification en profondeur des méthodes de travail.

En proposant un serveur de télé-irrigation mutualisé, capable de répondre simultanément à plusieurs demandeurs, on met en place une nouvelle organisation du travail qui incite les agriculteurs à se regrouper et à partager au delà de leurs matériels informatiques, leurs matériels agricoles, leurs expériences professionnelles, leurs infrastrucutures, bref tout ce qui peut contribuer à simplifier leurs conditions de travail et à optimiser leurs productions agricoles.

tele-irrigation-01ADI : Y a-t-il des avantages indirects à utiliser ce type de technologie?

Philippe Mingotaud: Indirectement, on s'aperçoit que mettre en place des solutions de télé-irrigation contribue à lutter non seulement contre la précarité économique mais aussi éducative. Nous avons pu constater à plusieurs reprises que la télé-irrigation permet une meilleure scolarisation des enfants là où elle est présente, du fait que ce sont souvent les enfants qui sont chargés d'aller dans les champs activer les pompes à eau et qu'ils le font au lieu de se rendre à l'école.

En s'appropriant les nouvelles technologies, les habitants des campagnes améliorent leur quotidien. En permettant une bien meilleure gestion de l'eau et une lutte efficace contre les déperditions, la télé-irrigation est un atout des plus précieux, là où l'eau se fait rare. La production d'énergie solaire qui se fait en même temps ne sert évidemment pas qu'à alimenter les pompes à eau dans les champs. Les serveurs d'information à la demande peuvent également servir à prévenir les risques,  à développer la sécurité sanitaire, à lutter contre l'isolement de certaines populations et à mieux organiser la vie en société.

Tele-Irrigation-02ADI : Quels sont les obstacles à la généralisation de la télé-irrigation ?

Philippe Mingotaud: Le principal obstacle est la pauvreté des populations auxquelles nous nous adressons. Ce n'est pas tant l'équipement informatique qui est un frein puisque le coût des matériels est mutualisable. Mais il ne sert à rien de vouloir améliorer le rendement des terres agricoles, sans chercher préalablement à mettre aux normes le réseau d'irrigation de l'agriculteur qui souhaite y parvenir. Cette mise en conformité peut, notamment dans un environnement difficile, revenir chère à des professions dont le pouvoir d'achat est faible.
Les petits agriculteurs se retrouvent trop souvent seuls face à des difficultés économiques et environnementales devenues insurmontables. Ils gagneraient à être accompagnés davantage par les Etats et les ONG. Tout le monde y gagnerait.

Propos recueillis par Tite Yokossi

1 Philippe Mingotaud dirige MTP-Editions, une société française d'informatique spécialisée dans des serveurs et projets innovants. La société recherche des partenaires locaux en Afrique pour diffuser ses solutions dont la télé-irrigation fait partie.

M.T.P. Editions  –  Tél. : (+33).1.39.60.82.82
Sites : www.servocall.com  www.servisual.com et www.serworker.com (exemples de pilotage interactif distant en temps réel)

2 Tech-Innov, le partenaire nigérien de MTP Editions, a reçu une belle distinction au salon mondial de l'eau qui s'est tenu du 12 au 19 Avril 2015 à Daegu en Corée du Sud récompensant son travail dans la conception, la réalisation et la mise en place de ce procédé de Télé-irrigation.
Site :  www.tele-irrigation.net

3 http://www.csf-desertification.org/combattre-la-desertification/item/desertification-degradation-des-terres

Sécurité alimentaire : de la nécessité de lutter contre les maladies pour végétaux

Nouvelle image (56)Alors que l’Union Africaine a célèbré en 2014, l’année de l’Agriculture  et de la Sécurité Alimentaire dans un contexte de guerre civile au Soudan du Sud et d’épidémie de virus Ebola à l’ouest du continent, cette fameuse sécurité alimentaire apparait menacée et il faudra se lever de bonne heure pour faire face à la prochaine véritable guerre qu’il faudra mener : une guerre contre les maladies s’attaquant aux végétaux.

Commençons par évoquer l’Italie. L’exemple italien peut paraître éloigné, mais devrait être scruté avec plus d’attention par les gouvernements africains. Une bactérie, nommée Xylella Fastidiosa, que l’on a d’abord retrouvée présente dans les Amériques, attaque désormais les arbres par centaines de milliers à une allure inquiétante : 800 000 arbres ont ainsi été déjà contaminés dans les Pouilles, une région célèbre pour ses nombreuses plantations d’oliviers.

Cette bactérie, véhiculée par des insectes, a fortement perturbé les chercheurs et agronomes du pays, mais aussi en Espagne, ne leur laissant comme unique solution que celle de couper les arbres infectés pour ralentir la propagation. Un pis-aller qui ne satisfait évidemment pas la communauté scientifique.

A l’instar de l’Ouganda et de bien des pays d’Afrique de l’est, l’économie de la région des Pouilles, où l’on produit l’une des meilleures huiles d’olive d’Italie, repose en grande partie sur la production et les services liés à l’agriculture. Alors que la demande pour « l’or jaune » qu’est l’huile d’olive a augmenté de 60% ces vingt dernières années, les prix du marché devraient souffrir davantage de la prolifération de la bactérie, et pourraient augmenter de 30 à 40% prochainement. Ainsi, en l’espace de quelques semaines, les prix du marché pour un litre d’huile d’olive en Espace sont passés d’une moyenne de 2,40 EUR à 2,70.

Quand on voit les ressources mises à la disposition des scientifiques et agronomes italiens, il y a lieu de s’inquiéter pour l’Ouganda notamment, qui serait sans défense face au danger d’une telle bactérie. Le pays a notamment connu une attaque de Xanthomonas sur les plans de bananes entre 2001 et 2004, un drame qui a causé entre 30 et 50% de pertes sur les exploitations dans le centre du pays. Bien que l’épidémie ait été correctement jugulée selon des analystes reconnus, on peut se demander : que ferions-nous en cas d’apparition d’une bactérie inconnue ?

Le cas du Mozambique, dont les plants de bananes souffrent depuis peu d’une maladie nommée Foc TR4 et encore peu connue, est à cet égard inquiétant.

Si aucune stratégie cohérente n’est mise en place, c’est la sécurité alimentaire nationale qui serait en jeu dans ce cas-là, notamment en Ouganda, dont la population est celle qui consomme le plus de bananes au monde, avec une moyenne de 0,7kg consommé par jour par habitant. Le pays est également le deuxième producteur mondial de bananes, devant la Chine et derrière l’Inde, avec 11 millions de tonnes produites en 2011. 120 variétés différentes de bananes produites dans le pays ne sont d’ailleurs présentes nulle par ailleurs dans le monde.

A l’échelle mondiale, le secteur de la banane permettrait de nourrir environ 400 millions d’habitants dans les pays en développement, et la production africaine de la denrée a doublé ces trente dernières années. L’Afrique consomme d’ailleurs principalement les bananes produites sur le continent, puisque seulement 15% de la production est exportée. On imagine donc bien un scénario catastrophe et des situations alimentaires aggravées en cas de bactérie affectant la production. Pour 70 millions d’Africains, la banane répond même à plus de 25% des besoins alimentaires quotidiens.

Une piste de solution pourrait être d’appliquer dans l’agriculture les stratégies employées dans le secteur de la santé, en développant des dispositifs d’anti-attaques bactériennes à l’instar de celles actuellement employées en Afrique de l’ouest pour le virus Ebola. Une étude approfondie de la faune et de la flore des milieux visés permettrait ainsi de consolider les méthodes déjà mises en œuvre.

Une stratégie plutôt préventive concernant les pathologies végétales et les biotechnologies dans les pays du continent africain permettrait ainsi de prévenir au lieu d’avoir à guérir, et de réduire par-là même les risques de carences alimentaires et de famines sur le continent. Plusieurs plateformes comme le  Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ont un rôle crucial à jouer dans la prévention de ces risques. Il est nécessaire et urgent que les continents dialoguent davantage et à une échelle globale pour faire face à ces menaces sous-estimées et potentiellement ravageuses.

