Chers ministres, le code n’est pas l’avenir de l’Afrique!

Depuis un certain nombre d’années, on voit se multiplier partout en Afrique des “Journées  Nationales des TIC”, portées et promues par des ministres de l’Economie Numérique qui veulent de plus en plus nous faire croire que le numérique ou le digital serait la réponse à tous les maux de l’Afrique.

Ces ministres laissent penser que l’éducation à la programmation informatique serait la solution miracle pour le développement de l’Afrique ; des thèses sûrement inspirées des réussites des géants du net tels que Facebook, Google, Amazon et autres. Toutefois, chers ministres de l’Economie Numérique africains, ces entreprises sont portées par des personnes ayant bénéficiés de systèmes de formation performants. Or, aujourd’hui, 38% des adultes dans nos pays (soit 153 millions d’habitants) sont analphabètes. Pour ceux ayant accès à une école, il faut très souvent faire face à un fort taux d’absentéisme du personnel enseignant ou au défaut des infrastructures.

Au-delà de l’accès, la qualité des formations est aussi à interroger. On trouve énormément de jeunes qui entament des études secondaires sans réellement savoir lire et compter, éléments de base pour l’apprentissage. L’offre de formation en Afrique aussi serait à revoir car pour former de bons codeurs, peut-être qu’il faille déjà donner une meilleure visibilité aux formations scientifiques et non pas celles qui ont pignon sur rue dans nos universités : sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie et autres. On assiste ainsi chaque année à l’arrivée sur le marché de l’emploi de plus de 12 millions d’africains dont la formation est très souvent inadéquates aux besoins des entreprises.

Chers ministres, même si nous devons former nos jeunes aux codes, il faudrait d’abord mettre en place des politiques publiques favorisant leur formation et insertion professionnelle. Certains d’entre vous lancent des campagnes “Un étudiant, Un ordinateur” qui ne sont en réalité que des initiatives conçues à des fins électoralistes. De fait, la qualité du matériel distribué aux étudiants, soulève des interrogations quant à l’opportunité d’un tel investissement. Les plus fortunés qui souhaitent ou peuvent faire venir des équipements informatiques de qualité de l’étranger, doivent désormais faire face aux barrières tarifaires, avec la levée des exonérations de TVA.

Si tant bien que l’on ait accès à de l’équipement de pointe, sans énergie, tout cela ne servira à rien. Il est encore bien fréquent de subir des délestages de plusieurs heures, voire plusieurs jours dans certaines grandes capitales africaines. Selon la Banque Africaine de Développement, ce sont plus de 600 millions d’africains qui n’ont pas accès au réseau électrique, soit 50% de la population africaine. L’accès en lui-même ne garantie rien, il faudrait encore que le service soit fiable, stable et continue ; ce qui n’est pas le cas dans la grande partie de nos pays.

Chers ministres, comme le disait feu Felix Houphouet Boigny concernant la Côte d’Ivoire :  “le succès de ce pays repose sur l’agriculture”. Il ne serait pas imprudent d’étendre cette citation à l’Afrique entière tant ce secteur est fournisseur d’emploi sur le continent (environ 60%). L’Afrique dispose de 60% des terres arables inexploitées mais importe encore plusieurs dizaines de milliards de produits alimentaires chaque année. L’une des causes étant le faible taux de rendement de nos exploitations agricoles et de l’obsolescence des pratiques et outils.

Chers ministres, comment se lancer dans le code lorsqu’il manque des infrastructures médicales pour soulager le mal de dos, le mal de tête, la baisse de la vue,etc… ; maux fréquents chez les développeurs informatiques ? Qui deviendra codeur quand on assiste encore à des centaines de milliers de décès pendant l’accouchement, liés très souvent au manque d’équipements ou personnels adéquats ? En 2014, l’OMS publiait un rapport révélant qu’il y a 90 infirmières et sage-femmes pour 10.000 habitants dans les pays à revenus élevés contre seulement 2 pour plusieurs pays d’Afrique.

Oui le numérique peut contribuer à combler certains manques mais il ne faut pas mettre la charrue devant les boeufs. Aucune économie n’a connu un développement durable sans assurer certaines bases : sécurité alimentaire, offre de formation de qualité, accès à l’énergie et aux infrastructures sanitaires, etc. Commençons à assurer un accès à une éducation de base et de qualité à tous. Développons des cursus qualifiants en accord avec les défis actuels du continent, notamment les formations techniques : agricoles, médicales, énergétiques, etc. Nous avons besoin de jeunes formés dans les Sciences, la Technologie, l’Ingénierie et les Mathématiques. Ceux-là pourront ensuite penser l’innovation africaine, une innovation au prise avec les réalités des populations autour d’eux et non pas une énième copie d’une quelconque plateforme américaine. Ils pourront utiliser le numérique et le code comme les outils qu’ils sont et non pas comme une fin en soi.

A force de parler de “Numérique en Afrique”, on pourrait croire que des 1 et des 0 une fois plantés peuvent donner du manioc.

LD

Le paradigme de l’éducation en Afrique

Fac des lettres DakarL’éducation en Afrique souffre d’une dépendance significative du fait d’un paradigme social qui n’est pas resté figé dans le temps mais qui s’est trouvé un nouveau visage que nous nommons, la mondialisation.

L’éducation est un droit fondamental de la personne humaine inscrit dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Elle est un moteur de croissance économique. Les études rétrospectives sur les différentes régions du monde en développement ont clairement établi que la croissance ne peut s’installer de façon durable sans une production préalable suffisante de capital humain. Elles ont également mis en évidence l’impact positif des dépenses d’éducation sur la réduction de la pauvreté et les inégalités ; l’éducation rend les populations moins vulnérables et favorise leur participation au développement, l’exercice de la citoyenneté et la bonne gouvernance. L’éducation a, enfin, des effets positifs incontestables sur l’environnement et la gestion des ressources naturelles, la démographie, l’hygiène et l’état sanitaire. Elle est une condition du développement durable. Nous sommes ici à la croisée des droits fondamentaux et des enjeux globaux.

En abordant ici les problèmes de l’éducation en Afrique, nous n’avons pas la prétention de définir ce que devrait être « la bonne » politique pour l’Afrique : elle est de la responsabilité de ses gouvernants. Nous essayons de faire ressortir son importance sur les grands enjeux mondiaux.

En Afrique, l’éducation est considérée comme la clé qui permet d’établir une bonne conduite au sein de la société et le respect de la hiérarchie. L’éducation avait un caractère collectif prononcé, une globalité au niveau des agents. Tout le tissu social sert de cadre d’action. L’éducation est globale et intégrée à la vie. L’éducation traditionnelle se fait partout et en toutes occasions, dans le contexte habituel du travail et des loisirs.

Depuis le triomphe du capitalisme et la faveur du développement prodigieux des moyens d’information et de communication, le monde vit une mondialisation néolibérale aux conséquences dramatiques pour l’Afrique. Le faible niveau de développement de l’Afrique d’une part, la dynamique et les règles de fonctionnement de la mondialisation d’autres part, condamnent 750 millions d’africaines et d’africains à l’arriération la plus abjecte avec la paupérisation massive et continue, avec l’analphabétisme, avec des endémies et épidémies de maladies ; avec l’explosion de diverses formes de violence dont des guerres civiles fratricides.

L’Afrique a été violée à partir du 17è siècle quand les Occidentaux ont commencé à visiter les côtes africaines. Sur le plan économique, il y a au sein des groupes sociaux, des échanges qui se limitent à la communication des biens et des marchandises. Une économie de subsistance qui se réalise sans problème au sein des groupes sociaux, se basant sur les échanges matrimoniaux et les obligations de parenté. Du politique, le chef, dans l’Afrique traditionnelle, a une autorité charismatique lui permettant d’imposer le respect et l’écoute dans la vie communautaire. L’éducation dans l’Afrique traditionnelle est assurée par la famille, le clan et le lignage ; une éducation qui n’est pas détachée de la société. Avec la colonisation, le continent se voit imposer la civilisation occidentale avec tous les problèmes au niveau de la société africaine. Et le constat fait par presque tous les historiens et sociologues qui étudient les sociétés africaines est amer : l’importation des modèles étrangers sur le continent depuis sa rencontre avec l’Europe, ont entraîné un grand séisme sur les plans politique, économique et social. Cette situation a fait que, les élites africaines soient accusées de l’opprobre et du déshonneur qui frappent l’identité africaine. Aussi, après les ravages du colonialisme, la mondialisation enfonce le clou car se charge de déconstruit et reconstruit les États africains selon des modalités qui favorisent la libre circulation des capitaux, des marchandises et de la technologie. Exemple de la domination culturelle des Français dans leurs ex-colonies par la dégénérescence des langues locales marquées par le français ; celles-ci ont perdu leur originalité avec déformation des patronymes africains et interférences linguistiques. Et dans le quotidien africain, se développent de nouvelles relations sociales. Par complexe devant la civilisation occidentale, les Africains perdent leur « authenticité » par mimétisme. Les adolescents découvrent une autre image de la sexualité à travers l’audiovisuel et la littérature pornographique. Avec le choc des cultures (occidentale et africaine), les jeunes paient un lourd tribut dans l’aliénation culturelle. Ils délaissent le vêtement traditionnel et s’habillent comme le Blanc. Complexé par l’image du Blanc, le Noir africain se blanchit la peau, ignorant les conséquences néfastes de cette pratique. À cela, il faut ajouter l’impact négatif de la musique moderne africaine dans la société. Considérée comme vecteur des valeurs morales pour conscientiser le peuple, elle est bradée par des musiciens qui valorisent le sexe et l’argent.

Il est vrai, que l’Afrique est inondée par l’écrit, l’image, et le son, de produits culturels en provenance de l’Occident qui dispose de puissants canaux de diffusion de ces produits pour atteindre les villages et hameaux les plus reculés dans la brousse africaine. Si l’on y ajoute les gammes du multimédia et de l’Internet, on mesure à sa juste valeur l’ampleur destructrice de l’invasion culturelle du continent qui semble démuni pour y faire face. On aurait eu peu à réduire si ces produits culturels avaient des contenus plus enrichissants et valorisants au lieu de toujours mettre en relief les bas instincts de l’homme. Or, force est de reconnaître que chaque production culturelle véhicule évidemment une vision du monde, des valeurs, des croyances et des comportements qui sont susceptibles de conditionner puissamment et de changer les attitudes « du consommateur ». Il est en effet, prouvé dans l’histoire que toutes les dominations politiques durables, tout comme les résistances conséquentes à la domination ont été d’abord bâties sur le socle culturel.

Dans sa dynamique actuelle, la mondialisation broie le corps et l’âme de l’Afrique. Cette situation n’est pas une fatalité. Elle résulte entre autres, du retard considérable que l’Afrique accuse en matière d’éducation. Dans un sursaut d’orgueil voire de survie, l’Afrique doit se forger une nouvelle mentalité : l’afro responsabilité, pour une Afrique plus forte par une attitude de valorisation

L’Afrique doit mobiliser davantage de financements pour développer de façon harmonieuse son système éducatif. Introduire davantage les langues nationales dans le système éducatif. Faire de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche un levier d’émergence économique.

L’Afrique peut se ressaisir pour se repositionner favorablement dans la mondialisation. Des alternatives existent pour cela, il ne manque pour le moment que l’expression forte de la volonté politique des Etats et de la prise de conscience des peuples africains de leur responsabilité dans le combat pour une mondialisation de la justice, du progrès social dans le respect des identités de chaque société.

Wilfried Koikson

SOURCES :

  1. Essé Amouzou, L’impact de la culture occidentale sur les cultures africaines, L’Harmattan, Paris, 2009, 190p.
  2. Anthony Stephanie, Civilisation (niveau débutant), CLE International. Deslandres, Paris: (2003)
  3. Simeon Olayiwola, Initiation à la culture et civilisation Françaises et
    Francophones. Agoro publicity company. (2005) (2ème édition)
  4. Source photo Serigne Diagne 

L’économie de la connaissance en Afrique: quel cadre théorique et quelles évolutions ?

En 2000, le Conseil des Ministres de l’Union Européenne, avec la Déclaration de Lisbonne, proclame sa volonté de « faire de l’UE, l’économie de la connaissance, la plus compétitive et la plus dynamique du monde », montrant ainsi l’importance donnée par les pays occidentaux à cette économie. En effet, à notre époque, caractérisée par les technologies et la diffusion de l’information qu’elles permettent, ainsi que par l’importance des services dans les économies, le capital immatériel apparaît comme un élément incontournable de la croissance économique.

Ce nouveau paradigme de l’économie de la connaissance s’accompagne inévitablement de son adoption par les institutions internationales, qui considèrent que l’économie de la connaissance serait un moyen pour les pays en développement de rattraper leur retard économique.

Cet article vise à donner une compréhension de base de l’économie de la connaissance, sans chercher à discuter de la pertinence des définitions ou des indicateurs. Il définira l’économie de la connaissance dans une première partie, avant d’identifier les indicateurs traditionnellement utilisés pour la mesurer. Il conclura en donnant un aperçu de l’économie de la connaissance en Afrique.

 

I – Economie de la connaissance ou économie de l’information ?

 

Alors que les 19ème et 20ème siècles se sont caractérisés par la révolution industrielle et la production de biens physiques en découlant, notre époque valorise de plus en plus une production immatérielle de connaissance, d’information, de savoir. Les progrès scientifiques et les innovations qui en ont découlé, qu’elles soient sociétales ou technologiques, ont entrainé des mutations profondes de nos sociétés. Cependant, il est difficile de décorréler l’importance croissante de la connaissance, de technologies comme Internet ou la téléphonie portable. Celles-ci y contribuent directement, puisqu’elles permettent une diffusion plus rapide et plus large des informations et des savoirs, réduisent les distances et permettent aux entreprises d’augmenter leur productivité. L’économie de la connaissance, la technologie et l’innovation sont donc intimement liées : les technologies et leurs usages, issus de l’économie de la connaissance, font naitre des innovations techniques et sociétales, comme les paiements sans contacts ou les bots, qui entrainent des nouveaux modes de consommation. Mais ces innovations contribuent elles-mêmes à l’économie de la connaissance – en favorisant la dématérialisation de certaines activités, avec l’exemple traditionnel des paiements mobiles qui permettent aux usagers d’éviter de se déplacer en agence. Enfin, la diffusion de la connaissance contribue au développement de nouvelles technologies, les savoirs étant plus rapidement exploités. 

