Le paradigme de l’éducation en Afrique

Fac des lettres DakarL’éducation en Afrique souffre d’une dépendance significative du fait d’un paradigme social qui n’est pas resté figé dans le temps mais qui s’est trouvé un nouveau visage que nous nommons, la mondialisation.

L’éducation est un droit fondamental de la personne humaine inscrit dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Elle est un moteur de croissance économique. Les études rétrospectives sur les différentes régions du monde en développement ont clairement établi que la croissance ne peut s’installer de façon durable sans une production préalable suffisante de capital humain. Elles ont également mis en évidence l’impact positif des dépenses d’éducation sur la réduction de la pauvreté et les inégalités ; l’éducation rend les populations moins vulnérables et favorise leur participation au développement, l’exercice de la citoyenneté et la bonne gouvernance. L’éducation a, enfin, des effets positifs incontestables sur l’environnement et la gestion des ressources naturelles, la démographie, l’hygiène et l’état sanitaire. Elle est une condition du développement durable. Nous sommes ici à la croisée des droits fondamentaux et des enjeux globaux.

En abordant ici les problèmes de l’éducation en Afrique, nous n’avons pas la prétention de définir ce que devrait être « la bonne » politique pour l’Afrique : elle est de la responsabilité de ses gouvernants. Nous essayons de faire ressortir son importance sur les grands enjeux mondiaux.

En Afrique, l’éducation est considérée comme la clé qui permet d’établir une bonne conduite au sein de la société et le respect de la hiérarchie. L’éducation avait un caractère collectif prononcé, une globalité au niveau des agents. Tout le tissu social sert de cadre d’action. L’éducation est globale et intégrée à la vie. L’éducation traditionnelle se fait partout et en toutes occasions, dans le contexte habituel du travail et des loisirs.

Depuis le triomphe du capitalisme et la faveur du développement prodigieux des moyens d’information et de communication, le monde vit une mondialisation néolibérale aux conséquences dramatiques pour l’Afrique. Le faible niveau de développement de l’Afrique d’une part, la dynamique et les règles de fonctionnement de la mondialisation d’autres part, condamnent 750 millions d’africaines et d’africains à l’arriération la plus abjecte avec la paupérisation massive et continue, avec l’analphabétisme, avec des endémies et épidémies de maladies ; avec l’explosion de diverses formes de violence dont des guerres civiles fratricides.

L’Afrique a été violée à partir du 17è siècle quand les Occidentaux ont commencé à visiter les côtes africaines. Sur le plan économique, il y a au sein des groupes sociaux, des échanges qui se limitent à la communication des biens et des marchandises. Une économie de subsistance qui se réalise sans problème au sein des groupes sociaux, se basant sur les échanges matrimoniaux et les obligations de parenté. Du politique, le chef, dans l’Afrique traditionnelle, a une autorité charismatique lui permettant d’imposer le respect et l’écoute dans la vie communautaire. L’éducation dans l’Afrique traditionnelle est assurée par la famille, le clan et le lignage ; une éducation qui n’est pas détachée de la société. Avec la colonisation, le continent se voit imposer la civilisation occidentale avec tous les problèmes au niveau de la société africaine. Et le constat fait par presque tous les historiens et sociologues qui étudient les sociétés africaines est amer : l’importation des modèles étrangers sur le continent depuis sa rencontre avec l’Europe, ont entraîné un grand séisme sur les plans politique, économique et social. Cette situation a fait que, les élites africaines soient accusées de l’opprobre et du déshonneur qui frappent l’identité africaine. Aussi, après les ravages du colonialisme, la mondialisation enfonce le clou car se charge de déconstruit et reconstruit les États africains selon des modalités qui favorisent la libre circulation des capitaux, des marchandises et de la technologie. Exemple de la domination culturelle des Français dans leurs ex-colonies par la dégénérescence des langues locales marquées par le français ; celles-ci ont perdu leur originalité avec déformation des patronymes africains et interférences linguistiques. Et dans le quotidien africain, se développent de nouvelles relations sociales. Par complexe devant la civilisation occidentale, les Africains perdent leur « authenticité » par mimétisme. Les adolescents découvrent une autre image de la sexualité à travers l’audiovisuel et la littérature pornographique. Avec le choc des cultures (occidentale et africaine), les jeunes paient un lourd tribut dans l’aliénation culturelle. Ils délaissent le vêtement traditionnel et s’habillent comme le Blanc. Complexé par l’image du Blanc, le Noir africain se blanchit la peau, ignorant les conséquences néfastes de cette pratique. À cela, il faut ajouter l’impact négatif de la musique moderne africaine dans la société. Considérée comme vecteur des valeurs morales pour conscientiser le peuple, elle est bradée par des musiciens qui valorisent le sexe et l’argent.

Il est vrai, que l’Afrique est inondée par l’écrit, l’image, et le son, de produits culturels en provenance de l’Occident qui dispose de puissants canaux de diffusion de ces produits pour atteindre les villages et hameaux les plus reculés dans la brousse africaine. Si l’on y ajoute les gammes du multimédia et de l’Internet, on mesure à sa juste valeur l’ampleur destructrice de l’invasion culturelle du continent qui semble démuni pour y faire face. On aurait eu peu à réduire si ces produits culturels avaient des contenus plus enrichissants et valorisants au lieu de toujours mettre en relief les bas instincts de l’homme. Or, force est de reconnaître que chaque production culturelle véhicule évidemment une vision du monde, des valeurs, des croyances et des comportements qui sont susceptibles de conditionner puissamment et de changer les attitudes « du consommateur ». Il est en effet, prouvé dans l’histoire que toutes les dominations politiques durables, tout comme les résistances conséquentes à la domination ont été d’abord bâties sur le socle culturel.

Dans sa dynamique actuelle, la mondialisation broie le corps et l’âme de l’Afrique. Cette situation n’est pas une fatalité. Elle résulte entre autres, du retard considérable que l’Afrique accuse en matière d’éducation. Dans un sursaut d’orgueil voire de survie, l’Afrique doit se forger une nouvelle mentalité : l’afro responsabilité, pour une Afrique plus forte par une attitude de valorisation

L’Afrique doit mobiliser davantage de financements pour développer de façon harmonieuse son système éducatif. Introduire davantage les langues nationales dans le système éducatif. Faire de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche un levier d’émergence économique.

L’Afrique peut se ressaisir pour se repositionner favorablement dans la mondialisation. Des alternatives existent pour cela, il ne manque pour le moment que l’expression forte de la volonté politique des Etats et de la prise de conscience des peuples africains de leur responsabilité dans le combat pour une mondialisation de la justice, du progrès social dans le respect des identités de chaque société.

Wilfried Koikson

SOURCES :

  1. Essé Amouzou, L’impact de la culture occidentale sur les cultures africaines, L’Harmattan, Paris, 2009, 190p.
  2. Anthony Stephanie, Civilisation (niveau débutant), CLE International. Deslandres, Paris: (2003)
  3. Simeon Olayiwola, Initiation à la culture et civilisation Françaises et
    Francophones. Agoro publicity company. (2005) (2ème édition)
  4. Source photo Serigne Diagne