Solomon Kalema Musisi, président de la section ougandaise de la Société Panafricaine des Etudiants en Agriculture

Garantir la sécurité alimentaire en Afrique

Securite alimentaire2Le paradoxe africain est saisissant. Quinze des vingt deux économies qui ont connu la croissance la plus rapide dans le monde sont en Afrique. Et le continent lui-même affiche une croissance dépassant 5% en moyenne. Mais l’Afrique reste la région la plus vulnérable et la plus fortement soumise aux risques liés à la faim et à l’insécurité alimentaire. Pourtant les solutions ne manquent pas. Tous les chefs d’Etat africains qui se sont réunis à Malabo, dans la capitale Équato-guinéenne à l’occasion de la 23 ème session ordinaire du sommet de l’Union africaine savent parfaitement ce qu’il faut faire après les grandes déclarations. Et s’ils passaient enfin aux actes ? 

La volonté de faire de l’agriculture le moteur du développement en Afrique est encore réaffirmé. En janvier dernier déjà, lors de la 22ème session ordinaire du sommet de l’UA, une feuille de route a été adoptée par les Chefs d’Etat pour lancer formellement le plan d’action de l’année de la sécurité alimentaire. La transformation de l’agriculture africaine pour créer les conditions de la croissance et du développement durable sur le continent ne doit pas être un simple slogan politique mobilisateur. Les défis alimentaires auxquels les pays africains font face actuellement et ceux auxquels ils pourraient être confrontés dans le futur pourraient compromettre tous les progrès réalisés dans différents domaines du développement si les mesures idoines ne sont pas prises sans délai. En 2050, la population mondiale devrait passer à 9.6 milliards de personnes. Le monde aura alors besoin d’augmenter la production alimentaire de plus de 60% pour nourrir cette population. Sous l’effet d’une croissance démographique parmi les plus rapides au monde, de l’urbanisation rapide et de la croissance économique, le continent africain verra une augmentation exponentielle de ses besoins alimentaires. La demande alimentaire devrait tripler, avec une augmentation de l’ordre de 178%, alors que celle de la Chine et de l’Inde par exemple devrait augmenter respectivement de 31% et 89%. On voit donc bien que ce qui semble se présenter aujourd’hui comme un défi pourrait bien se transformer en opportunité si des politiques agricoles efficaces sont mise en œuvre dans le cadre d’une stratégie de développement fondée sur la modernisation des systèmes de production, la transformation industrielle et l’organisation des marchés. 

Chaque année, plus de 45 à 50 milliards de dollars US représentant la facture des importations alimentaires africaines sortent du continent pour enrichir d’autres pays et créer de la valeur et des emplois ailleurs. L’investissement de cette manne financière considérable dans les secteurs de production peut changer complètement le visage de l’Afrique et accélérer sa marche vers le développement économique et social durable. Face à une telle situation, on ne peut que se réjouir de l’intérêt que les Chefs d’Etat africains portent à ce dossier impératif. La prise de conscience de l’intensité du problème de l’insécurité alimentaire est la première étape pour appliquer une thérapie appropriée.
 

Pour un continent dont le premier moyen de subsistance est l’agriculture (17% du PIB), investir durablement dans ce secteur est la meilleure option pour lever le défi de l’alimentation, mais aussi celui de l’emploi, de la pauvreté rurale ou urbaine et du développement en générale. La Présidente de la Commission de l’Union Africaine, Dlamini Zuma, a affirmé que des ruptures importantes devront êtes opérées aussi bien au niveau des pays que des communautés économiques régionales pour actualiser le potentiel de l’agriculture africaine. On ne peut cependant manquer de s’interroger sur la capacité réelle des pays africains à aller au-delà des simples déclarations d’intention pour traduire leurs décisions en acte concret. La transformation économique d’un pays requiert des politiques et des actions structurées et durables, un leadership fort et engagé et des ressources souveraines pour mettre en œuvre des politiques adaptées aux besoins et conformes aux intérêts de ce pays. Or de nombreux pays africains, pour ne pas dire la majorité, n’ont ni ce leadership ni les ressources. Alors que leurs maigres ressources publiques nationales sont constamment dilapidées ou investies dans des projets peu productifs, nombre de pays africains se tournent vers l’extérieur pour trouver les moyens nécessaires au développement de l’agriculture. Les discours prononcés à Malabo ont déjà été entendus, même si de nombreux africains se sont accrochés à la lueur d’espoir qu’ils ont laissé transparaitre. A Malabo, au moment même où ils prenaient de nouveaux engagements, les Chefs d’Etat africains ont aussi constatés que très peu d’entre eux ont tenu leur engagement à consacrer au moins 10% leur budget national au secteur agricole. Moins d’une quinzaine de pays ont en effet atteint l’objectif de Maputo déterminé en 2003 dans la capitale Mozambicaine. Et la majorité de ces bons élèves sont des PMA (Burkina Faso, Niger, Guinée, Sénégal, Mali, Ethiopie, Malawi). L’évaluation de la mise en œuvre du Programme détaillé de développement de l’agriculture Africaine (PDDAA), dont l’ambition était de porter la croissance du secteur agricole à 6% par an, a aussi montré que de nombreux efforts sont encore à faire. Même si certains pays ont fini d’aligner leurs politiques agricoles nationales au PDDAA, il reste que la croissance attendue du secteur agricole est loin d’être atteinte. 

L’insécurité alimentaire et la malnutrition ne sont pas une fatalité. D’autres pays ont eu le courage de lancer une véritable révolution agricole et sont parvenus à des résultats impressionnants. La révolution verte indienne a permis à ce pays d’opérer des transformations radicales dans sa situation alimentaire alors que l’Inde faisait l’objet des projections les plus pessimistes au début des années 60. Même si les défis alimentaires restent encore très préoccupants en Inde, ce pays ne cesse de montrer que son engagement en faveur de la sécurité et la souveraineté alimentaire est plus que jamais résolu. Il suffit de voir comment l’Inde a défendu son droit « inaliénable » de recourir à des achats publics pour constituer des stocks de sécurité alimentaire lors de la Conférence ministérielle de l’OMC à Bali pour se convaincre de sa détermination. 

Plus récemment, le Brésil, grâce à l’initiative Fome Zero (faim zéro), a réussi à tirer près de 28 millions de personnes de la faim. 

Le Brésil comme source d’inspiration pour l’Afrique

Lors de la cérémonie d’investiture qui inaugurait son premier mandat à la tête du Brésil, le Président Lula affirmait son engagement à mener une guerre sans merci à la faim et à la malnutrition : « Nous allons créer les conditions nécessaires pour que chacun dans notre pays puisse manger convenablement trois fois par jour, tous les jours, sans avoir besoin de dons de quiconque. Nous devons vaincre la faim, la misère et l’exclusion sociale. C’est d’une guerre qu’il s’agit – non pas d’une guerre pour tuer, mais une guerre pour sauver des vies ». Une dizaine d’années plus tard, plusieurs dizaines de millions de Brésiliens ont été objectivement tirés des affres de la faim et de la malnutrition. Certes le Brésil ne ressemble en rien à la plupart des Etat africains et les conditions socioéconomiques de ce géant Sud américain n’ont rien à voir avec celles des pays africains. Mais ce qui reste constant, quelque soit le pays, c’est la détermination et la constance des leaders dans la poursuite des objectifs fondamentaux du développement qui peut faire la différence. Au moment du lancement de l’initiative Faim Zéro, près de 44 millions de personnes, soit près de 28% de la population, souffraient de la faim au Brésil. La politique agricole brésilienne a articulé les besoins et l’agrobusiness avec les particularités des exploitations familiales. Ces dernières fournissent 60 à 70% de l’alimentation au Brésil.