Ainsi, l’économie de la connaissance se définit en général comme une économie dans laquelle le poids du capital intangible est important ; ce capital étant en général compris comme la connaissance et la part importante des technologies.

Le terme d’économie de l’information est parfois utilisé de manière interchangeable avec celui d’économie de la connaissance. Pourtant, les économistes soulignent des divergences entre les deux notions. L’information représente uniquement les données et faits purs, et leur accumulation ; tandis que la connaissance est le phénomène qui permet justement de lier ces données, de les interpréter et de les analyser. Alors que l’information ne peut jamais être plus qu’une donnée ou un fait, la connaissance relève d’une capacité cognitive, qui permet à l’individu d’interpréter les faits, plus difficile à mesurer.

Ainsi, on peut considérer que l’économie de l’information s’intéresse surtout à la diffusion de l’information, notamment par les TICs, alors que celle de la connaissance s’intéresse davantage à la gestion de cette information par les sociétés.

Cette distinction entre information et connaissance est intéressante à souligner dans le cas des pays en développement, où le manque de statistiques fiables limite la compréhension de certains phénomènes – du moins pour des observateurs extérieurs. Le fait que de nombreuses langues locales ne soient pas formalisées à l’écrit démontre par exemple un manque d’informations sur les langues, alors qu’il existe une connaissance tacite des langues, maitrisées par les populations. L’importance du secteur informel dans les pays africains montre également que les travailleurs informels, qu’ils soient réparateurs ou cuisiniers, possèdent un réel savoir-faire, même s’il n’est pas basé sur une formation théorique, ni reconnu officiellement dans les statistiques.

 

II – La connaissance – un bien immatériel difficile à mesurer

 

  1. Indicateurs généraux

La mesure de l’économie de la connaissance s’appuie en général sur une volonté de mesurer les efforts faits en recherche et développement, puisque cette dernière activité est productrice de connaissances. Cependant, la mesure porte plutôt sur les dépenses en développement de la connaissance, que sur la connaissance elle-même.

Les indicateurs utilisés sont donc :

  • La R&D en pourcentage du PIB, qui peut être mesurée par les dépenses engagées par les entreprises dans le domaine de la R&D (en pourcentage des investissements de leur entreprise, ou en pourcentage de la valeur de la production) et le personnel en R&D ;
  • Le nombre de brevets déposés (en général, par pays) ;
  • Le nombre d’articles parus dans des journaux scientifiques.

La mesure porte également sur des indicateurs de base comme l’éducation et la formation :

  • Taux d’alphabétisation ;
  • Pourcentage de la population qui a atteint un certain niveau d’éducation – cela peut être le brevet, le bac, ou d’autres diplômes, ou encore le nombre d’inscrits dans l’enseignement secondaire ou supérieur.  

 

  1. Cadre d’analyse de la Banque Mondiale

Un indicateur particulièrement intéressant pour les pays en développement est le Knowledge Economy Index (KEI – Indice de l’Economie de la connaissance) mis en place par la Banque Mondiale[1]. Le KEI doit permettre d’évaluer dans quelle mesure les Etats sont disposent d’une « économie de la connaissance », en fonction de leurs résultats dans chacun des quatre piliers identifiés :

 

PILIER 1

Système économique et institutionnel

PILIER 2

Education et ressources humaines

PILIER 3

Infrastructures d’information et de communication

PILIER 4

Système d’innovation

 

Barrières tarifaires et non tarifaires

 

Qualité de la régulation

 

Etat de droit

Taux d’alphabétisme des adultes

 

Taux brut de scolarisation dans l’enseignement secondaire

 

Taux brut de scolarisation dans l’enseignement supérieur

Nombre de téléphones pour 1000 habitants

 

Nombre d’ordinateurs pour 1000 habitants

 

Utilisateurs d’internet pour 1000 habitants

Paiements de redevances, $US par personne

 

Nombre d’articles de journaux scientifiques par million de personnes

 

Brevets accordés à des nationaux par le US Patent and Trademark Office par million de personnes

 

Pour un concept aussi vaste que l’économie de la connaissance, il peut difficilement exister un consensus sur la définition et la mesure exactes d’une telle économie. Cependant, on remarque une concordance sur l’importance de l’éducation, et celui de la recherche scientifique.

 

III – Etat des lieux en Afrique

 

Utiliser les indicateurs présentés précédemment peut permettre de situer les pays dans un classement d’économie de la connaissance. Cependant, dans le cas des pays en développement, et notamment ceux d’Afrique, le manque de données représente encore une fois un obstacle à une vue d’ensemble claire.

 

  1. Indicateurs généraux

 

Concernant les dépenses en R&D, elles représentaient 0,5% du PIB en Afrique en 2007 (dernières données accessibles), bien en dessous de la moyenne mondiale d’1,9%, mais aussi de la moyenne des pays sud asiatiques (0,7%), d’Asie de l’Est (2,4%), et d’Amérique Latine et des Caraibes (0,7%). En comparaison, les dépenses en R&D représentaient 2,5% du PIB en Amérique du Nord et 1,7% au sein de l’Union Européenne[2].

Difficile également de trouver un chiffre sur le nombre de brevets déposés en Afrique. La Banque Mondiale ne dispose de statistiques, en Afrique, que sur l’Afrique du Sud, et sur certaines années, du Nigeria, du Kenya, du Rwanda et de Madagascar. Cependant, d’après l’Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle, l’Afrique fait également figure de parent pauvre : sur 2,6 millions de brevets déposés en 2014, seuls 0,6% venaient d’Afrique subsaharienne [3].

 

 

 

 

 

 

En matière d’articles scientifiques, on constate une croissance constante de leur publication dans toutes les régions depuis les années 1980, avec un pallier important pour toutes les régions en 2000. En 2013, l’Asie de l’Est et Pacifique affiche une parution de plus de 699 000 articles, l’UE 605 000 et l’Amérique du Nord 470 000.  

Loin derrière, l’Asie du Sud a publié 100 000 d’articles en 2013, l’Amérique Latine 85 000, l’Afrique du Nord et Moyen Orient 60 000 et l’Afrique subsaharienne…20 000.  Bien entendu, ces chiffres en valeur absolue ne permettent pas une comparaison proportionnelle en fonction de la population par région, mais ils permettent de voir quelles régions se démarquent des autres en publication scientifique[4].

Au niveau de l’éducation, l’Afrique souffre également de son taux d’alphabétisation des adultes (plus de 15 ans) qui est de 60% en 2010, contre 80% dans le monde, ou, pour le comparer à des régions similaires en termes de développement, 66% en Asie du Sud, 80% en Afrique du Nord et Moyen Orient, 92% en Amérique Latine, et 95% en Asie de l’Est et Pacifique.

Enfin, en terme de formation, la Banque Mondiale fournit des données sur le pourcentage de la population inscrite dans l’enseignement supérieur : il est de 34% au niveau mondial en 2014, contre seulement 8,5% en Afrique subsaharienne, alors qu’il est de 20% pour l’Asie du Sud, 39% pour l’Asie de l’Est et du Pacifique et 44% pour l’Amérique Latine.

 

  1. Cadre analytique de la Banque Mondiale

 

Peu de travaux ont été publiés dans les dernières années, y compris par la Banque Mondiale, sur le KEI, et sa mise à jour. Néanmoins, il est aisé de regrouper d’autres indicateurs pour essayer d’utiliser la logique des quatre piliers (Système économique et institutionnel ; éducation et formation ; TIC ; Innovation) et évaluer où se situe l’Afrique subsaharienne dans l’économie de la connaissance.

Ainsi, les indices tels que le Global Competitiveness Index ou Doing Business permettent de situer les économies dans le domaine du pilier 1. Il existe suffisamment d’articles traitant de ces indicateurs pour ne pas revenir dessus longuement : l’Afrique reste un continent avec des taux de croissance intéressants, bien que fortement ralentis dans les dernières années par la crise des matières premières, avec des environnements des affaires inégaux, souffrant de faiblesses mais sur lesquels des efforts sont faits. Néanmoins, les économies africaines souffrent de faiblesses liées au manque d’infrastructures, d’un déficit de systèmes éducatif et de santé fiables, qui peuvent compromettre une croissance inclusive sur le long terme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Global Competitiveness Report 2015 – 2016

 

Dans la précédente partie, nous avons déjà vu les chiffres liés aux piliers 2 et 4.

Pour étudier le 3ème pilier, lié aux TICs, plusieurs organismes ont récemment développé des indicateurs pour évaluer la maturité numérique ou technologique des économies. Néanmoins, l’on s’appuiera sur les données de la Banque mondiale pour étudier les 3 indicateurs restants, qui concernent ce domaine.

Le taux d’équipement en téléphone, tout d’abord portables, était de 98% de la population mondiale en 2015, 75% en Afrique subsaharienne, 78% en Asie du Sud, 104% en Asie de l’Est et Pacifique et 112% en Afrique du Nord. Le chiffre pour l’Afrique cache néanmoins des disparités car de nombreux pays africains ont un taux plus élevé, souvent supérieur à 100%.

Les lignes téléphoniques fixes, elles, équipent 14% de la population mondiale ; l’Afrique et l’Asie du Sud se situent bien en dessous, avec des taux d’équipement de respectivement 1% et 1,9%, contre 15% pour l’Afrique du Nord et Moyen Orient, et 15,8% pour l’Asie de l’Est et du Pacifique. Ce taux est de 37% pour les Etats Unis et 41% pour l’Union européenne.  

Concernant les ordinateurs, ils équiperaient 51,4% de la population mondiale, mais seulement 10,8% de la population africaine en 2016 ; bien en dessous du taux d’équipements de l’Asie du Sud Est et Pacifique (38,1%), des Etats arabes (44,6%), de l’Europe Centrale (67%), de l’Amérique (67,6%) ou de l’UE (80%)[5].   

Enfin, alors que 43% de la population mondiale utilise Internet en 2015, ce taux serait de 22% pour l’Afrique subsaharienne, légèrement en dessous de l’Asie du Sud (24%) mais bien en dessous de l’Afrique du Nord et Moyen Orient (43%), de l’Asie de l’Est et du Pacifique (50%), de l’Amérique Latine et Caraïbes (53%). L’Amérique du Nord et l’UE sont respectivement à 75 et 79%.

 

Conclusion

 

Cet article avait pour but de poser les bases théoriques permettant de comprendre ce qu’est l’économie de la connaissance, et de l’illustrer avec des statistiques dans les différents indicateurs identifiés.

Une question qui se pose régulièrement est notamment celle de savoir si cette économie de la connaissance peut réellement contribuer au développement de l’Afrique, et comment. Pour y répondre, il sera intéressant de regarder quels acteurs interviennent dans le processus de création de la connaissance, et quel rôle ils peuvent y jouer, que ce soit les gouvernements à travers les politiques publiques, ou le secteur privé, par exemple à travers les transferts de connaissance.

 

Marie Caplain

 

Sources

Mickael Clévenot, David Douyère. Pour une critique de l’économie de la connaissance comme vecteur du développement : Interaction entre les institutions, la connaissance et

les IDE dans le développement. Colloque international ” Economie de la connaissance et développement ” XXIVe Journées du développement de l’Association Tiers-Monde, Organisé par l’Université Gaston Berger (Sénégal), le Bureau d’économie théorique et appliquée de l’Université Nancy2/CNRS., May 2008, Saint Louis, Sénégal.

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00323335/document

Données ouvertes de la Banque Mondiale : http://donnees.banquemondiale.org/

Global Competitiveness Report 2015-2016 http://www3.weforum.org/docs/GCR2016-2017/05FullReport/TheGlobalCompetitivenessReport2016-2017_FINAL.pdf

Union Internationale des Telecommunications (données 2005-2016).

http://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Pages/stat/default.aspx

World Bank Institute, Measuring Knowledge in the World Economy.

http://www.oneworldarchives.org/kambooklet.pdf

World Intellectual Property Indicators 2015

http://www.wipo.int/edocs/pubdocs/en/wipo_pub_941_2015.pdf

Vicente Jerome, Cours d’Economie de la connaissance.

fgimello.free.fr/documents/economie_connaissance.pdf


[1] World Bank Institute, Measuring Knowledge in the World Economy.

 

 

 

[2] Toutes les statistiques (sauf indication contraire) sont issues des données de la Banque Mondiale : http://donnees.banquemondiale.org/. Pour utiliser cet outil, simplement taper dans la barre de recherche l’indicateur désiré (ex : taux d’alphabétisation) et le pays ou la région désirée (Afrique subsaharienne, Nigeria, etc). Attention, les indicateurs ne sont pas forcément disponibles pour tous les pays.

 

 

 

[3] World Intellectual Property Indicators 2015

 

 

 

[4] Données de la Banque Mondial

 

 

 

[5] Union Internationale des Telecommunications : voir les données 2005-2016.

 

 

 

Comment expliquer la persistance des inégalités entre les Noirs et les Blancs en Afrique du Sud ?

Plus de vingt ans après la fin de l’Apartheid et l’élection de Nelson Mandela, l’Afrique du Sud demeure marquée par les stigmates de la ségrégation et des discriminations raciales.  La deuxième économie d’Afrique en termes de PIB (1) est aujourd’hui également « la société la plus inégalitaire du monde » selon l’expression de l’économiste sud-africain Haroon Bhorat, et présente un coefficient de Gini de 0,69 (2).

Dès 1994 des politiques volontaristes visant à réduire les inégalités ont été mises en place et l’Afrique du Sud a enregistré un taux de croissance permettant de faire reculer la pauvreté (3). Toutefois, les fruits de la croissance n’ont pas permis de modifier la structure des revenus et de réduire les inégalités entre noirs et blancs.

Si l’analyse économique des inégalités retient rarement le critère ethnique comme variable d’étude il convient compte-tenu de l’histoire de l’Afrique du Sud et de son passé ségrégationniste, d’évaluer la faiblesse des capabilités (4) dont dispose la population noire de ce pays pour rendre compte des discriminations structurelles qu’elle continue à subir de nos jours.

 

  1. Vingt ans après la fin de l’apartheid, les inégalités demeurent et menacent le développement économique du pays

 

  1. Inégalité de salaire, de patrimoine et de capital humain

Un rapport publié en 2015 par l’Institut national des statistiques sud-africain (5) rendait compte de l’inquiétante persistance des inégalités de revenu en Afrique du Sud. En effet, ce document révèle qu’avec en moyenne 6444 dollars par an les foyers noirs disposent toutes choses égales par ailleurs, d’un revenu moyen cinq fois inférieur à celui des foyers blancs qui plafonne à 30 800 dollars annuel.

Par ailleurs ces inégalités salariales sont amplifiées par les inégalités de patrimoines. En effet l’accès à la propriété foncière a longtemps été interdit aux populations noires reléguées en périphérie du Cap et de Johannesburg les ghettos lors de l’Apartheid.

Enfin, le système scolaire sud-africain est extrêmement polarisé. L’enseignement public et gratuit de ce pays compte parmi les plus défaillants du monde. Une enquête menée par le Boston Consulting Group montrait ainsi en 2015 que la majorité des enseignants ne disposaient pas du niveau requis en mathématique (6) ! Or les enfants issus des familles les moins aisées sont les principaux élèves des écoles publiques. Ils ne bénéficient donc pas d’une éducation de qualité comparable à celle dispensée dans les écoles privées plus coûteuses. Dès lors d’après la théorie du « signal » élaborée par Spence, pour un même nombre d’années d’études un lycéen ayant effectué toute sa scolarité dans un établissement sud-africain public et un lycéen ayant exclusivement fréquenté un établissement privé n’enverront pas le même signal à un potentiel employeur.

 

  1. Les tensions ethniques et sociales freinent le développement économique

 

Minée par les inégalités, l’Afrique du Sud est régulièrement en proie à des crises sociales majeures. En août 2012 les grèves parties de la mine de platine de Marikana ont causé la mort de trente-quatre  manifestants et se sont propagées vers d’autres secteurs industriels tels que l’or, le minerai de fer, le charbon et le chrome. Les pertes engendrées par ces échauffourées ont été estimées à plus d’un milliard de dollars tandis que le taux de croissance de l’économie sud-africaine a diminué de 0,9% lors du deuxième trimestre de l’année 2013. (7)

Outre ces affrontements marxistes et traditionnels liés au rapport de force à l’œuvre entre les détenteurs des moyens de production et les travailleurs, on observe également une augmentation des risques liés au sous-emploi. En 1993 C. Juhn révélait dans une étude l’existence d’une corrélation entre l’inégalité des salaires aux Etats-Unis et la recrudescence de la délinquance. En effet, à partir des années 1970, les populations noires américaines ont connu une massive sortie de la population active qui est allée de paire avec une nette augmentation de la population carcérale. Dans le cas sud-africain, le sous-emploi des travailleurs noirs les moins qualifiés a notamment été causé par les rigidités sur le marché de l’emploi (8).

Les structures syndicales héritées de l’apartheid sont restées très prégnantes et ont continué à influer sur le marché du travail sud-africain. Ainsi, l’instauration d’un salaire minimum trop élevé s’est faite au détriment des travailleurs les moins qualifiés qui n’ont pas pu profiter de la croissance économique et se sont massivement tournés vers les activités illégales ou informelles. Dans une enquête publiée en 2013 et intitulée “Job destruction in the South African clothing industry: How an unholy alliance of organised labour, the state and some firms is undermining labour-intensive growth”, Nicoli Nattrass et Jeremy Seekings témoignent des effets néfastes de l’action syndicale sur l’emploi dans les secteurs à faible intensité capitalistique comme l’industrie textile.

 

  1. De la redistribution à l’amélioration des « capabilités »

 

  1. Les tentatives de solution

Depuis la fin de l’apartheid, le gouvernement sud-africain n’a eu de cesse de développer des programmes de subvention et de redistribution fiscale. Toutefois ces solutions agissent en aval sur les conséquences de l’inégalité en capital humain mais ne permettent pas en amont d’accroître les capabilités des populations les plus démunies.

Pour l’heure le gouvernement sud-africain a préféré les solutions visant à corriger les effets des inégalités plutôt que d’engager des réformes touchant aux causes structurelles et historiques de ces inégalités.

 

  1. Recommandations : lutte contre les discriminations, politique de formation et mixité urbaine

La lutte contre les discriminations sur le marché du travail doit faire l’objet d’une politique publique afin de réduire les inégalités. Dans une enquête sur les inégalités économiques aux Etats-Unis, Phelps et Arrow analysent les discriminations en vigueur contre les noirs dans les années 1970. Les deux économistes ont ainsi montré que du fait des préjugés raciaux ancrés lors de l’époque ségrégationniste,  les employeurs anticipent que certains groupes ont objectivement moins de chances que les autres d’être productifs. Les anticipations des employeurs et les comportements engendrés par ces anticipations peuvent conduire à une persistance des inégalités de capital humain. En transposant cette analyse à l’Afrique du Sud post-ségrégationniste on comprend dès lors que la réduction des inégalités passera par une lutte active contre les discriminations à l’embauche notamment grâce à des campagnes de sensibilisation, à l’instauration de missions de testing, et à la prise de sanctions exemplaires contre les employeurs se rendant coupables de discrimination.

 

Par ailleurs, une politique de formation volontariste permettra d’unifier le système scolaire sud-africain et de le rendre plus égalitaire. La théorie du signal de Spence, affirme que les employeurs attendent des informations précises sur la qualité du diplôme et non pas seulement sur le nombre d’années d’étude. Dès lors l’octroi de subvention aux écoles publiques et une meilleure formation des personnels enseignant dans ces établissements permettra de réduire significativement les écarts en termes de capital humain et d’accès au marché de l’emploi.

 

Une refonte de l’enseignement public ne saurait se passer d’une politique urbaine audacieuse. En effet, le rapport Coleman publié en 1966 par l’administration américaine faisait état d’un échec des politiques publiques visant à augmenter les moyens des écoles des quartiers défavorisés, ainsi que d’une insertion médiocre sur le marché du travail. Plusieurs commentateurs du rapport ont rappelé que les résultats médiocres ne sont pas seulement imputables au fait que le milieu social détermine la réussite scolaire mais aussi à la composition des classes (peu d’émulation entre les élèves…). Le quartier d’habitation influe sur la réussite scolaire. Les externalités locales, au niveau micro-économique de la salle de classe, ont un effet global sur la dynamique des inégalités. Dans ces conditions, l’instauration d’une carte scolaire apparaît comme une solution pour favoriser la mixité sociale et ethnique tout en réglant le problème de la ségrégation urbaine qui sévit toujours en Afrique du Sud et est un vestige du régime de l’apartheid.

 

Daphnée Setondji

Sources

  1. http://afrique.lepoint.fr/economie/ou-va-l-afrique-du-sud-19-08-2014-1857787_2258.php
  2.  Haroon Bhorat, Fighting poverty: Labour markets and inequality in South Africa, 2001.
  3. http://www.rfi.fr/afrique/20170128-afrique-sud-inegalites-salaires-statitstiques-blancs-noirs-foyers-pauvres
  4.  Eric Monnet, La théorie des « capabilités » d’Amartya Sen face au problème du relativisme
  5. http://www.latribune.fr/economie/international/l-afrique-du-sud-champion-des-inegalites-de-revenus-478113.html
  6. http://www.agenceecofin.com/gestion-publique/2605-29246-lafrique-du-sud-occupe-le-2eme-rang-mondial-dans-le-domaine-des-inegalites-de-revenus
  7. http://www.slate.fr/story/80853/retombees-apartheid
  8. C. Juhn “Wage Inequality and the Rise in Returns to Skill”, 1993

Entretien avec Bénédicte Kudiman, fondatrice de Beto academy

L'Afrique des Idées a rencontré Beto Academy, une plateforme d'enseignement en ligne qui veut promouvoir les langues africaines et créer de l'emploi sur le continent africain. Sa fondatrice Bénédicte Kudiman revient sur le rationnel derrière la création de cette plateforme d'entrepreneuriat social et leurs ambitions. 

ADI : En quoi consiste votre initiative, pourriez-vous nous donner un aperçu général de vos activités ?

Beto academy est une plateforme d'enseignement des langues africaines (toutes présentées dans notre catalogue) par des enseignants qui résident dans des pays africains pour un public qui vient des quatre coins du monde. Aussi, depuis peu nous sommes sollicités pour réaliser la traduction des textes en langue européenne vers des langues africaines.

ADI : D’où vous est venue l’idée de fonder une académie des langues africaines ? 

Je fais partie de ces enfants qui ont vu leurs parents se priver pour envoyer des sous dans leurs pays d'origine. À la maison, il y a des plaisirs auxquels nous avons dû renoncer parce qu'il fallait aider tel ou tel membre de la famille au pays. Peut-on leur en vouloir ? Dans la plupart des pays africains, les gens ne sont pas payés à la fin du mois, et lorsqu'ils le sont, les sommes sont ridicules.

Nous sommes partis du constat que les autorités africaines n’ont pas la capacité de fournir à tous un emploi tel qu’elles le suggèrent dans leur programme politique. Le pouvoir politique ne  suffit pas pour assurer à tous un revenu suffisant. Le pouvoir est chez celui qui détient de quoi l'acheter…

Nous sommes en mesure de créer de la plus-value. La première matière première d'un pays c'est sa population. Nous sommes créateurs et sources de revenue. La matière première que nous proposons est inépuisable et d'une valeur inestimable : Les langues.

ADI : Quelles sont les modalités d'inscription et le profil type des adhérents ? 

Pour s'inscrire en tant qu'étudiant à une langue il n'y a pas de profil type. Vous pouvez être germanophone, anglophone, francophone. Les cours ont un coût qui reste très accessible. Il y a plusieurs options disponibles, la plus basique au prix de $15/mois inclut 1h30 d’enseignement, alors que la plus avancée au prix de $40/mois propose 4h d’enseignement. Il faut cependant prendre soin de s’enregistrer durant nos sessions d’inscriptions.

Pour ceux qui souhaitent devenir enseignants, nous recherchons des personnes motivées, qui parle couramment la langue qu’ils veulent enseigner, et bien sûr possédant une connexion Internet !

ADI : Comment voyez-vous l'avenir de Beto academy ?

Nous espérons que lorsqu'une personne souhaite faire des affaires ou immigrer dans un pays Africain que l'équivalent du TEF ou du IELTS soit requis. Nous espérons être amenés à la traduction d'œuvres littéraires en langues africaines, mais aussi de films, documentaires, et de chansons. Et bien évidement devenir une académie de référence et reconnue pour l’apprentissage des langues africaines de façon équitable. 

Mais plus sérieusement nous espérons faire partie des plus grands employeurs en Afrique.

ADI : Quel est votre bilan aujourd’hui : le nombre de personnes à qui cela a bénéficié et ce que cela a apporté en plus dans le plan de carrière de ces gens ?

Nous avons à peine un an et deux mois. Il est difficile de dire ce que cela à apporter en plus dans le plan de carrière de ceux qui ont suivi nos cours. Cela dit nous avons pu voir défiler pas moins de 3000 élèves et engager plus de 70 enseignants, c'est encourageant !

N’hésitez pas à contribuer à la cagnotte du projet :

https://www.leetchi.com/c/projets-de-benedicte-16821845

Plus d’informations sont disponibles sur le site de Beto academy :

http://www.betoacademy.com/

 

 

La vision fantasmée de l’entrepreneuriat en Afrique : un mirage dangereux et déresponsabilisant ?

L’entrepreneuriat est depuis quelques années présenté comme l’opportunité miracle pour résoudre le défi du chômage de masse qui menace l’Afrique subsaharienne et en particulier l’Afrique de l’ouest francophone. Soumises à une forte pression démographique, ces régions sont en effet en quête de solutions pour offrir des perspectives aux millions de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Faute de quoi, ce phénomène démographique inédit est souvent présenté comme une « bombe à retardement ».

L’entrepreneuriat est alors évoqué comme une panacée capable de régler cet épineux problème du chômage des jeunes mais également de solutionner de nombreux défis sociaux (inclusion financière, accès à l’énergie, etc.) en faisant émerger une nouvelle classe de « champions éclairés ».Néanmoins, cette obsession pour l’entrepreneuriat est au minima illusoire voire déresponsabilisante et dangereuse.

Illusoire, tout simplement car il faut bien admettre que, par nature, l’entrepreneuriat a un fort taux d’échec et qu’il est donc déraisonnable de croire en une « société d’entrepreneurs ». L’entrepreneuriat sera indéniablement une source d’emplois, et l’objectif de cet article n’est en aucun cas de nier son importance, mais c’est la focalisation extrême sur ce sujet qui est dangereux. Pourquoi ?

Un transfert des responsabilités 

C’est la dynamique de déresponsabilisation impliquée par ce discours fantasmé sur l’entrepreneuriat qui est en réalité une menace sévère pour l’avenir de la région. En effet, la promotion de l'entrepreneuriat entraine naturellement un dangereux glissement politique de déresponsabilisation autour du problème du chômage des jeunes. Le discours quasi-incantatoire autour de « l’avenir c’est l’entrepreneuriat, chaque jeune doit créer son entreprise et devenir son propre patron », met de facto sous pression ces jeunes sur qui repose alors l’entière responsabilité de leur chômage. Si leurs projets échouent et qu’ils se retrouvent sans emploi, ce ne peut être que leur propre échec. Le danger de la croyance dans le miracle de l’entrepreneuriat est, dans une approche très libérale, de tout faire reposer sur le succès individuel. Cette dynamique de désengagement nie en réalité deux aspects fondamentaux de l’entrepreneuriat :

  • L’entrepreneuriat nécessite des réformes structurelles pour connaitre un essor. Ce climat de déresponsabilisation est d’autant plus dangereux qu’il implique un désengagement politique au niveau de réformes structurelles qui favoriseraient l’entrepreneuriat, en premier lieu l’éducation (primaire, secondaire et supérieure) et une politique de formation des jeunes. L’air du temps ne retient en effet des success stories américaines que des jeunes qui évoluent en autodidactes. Mais peu retiennent que la plupart des grandes révolutions dont ils se targuent sont issues des grandes universités américaines (Google à Stanford, Facebook à Harvard). Le plus agaçant est de voir pousser un peu partout des concours de pitch et de business plans, ersatz de formations à des jeunes que l’on séduit avec toute une panoplie de buzzwords excitants.
  • L’entrepreneuriat ne se décrète pas, cela nécessite une formation, formation que l’on peut obtenir en travaillant dans une entreprise plus « traditionnelle ». Or cette idéologie folle de l’entrepreneuriat à tout prix finit par évacuer une politique d’emploi ambitieuse qui favoriserait le salariat « traditionnel », pivot crucial de la formation des jeunes. Le sommet de l’hypocrisie consistant à éluder que les réussites africaines sont dans leur immense majorité le fruit d’individus qui ont fait leurs armes pendant des années avant de se lancer. Il est inutile de rêver, les succès sont forgés durant les expériences professionnelles en entreprises, à l’image de Jean-Luc Konan, fondateur de Cofina après une carrière bancaire de plus de 15 ans.