L’accès à l’alimentation a fait l’objet d’un encadrement juridique à travers la Loi nationale sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle. A partir de 2010, le droit à l’alimentation a été constitutionnalisé. La mobilisation sociale et le caractère ouvert et inclusif des politiques ont permis de réunir les franges les plus représentatives de la société brésiliennes autour des initiatives gouvernementales. La reconnaissance de l’importance des exploitations familiales a permis d’en faire des réservoirs d’expérimentation d’initiatives agricoles endogènes qui ont été par la suite étendues sur de grandes échelles. La dualité du secteur agricole brésilien caractérisé par l’existence concomitante d’exploitations familiales de petite taille et d’entreprises agricoles de grande envergure a amené le gouvernement brésilien à créer un ministère pour chaque catégorie d’exploitation et d’assurer la cohérence de leurs interventions à travers une même politique agricole. Ces ministères sont épaulés par le Ministère du développement social et du combat contre la faim et tous travaillent en synergie avec une quinzaine d’autres ministère sur toutes les questions touchant la sécurité alimentaire. 

Dans de nombreux pays africains, c’est la coordination de l’action gouvernementale dans le domaine agricole et alimentaire qui est le ventre mou des politiques contre la faim. Il n’est pas rare de voir dans un même pays une panoplie de programmes et de projets exécutés par des ministères différents et qui font presque la même chose. Le chevauchement de ces programmes engendre un gaspillage de ressources et des problèmes de coordination, de suivi et d’évaluation qui réduisent la portée des résultats. Un autre défi dans ces pays est le caractère souvent « court-termiste » des politiques qui sont changées au gré des changements de gouvernement ou de Président dans les rares pays où l’alternance politique est une réalité. 

En dépit de l’engagement récurrent des Chefs d’Etat africains, peu d’entre eux ont donné un caractère constitutionnel au droit à la l’alimentation. En Afrique de l’Ouest par exemple, seuls le Niger et la Côte d’Ivoire ont atteint ce niveau. Il ne faut pas pourtant beaucoup d’efforts pour inscrire le droit à l’alimentation dans les constitutions. Certes, cela ne suffit pas pour régler le problème de la faim en Afrique. Mais ce sera déjà beaucoup plus fort que les déclarations creuses faites lors des sommets sans lendemain. 

Article proposé par notre partenaire Enda/Cacid

Les TIC pour développer l’agriculture en Afrique sub-saharienne

inclusion_financièreIl est dit que l’argent serait le nerf de la guerre mais aujourd’hui, tout porte à croire que c’est plutôt l’information. En effet, il suffit d’observer la vitesse à laquelle se propage l’information sous toutes ses formes en ce 21e siècle. Avec le développement d’internet, de milliers de machines interconnectées échangent entre elles d’énormes quantités d’informations. En Afrique, le nombre d’abonnés au téléphone mobile connaît une croissance exponentielle entre les années 2000 et 2011. La question naturelle qui se pose est celle de l’utilité de ces échanges et de ces données pour l’amélioration des différents secteurs de l’économie, particulièrement en Afrique sub-saharienne. Cet article traitant des TIC et de l’agriculture est le premier d’une série qui se propose de présenter l’impact du développement des TIC sur les différents secteurs de l’activité économique.       

La nécessité du développement agricole

L’urgence du développement de l’agriculture en Afrique peut être appréhendée sous deux angles. D’une part, l’Afrique subsaharienne est le continent le plus vulnérable et le plus touché par la famine. Selon les Nations Unies,  la crise alimentaire qui a frappé la somalie entre 2010 et 2012 a entrainé le décès de 260 000 personnes dont la moitié sont des enfants. Ces chiffres laissent entrevoir l’urgence pour les gouvernements africains de garantir une sécurité alimentaire aux populations. D’autre part, l’Afrique dispose d’un fort potentiel agricole. En effet, la forte population jeune du continent peut être convertie en une main d’œuvre qualifiée. Ajouté à cela, le continent dispose de milliers de kilomètres carrés cultivables non exploités. Même si des efforts louables sont consentis dans plusieurs pays, l’agriculture en Afrique reste embryonnaire et sujette à de nombreux fléaux. Au nombre de ceux-ci, nous citons la perte de productivité des sols, la non maîtrise de l’eau ainsi que des techniques culturales modernes par les paysans  etc. A tous ces maux s’ajoutent un contexte mondial défavorable à l’écoulement des produits.

Il devient impérieux pour les autorités africaines de développer le secteur agricole au moins pour garantir la sécurité alimentaire, ou mieux, l’autosuffisance. Ceci doit passer en premier lieu par la valorisation des potentialités du contient. Booster l’agriculture en Afrique constitue également une solution aux déséquilibres macroéconomiques auxquels font face les différents pays. Par exemple, la valorisation de la population jeune réduirait le chômage en augmentant la production agricole. Cette augmentation de la production ne peut avoir qu’un impact positif sur la création totale de richesse (PIB) dans le pays ou plus généralement, à l’échelle continentale. Les Etats africains peuvent donc oser miser sur l’agriculture. D’ailleurs, les ressources de base sont disponibles : la terre et les hommes.

Quel serait l’apport des TIC ?

L’apport des TIC au développement agricole se matérialise dans différents domaines. Les possibilités offertes sont très vastes et diversifiés.

La disponibilité de l’information : grâce aux TIC, les autorités étatiques peuvent disposer d’une base de données actualisée des indicateurs de performances agricoles. L’utilité de celle-ci est la prise de décisions stratégiques dans l’orientation des politiques de développement du secteur. En plus de cela, une base de données commune à l’échelle nationale évite la redondance de l’information en améliorant la fiabilité de celle-ci. En plus de la fourniture d’informations, ce genre de système permet aussi des analyses prospectives pour la planification. Le Kenya avec son système DrumNet en est un bon exemple.

Le rôle de la technologie mobile : la téléphonie mobile occupe une place grandissante dans le quotidien des ménages africains. Les ménages agricoles peuvent utiliser cette technologie pour le développement de leur activité. En effet, les Smartphones dotés de wifi, GPS, capacité de stockage etc. sont des outils pouvant servir au stockage d’informations à la base. Grâce à l’interconnexion des machines, cette information peut facilement remonter au niveau agrégé pour servir de base de données utilisable même en temps réel. USAID et la fondation Bill & Melinda Gates, à travers le lancement du mFarmer Initiative Fund se sont engagés à soutenir les pays qui mettraient en œuvre des projets de développement agricoles via la technologie mobile.

Une meilleure gestion des risques agricoles : La parfaite intégration des TIC au secteur agricole met à disposition des paysans toutes les informations météorologiques nécessaires. Ceci permet une réduction importante des risques de destructions des cultures par les catastrophes naturelles. Notons que ce point est très important surtout en Afrique où sévit la sécheresse, les pluies diluviennes, les crickets pèlerins etc. Ces fléaux ont causé et continuent de causer d’importantes pertes de production.

La fourniture des matières premières et l’écoulement des produits : Les TIC permettent aux agriculteurs d’avoir accès au marché et de s’informer sur les cours des différents produits. Ceci leur permet dans un premier temps d’éviter des crises de surproduction ou de sous-production puisqu’ayant analysé toutes les variables du marché (offre, demande et prix). En plus de cela, les paysans à travers l’e-commerce peuvent directement passer les commandes de semences, d’engrais etc. et trouver facilement des débouchées pour leurs produits. Ceci contribue dans une large mesure à l’amélioration du revenu des ménages agricoles.