Enfin, le paradoxe atteint son comble lorsque ces discours parviennent toujours à promouvoir l’entrepreneuriat africain sans proposer aucune solution de financement. Il est effrayant de constater qu’il n’existe quasiment aucun fonds de VC ou groupes de business angels pour financer les jeunes pousses ouest-africaines. Encore une fois, c’est aux structures publiques de résoudre en partie ce problème en facilitant l’investissement dans la région.

Un rejet des cadres traditionnels 

Cette idéologie s’enracine dans une réaction quasi épidermique au cadre classique du travail : le salariat et le fonctionnariat. Ces deux mots sont devenus de véritables épouvantails dans la région, associés à la fainéantise, au clientélisme et aux emplois fictifs. Aujourd’hui, la réussite doit nécessairement passer par la réussite entrepreneuriale et il ne faudrait rien attendre des cadres classiques, présentés comme caducs voir décadents. Ce discours a deux écueils : tout d’abord il est la négation même de l’apport d’expériences professionnelles classiques dans la réussite de beaucoup d’entrepreneurs. D’autre part, il favorise un mouvement de rejet des institutions publiques à un moment où elles devraient s’affirmer comme acteurs déterminants.

Au niveau de la fonction publique il faut bien noter que ce mouvement de rejet est lié aux problèmes réels de gouvernance dont pâtissent encore beaucoup de pouvoirs publics. Néanmoins, écarter les jeunes talents de la fonction publique sous prétexte qu’elle dysfonctionne est-il une idée pertinente ? Décrédibiliser la capacité des pouvoirs publics à relever les défis sociaux et environnementaux de la région par rapport aux initiatives privées est un pari dangereux dans des pays où ces défis sont aigus et demandent des réponses justes et inclusives. Or beaucoup de discours actuels prônent un « capitalisme africain éclairé » qui serait, par nature, bienveillant envers les populations et qui chercheraient, au-delà du profit, des solutions aux grands défis actuels (logement, transport, éducation, santé). Croire rêveusement que des initiatives privées et découplées d’une gouvernance et d’une responsabilité publiques sont une solution miracle à une gouvernance actuellement en quête de renouveau est une erreur majeure. Croire que les entreprises privées vont s’occuper équitablement de populations diverses et défendre la diminution des inégalités au lieu de les creuser est illusoire.

En ce qui concerne le rejet du salariat comme cadre dépassé du travail, cela est d’une part dangereux (on ne solutionnera pas le chômage uniquement avec l’entrepreneuriat) et déresponsabilisant (il faudrait plutôt favoriser une réforme structurelle permettant aux PME de former et d’employer davantage)  mais cela nie surtout l’apport des expériences professionnelles aux réussites entrepreneuriales. Ce discours est en effet d’une certaine mauvaise foi quand on observe les trajectoires des différents entrepreneurs « champions » : par exemple Tony Elumelu (1), l’un des hommes les plus puissants du continent, chantre de « l’afrocapitalisme » et de l’entrepreneuriat africain. Il se veut le parangon d’une Afrique qui entreprend et qui fait naitre les « champions » de demain, qui pourront rivaliser avec les occidentaux. Son objectif, via sa fondation, est de permettre à 10 000 jeunes africains de créer leur entreprise et, d’ici dix ans, créer 1 000 000 emplois. Et lui ? L’entrepreneur a en réalité réalisé une scolarité d’excellence dans les plus grandes universités du monde (dont Harvard) avant de débuter une carrière de plus de dix ans dans la banque. Il va y acquérir des compétences, tisser son réseau pour, en 1995, finalement prendre la tête de la Standard Trust Bank. Ce qui le mènera, dix ans après, à la consécration de sa carrière, la fusion avec UBA en 2005 pour créer l’une des plus grandes banques du continent, plus de vingt ans après le début de sa carrière.

Recommandations

Et après cela, l’on veut faire croire que l’entrepreneuriat est un modèle spontané et que l’on peut se contenter de sessions de pitch comme formation et d’un concours de business plans comme expérience professionnelle ? Ce discours n’a qu’une conséquence sur le court terme : décrédibiliser le salariat et l’emploi traditionnel et déresponsabiliser les leaders politiques sur les questions d’éducation, d’emploi et de l’investissement.

Une politique ambitieuse pour l’entrepreneuriat devrait se concentrer sur les problèmes de fond qui sont :

  • La formation et l’enseignement supérieur et professionnel
  • L’épineux problème du financement d’amorçage et la mise en place d’une politique qui favorise le capital-risque. Une fiscalité adaptée est nécessaire ainsi que l’apport de fonds publics qui rassureraient les investisseurs privés
  • Une politique pour l’emploi qui favorise les PME et leur permet de former et d’employer les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Cela passe notamment par un programme qui facilite la formalisation de ces PME (notamment via une fiscalité adaptée et un abandon des arriérés) et leur accès au financement (notamment en mieux connectant les agences d’accompagnement des PME avec les financeurs). Les véritables pépinières de l’entrepreneuriat africain sont ces PME qui, tous les jours, affrontent des problématiques nouvelles.
  • Enfin, l’entrepreneuriat africain sera surtout un intrapreneuriat, au sens où les projets qui décollent sont issus d’anciens salariés qui innovent et prennent des initiatives ambitieuses car ils ont été exposés à des problématiques lorsqu’ils étaient salariés.
  • En finir avec le dénigrement constant du salariat et, encore pire, du fonctionnariat. Il est complètement utopique de rêver un capitalisme africain éclairé qui s’occuperait des plus démunis. Le renouveau du secteur public africain est une priorité et ce secteur nécessite un apport vital de talents. 

               

Gilles Lecerf

Sources

(1) http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2016/02/19/tony-elumelu-le-banquier-africain-a-qui-tout-sourit_4868595_4497186.html

Article mis en ligne le 24 mars 2017, revu le 26 mars 2017

Repenser l’éducation : pour une Afrique qui propose

Une étude menée par les Nations Unies en 2013 a donné lieu à des statistiques affolantes concernant l'éducation en Afrique : près de trois jeunes sur dix ne sont pas capables d'effectuer une opération de calcul simple, et deux jeunes sur cinq sont incapables de lire une phrase malgré leur scolarisation. 

Nietzche disait, à propos de la connaissance, que :

« Ce n’est que lorsque l’homme aura atteint la connaissance de toutes choses qu’il se connaîtra lui-même, car les choses sont les frontières de l’homme. ».

Du point de vue de l'éducation, il est nécessaire de prendre en considération la différence entre les besoins et les contraintes des enfants dans les pays africains et ceux d'autres continents, voire entre les enfants de chaque pays du continent. L'apprentissage, comme le définit Dewey, devrait prendre l'enfant pour base, car il est destiné à répondre à la nécessité de s'adapter à un écosystème donné. 

Or il s’avère qu’en 2014, les outils proposés aux enfants africains sont plus utiles aux enfants européens, car ils répondent aux contraintes de ces derniers. Il est urgent de repenser l’éducation dispensée aux enfants des Afriques de manière à ce que celle-ci réponde à leurs contraintes immédiates, et leur ouvre des pistes d’avenir dans leur propre territoire de naissance. Peut-être cela permettra-t-il aux générations futures de nourrir des rêves qui, loin de rejeter leurs traditions au profit d’un idéal « occidental », les connectera de nouveau à une civilisation dans laquelle, enfin, ils pourront se reconnaître. 

L’éducation comme réponse aux contraintes de notre environnement

La forme graphique dans laquelle se projette la pensée, le mode de compréhension de l'univers qui nous entoure, conditionnent durablement notre manière de réfléchir. Un paradigme se construit autour de cette réflexion, qui traverse les générations. Les pays Africains doivent investir dans des méthodes d'apprentissage qui répondent aux contraintes qui leur sont propres, afin d'apporter à leur tour leur manière de percevoir le monde à la grande fresque du savoir humain. 

Nombre de sociétés considérées comme primitives s’avèrent aujourd’hui détenir une rare connaissance de l’être humain et de son environnement. Que ce soit au fond de l’Amazonie, dans le désert du Kalahari, ou dans les endroits reculés d’Australie, les vestiges de ces civilisations que nous envions aujourd’hui sont encore témoins de systèmes éducatifs qui ont fonctionné. Ceux-ci sont à la peine aujourd’hui, en raison d’une mondialisation agressive et du désamour qui en découle pour tout ce qui concerne l’éducation traditionnelle. 

Se réconcilier avec les repères traditionnels 

Pourtant, les enfants Africains disposent de tous les outils nécessaires à la compréhension et à l’appréhension de leur environnement immédiat, et du grand mystère de la vie. Les contes, pour ne citer qu’eux, sont reconnus par les psychanalystes comme étant des outils qui permettent aux enfants de connaître les dangers auxquels ils peuvent être exposés, de les appréhender, d’y trouver des solutions grâce à leur ingéniosité. 

Il nous appartient d’explorer ces richesses, de les analyser, de nous en inspirer pour permettre à l’Afrique de s’exprimer de sa propre voix. Il est temps que les Africains se saisissent de cet héritage intellectuel et le mettent à exécution à travers le continent. Il est temps que l’Afrique propose, après avoir tant reçu. Qu’elle se construise par ses propres matériaux qu’elle aura solidifiés par les connaissances du passé, et qu’elle arrose la plante qui a longtemps germé dans ses terres. 

Comme les Grecs de l’Antiquité, les Africains doivent entrer en possession d’eux-mêmes. Le monde a aujourd’hui besoin d’une Afrique qui dialogue d’égal à égal avec les autres continents. L’Afrique a un devoir de prise en main et de restitution. Cela commencera par une réappropriation des modes d’enseignement par les citoyens Africains. C’est dans cette démarche que les pays Africains pourraient travailler en tant que partenaires, avec les pays d’Occident, et bénéficier de leur accompagnement durable et de leur expérience en tant que pays ayant eu l’occasion de développer leurs outils éducatifs. 

L’Afrique doit devenir ce qu’elle est déjà, c’est-à-dire un creuset de savoirs, un générateur de connaissances. Elle ne deviendra un partenaire efficace que quand elle apprendra à respecter sa propre individualité. 

Lycée à Abidjan – Copyright Zenman

Après les « grandes figures », quelle succession ? 

Le principe de l’enseignement, comme nous le savons grâce aux données historiques que nous possédons sur les aspects de la civilisation africaine, existe dans les fondements des sociétés africaines. Des auteurs comme Amadou Hampaté Bâ l’ont souligné à plus d’un titre. Les leaders politiques qui ont montré l’exemple de la sagesse africaine ont permis au continent de se hisser sur la scène internationale, tels Nelson Mandela ou Jomo Kenyatta. Dans les mondes Peul ou Bambara, l’homme est tenu, arrivé à un certain âge, d’enseigner aux plus jeunes ce qu’il a appris. Il y a là des leviers sur lesquels nous appuyer pour impulser un souffle nouveau au corps éducatif africain. 

Si les structures éducatives propres à l’Afrique ont disparu face à l’occidentalisation, leurs principes fondateurs demeurent, et leurs témoignages physiques sont encore présents. Il faudra étudier à nouveau ces structures, les replacer dans le contexte actuel, extraire les réponses qu’elles apportent aux contraintes aujourd’hui inhérentes aux sociétés africaines, et les réactiver dans les esprits afin qu’elles donnent naissance à une technologie maîtrisée par les africains sur les plans historique et pratique. Aujourd’hui, le G20 doit accompagner l’Afrique dans un processus de ré-enracinement dans le terreau du savoir. Il est temps de permettre une Renaissance africaine pour que le continent ait une pierre à apporter à l’édifice du savoir humain. 

Nelson Mandela disait que les actes des Sud-Africains devaient désormais déboucher sur une véritable réalité africaine, une société dont l’humanité serait fière. Ces mêmes propos s’étendent à tout le continent africain. Vingt ans plus tard, au devoir de « panser nos blessures » s’est ajouté celui de faire la paix avec une histoire trop longtemps limitée à ses épisodes aliénants, et concerne désormais la totalité du continent. A l’ère du Village Global, il est urgent de parachever la construction d’une Afrique qui propose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright Photo Bernd Weisbrod

Touhfat Mouhtare

Is financial aid helping Africa?

“Give a man a fish and you feed him for a day ; teach a man how to fish and you feed him for a lifetime”. In simple words this saying explains the complexity that lies behind financial aid. Back in 1970, the United Nations General Assembly adopted resolution 2626, it was agreed that: “Financial aid will, in principle, be untied […] Developed countries will provide, to the greatest extent possible, an increased flow of aid on a long-term and continuing basis.”

Half a century later, hundreds of billions of dollars have been transferred from rich countries to Africa, yet as the percentage of its population living under the poverty threshold ($1.90/day) has decreased, the total number of people living under this same threshold has increased ; a real paradox. An explanation alone will not do, there is a need to find a solution as well. The Organization for Economic Co-operation and Development (OECD) in its 2015 edition report recorded that $55 billion were given by its member to Africa. Contrary to popular belief, the biggest receivers are not African countries but Asian countries. Afghanistan, Myanmar and Vietnam are the top receivers of financial aid in the world, whereas in Africa the biggest receivers are Egypt ($5.5 billion), Ethiopia ($3.8 billion) and Tanzania ($3.4 billion).

 

Of the $55 billion given to the continent, the biggest donators are the United States ($8.9 billion), the International Development Association (IDA) ($6 billion) and the European Union ($5.9 billion). Almost half of these $55 billion were allocated to the social sector which includes education, health and water treatment. This choice is not random, focusing on such a crucial sector facilitates the development of a country through the expansion of its production function which is allowed by improving the available factors of production. Furthermore, it can be argued that the Millennium Development Goals (MDGs) were directly targeted through such policies. Surprisingly, the economic sector accounts for only one fifth of the $55 billion given. This raises many questions especially when considering that under this category fall transport, communications, energy and banking. By leaving aside such important components, economic growth is hindered and development is in harm’s way.

Usually, the receivers are blamed first when there is a lack of effectiveness from financial aid. Bad governance is pointed out; it is true that some leaders did not hesitate to embezzle financial aid. No one really knows how much wealth Mobutu Sese Seko gathered (even though some claim it to be $13 billion) while his country was running at the time with a debt of no less than $13 billion… Although, even when good intentions are present, mismanagement is another problem. Sadly, the white elephant (Expensive investments that serve no purpose) has become the most widely observed animal in Africa as financial aid is spent on non-essential sectors, due to a lack of expertise. Yet, this should not mean that the responsibility falls solely on the receivers.

The roles of the donators can also be questioned. 46 years ago it was agreed between the UN and the donating countries that each year, they would donate 0.7% of their gross national product (GNP) to developing countries. As of today, only five countries meet this criteria: Denmark, Luxembourg, Norway, Sweden and the United Kingdom… Then again, giving too much money can also be a problem as it causes a dependency on financial aid. Even more troubling is tied aid, its consequences are gruesome as entire populations are deprived because their governments do not satisfy the political criteria established by the community of donators.

Last but not least, the arrival of new donators should be welcomed cautiously. Even though most of the donators are western countries, new ones are emerging. The BRICS (Brazil, Russia, India, China and South Africa) as well as Turkey are more and more contributing. Furthermore, with economic downturns for the western economies, their donations has substantially decreased. This has allowed these new actors to rise, China for instance has pledged to donate $60 billion to Africa during the last China-Africa summit. However, the arrival of new donators does not necessarily lead to a more favorable situation for the receivers ; in the end good governance and inclusive growth are both the reactants and the products in this equation.  

 

Meanwhile, Africans living outside the continent send more and more money home to their families. It is only a question of time before remittances outweigh financial aid given to the continent… A strong reminder that Africans have the power to change Africa foremost.

 

Riad KAID SLIMANE

 

REFERENCES

OECD, Development Aid at A glance, Statistics by region, Africa, 2015 edition. http://www.oecd.org/dac/stats/documentupload/2%20Africa%20-%20Development%20Aid%20at%20a%20Glance%202015.pdf

MOYO Dambisa, Dead Aid: Why aid is not working and how there is a better way for Africa, 2009, p.208

Démocratiser l’accès à une éducation de qualité au Bénin

gvhEn 2016, moins de 2 collégiens sur 10 ont obtenu leur brevet d’études du premier cycle. Les résultats ne sont pas plus reluisants pour les autres examens, et la tendance date de plus d’une décennie.[1] C’est ainsi que se présente la physionomie actuelle de l’éducation au Bénin, autrefois surnommé « quartier latin de l’Afrique ». Les décideurs politiques sont peut-être conscients de cette situation, mais le label d’excellence persiste toujours au sein de la société civile béninoise. Les taux de scolarisation, parmi les plus élevés en Afrique, sont là pour affermir cette impression. Or, cet état d’autosatisfaction, surtout parmi les élites, n’est pas de nature à susciter une demande politique forte pour des réformes en profondeur du système éducatif béninois. Cet article vise à jeter un peu de lumière sur les paradoxes de l’éducation au Bénin en mettant l’accent sur le cycle primaire, base de l’ensemble du système éducatif.

La quantité au détriment de la qualité

Un aspect particulièrement positif du système éducatif béninois est la démocratisation de l’accès à l’éducation. Le nombre d’élèves du primaire dépasse largement la population en âge d’y aller. Le taux brut de scolarisation y est passé de 100% en 2006 à 126% en 2014, positionnant le pays dans le top 10 en matière d’accès à l’éducation en Afrique.[2] Cette progression a été possible grâce aux mesures de gratuité, accompagnées de la construction de nouvelles infrastructures scolaires et d’un accroissement du nombre d’enseignants.

Cependant, le tableau est moins reluisant lorsqu’on considère les connaissances acquises par les élèves, notamment leur niveau en français et en mathématiques. A cet effet, les résultats du PASSEC, un programme d’évaluation des acquis scolaires sur un base comparable dans les pays francophones, contrastent sévèrement avec l’idée qu’on se fait du niveau des élèves béninois. Sur une dizaine de pays évalués en 2014, le Bénin se classe avant-dernier juste devant le Niger, que ce soit en lecture ou en mathématiques.[3] Loin devant se trouve des pays comme le Burundi, le Congo, le Burkina-Faso et le Sénégal. Et pourtant…

Nulle réponse quantitative à un problème qualitatif

Le Bénin ne dépense pas moins que les autres pays dans son système éducatif, au contraire. Prenons l’exemple du Sénégal, comparable au Bénin à plusieurs égards : les dépenses publiques par élève en % du PIB par tête sont similaires, de même que les taux d’accès en 5ème année du primaire, et bien d’autres indicateurs socio-économiques. Alors que le niveau d’acquisition des connaissances se trouve dans la moyenne au Sénégal, celui du Bénin se trouve largement en dessous de la moyenne.[4] Il ne s’agit donc pas d’un problème de moyens financiers, mais plutôt d’une meilleure transformation des inputs du système éducatif.

A l’heure actuelle, cette transformation est inhibée par une inégalité profonde en matière de qualité de l’enseignement. Elle se caractérise par de rares écoles privées, souvent créées à l’époque coloniale (e.g. Collège Père Aupiais), donnant une formation de qualité à une minorité, alors que la majorité des élèves se retrouve soit dans des écoles privées douteuses ou dans des écoles publiques dont la priorité ne semble plus être l’acquisition de compétences. A titre d’exemple, de 2008 et 2011, seulement la moitié des heures de cours requises a été effectuée dans les écoles primaires publiques béninoises.[5]

Des solutions à explorer

L’urgence reste donc de réduire les inégalités en matière de qualité de l’éducation, en évitant un nivellement par le bas. La bonne nouvelle est que cet objectif ne nécessite pas de moyens financiers supplémentaires. Trois principaux buts sont à viser :

– Recruter des enseignants de bon niveau académique et pédagogique. La moitié des enseignants actuels ont des statuts précaires, donc recrutés suivant des critères plus souples.[6]

– Respecter le calendrier et les programmes scolaires.

– Améliorer les conditions d’études des élèves, en mettant en place des bus et cantines scolaires et en équipant les écoles d’infrastructures de loisirs.

A long terme, il serait opportun d’envisager une privatisation complète de l’éducation, accompagnée d’une régulation étatique rigoureuse. Le Bénin s’est, depuis quelques années, contenté de former quelques stars en entretenant l’illusion d’une excellence globale. Il est maintenant temps de démocratiser l’accès à une éducation de qualité.

Georges Vivien HOUNGBONON

 

[1] Les taux de réussite en 2016 étaient de 39,26% pour le CEP, 16% pour le BEPC et 30,14% pour le BAC (chiffres communiqués par les directions des examens).

[2] Statistiques de la Banque Mondiale, WDI.

[3] Graphique 2.6 du rapport du PASSEC, 2014.

[4] Tableau 1 du rapport PASSEC, 2012.

[5] Etude Pro-Educ repris par le rapport du Pôle de Dakar de l’UNESCO, 2014.

[6] Tableau 3.6 du rapport du Pôle de Dakar de l’UNESCO, 2014.

Les NTIC et la problématique de l’éducation en Afrique

tic-en-education-en-afrique-1440x564_cLe développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a révolutionné le monde entier dans divers domaines de la vie. Parmi ces domaines, on peut citer la médecine où les NTIC ont favorisé les dialyses, les échographies, les radiographies entre autres. Le commerce avec les achats et ventes en ligne, le système bancaire et l’éducation. Cet article s’intéresse à l’apport des NTIC dans le système éducatif en Afrique et propose quelques pistes  pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC seront proposées.

 

Les NTIC, un cadeau pour l’éducation

Les succès des Technologies de l’Information et de la Communication dans le système éducatif sont indénombrables. Tous les acteurs dans ce système liés aux ministères chargés de l’éducation pour les élèves et étudiants en passant par les enseignants et les parents d’élèves, profitent des NTIC. Les étudiants en sont les plus bénéficiaires. Grâce aux NTIC, l’État peut détecter rapidement des problèmes liés à l’éducation tels que la baisse des performances scolaires, le manque du personnel scolaire et d’enseignants dans une localité donnée pour procéder à des solutions rapides. De plus, les technologies favorisent la mise en place des cours en ligne qui peuvent pallier les problèmes d’infrastructures comme le manque d’amphithéâtres. Elles permettent également des projections vidéo pour une bonne visibilité des cours. La préparation des cours, la recherche de nouveaux exercices, devoirs et examens sont de plus en plus facile pour les enseignants grâce à l’internet. Dans cette optique, les NTIC permettent d’alléger la tâche des enseignants. Les parents, depuis la maison ou le lieu du travail, peuvent être au courant des activités de leurs enfants, de leurs performances courantes grâce à une bonne combinaison des NTIC avec les établissements scolaires. Les élèves et étudiants, ont de leur côté, une facilité dans la recherche. L’internet fournit une panoplie d’exercices corrigés et des cours pouvant améliorer la compréhension des leçons. Même si les ressources de l’internet ne peuvent aucunement remplacer les cours reçus en classe, elles peuvent aider les élèves à se mettre au jour. Les élèves n’ayant pas de professeurs disponibles peuvent recevoir des cours à distance grâce aux technologies. Plusieurs forums offrent des réponses et des discussions intéressantes entre étudiants et professeurs afin de trouver des solutions aux leçons non comprises. Les NTIC permettent un réseau plus large aux élèves et étudiants pour des questions réponses sur les incompréhensions et les difficultés.

 

Les NTIC, un piège pour les élèves

Si les Technologies de l’Information et de la Communication offrent beaucoup d’avantages au système éducatif, elles ont néanmoins quelques inconvénients notables sur l’éducation. En effet, elles ont entrainé une dépendance des enfants aux jeux vidéo. Même si ces jeux vidéo ont un effet stimulateur sur l’intelligence et les réflexes des enfants, ils ne peuvent pas remplacer les devoirs à domicile. Pourtant, les enfants consacrent de plus en plus de temps aux jeux vidéo qu’aux études. Certains enfants substituent des heures de sommeil et de repos aux jeux vidéo, ce qui fait que ces enfants arrivent souvent à l’école en étant fatigué. Le développement des ordinateurs, des logiciels et de l’internet n’a pas que des effets positifs à l’éducation ; il pourrait entrainer la baisse de l’effort intellectuel des acteurs du système éducatif, plus particulièrement des élèves et étudiants. La plupart des étudiants se limite aux ressources de l’internet tandis que les bibliothèques sont de plus en plus délaissées. Non seulement, il y’a plusieurs sites internet non fiables, mais aussi certains substituent la réflexion intellectuelle par des données de l’internet. L’effet pervers est le plagiat des travaux réalisés par les pionniers sur un sujet.  Et si les heures d'étude ne sont pas substituées pas par des jeux vidéo chez les jeunes élèves, elles sont substituées par les réseaux sociaux comme Facebook et autres…

 

Quelles pistes d’accélération pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC ?

L’utilisation des NTIC pour repenser l’éducation en Afrique passe par plusieurs niveaux dont l’inclusion de l’informatique au cœur du système éducatif africain, l’amélioration des  programmes télévisés pour l’insertion des enfants, l’adaptation du mobile et d’internet à l’éducation.

 

Mettre l’informatique au cœur du système éducatif africain

Au cours des vingt dernières années, de nombreux gouvernements ont adopté des politiques visant à encadrer l’intégration des NTIC dans l’éducation. Mais dans la mesure où l’intérêt pour l’apprentissage par ordinateur n’a grandi que récemment, il y a une absence totale de politique en matière d’informatisation du système éducatif africain. Si tous les pays africains avaient des politiques orientées vers l’intégration des NTIC à travers la mise en place des salles informatiques dans les établissements publics et privés, cela contribuerait à améliorer le niveau du système éducatif en africain. Il est donc nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des reformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper  de salles informatiques. En effet, il est impératif d’insérer dans les programmes au moins deux heures de cours d’informatique par semaine. L’enseignement automatisé dans les programmes permettra de remédier à l’insuffisance de professionnels qualifiés dans différents domaines surtout dans les disciplines scientifiques. En outre, l’envie des élèves à apprendre de nouvelles choses, et leur curiosité de manipuler un ordinateur est une motivation supplémentaire  à leur présence en cours. Cela contribuera également à diminuer le taux d’absentéisme et le taux d’échec scolaire dans les pays africains. Par ailleurs, les États doivent aussi remplir pleinement leur rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces mesures permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée.

 

Rendre le Mobile plus éducatif

Depuis plus d’une décennie, le marché de la téléphonie mobile a connu une expansion très forte à l’échelle mondiale. La vitesse de diffusion de cette technologie a été particulièrement rapide en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, plus de 350 millions de personnes en Afrique subsaharienne sans école ni accès à l’électricité vivent dans des zones couvertes par le réseau mobile. Ce qui signifie que le mobile pourrait être un facteur déterminent dans la nouvelle construction de l’éducation africaine. Dans ce cas, comment le rendre plus éducatif ?

En initiant des collaborations ou des partenariats entre les États africains et les opérateurs téléphoniques. Les opérateurs téléphoniques peuvent jouer un rôle important dans la promotion du système éducatif africain. Les États africains doivent les inciter à s’impliquer davantage dans le nouveau système de l’éducation par le mobile. Les efforts doivent se concentrer dans les zones urbaines déjà couvertes par le réseau Mobile et s’étendre progressivement vers les zones rurales pas toujours bien couvertes. Pour cela, le ministère de l’éducation en collaboration avec les enseignements, doit élaborer des programmes clairs et détaillés sous forme d’application Mobile. Il s’agit de mettre en place des cours enseignés à l’école via le téléphone Mobile en tenant compte des diversités linguistiques existant dans les pays africains. Par exemple, il est important de réaliser certaines matières en plusieurs langues/dialectes et en fonction des spécificités des territoires. Dans ce cas, l’enfant ne sera plus déconnecté de l’école surtout dans les milieux ruraux où les filles ont tendance à rester à la maison alors que  les garçons eux sont privilégies pour les études.. Ainsi, le Mobile éducatif permettra de contribuer au changement des mentalités que le continent a éperdument besoin pour son développement. Au final, il serait propice à la croissance de la productivité des agriculteurs, la sécurité sanitaire, l’accès à l’éducation pour les personnes qui en étaient jusqu’ici exclues, la formation continue des enseignants en zones rurales, l’inclusion financière, ou encore l’optimisation des infrastructures routières.