Le développement des TIC est une réalité incontournable au 21e siècle. L’Afrique sub-saharienne, bien qu’ayant accusé du retard par rapport aux nouveaux développements du secteur bénéficie d’une panoplie non négligeable d’outils qui pourraient servir au développement du système agricole. L’agriculture est l’un des secteur les plus dynamique de la plupart des économies du continent et son développement pourrait impacter sensiblement celui de l’activité économique globale des pays. Les autorités devraient donc booster ce secteur en valorisant les ressources disponibles (terres et ressources humaines) en s’appuyant sur le développement des nouvelles technologies. Ceci pourrait commencer par la mise en place d’une base de données territorialisée des indicateurs agricoles et le développement des technologies mobiles. Ceci permet de mieux orienter les projets de développement agricole, limiter les risques dans le secteur et faciliter les interactions sur le marché. La mise en œuvre de telles politiques nécessite naturellement la formation des paysans à l’utilisation des TIC. Les TIC eux-mêmes peuvent être d’un grand apport dans cette formation et plus généralement dans le secteur de l’éducation. Un zoom sur ce secteur fera l’objet du second article de cette série.

Brice Baem BAGOA

Références :

BAD : The Transformational Use of Information and Communication Technologies in Africa

The World Bank : ICT IN AGRICULTURE : Connecting  Smallholders to Knowledge, Networks, and Institutions

Les circuits courts de commercialisation

Aujourd’hui, tous les experts s’accordent à reconnaître l’Agriculture comme étant le moteur de la croissance en Afrique. Le défi d’une relance durable et pérenne de l’Agriculture africaine passe nécessairement par l’émergence de l’Agriculture familiale et les circuits courts de commercialisation constituent un levier majeur pour l’atteinte de cet objectif.

En effet, produire est une chose et commercialiser en est une autre. Et parmi les divers obstacles liés à l’émergence du secteur, le sentier de la commercialisation s’avère parfois plus rude. Ce volet de la chaîne de valeur agricole engage souvent de nombreux intermédiaires (grossistes, demi-grossistes et détaillants …) avec comme conséquence principale une augmentation drastique des prix des produits. Les producteurs et les consommateurs finaux sont souvent ceux qui doivent payer le lourd tribut de la chaîne interminable de ces intermédiaires.

Dans un  tel contexte, la notion de circuits courts de commercialisation (CCC) se présente de plus en plus comme une alternative pouvant permettre une redynamisation de l’agriculture africaine. Il est donc important d’explorer cette notion de CCC et de définir ses différents enjeux pour le réveil agricole en Afrique.

La promotion des CCC en Afrique, une nécessité

La commercialisation constitue un maillon essentiel de la chaîne de valeur agricole qui assure une vie décente au producteur et le met en relation avec le consommateur. Cependant le nombre souvent trop important d’intermédiaires entrave l’émergence de la paysannerie qui assiste de manière impuissante à une moindre consommation de la production locale, du fait des prix élevés découlant en partie d’une intermédiation commerciale excessive.

Très souvent, les produits locaux sont assez chers lorsqu’ils arrivent aux consommateurs finaux et sont par conséquent boudés par ces derniers au profit des produits importés peu onéreux. Les conséquences d’un tel état sont multiples et préoccupantes : dégradation des conditions de vie des petits producteurs et désintérêt de ces derniers et souvent de leur descendance pour le secteur agricole, déséquilibre des balances commerciales du fait d’une importation souvent massive des produits alimentaires, urbanisation accrue du fait du phénomène d’exode rural et augmentation du taux de chômage des jeunes pour ne citer que ceux –là.

Il est donc capital et urgent de promouvoir et développer des systèmes de circuits courts de commercialisation afin d’assurer l’émergence de l’agriculture familiale dans un marché agricole et agroalimentaire africain en pleine croissance (estimé par la Banque Mondiale à un peu plus de 300 milliards de dollars de nos jours et à plus de 1000 milliards de dollars à l’horizon 2030). Les enjeux sont énormes pour l’Afrique qui gagnerait à opter pour des solutions efficaces pour une relance effective de son Agriculture, et les circuits courts de commercialisation en font partie.

Typologie et caractéristiques des CCC

ANouvelle image (56)lors que les circuits classiques de commercialisation font des intermédiaires les maîtres du jeu au détriment des producteurs et des consommateurs, les circuits commerciaux courts quant à eux favorisent une augmentation des revenus des producteurs et une amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs du fait d’une réduction significative des intermédiaires.

Les systèmes pionniers de CCC ont été expérimentés au Japon avec les ‘natural farming’ et le développement des Community Supported Agriculture’ dans les années 70 en Amérique du  Nord. Ces expériences ont eu un écho sur l’ensemble de la planète et ont permis aux autres continents de s’en inspirer afin de capter de la valeur pour les producteurs.

Un CCC peut être défini comme un système de commercialisation qui se caractérise par le nombre réduit d’intermédiaires (1 au maximum) ou encore par son absence totale.

Il existe une diversité de CCC dans le monde agricole. Selon les études menées dans des pays ayant une longue expérience des CCC, on distingue plusieurs types de circuits en fonction de leur nature (vente directe ou à un intermédiaire).

  • Dans la vente directe on en distingue selon le niveau deux types: au niveau individuel, le producteur peut ainsi écouler sa marchandise dans les foires, à la ferme ou dans les champs, ou encore sur les marchés de producteurs ou fermiers. Au niveau collectif, il y a deux cas de figure : lorsqu’il s’agit d’association entre producteurs et consommateurs, les ventes peuvent se faire selon les engagements contractés entre les deux parties. Les consommateurs achètent par avance une part déterminée de la production qu’ils reçoivent périodiquement à prix fixe. Les risques sont ainsi partagés entre les parties. Il peut aussi s’agir d’associations de producteurs qui commercialisent à travers des foires, des marchés paysans, des points de vente collectifs.
  • Dans la vente à un intermédiaire : au niveau collectif, les ventes peuvent se faire au niveau des intermédiaires associatifs, des collectivités etc. Au niveau individuel, restaurateurs, commerces…

Caractéristiques : plusieurs caractéristiques distinguent les CCC parmi lesquels :

  • la proximité: Les marchandises sont produites, vendues, et consommées le plus près possible. Ceci permet une certaine dynamisation du tissu social et économique local. Dans les pays africains, ceci permettrait un développement rural plus durable dans un contexte où les campagnes africaines se vident au profit des villes ;
  • le relationnel: Il favorise la connaissance directe des agents de la chaîne alimentaire. Il revalorise la culture paysanne et la reconnaissance sociale des agriculteurs et éleveurs. Les consommateurs qui sont plus proches des producteurs se sentent mieux compris ;
  • l’Information: On promeut ici des espaces de connaissances et de partages d’information. Ceci favorise l’autonomisation dans la prise de décision. Les choix des consommateurs sont désormais fonction des informations en leur disposition et non plus de la publicité et du marketing qui sont très souvent loin d’être objectifs ;
  • ou encore la participation du consommateur à la gestion et à la gouvernance du système alimentaire mondial ; la Justice et la durabilité économique avec une valeur partagée de façon équitable au niveau de l’ensemble des personnes qui interviennent dans sa création ; l’inclusion dans les CCC toutes les personnes qui peuvent y prendre part pour une durabilité sociale et la durabilité environnementale qui doit être en amont et en aval du processus agricole.

Pour une réussite des CCC en Afrique

De nombreuses raisons justifient l’urgence et la nécessité d’une promotion à grande échelle des CCC. On peut citer : la dévalorisation de l’image du secteur agricole, la baisse continue du nombre d’exploitations, le repli et le mal-être de nombreux petits-producteurs. Ces facteurs de fragilisation sont liés notamment à l’organisation des marchés et au contrôle de la distribution par une poignée d’intermédiaires qui captent la majeure partie des profits.

Pour l’Agriculture africaine, l’adoption et la vulgarisation des CCC permettrait à coup sûr une réelle revalorisation de la production locale et la rendrait plus compétitive avec l’augmentation des revenus des petits producteurs, une meilleure productivité, l’émergence d’une agriculture respectueuse de l’environnement , le développement des économies régionales et sous-régionales.

Le potentiel des CCC est  élevé, mais suppose investissements, compétences et réseaux, et une organisation sans failles pour l’intérêt collectif avec la participation des consommateurs et des citoyens.