 

Rendre l’internet plus éducatif 

L’Afrique enregistre un retard notable dans l’utilisation de l’internet comme outil pour l’amélioration du système éducatif. Selon l’UIT en 2015, seuls 19 % des Africains ont accès à l’internet. Ce faible taux s’accompagne d’une pénétration d’internet dans les ménages de seulement 11 %, contre près de 36 % dans les pays arabes par exemple. Parallèlement, alors qu’en moyenne, 28 % des foyers sont équipés d’un ordinateur (portable/fixe ou tablette) dans les pays en voie de développement, ils ne sont que 8 % en Afrique subsaharienne.

Face à cette situation, les gouvernements africains doivent conjuguer leurs efforts afin d’investir dans les NTIC pour améliorer l’offre  d’internet dans les établissements publics avec un système wifi pour faciliter les déplacements au sein des établissements. Au niveau de l'enseignement supérieur, l’utilisation de l’internet pourrait être le plus efficace grâce à la mise en place des programmes à distance. La formation à distance dans l’enseignement supérieur a plusieurs avantages. Elle est d’abord une alternative à l’enseignement supérieur traditionnel. Elle permet d’améliorer la qualité de l’enseignement dans plusieurs domaines. Cependant, les universités africaines montrent un intérêt significatif pour cette nouvelle méthode d’apprentissage, notamment en raison de l’inefficacité du système éducatif africain. Ainsi, les pays africains doivent mettre en place des campus numériques avec des bibliothèques connectées à la disposition des étudiants. Cela permettra de donner un élan à la promotion de la recherche scientifique dont le continent a éperdument besoin aujourd’hui.

L'enseignement par Internet doit encore faire face dans de nombreux pays africains à des obstacles majeurs, le premier d'entre eux étant la faiblesse des infrastructures antérieures de télécommunication et le coût prohibitif des tarifs d'accès à l'Internet. Par exemple, les responsables pédagogiques au niveau des ministères et des facultés doivent améliorer les outils pédagogiques qui peuvent être adaptés à l'Internet. Les contenus de nos programmes aujourd'hui disponibles en ligne sont pour la plupart établis en occident et ne s’adaptent donc pas nécessairement à des étudiants africains. Nous devons être capables de réaliser des programmes inclusifs à nos valeurs ancestrales, culturelles, sociologiques et tout simplement en cohérence à notre identité. Toutefois, plusieurs universités ont conscience de l’importance de l’Internet dans les programmes et réorientent leurs programmes existants à l’enseignement par Internet. L'enseignement par Internet peut contribuer à oblitérer certaines difficultés auxquelles les pays africains doivent faire face aujourd'hui, c'est-à-dire celles liées à l’inefficacité de l’appareil éducatif.

 

Yedan Ali

Amadou Sy

TIC et Développement Durable en Afrique

e-governmentTout au long des siècles, les innovations technologiques ont façonné les rapports entre les individus, ainsi que les interactions entre ceux-ci et leur environnement. On pense par exemple à l’imprimerie d’abord pratiquée par les Chinois (depuis le IIème siècle après JC) puis perfectionnée et démocratisée par Gutenberg. Il est dit que l’imprimerie contribua fortement à diffuser la pensée et les idées dès la Renaissance, révolutionnant par ricochet la transmission d’informations et de connaissances entre les individus. L’expansion d’internet dès le début des années 2000 a considérablement modifié nos modes de vie et ouvert la voie à de nouveaux outils et modèles de communication.  A travers ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le monde est devenu un « village planétaire » : la mondialisation, disait-on ! En révolutionnant nos environnements, nos cadres de vie, nos systèmes d’apprentissage, nos déplacements, nos schémas de réflexion, bref notre quotidien, les TIC ont remanié de fond en comble nos sociétés. Au cœur des transformations de ces dernières, les innovations technologiques apportent des réponses à des problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Constat encore plus marqué dans les pays africains : le boom des télécommunications y a créé des conditions idéales pour le développement d’application et de logiciels locaux.

 L’exemple le plus marquant est celui de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Le téléphone portable y est actuellement le 1er moyen d’accès à internet. Selon une étude publiée en 2013 par l’Association Mondiale des Opérateurs Télécom (GSMA), le nombre d’abonnés mobile dans cette région du monde a progressé de 18% par an entre 2007 et 2012[1]. En Afrique, la plupart des téléphones portables vendus sont des smartphones sous Androïd, un système d’exploitation pour lequel il est très facile de créer des applications/logiciels mobile. Ceux-ci permettent de créer des synergies entre différents secteurs et contribuent à l’innovation sociale (e-santé, e-learning, etc.), économique (mobile Banking, e-commerce…), environnementale (consommation d’électricité, gestion des déchets urbains etc.)

D’abord cantonnées à un usage privé, les TIC sont aujourd’hui plébiscitées dans la sphère formelle et institutionnalisée: elles sont appréhendées tels de véritables outils de développement, de croissance socio-économique pour des populations en quête d’émergence. Ces innovations technologiques, impactent inégalement les PIB des différentes pays africains : selon une étude du Mc Kinsey Global Institute (MGI) rendue publique en novembre 2015, internet contribue à 3,3% au PIB du Sénégal, 2,9% pour le Kenya, 2,3% pour le Maroc et 1,4% pour l’Afrique du Sud.[2]

Il n’est donc pas surprenant que les TIC soient directement mentionnées dans 4 des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par l’ONU en septembre 2015. En tant que catalyseurs pour l’éducation, l’égalité homme-femme[3] ou moteur de la construction d'infrastructures résilientes pour une industrialisation durable[4] qui profite à tous, il est largement reconnu que les TIC jouent un rôle fondamental dans l’émergence de l’Afrique. Cet article revient sur le rôle que les TIC peuvent jouer dans l’émergence de l’Afrique ainsi que la manière dont elles participeront à la croissance inclusive sur le continent. 

 

  1. Les TIC comme catalyseurs de développement en Afrique

Tout l’intérêt des TIC en Afrique repose sur leurs usages et les services qu’elles permettent de développer : elles ne sont plus seulement utilisées comme de simples supports de communication (privée ou professionnelle)  mais plutôt comme de véritables instruments à des fins de développement socioéconomique. Le recours aux TIC dans le continent est passé d’un « usage de loisirs » à une « utilisation thérapeutique » : elles apportent des solutions aux besoins de base des populations : éducation, santé, transports, alimentation, accès à l’énergie et à l’eau potable etc.[5] Pourtant ce ne fut pas toujours le cas ; pendant très longtemps les « TIC-Sceptiques » ont vu l’émergence de ces nouveaux moyens de communication comme l’arbre qui cache la forêt ; un miroir aux alouettes qui détournait l’attention des « vrais » problèmes de l’Afrique : la famine,  la malnutrition, l’analphabétisme, l’illettrisme, les épidémies et pandémies, les guerres, les catastrophes naturelles et toute autre calamité collée à la représentation que certains se faisaient ( se font encore !) du continent. Ne dit-on pas que le temps est meilleur juge ? A ce propos, le temps a donné raison aux « TIC-Optimistes ». En effet depuis une dizaine d’années pléthores d’applications mobiles, développées par des start-up innovantes ont prouvé que les TIC ne sont pas superflues, bien au contraire qu’elles sont une des solutions pour résoudre  ces « vrais » problèmes auxquels les pays africains font face.

Pour les plus connues, elles s’appellent Obami en Afrique du Sud (plateforme-web de cours et vidéo éducatives gratuits),  Gifted Mom au Cameroun (santé de la femme enceinte et des nourrissons), M-Pesa au Kenya (paiement mobile), Jumia (e-commerce), W Afate au Togo (imprimante 3D à base de déchets électroniques),  M-Louma au Sénégal (bourse agricole en ligne). Toutes initiatives audacieuses illustrent le rôle incontournable que jouent les TIC dans la lutte contre la pauvreté, l’accès de tous à une éducation de qualité, l’accès aux soins de santé. Comme l’a souligné Alain François LOUKOU[6]  « les TIC ne constituent pas un problème totalement découplé des autres problèmes de développement. Elles sont plutôt en interaction avec eux». De plus l’usage des TIC à travers le développement d’applications mobile revêt une dimension de responsabilité intergénérationnelle, très peu mise en avant dans l’analyse de l’émergence des TIC en Afrique. En effet, en développant une application comme Gifted Mom, ou Obami, les créateurs répondent non seulement à des besoins actuels mais aussi anticipent des besoins futurs des générations suivantes : accès aux soins de santé,   accès à l’éducation etc.

En ce sens les TIC sont bel et bien des instruments qui permettront d’atteindre les Objectifs du Développement Durable tels que définis par les Nations Unies. On peut ainsi paraphraser la définition du Développement Durable en disant que les TIC sont des technologies qui permettent de répondre aux besoins des générations actuelles et à ceux des générations futures.

 

  1. Les TIC comme instruments de croissance inclusive

Il est indéniable que les Technologies de l’Information et de la Communication contribuent à booster le développement pour le continent africain. Il est révolu le temps où on voyait les TIC comme un luxe pour l’Afrique (en proie à de lourds retards structurels et infrastructurels). Aujourd’hui grâce aux TIC de nombreux entrepreneurs africains proposent  à leurs compatriotes des solutions locales aux problèmes locaux.  Mieux, certaines initiatives visent même une portée internationale : on parle de Glocalisation développer des solutions locales qui peuvent aussi bien s’étendre bien au-delà du marché national (notamment au sein de pays partageant des difficultés identiques). C’est le cas notamment des applications de transferts d’argent par mobile dans des sociétés où très peu de particuliers disposent de compte bancaire classique, mais possèdent 2 voire 3 téléphones portables. Aujourd’hui la réflexion ne porte plus sur l’utilité avérée des TIC pour le développement de l’Afrique. La question fondamentale est désormais comment les TIC peuvent-ils contribuer efficacement à la croissance durable et inclusive des pays africains ?

Face à ces bénéfices mentionnés ci-dessus, les gouvernants, les acteurs économiques mettent à pied d’œuvre des stratégies de promotion des TIC via l’émergence de l’économie numérique. Selon The Australian Bureau of Statistics,  l'économie numérique peut être définit comme l’ensemble des activités économiques et sociales génératrices de revenus qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique. Cette nouvelle catégorie d’économie regroupe le secteur des TIC, les secteurs utilisateurs et les secteurs à fort contenu numérique, ces derniers ne pourraient exister sans ces technologies. Le caractère multidimensionnel des innovations technologiques en font un vecteur non négligeable de croissance, de productivité et de compétitivité dans certains divers secteurs comme l’agriculture, la finance, l’accès à l’énergie, la consommation de bien et services etc.

Mais pour que les TIC deviennent de véritables leviers de croissance (inclusive donc qui profitent à tous), les ressources nécessaires doivent être mobilisées.

  1. Le rôle des Etats

En commençant par une offre éducative et de formation en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. Très peu de structures éducatives proposent des enseignements à l’utilisation des TIC ; très peu d’écoles primaires, de collèges, de lycées en Afrique disposent d’ordinateurs pour l’enseignement de l’informatique. Rares sont les établissements qui proposent des cours ou ateliers d’initiation à internet. L’apprentissage se fait intégralement dans le circuit informel (auprès des amis, de la famille ou dans les cyber café).  Inutile de préciser les dérives que ce manque d’encadrement engendre (utilisation détournée des outils de communication à des fins peu éthiques).  Beaucoup d’apprenants sont des autodidactes ou au mieux ont suivi des enseignements dans des structures d’apprentissage et d’initiation aux TIC[7]. Ces formations arrivent trop tard dans l’offre de formation éducative quand elles n’en sont pas à la marge.  Le secteur de l’économie numérique est un secteur porteur dont les besoins en compétences seront très forts dans l’avenir. Pour ce faire, l’Afrique a besoin de former les futurs codeurs, ingénieurs, développeurs et ne pas s’enfermer dans un état de léthargie qui en fera un désert de compétences.

Par ailleurs du côté des administrations publiques, pendant longtemps celles-ci n’avaient pas investi la sphère digitale ; depuis quelque temps, on note une digitalisation des  structures gouvernementales (site web, compte sur les réseaux sociaux, numéro d’accès via application mobile etc.). Ceci dénote une mobilisation par le geste des pouvoirs publics qui comprennent progressivement l’intérêt des TIC dans la gestion quotidienne des services. La mise en place d’une administration dématérialisée permettrait aux Etats d’être plus performants et mieux servir les citoyens.

  1. Le rôle des entreprises

Rappelons que pour une croissance inclusive des pays Africains, les entreprisses  sur le continent ont également un  rôle primordial à jouer.

Aujourd’hui encore, l’accès à internet s’avère coûteux pour beaucoup de particuliers. L’offre tarifaire (très vaste pour que chaque consommateur trouve chaussure à son pied) reste souvent très élevée pour une consommation en permanence. Il n’est donc pas rare que certains n’aient pas accès à internet pendant plusieurs jours car leur forfait est épuisé. Il faudra alors recharger son téléphone pour avoir internet.  L’accès à internet est certes en hausse mais il est encore insuffisant pour combler la fracture numérique Nord/Sud et atténuer les disparités intrarégionales (zones rurales, péri urbaines et urbaines). Les coûts d’accès élevés sont un corollaire de la faiblesse des infrastructures et de la faible connectivité intracontinentale[8]. La réduction des tarifs des « abonnements » internet est un prérequis majeur pour que l’accès à internet en continu ne soit plus un luxe pour certains.

Pour cela, les entreprises de télécommunication en collaboration avec les Etats et les investisseurs doivent travailler à améliorer les infrastructures de télécommunications. Dans le cadre de leur Responsabilité Sociétale (RSE) ces entreprises gagneraient à déployer des réseaux de télécommunication plus performants et plus modernes : la vétusté des équipements et le faible taux d’électrification du continent sont les principaux handicaps qui affectent la qualité de service des opérateurs.