On pourrait également évoquer les enjeux sociaux : renouvellement du lien producteur-consommateur, dynamisation des territoires, rapprochement ville-campagne, nouveaux rapports à l’environnement, à l’alimentation et à la consommation.

Tout cela implique pour les acteurs de ces circuits courts, professionnels, agents de développement ou élus, acteurs du secteur privé, de réunir les conditions d’accès à ces circuits en  intégrant par exemple les circuits courts dans des projets territoriaux , en encourageant les regroupements de producteurs, en mobilisant les ressources humaines et les moyens financiers nécessaires, en assurant la formation des divers maillons de cette chaîne de distribution rentable et efficace et enfin en sensibilisant les consommateurs, les producteurs et les acteurs du territoire sur les divers avantages relatifs à la mise en place des circuits courts de commercialisation.

 

Rédigé par Charlotte LIBOG avec le concours de Jerry LEMOGO, contributeur AGM et Djamal Halawa

Quels sont les enjeux des APE pour l’agriculture et l’industrialisation?

En février dernier, la CEDEAO et l’UE[1] ont annoncé un compromis dans les négociations portant sur les accords de partenariat économique (APE). Un accord dont l’impact sur le potentiel de développement agricole et l’industrialisation ne fait pas encore l'unanimité.

Les raisons d’un nouvel accord économique

L78329210es échanges commerciaux entre l’UE et les pays ACP sont régis par les conventions de Cotonou et celles antérieures, qui octroyaient une liberté d’accès au marché européen sans réciprocité. Ces accords ont permis aux pays africains entre autres d’introduire leurs produits dans l’espace UE sans droit de douane. Les produits européens en revanche sont taxés aux frontières africaines.

Les Etats africains exportent principalement vers l'UE des matières premières : pétrole, bois, métaux et pierres précieuses constituent plus du ¾ des exportations de la CEMAC en 2003. L’agriculture représentait 16% pour la CEMAC et 31% pour la CEDEAO qui importe de l'UE plus de 75% de produits manufacturés. 

Malgré les dispositions plutôt favorables des précédents accords, les africains n'avaient pas réussis à augmenter leur part dans le marché européen. La part de l’Afrique de l'Ouest par exemple dans le commerce avec l’UE est passée de 5% en 1980 à 1% en 2004. C’est d’ailleurs un argument que n’hésite pas à invoquer l’UE pour justifier la nécessité de repenser le partenariat économique rappelant que l’accès préférentiel n’a pas encouragé la diversification des exportations, ni la compétitivité des secteurs productifs, ni l’intégration des marchés intérieurs trop petits. Il n’a pas permis non plus d’accroître la capacité de production et d’exportation vers l’Europe. Hormis les considérations liées aux réalités locales, ce diagnostic occulte les distorsions que l’UE avait introduites dans les échanges telles que les barrières non tarifaires érigées sans concertation, la subvention de son agriculture ou les impacts des ajustements structurels qui ont contribué à cet échec.

Arguant la nécessité de respecter les dispositions de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’UE négocie depuis 2000 avec les différents blocs sous régionaux (CEMAC, CEDEAO, SADC) en vue de parvenir à un APE qui consacrera une liberté d’accès réciproque aux marchés.  Cette réciprocité se traduira pour l’accord avec la CEDEAO, par une ouverture à 75% du marché Ouest africain pour les produits de l’UE dans les 20 prochaines années contre 100% pour les exportations de la CEDEAO. La signature de ces APE devrait intervenir d’ici octobre sous peine, pour certains pays de la communauté, de se voir abolir les traitements préférentiels dont ils bénéficiaients dans l'accès au marché européen.

Les Etats africains n'ont pas réussi à faire converger réellement leurs intérêts pour négocier un accord qui leur soit tous favorable. La CEDEOA a accepté un compromis sur un texte conçu dans le sens des européens dont elle n’a pu obtenir que quelques amendements. C'est parce que la non conclusion d’un APE menace l’intégration régionale, la Cote d’Ivoire et le Ghana ayant déjà signé des APE dits intermédiaires et leur ratification sans l’engagement des autres pays de la sous-région détruirait le marché commun ouest africain. De même, au sein de la CEMAC, le Cameroun a déjà signé un ACP intermédiaire. Ces pays signataires ont en commun le fait qu’un pan essentiel de leur économie hors hydrocarbures comme le cacao et la banane repose sur l'exportation vers l’UE. Ils n’avaient le choix de faire autrement qu'en prenant le risque de repenser complètement leurs modèles économiques.

Des réticences et non les moindres

Une grande partie de la société civile africaine, d’éminents spécialistes et même la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) dénoncent cependant un accord jugé désavantageux pour les africains, déstabilisant les recettes des Etats et compromettant sérieusement l’industrialisation, l’émergence d’un grand marché intrafricain et le développement agricole.

Les taxes sur les importations constituent en effet une part importante de recettes des Etats africains. Selon la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), l’ouverture annoncée aggravera la pression sur les systèmes budgétaires africains. Le Cameroun par exemple perdrait entre 20 et 30% de ses revenus et le Ghana près de 37% de ses recettes à l’exportation. L’UE promet des compensations financières pour le manque à gagner. Elle mise surtout sur le renforcement des capacités fiscales des Etats pour compenser leurs pertes. Elle promet 6.5 Milliards € pour la CEDEAO sur la période 2015-2019 à travers le programme de l’APE pour le développement (PAPED). En zone CEMAC, le cameroun a évalué à 2500 milliards de FCFA le cout de l'adaptation de son économie aux APE. L’UE le soutient dans un premier temps à hauteur de 6,5 milliards de CFA pour la ratification de son APE intermédiaire. Mais les conditions d’éligibilité des entreprises pouvant bénéficier d'une aide à cette adaptation exclues déjà tout un ensemble d’acteurs économiques.

Les APE accordent aux africains une protection sur un ensemble de produits qu’ils jugeront sensibles. Il appartient aux Etats de chaque sous-région de s’accorder dans leur choix. Cela doit les obliger quelque part à plus de coopération régionale et la nécessité de reformer leur système économique. Il s'agit surtout des produits de l'agriculture qui a fait  par exemple l’objet d’une divergence de longue date entre la CEDEAO et l’UE qui ne souhaitait pas l’aborder dans le cadre des APE. Le compromis a été trouvé autour de la formulation suivante : « Chaque partie assure la transparence dans ses politiques et mesures de soutien interne. A cette fin l’UE communique régulièrement, par tout moyen approprié, un rapport à l’Afrique de l’Ouest sur lesdites mesures, comprenant notamment la base juridique, les formes de mesures et les montants y afférents (…)   La partie UE s’abstient de recourir aux subventions à l’exportation pour les produits agricoles exportés vers les marchés de l’Afrique de l’Ouest (…)  ». L’UE promet également de mettre à niveau l’industrie africaine afin qu’elle puisse mieux s’insérer dans le tissu commercial mondial.

Si les études d’impacts des APE dans les zones CEMAC aussi bien que CEDEAO montrent que ces accords permettraient éventuellement aux blocs africains de conserver leurs positions dans le marché européen, elles interpellent surtout sur la fragilité des structures économiques de ces Etats. L’impact est négatif sur leur potentiel de développement et de diversification économique. Pour Carlos Lopes, le secrétaire exécutif de la CEA, les APE tels que définit actuellement vont empêcher l’industrialisation de l’Afrique. Ils empêchent le positionnement des africains dans le marché européen avec leur production industrielle tout en ouvrant la porte à des exportations européennes. Il exhorte les africains d'exiger de participer à la valeur ajoutée de leurs propres ressources en concluant des accords tournés vers un transfert de technologie et la transformation au moins partielle au niveau local. C’est aussi l’ensemble du continent et non de blocs régionaux qui négocie car des APE régionaux poseraient un problème d’alignement sur le continent et ne permettraient pas au marché intrafricain de se développer. Ce n’est pas le principe d’une libéralisation qui est dénoncé mais l’équilibre de ces libres échanges et leurs retombées sur le développement économique des africains. Ces derniers doivent se sortir d’une relation de dépendance historique des puissances européennes s’ils veulent devenir des acteurs de leur avenir.