Le manque de capitaux dans le secteur des télécommunications peut  être résolu par la mise en place de garanties à savoir un climat des affaires plus sain et responsable. Conjointement avec les  Etats,  les entreprises doivent lutter conte la corruption et les pratiques déloyales. C’est ainsi que les pays africains sauront attirer de nouveaux investisseurs, pour palier le faible renouvellement des équipements et l’obsolescence des infrastructures. Les difficultés issues de la vétusté des équipements résultent aussi des défaillances dans la maintenance des infrastructures. Les insuffisances constatées s’expliquent également par l‘absence de ressources humaines hautement qualifiées. Toujours dans le cadre de leur RSE, les entreprises peuvent favoriser le renforcement  de compétences, de capacités en nouant des partenariats avec des centres de formations, afin que ceux-ci forment les apprenants aux métiers dont ont réellement besoin les entreprises. Une fois de plus l’éducation et l’offre de formation se trouvent au cœur de l’impact des TIC sur le développement des pays africains.

Mentionnons avant de clore cet article un élément peu traité dans la réflexion sur les TIC en Afrique : la gestion des déchets électriques et électroniques (DEE). Dans un contexte où la communication entre 2 opérateurs concurrents coûte excessivement chers, les consommateurs ont pris l’habitude d’avoir plusieurs téléphones (un pour chaque opérateur) ou un téléphone à 2 ou 3 puces. A cela s’ajoutent les tablettes et ordinateurs (portable ou fixe). Si on considère que chaque individu change de téléphone portable tous les 18-24 mois, tout cela représente une tonne de déchets non ou mal recyclés. Un certain nombre de précaution (par exemple porter des équipements de protection) sont à prendre dans le traitement de ces déchets.  En effet tous ces appareils sont composés d’éléments toxiques pour la santé des personnes et l’environnement s’ils ne sont pas correctement recyclés. En l’absence de réglementations, le marché du recyclage et de la revalorisation des DEE est principalement informel donc sujet à de graves manquement dans le respect des mesures de sécurité.  Dans le cadre de la RSE, les entreprises de télécommunication seront appelées à trouver des solutions à la gestion des « e-déchets ». Ces derniers, s’ils sont négligés entraineraient de graves dommages de santé aux recycleurs (cancers, problèmes respiratoires), et d’importants dommages environnementaux (pollution des nappes phréatiques et des sols à proximité des centres sauvages de tri et recyclage)[9].

 

Les TIC sont effectivement des instruments au service du développement durable de l’Afrique mais en poussant la réflexion plus loin, on peut affirmer qu’avec un certain nombre de prérequis remplis, les TIC peuvent être des catalyseurs de la croissance soutenable et inclusive des pays africains. Nous avons énuméré quelques points d’amélioration à l’égard des Etats et des entreprises en tant que principaux acteurs du développement du continent ; sans toutefois nier l’importance de la société civile dans cette marche vers l’émergence. Les TIC sont aujourd’hui un maillon fort de l’économie de beaucoup de pays africains dont la contribution d’internet pourrait atteindre 5 à 6% du PIB des pays africains d’ici 2025. Ce qui montre que le secteur est hautement dynamique. À cela, il faut ajouter un secteur informel dont les données par essence « informelles » échappent à toutes statistiques officielles.  Le secteur informel génère des  milliers (voire des millions) de petits emplois et des revenus substantiels aux personnes de tous âges et de tous sexes qui l’exercent partout où les réseaux sont disponibles.

Pour confirmer ces faits, il serait nécessaire que soient mis en place de solides indicateurs d’appréciation de l’impact réel des TIC sur le développement des sociétés africaines. Pour cela deux pistes : d’une part quantifier la part de l’économie numérique aux PIB des pays africains (à travers par exemple le nombre d’emplois décents et pérennes crées dans les secteurs liés aux TIC.). On parle d’approche comptable car elles s’expriment uniquement en termes financiers ou création d’emplois. D’autre part quantifier le manque à gagner des pays africains en cas de « privation » des TIC ; on évaluerait ainsi les conséquences organisationnelles sur les entreprises, les particuliers, les administrations de  la non utilisation des TIC.

 

Rafaela ESSAMBA


[3] 5.b  Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes

[4] 9.c  Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020

[5] Besoins qu’on peut assimiler aux 2 premières bases de la pyramide de Maslow à savoir les besoins physiologiques et ceux de sécurité/protection

[6] Alain François Loukou, « Les TIC au service du développement en Afrique : simple slogan, illusion ou réalité ? »

[7] Signe d’un fort engouement pour l’économie numérique et les TIC, des espaces d’innovation digitale (hub, pépinières, espace de co-travail, incubateurs..) voient de plus en plus le jour en Afrique.

[8] La plupart des pays africains utilisent la largeur de bande passante internationale pour un partage de données au  niveau local ; opération extrêmement chère.

Le numérique peut-il vraiment changer votre vie ?

Depuis que le football ne fait plus rêver, le nouvel eldorado social africain se trouve dans l’entrepreneuriat, avec un intérêt particulier dans les domaines du virtuel. En même temps que le nombre d’Africains connectés monte en flèche, Internet, les réseaux sociaux en général ainsi que les solutions numériques sont  envisagés dans tous les discours. Ces changements se suivent forcément de modifications plus ou moins profondes dans le quotidien des uns et des autres, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Le digital a-t-il une influence si grande sur nos vies ?

  1. Le digital change-t-il nos habitudes ?

Le réseau social Facebook a atteint en juin 2014 les 100 millions d’utilisateurs mensuels en Afrique. Avec une telle croissance, les faits par eux même  prouvent que les modes de vie changent, ici comme ailleurs. L’ampleur de ces changements se perçoit plus facilement dans des nations à forte présence technologique comme le japon ou Singapour, mais de plus en plus les vies africaines se modifient, de manière parfois plus forte qu’ailleurs. Le continent vert étant par exemple le seul sur lequel le mobile est utilisé à plus de 80% par rapport aux ordinateurs et autres tablettes pour les connexions sur le Web.

 

FB-afrique

 

(c) Jeune Afrique / Infogram

Plus généralement, on voit le digital changer les sociétés de plusieurs manières. Nous le voyons quand nous nous rendons compte que plus du tiers de la population mondiale aujourd’hui dispose d’internet. Nous voyons de  plus en plus fréquemment nos mamans nous envoyer des demandes d’amitié sur Facebook *pour notre plus grand malheur*, pendant que nos papas regardent leurs matchs, consultent leurs mails, profitent des services vidéos comme YouTube via leurs téléphones. Et la tendance est croissante, puisque les transports par drones d’Amazon et les ballons distributeurs de Wi-Fi nous font passer dans un univers digne des meilleures séries de science-fiction.
Nous voyons aussi le digital quand nous pouvons assister en streaming (en direct) à l’E3, la conférence du jeu vidéo, et lorsque nous pouvons lancer des campagnes de financement participatif (« Crowdfunding »). Ces campagnes de financement permettent entre autres de redonner ses couleurs à une culture comme avec le projet JeParleBassa’a 2.0, qui vise à réhabiliter certaines langues  locales au Cameroun. Le digital permet à  une entreprise de faire de la location de voitures sans voitures, et le digital permet aussi à une voiture de se déplacer sans chauffeur. De la monnaie à la météo en passant par la télévision, les transports. D’ailleurs prenez une minute, et pensez au téléphone. A chaque appels que vous émettez, vous entendez distinctement la voix d’une personne située à des milliers de kilomètres de votre position, vous arrivez à la voir en direct et même, vous pouvez lui faire un transfert d’argent *ce qui doit être fréquent si vous êtes africains*.

Il y a moins de quarante ans que l’internet est entré dans nos habitudes, mais on peut difficilement imaginer un monde sans le digital. Ceci dit, ces changements globaux n’ont pas forcément d’impact réel sur les vies des africains, qui sont relativement en retard dans la course aux datas.

  1. Le digital change-t-il vraiment la vie ?

Selon beaucoup, pas vraiment. Soyons un peu pragmatiques. L’homme n’en est pas à sa première révolution, et à moins que les mayas aient raison, l’humanité a encore quelques belles années avant que nous ne soyons tous dévorés par les oranges mutantes issues de l’agriculture OGM. En attendant, l’homme a toujours vécu des innovations, et très peu ont réellement changé quelque chose à notre manière fondamentale de vivre. Malgré les discours  optimistes à souhait, en fait, tout   est pareil. Notre manière d’aimer par exemple n’a pas changé, les compétences nécessaires au leadership n’ont pas  changé, et on se rend compte que la vie est un éternel recommencement, vu que Pokemon et les jeans déchirés  sont revenus à  la mode.  De plus, malgré les ambitions philanthropiques et mégalomaniaques des superpuissances et des milliardaires de l’heure, on n’a pas encore vu beaucoup de réalisations  vraiment utiles pour l’humanité, au point que certains se demandent si ces projets humanitaires sont vraiment si humanitaires que ça.

Parce qu’entre nous, l’Afrique est pauvre. Bon. Soyons politiquement corrects. L’Afrique est un « contexte géopolitique complexe et incertain». Qu’est-ce que des applications web, le data mining ou les drones peuvent apporter à une région où on a des coupures de courant de vingt heures par semaine? Qu’est-ce que les « wazzaps » et les « fassbook » peuvent apporter à quelqu’un qui vit sous le seuil de un Euro par jour ? Comment est-ce possible que l’homme soit capable d’aller sur la Lune et sur Mars, et qu’il soit inapte pour éradiquer la famine ?

 

chomage

 

(c) Jeune Afrique / Infogram

A contrario, la transformation digitale qu’est en train de connaitre le continent africain ne se fait  pas sans risques. En Algérie qui est le cinquième pays africain sur  les réseaux sociaux, on a récemment ouvert un centre de désintoxication contre  Facebook. Incroyable mais vrai. Pendant ce temps des terroristes notoires utilisent fréquemment des vidéos de propagande diffusées via les réseaux sociaux, ainsi que des services de messagerie chiffrée comme Telegram, l’application de messagerie qui permet d’envoyer des messages virtuellement impossibles à intercepter. Le digital change même la manière de faire la guerre.

Des variations notables du quotidien africain sont certes perceptibles. Outre les 25 % d’abonnés mensuels revendiqués par le continent, on compte aussi une utilisation plus que massive des outils de messagerie instantanée comme WhatsApp, qui a affiché deux années de suite un taux de croissance de plus de 50%. L’Afrique est aujourd’hui le premier continent en matière d’utilisation de solutions de paiement mobile comme avec M-PESA au Kenya, et de manière générale le digital a rendu l’Afrique beaucoup plus mobile. Dans les deux sens que peuvent prendre ce mot.

  1. Qu’est-ce que le digital apporte alors à l’Afrique ?

Des perspectives.

Il ne faut pas se voiler la face. Les discours sur le prétendu réveil africain n’auront pas passé l’épreuve du temps. Beaucoup des problématiques sociales, économiques, structurelles de  l’époque des indépendances sont encore bien présentes de nos jours. Ceci dit, même si une connexion internet ne remplace un champ détruit par la sécheresse, le digital est loin d’être un placement à perte, au contraire.

Considérer que le numérique n’est pas une  priorité parce que le peuple a faim, c’est  équivalent à considérer en pleine deuxième guerre mondiale que la fabrication d’armes  et les entraînements  des soldats ne sont pas  une priorité… parce que le peuple a faim. C’est incohérent, surtout qu’en vérité, on est vraiment en guerre. Les épidémies, l’instabilité sociale, et les très nombreux préjugés nuisent à l’image de l’Afrique, et empêchent l’instauration d’un climat entrepreneurial fiable.

Sur tous ces champs de bataille, les technologies de l’information et de la communication offrent des perspectives, ouvrent des portes. Le simple accès à l’information permettrait déjà de mieux gérer certaines épidémies, pendant que les applications de sécurité routière offrent de belles solutions à des problèmes concrets, permettant de [plus ou moins] réduire les taux d’accidents en attendant les super-routes promises par tous les plans africains d’émergence en 2025, 2035, 2045 et cetera.

S’agissant de l’éducation la question ne se pose même pas. A l’heure actuelle on devrait intégrer l’utilisation des blogs et des algorithmes dès la sixième pour rattraper le retard pris sur les nations des autres continents. Au japon, on envisage déjà d’introduire le code dans les programmes scolaires. Au primaire -_-.

De toutes manières, même si les technologies de l’information ne résolvaient aucun problème et ne changeaient rien au quotidien, il faudrait  quand même capitaliser dessus. Si on ne le fait pas, d’autres le feront à notre place et ils ont même déjà commencé. Les projets visant à « connecter l’Afrique » sont des priorités pour de nombreuses grosses boites américaines et chinoises. La ville de Hong Kong à elle seule produit plus de contenu sur WIKIPEDIA que tout le continent Africain. Faudra-t-il attendre que le monde vienne écrire nos articles à notre place ?

Quelques-uns ont compris, et certaines de nos figures politiques se sont aussi mises à la page, avec des mesures plus ou moins utiles, éthiques, efficaces. L’exonération d’impôts sur l’importation de matériel technologique ou l’achat d’ordinateurs pour les universités sont déjà adoptées, même si on débattra plus tard de la pertinence souvent discutable de celles-ci. Dans le même temps les coupures brutales de l’internet en périodes électorales ne sont pas rares non plus. En outre il n’est pas rare de voir quelques « négligences » de la part des gros médias sociaux, envers certaines figures emblématiques africaines. Le compte « officiel » de l’artiste Youssou n’dour notamment, avec 173k abonnés, n’est pas certifié. Comme quoi le digital ne peut pas tout changer, sans une vraie volonté.

Cela signifie que nous avons encore du chemin à faire, mais ce qui est sûr c’est que ce chemin sera bien moins pénible pour les nations et peuples africains qui auront compris ce qui est plus qu’un slogan pour quelques geeks en mal de reconnaissance : Le digital, c’est le futur. Si vous en doutez, vous vous trompez.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

 

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

Eduquer au Développement Durable : l’importance des synergies multipartites!

developpement-durableDéfini de façon consensuelle comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs[1], le développement durable est aujourd’hui au cœur des réflexions et des prises de décisions. Les nombreuses crises économiques, sociales et environnementales de par le monde soulèvent des inquiétudes pour notre avenir commun. Il est primordial qu’interviennent des mutations fondamentales et structurelles à long terme de nos systèmes socioéconomiques, ainsi que des changements de comportements, notamment individuels. L’éducation – dans son sens le plus large en tant qu’action de former, développer et faire grandir l’individu, non seulement pour lui-même, mais aussi pour qu’il puisse participer à la construction de la société[2] a un rôle prépondérant à jouer. L'éducation en tant qu’outil de transmission d’une génération à l'autre est l’un des instruments les plus puissants pour réaliser ce changement structurel et façonner un avenir viable pour tous.