L’échéance d’octobre approche et les Chefs d’Etats qui vont se prononcer sur la signature de ces accords connaissent pertinnement les risques politiques qu’ils encourent et doivent prendre leur responsabilité.

Djamal Halawa

Sources

-L’APE en 9 questions : Commission Européenne : 

http://ec.europa.eu/europeaid/what/development-policies/intervention-areas/epas/epas_fr.htm

-Jacques Gallezot, Le choix régional des produits sensibles à l’APE soumis au jugement majoritaire des pays de l’Afrique de l’Ouest,  INRA-Agro Paris Tech, Octobre 2007, 45p.

-Benoît Faucheux, Bénédicte Hermelin, Julieta Medina, Impacts de l’Accord de partenariat économique UE – Afrique de l’Ouest ; Synthèse bibliographique, Gret, octobre 2005, 73p.

-DOUYA Emmanuel, HERMELIN Bénédicte, RIBIER Vincent, Impact sur l’agriculture de la CEMAC et de Sao Tomé et Principe d’un Accord de Partenariat Economique avec l’Union européenne, Paris, Gret, mars 2006, 116 p.

-Eclairage Volume 7  Numéro 6 , Juillet 2008 : http://ictsd.org/i/news/14950/

-http://endacacid.org/french/index.php/rapport-provisoire-concertation-regionale-entre-la-societe-civile-les-organisations-socioprofessionnelles-et-la-commission-de-la-cedeao-sur-les-ape-et-le-tec-17-18-janvier-2014-a-dakar

-http://endacacid.org/french/index.php/conference-ministerielle-de-l-omc-un-paquet-encore-incertain-pour-bali/declaration-de-la-poscao-sur-l-ape-10-02-2014

http://economie.jeuneafrique.com/managers/decideurs/21773-carlos-lopes-l-europe-ne-tient-pas-compte-de-l-avenir-de-l-afrique.html

-rfi.fr


[1] CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; UE : Union Européenne ; CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5ème Forum International sur le Green Business, Pointe-Noire 20-22 mai 2014

Terangaweb-L’Afrique des Idées s’associe à la Chambre de Commerce de Pointe-Noire (CCIAM) pour promouvoir l’économie verte !

Le Forum

Nouvelle image (7)Aventure un peu visionnaire en 2010 lorsqu’il est lancé, le Forum International sur le Green Business peut aujourd’hui être fier du chemin parcouru sous l'impulsion du CCIAM de Pointe Noire, du gouvernement congolais et de la CEEAC. Institutionnalisé par les ministres de la CEEAC en 2012, il a permis une prise de conscience sous-régionale de l’épuisement des ressources et de la nécessité d’aller vers une croissance économique plus durable. Les ministres de la CEEAC ont notamment pris position en faveur de l’économie verte en 2012, à l’occasion de la Conférence Internationale Rio+20. De manière plus locale, la Chambre de commerce de Pointe Noire a lancé en 2013 l’Ecole Supérieure de Commerce et d’Industrie du Congo (ESCIC), avec un master en Hygiène Qualité Sécurité et Environnement.Sans titre

 

 

 

Evènement unique sur le continent africain, le Forum se veut une plate-forme d’échange entre des acteurs divers et de valorisation des meilleures pratiques internationales. Plus de 500 participants sont attendus à la 5ème édition en mai prochain, autour du thème « Produire, transformer, consommer local & sous-régional ».

Les tables rondes porteront sur des thématiques aussi diverses que les circuits courts en Afrique, l’innovation, le potentiel de la cosmétique bio, la valorisation des déchets, le financement des énergies renouvelables, la sensibilisation de la société civile et l’entrepreneuriat social.

Le partenariat

Cette année, suite à la création de la rubrique Energie&Environnement en 2013, Terangaweb-L’Afrique des Idées a noué un partenariat avec les organisateurs du Forum pour contribuer à la préparation des débats.

Les thèmes des tables rondes de la 5ème édition du Forum feront ainsi l’objet de plusieurs articles publiés d’ici mai 2014 sur notre site. Vous les reconnaitrez et pourrez les retrouver par le mot clé « Forum Green Business ». Une compilation de ces articles sera distribuée aux participants du Forum.

Vous avez aussi envie d’écrire sur ces thèmes ? Contactez-nous sur la page contact de ce site.

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Téléchargez la plaquette de présentation et le descriptif de la 5ème édition.

Contactez les équipes du Forum : forumgreenbusiness@gmail.com

Transformer notre production agricole pour consommer local*

Nouvelle image (56)Nous sommes tous d’accord sur un point : la transformation des produits agroalimentaires est incontournable si nous voulons maîtriser la sécurité alimentaire dans notre pays. Si nous ne faisons rien pour transformer à grande échelle nos produits locaux, nous mangerons peut-être, probablement chinois, mais ce n’est pas ce que nous voulons.
Ce que nous voulons, c’est être sûr de manger et surtout manger ce que nous produisons et transformons. Ce n’est pas un acte gratuit. C’est un acte militant, c’est un choix de développement pour nos pays. C’est le choix de développer les productions agricoles locales et de les valoriser en les transformant. C’est le choix de créer des emplois car nous le savons bien : en Afrique de l’Ouest, c’est dans l’agriculture et la transformation agroalimentaire que nous pouvons créer des emplois en grand nombre. C’est le choix d’innover en mettant sur le marché des produits accessibles au plus grand nombre et adaptés aux nouvelles habitudes de consommation.
J’aimerais tout d’abord préciser de quelles entreprises de transformation il est question ici. Le champ de l’agroalimentaire est vaste et diversifié. Il y a différentes filières investies par des entreprises industrielles, semi-industrielles et artisanales. En tant que présidente de l’association Afrique AgroEXport (AAFEX), je m’exprime au nom des entreprises semi-industrielles et artisanales formelles, qui sont des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) et qui constituent la majorité des membres de l’AAFEX. Les entreprises de l’AAFEX ne sont pas dans leur grande majorité des agro-industries, car ce terme recouvre plutôt les grandes firmes et principalement celles qui sont dans l’arachide, le sucre, le riz, la tomate industrielle et le coton. Nos membres sont surtout dans la transformation de céréales et de fruits et légumes.
Pour les entreprises, le premier enjeu est celui de l’approvisionnement en matières premières en quantité, en qualité et à un prix abordable. Elles s’approvisionnent principalement sur les marchés ruraux (les loumas), les marchés de regroupement (Thiaroye et Pikine, situés en périphérie de Dakar), les marchés urbains de consommation et auprès d’intermédiaires. Toutes ces transactions sont informelles, se font au coup par coup et à des prix qui fluctuent de jour en jour.
Il faut que l’on se penche sur le fonctionnement et sur la modernisation de ces marchés, qui sont généralement dépourvus de structures de stockage et de conditionnement adaptés. Dans un premier temps, la mise en place d’un système d’informations sur les quantités disponibles et les prix pourrait améliorer les choix des opérateurs pour effectuer des transactions. Enfin, il est nécessaire de régler très rapidement le problème de l’insalubrité des produits proposés sur ces marchés car il s’agit de produits alimentaires et donc de la sécurité sanitaire des aliments que nous consommons.
Mais la solution durable se trouve dans la contractualisation avec les producteurs à travers une approche « chaînes de valeur » où chacun trouve son intérêt. Nous devons nous inspirer des contractualisations réussies, comme pour la Société de conserves alimentaires du Sénégal (SOCAS)[i] ou La Laiterie du Berger[ii].
Par ailleurs, les entreprises ont intérêt à se regrouper en coopératives, ou en consortium, pour leur approvisionnement en matières premières, en emballages et pour la commercialisation de leurs produits. Les initiatives comme celles de la Centrale d’achats Andandoo[iii] doivent être multipliées.
Mais pour que cela marche, il faudrait que ces structures soit bien organisées et aient accès au crédit bancaire. Il faudrait que les banques s’impliquent dans le processus comme elles le font pour les entreprises de grande envergure citées ci-dessus.
Les banques et les institutions de financement devraient avoir des produits mieux adaptés aux entreprises agroalimentaires et surtout aux TPE et PME qui ont fait leurs preuves avec leurs propres moyens et qui recherchent des financements pour leur croissance.
Les banques accompagnent volontiers les entreprises sur le court terme mais lorsqu’il s’agit de prêts plus consistants, à moyen et long terme, destinés à financer l’acquisition d’un terrain, de bâtiments et d’équipements, les exigences sont pratiquement les mêmes que pour toutes les entreprises ; alors qu’à mon sens, lorsqu’il s’agit de secteurs prioritaires comme l’agriculture et l’agroalimentaire, les critères d’appréciation des dossiers de demande de financement devraient être différents.
Le crédit-bail[iv] est une solution qui n’est pas suffisamment connue et pratiquée par les entreprises. Il faudrait savoir pourquoi cela marche ailleurs et non ici, et voir comment l’adapter à notre contexte.
Concernant plus précisément la question des équipements, tant qu’on aura besoin d’aller en Europe, en Chine ou en Inde pour en trouver, nos entreprises ne dépasseront pas le stade semi-artisanal. Quand on a la chance d’acquérir un équipement à l’étranger, on a un peu de mal à le faire fonctionner ou à assurer sa maintenance, car nous n’avons pas les bons techniciens sur place. Il y a là un véritable créneau pour la production locale d’équipements modernes et pour la formation d’ingénieurs et de techniciens compétents.
Puisqu’on est bien conscient qu’il faut miser sur ce secteur qui offre beaucoup d’opportunités, il faut maintenant passer de la parole aux actes et créer les conditions pour que les entreprises agroalimentaires puissent se développer. Il est temps de libérer toutes les potentialités qu’offre ce secteur.
Les membres de l'AAFEX qui ont créé leur entreprise de transformation des céréales veulent mettre à la disposition des ménages des produits de qualité, bien conditionnés et prêts à consommer. Aujourd’hui, pour rentabiliser leurs activités, ces entreprises vendent 50 % de leur production à l’export parce que leurs produits sont chers et ne sont pas accessibles au plus grand nombre. Il faut donc également ouvrir la réflexion sur les coûts de production, sur la mise en place d’une fiscalité adaptée aux TPE et PME agroalimentaires et sur les campagnes de promotion en faveur du « consommer local ».
Enfin, j’aimerais insister sur le fait que le développement de l’agriculture et de la transformation agroalimentaire sont des enjeux de taille, incontournables, qui doivent ouvrir des perspectives pour les jeunes. Nous avons un boulevard devant nous et ce créneau est le plus porteur qui soit car il y a encore beaucoup à faire.
Le marché pour les produits agroalimentaires est local, sous-régional, africain et à l’export. Nous consommons volontiers des produits importés. Apprenons à consommer local mais transformons également nos produits pour qu’ils soient attractifs pour les autres consommateurs d’Afrique et du monde.

 *Cet Article de Marie-Andrée Tall, est initialement paru sur le blog de FARM sous le titre: Afrique de l'ouest:Transformer notre production agricole pour consommer local.

Marie-Andrée Tall est Présidente de l’association Afrique AgroEXport  (AAFEX), directrice de Fruitales (Sénégal), membre du Conseil scientifique de FARM


 
 

 

 


[i] La SOCAS, installée au Sénégal est « le premier producteur industriel de concentré d'Afrique du Centre et de l'Ouest, à partir de tomates fraîches récoltées dans la région de Saint-Louis. La SOCAS achète la totalité de ses besoins en tomates à des paysans ou groupements indépendants qu'elle a initiés à cette production et avec lesquels elle passe des contrats fermes d'achats ».

 

 

[ii] La Laiterie du Berger, installée à Richard-Toll depuis 2006, collecte du lait auprès d’éleveurs traditionnels peulhs organisés au sein d’une coopérative, pour en faire des yaourts et divers produits laitiers.

 

 

[iii] La Centrale d’achats Andandoo a été créée par des opérateurs de l’agroalimentaire du Sénégal afin de faciliter leur accès à un emballage de qualité, qui respecte l’environnement, à un prix accessible.

 

 

[iv] Le crédit bail permet à une PME de faire porter la totalité du financement de son matériel de production ou un bien immobilier professionnel par un spécialiste du leasing et d’acquitter ainsi des loyers déductibles qui peuvent être passés en charges courantes.

 

 

 

Pourquoi l’agriculture en Afrique ne se développe t’elle pas ?

57522021L’agriculture est le secteur clé des économies africaines. Selon les données de la Banque Mondiale, le secteur emploie près de 60% de la population active mais ne participe qu’à 12% de la richesse annuelle créée sur le continent. Au regard de ces médiocres performances, des mesures politiques ont été prises tant au niveau national que régional pour rendre le secteur plus performant. Dans un article récent, Patrick présentait le WAAPP conçu pour les pays de la CEDEAO et financé par la Banque Mondiale, dans cet ordre d’idées. Avec l’appui d’institutions internationales ou d’ONG qui considèrent tous que l’agriculture est la voie principale du développement de l’Afrique, de nombreux programmes de ce genre  ont été conçus pour les pays africains, soit pour améliorer la productivité ou pour améliorer la production. Malgré tout ceci, les résultats fournis par le secteur demeurent insatisfaisants. Nombreux sont les pays africains qui ont recourt à l’extérieur pour disposer de denrées alimentaires. Cette situation incite à se poser des questions relatives aux facteurs qui bloquent le développement de ce secteur.

Cet article se propose d’identifier certains obstacles au développement de l’agriculture en Afrique et de proposer des éléments de solution pour permettre au secteur d’afficher ses réelles capacités.

Un potentiel énorme, qui ne demande qu’à être exploitée

L’Afrique possède d’importantes ressources naturelles : terres agricoles, minerais, pétrole, forêt, rivières, fleuves, faunes, gaz, etc. Le continent est traversé par de nombreux et imposants fleuves, qui prennent leur source dans de grands lacs. La terre n’est pas rare. Selon les données du WDI (2012), seulement 43.8% des terres arables disponibles (près de 800 millions d’ha) sont utilisées. Sur le plan topographique, le continent est constitué de larges plaines traversées par des cours d’eaux qui nourrissent les terres de minéraux végétaux ; de quelques bandes montagneuses et agri_potde quelques plateaux pas très élevés. Ainsi, les terres en Afriques sont dans leur plus grande majorité favorable à la culture de plants mais aussi à la pratique de l’élevage.

Le climat est assez clément, quoique saisonnier et très intense. Alors que les zones arides (Sahara et Kalahari) bénéficient de pluies éparses, les zones tropicales (ouest, centre, est) enregistre jusqu’à deux saisons pluvieuses. La région la plus humide du continent est une bande côtière à l'ouest du mont Cameroun avec 9 991 mm de précipitations par an. Cette pluviométrie, qui dicte le rythme de la performance de l’agriculture en Afrique, favorise le développement d’une flore assez diversifiée. Sur les zones côtières, on retrouve un marais et des mangroves avec des arbres aériens ou flottants. En s’éloignant de la côte, on retrouve plutôt des zones forestières peu propices à l’agriculture, suivi de zones de savanes dans certaines régions (nord de la Guinée ou au Soudan). En ce qui concerne les ressources en eau, la Banque Mondiale estime que seulement 2% des ressources renouvelables en eau sont utilisés, à mettre en rapport avec les 5% au niveau mondial. Par ailleurs, l’écosystème de l’Afrique constitue une base productive importante pour l’agriculture et l’élevage.

Face à ce potentiel énorme, il est difficile de penser que tous les projets et programmes financés sous fonds de partenaires bilatéraux et multilatéraux (sous forme de dons ou de prêts) ne parviennent pas à lancer ce secteur clé. 

Une situation politico-administrative peu favorable …

S’il est certain que les performances du secteur agricole dépendent étroitement de la pluviométrie, l’histoire des pays africains nous montre que les remous politiques qu’ils subissent ne peuvent réellement pas favoriser le développement agricole.

A titre d’exemple, le conflit ivoirien a fortement impacté le secteur « cacao » de ce pays. Le cas rwandais est tout aussi parlant. Plus généralement, les conflits altèrent la pratique de l’agriculture, les populations étant plus instinctivement portées par leurs survies, abandonnent leurs exploitations. Dans le même ton, l’alternance politique en Afrique (qui semble donner le pas d’une certaine promotion de la bonne gouvernance) prend plutôt l’air d’une guerre politique qui ne laisse place à aucune poursuite des programmes engagés par les régimes précédents. Au lieu de définir des programmes de développement basé sur une vision commune et piloté par une institution acceptée et reconnue par toutes les parties prenantes au débat politique, ces programmes émanent plus souvent de la vision politicienne d’un parti ou d’un individu qui s’empressera une fois aux commandes, de suspendre ou de supprimer les programmes en cours et de relancer ceux qui selon sa vision seraient les meilleures, dans un contexte où la mandature au pouvoir exécutif devient de plus en plus serrée (14 ans au max). Cette discontinuité dans la gestion met à mal un secteur qui a besoin d’investissements suivis. Ce manque de suivi est aussi à noter au niveau des programmes ayant atteint leur terme.  

… et des facteurs socio-culturelles, qui entravent l’émergence d’un secteur, peu performant

Les exploitations agricoles en Afrique sont structurées autour de la famille (élargie ou nucléaire selon la région). En conséquence, on ne rencontre que des domaines de très petites tailles pouvant varier entre 0.5 et 2ha avec des actifs agricoles très limités, destinés à la subsistance et qui s’appuient sur des moyens de travail rudimentaires. La main d’œuvre familiale y constitue l’apport principal. Dans ce genre d’exploitations, les investissements ne peuvent pas être valorisés, notamment ceux en capital humain. Par ailleurs les revenus sont assez bas et ne peuvent donc pas permettre une expansion des exploitations. Même si de grandes exploitations existent, elles appartiennent à des industriels de l’agro-alimentaire, dont le seul intérêt est la sauvegarde des matières premières nécessaires pour leurs activités. Selon la FAO, la petite taille des exploitations est une contrainte majeure à la production en Afrique.

Cette moindre performance du secteur est liée à beaucoup de facteurs que des programmes ont tenté de juguler, notamment ceux concernant l’amélioration de la productivité par la mécanisation de l’agriculture. Cependant, cette transformation envisagée semble trainée. On estime la productivité des terres en Afrique à 42% (CEA, 2009) avec une force de production de 58%. Des statistiques qui révèlent la sous exploitation du potentiel agricole africain.

L’insertion de la technologie dans la pratique agricole africaine est en fait limitée par le niveau faible des revenus des ménages agricoles mais aussi par l’absence d’un système de crédit favorable à l’acquisition des outils modernes de pratique d’agriculture. Ils ne pourraient ainsi ni disposer des fonds nécessaires pour acquérir les outils nécessaires, ni obtenir les crédits suffisants à investir pour l’expansion de leurs activités. Une situation rendue encore plus difficile par le manque d’éducation.

Par ailleurs, les ménages n’ont pas toujours les bonnes informations en ce qui concerne les programmes et projets destinés à améliorer la performance du secteur, à assimiler les formations et visites de terrain effectuées par les organes de tutelle. De plus ces programmes et/ou projets conduits par les services publics sous financements externes ont des objectifs précis et ne ciblent qu’une minorité des exploitations. Concernant ce dernier point, les systèmes d’appui aux agriculteurs utilisés par les services publics sont parfois inappropriés du fait d’une formation insuffisante des agents. Ceci étant, les pratiques ancestrales, non propices à une agriculture « économiquement » rentable, demeurent la technologie essentielle de l’agriculture en Afrique.

A cela s’ajoutent des considérations socio-culturelles qui inhibent les quelques actions entreprises pour faire progresser l’agriculture. En Centrafrique, par exemple, les agriculteurs les plus dynamiques sont hésitants à prendre des risques ou à innover de peur que leur « réussite » ne provoque leur chute. Dans ce même pays, les agriculteurs ayant une bonne performance sont soupçonnés par leurs pairs de recours à des pratiques occultes. De telles mentalités, qui peuvent être retrouvées dans certains groupes socio-culturels en Afrique, constituent un blocage réel au développement de l’agriculture, dans la mesure où les individus préfèreraient demeurer dans une situation acceptée par sa société que d’émerger pour en être rejetés.

Des solutions sont ils envisageables ?

Au regard des difficultés qui freinent l’essor du secteur agricole africain, il faudrait déterminer les moyens pouvant permettre d’exploiter de façon rationnelle le potentiel du continent, améliorer la performance du secteur afin qu’il puisse fournir aux ménages qu’il emploi un revenu significatif et durable.

Avant toute chose, il s’avère nécessaire d’instaurer un cadre de bonne gouvernance dans le secteur agricole, et appuyant les décisions sur les informations disponibles sur le secteur. Il faudrait, par ailleurs, repenser les systèmes de crédit aux exploitations. De nombreux pays disposent d’un « Crédit Agricole » mais ces banques, tout aussi risquophile que les banques classiques, n’offrent très souvent que des crédits de campagne (de court terme) et financent rarement des investissements structurants dans le secteur. Il faudrait les mettre à profit, en plus des instituts de micro-finance, tout en définissant des mécanismes plus souples pour permettre aux exploitants agricoles d’exploiter les opportunités du marché financier.

Au-delà de ces actions qui relèvent de l’environnement économique et qui pourraient être des réponses sur le plan politico-administratif, d’autres points nécessitent une attention particulière et des actions de proximité pour permettre aux programmes destinés à améliorer la production ou la productivité d’avoir les impacts attendus. Au regard des difficultés qui s’imposent au secteur, il faudrait s’appuyer sur des modèles de développement d’exploitations qui intègrent le mode de fonctionnement de celles-ci, tout en améliorant la qualité de l’encadrement technique et en assouplissant les exigences pour l’accès aux crédits ruraux.

Compte tenu de la difficulté d’insertion de la technologie dans le secteur agricole, il faudrait s’orienter vers une intégration de l’élevage et de la culture afin d’induire un passage progressif d’une culture manuelle à une culture attelée, qui constitue une porte d’entrée sure pour l’introduction de technique plus sophistiquée.

En outre, il faut mettre à profit la recherche en sociologie pour relever les considérations sociales et culturelles qui inhibent l’entreprenariat des paysans.

Le secteur agricole africain peine à émerger malgré les efforts consentis par les gouvernements dans ce sens avec l’appui de partenaires financiers et techniques. Cette situation trouve sa racine dans des systèmes administratifs assez complexes et des considérations socio-culturelles, qui créent des goulots d’étranglements aux actions publiques entrepris pour améliorer la performance du secteur. Dans un tel contexte, il faudrait tout en s’attachant à relever le niveau des services publics en Afrique, prendre en considération les spécificités socio-culturelles des populations cibles, le tout dans un mécanisme progressif, afin d’amener ces derniers à s’approprier les outils qui sont mis à leur disposition et d’intégrer les bonnes pratiques qu’ils jugeraient eux-mêmes favorables à leurs activités. 

Foly Ananou

Sources

ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/003/y1860f/y1860f.pdf

http://www.oecd.org/tad/agricultural-policies/36704878.pdf