De ce fait, il faut repenser l’éducation[3] en termes de durabilité afin qu’elle serve d’appui et de catalyseur pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) tels qu’énoncés par les Nations Unies en septembre 2015. En ligne avec un proverbe africain « un seul bras ne peut faire le tour d’un baobab » pour signifier la nécessité de l’union pour réussir un défi aussi colossal, les partenariats rassemblant plusieurs acteurs sont l’une des  clés pour atteindre ces ODD. Les acteurs privés, publics doivent œuvrer individuellement et surtout collectivement pour relever les défis auxquels nous faisons face.

Qu’est-ce-que l’Éducation au Développement Durable ?

Selon l’Unesco (en charge de coordonner la mise en œuvre du Programme d'action mondial pour l'EDD), l’éducation au développement durable consiste à intégrer dans l'enseignement et l'apprentissage les thèmes clés du développement durable. Il s’agit par exemple d’aborder le changement climatique, la prévention des catastrophes, la biodiversité, la réduction de la pauvreté ou la consommation durable. Elle est intrinsèque et transversale : elle fait corps avec les disciplines déjà enseignées et simultanément se pense dans l’interaction entre les différents champs disciplinaires. L’EDD ne doit pas être perçue ou traitée comme une nouvelle discipline d’apprentissage. Elle se construit et s’adapte au niveau scolaire et au public en apprentissage. De ce fait, l’EDD débute dès les premiers cycles de l’éducation (maternelle) et se poursuit dans les dernières années de l’éducation formelle (enseignement supérieur).

EDD : de la nécessité de réformer les systèmes éducatifs !

Une Éducation au Développement Durable demande de transformer de fond en comble l’environnement éducatif de chaque pays. Elle doit être spécifique à chaque pays selon les enjeux et ambitions de celui-ci en matière d’éducation, d’environnement, d’économie etc.  Développer une EDD demande d’intervenir sur différents volets dont les plus importants sont :

  • Le contenu de l’apprentissage > intégrer les enjeux du Développement Durable aux programmes éducatifs et concevoir des outils d’apprentissage innovants et interactifs. Définir un plan d’action, une stratégie et des indicateurs de suivi…
  • La pédagogie et la méthodologie d’apprentissage > renforcer les compétences des personnels éducatifs. La faiblesse et le manque de compétences des éducateurs est l’un des premiers obstacles à l’Éducation au Développement Durable[4]
  • L’action et la mise en pratique > encourager la réflexion critique, la prise de décision des apprenants sur des problèmes de leur quotidien. Planifier et réaliser des projets individuels et collectifs en réfléchissant aux liens entre les actions et leurs impacts.

Quels acteurs pour une EDD efficace ?

Dans la réflexion et l’application des chacun de ces volets, il est nécessaire d’inclure des acteurs externes (à la classe et au milieu scolaire) : instaurer le dialogue et la collaboration entre tous les acteurs de la société. En matière d’EDD, il est nécessaire que toutes les parties prenantes travaillent en synergie. Par parties prenantes ici on entend toute structure (publique, privée) impliquée de près ou de loin par l’éducation. On peut citer de manière non exhaustive, les pouvoirs publics, les organisations de la société civile, les entreprises, les apprenants, les médias…

  • Les pouvoirs publics: pour atteindre les Objectifs de Développement Durable dont l’objectif numéro  4 est l’accès à une éducation de qualité intégrant les enjeux de Développement Durable, il est primordial d’instaurer un leadership politique fort. Celui-ci favorise un climat organisationnel nécessaire au changement, mobilise les ressources adéquates. Ainsi le renforcement des politiques d’éducation en ligne avec les engagements mondiaux, régionaux, nationaux et locaux en est la pierre angulaire.
  • Les organisations de la société civile œuvrent sur le terrain et pour beaucoup ont un rôle de lanceurs d’alerte (notamment en ce qui concerne la préservation de l’environnement). Elles ont un rôle non-négligeable à jouer : d’une part à travers leur participation à la refonte des ouvrages pédagogiques, en développant des programmes éducatifs extrascolaires qui complèteraient les enseignements théoriques. Il est essentiel d’intégrer davantage de contenus et de pratiques d’apprentissage axés sur l’EDD afin de s’assurer que tous les apprenants aient les connaissances, les attitudes et les compétences nécessaires pour répondre aux défis du développement durable tout au long de leur vie et d’autre part, dans le renforcement de compétences des équipes éducatives. En effet, le déficit de compétences en éducation au développement durable des éducateurs, reste encore un obstacle majeur à surmonter.
  • Les entreprises en tant que structures de création de valeur économique ont été les 1ères à intégrer les enjeux de Développement Durable. À travers leurs engagements de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) elles doivent trouver des réponses aux problèmes auxquels elles font face tous les jours. Elles doivent ainsi participer à la refonte des programmes scolaires (surtout dans l’enseignement supérieur et la formation technique). Il convient de faire évoluer les profils et les compétences professionnels pour les adapter aux métiers dont les entreprises ont besoin ; de développer l’offre de stage, mentorat et autres moyens d’accompagnement et d’insertion professionnelle
  • Les apprenants doivent jouer un rôle de premier plan en tant qu’agents du changement : ils sont des ambassadeurs de choix auprès de leurs parents et du reste de la communauté. En tant que partie prenante (beaucoup ignorée), ils doivent activement et davantage être impliqués aux discussions relatives à leur avenir. La mise sur pied de club ou comité développement durable dans les établissements scolaires est une piste pour intégrer les apprenants dans cette démarche.
  • Les médias (presse écrite, radios, télévisions etc.) peuvent contribuer à l’EDD à travers la vulgarisation des enjeux de Développement Durable. Ceci peut prendre plusieurs formats : article de presse, émission-débat TV ou radio, diverses campagnes de sensibilisation et d’information. Mais ceci toujours en collaboration avec les autres parties prenantes.

En septembre 2015, les Nations Unies ont adopté de nouveaux objectifs (pour mettre fin à la pauvreté, lutte contre les inégalités et l'injustice et faire face au changement climatique d'ici à 2030) afin de parvenir à un Développement Durable. Pour autant ces 17 objectifs ne pourraient être atteints sans un changement de paradigme notamment un ajustement des systèmes éducatifs. D’où l’importance de la mise en place d’une approche intégrant l’Éducation au Développement Durable au sein des diverses structures de formation, d’apprentissage. Après avoir précisé ce qu’est l’Éducation au développement durable, nous avons pu présenter des actions prioritaires pour l’EDD :

  • Aligner les politiques de formation et d’apprentissage aux enjeux de Développement Durable
  • Renforcer les compétences des personnels éducatifs.
  • Mettre en place des projets structurants

Les principaux obstacles observés sont l’absence ou la faiblesse des stratégies/politiques d’éducation au développement durable. À cela s’ajoute le manque / la faiblesse des compétences des équipes éducatives. Cet article se veut un plaidoyer pour la mise en commun des forces vives de toutes les parties prenantes car les partenariats multipartites sont une solution pour pallier les obstacles ci-dessus énoncés. L’éducation au Développement Durable est un vrai défi à relever en Afrique mais certains pays en ont pris la mesure et prennent des initiatives dans ce sens que nous devons valoriser.

 

Rafaela ESSAMBA


[1] Selon le rapport « Notre avenir à tous » publié à l’issue de la Commission des Nations Unies sur l’Environnement en 1987. Plus connu sous le nom Rapport Brundtland du nom de la Ministre Norvégienne, Gro Harlem Brundtland qui dirigea les travaux de ladite commission. Rapport téléchargeable ici.

[3] Nous évoquons ici l’éducation formelle fournie dans le cadre des études scolaires (de la maternelle à l’enseignement supérieure)

[4] Selon le Rapport Final « Façonner l’avenir que nous voulons » de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (2005-2014) http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002303/230302f.pdf

Gaspillage des cerveaux au delà de la fuite des cerveaux

fuite_cerveauxBeaucoup de pays Africains investissent dans la formation de leurs élites (en offrant des bourses) sans pourtant obtenir les retours sur investissements escomptés, car rares sont les diplômés africains bénéficiaires  de ces bourses des États qui retournent effectivement exercer dans leur pays d'origine ; la plupart préférant travailler dans leur pays hôte ou ailleurs dans le monde. Ce qu'on appelle communément la "fuite des cerveaux" ou « exode des cerveaux ». On note par exemple qu’entre 1990 et 2000, la migration des diplômés de l'enseignement supérieur a augmenté de 123 % en Afrique de l'Ouest contre 53 % pour les non-qualifiés. Abdeslam Marfouk, chercheur à l'université de Louvain estime que plus de dix pays africains ont plus de 40 % de leur main-d'œuvre hautement qualifiée hors de leur pays : 67 % au Cap-Vert, 63 % en Gambie, 53 % en Sierra Leone, etc. et que près d'un chercheur africain sur deux réside en Europe.[i]

L’effet pervers de cette fuite de cerveau est le « brain waste » ou « gaspillage de cerveaux ». Il s’agit des compétences qui sont sous-appréciées et sous-utilisées. Cela est fréquent dans tous les pays, mais les immigrés dans les pays développés sont les plus touchés. Selon Joëlle Paquet (2010)[ii], s’il est vrai que les travailleurs immigrés qualifiés peuvent  théoriquement améliorer leurs revenus et leur bien-être dans leur pays d’accueil ; cette augmentation est cependant limitée par les problèmes d’intégration auxquels font face certains immigrants. Caglar Ozden, économiste à la Banque Mondiale, constate qu’aux Etats-Unis, les migrants qualifiés ne parviennent pas souvent à trouver des emplois correspondant à leur niveau d’instruction.[iii]

 

«Brain Waste » absolu et « Brain Waste » relatif

En général, à niveau d’instruction égal, les immigrants dans les pays développés occupent des emplois moins compétitifs que les « autochtones ». Cependant, il faut distinguer le «Brain Waste » absolu et le « Brain Waste » relatif. Le «Brain Waste » absolu correspond aux travailleurs qualifiés exerçant le métier d’ouvrier ou d’autres métiers non qualifiés. Selon Souhila Benali, 6% des immigrés algériens « qualifiés » exercent le métier d’ouvrier en France. Le « Brain Waste » relatif, c’est la situation qui équivaut à la déqualification des diplômés, en les affectant à des postes de niveaux inférieurs à leurs qualifications. Un nombre important non mesurable d’immigrés serait dans ce cas.[iv]

 

Pourquoi les immigrants sont affectés par le gaspillage des cerveaux ?

Beaucoup de pays comme le Canada exigent une compétence élevée afin d’obtenir une immigration. Le programme de travailleurs qualifiés se base sur un système de points. Le candidat à l’immigration doit satisfaire une certaine compétence basée sur les diplômes, les expériences de travail, les spécialités qui procurent des points. Cependant, le pays d’accueil ne dispose pas toujours ou pas assez des métiers correspondant aux compétences des immigrés. En outre, les diplômes et les qualifications professionnelles de nombreux migrants ne sont pas reconnus. Joëlle Paquet (2010)[v] explique le gaspillage des cerveaux par le fait que les diplômes et les qualifications professionnelles de nombreux migrants ne sont pas reconnus, en particulier lorsque ceux-ci proviennent de pays en développement. Certains immigrants sont obligés de refaire une formation dans le pays d’accueil afin d’espérer un métier correspondant à leurs compétences.

La langue constitue, dans bien de cas, un facteur entrainant ce gaspillage des cerveaux. Selon Maurice Schiff, économiste à la Banque mondiale, il ressort des données relatives aux États-Unis que les migrants scolarisés venant de l’Inde ou du Royaume-Uni ont plus de chances de trouver des emplois correspondant à leur niveau de compétence aux États-Unis. « L’une des principales raisons qui expliquent cette situation est la langue. Les diplômés d’université de l’Inde et du Royaume-Uni s’expriment en anglais, ce qui leur confère bien entendu un grand avantage lorsqu’ils arrivent aux États-Unis », précise Maurice Shiff.[vi]

Aussi, faut-il signaler que certains emplois qualifiés sont réservés exclusivement aux  citoyens : ces emplois excluent les immigrants non citoyens et pour d’autres emplois, la priorité est accordée aux citoyens. Il est admis qu’il y’a une grande concurrence pour l’obtention des travaux qualifiés. Cette grande concurrence conjuguée avec la non priorité dans les emplois peut entraîner un gaspillage des cerveaux des immigrants dans les pays développés.

 

Que faire avant de s’engager pour une immigration ?

Il faut cependant noter que le gaspillage des cerveaux n’est pas seulement l’apanage des immigrants dans les pays développés. Le gaspillage des cerveaux existe même dans les pays en développement, les pays d’origine des immigrants et serait l’une des causes de l’immigration et qui décourage le retour de certains immigrants vers leur pays d’origine. L’une des causes majeures du gaspillage des cerveaux des immigrants est le manque d’informations. Beaucoup de travailleurs qualifiés s’engagent dans le processus d’immigration sans réellement connaître l’environnement du point de chute. Il est du devoir de tout candidat qualifié à l’immigration de bien observer l’environnement du point d’accueil avant de s’engager.

Les candidats à l’immigration doivent se renseigner des possibilités d’emplois qualifiés dans les pays d’accueil potentiels. Ils pourront se renseigner auprès de plusieurs immigrants déjà installés pour diversifier les sources de renseignement. Il est conseillé également aux candidats qualifiés à l’immigration, une fois engagés, de prendre une disponibilité de service si possible au lieu d’une démission afin de ne pas fermer la porte pour un retour potentiel. Ainsi, une fois installé dans le pays d’accueil,  à la fin du délai de la disponibilité de service, le candidat pourra arbitrer entre sa situation actuelle et sa situation précédente afin d’éviter le gaspillage des cerveaux.

 

Que doivent faire les pays pour empêcher des gaspillages de cerveaux de leurs émigrants ?

Pour éviter les gaspillages de cerveaux, les États africains doivent procurer des bourses conditionnelles, mais aussi combattre les gaspillages des cerveaux dans leur propre pays. Ces bourses conditionnelles doivent être effectives et accessibles à tout le monde. Ainsi, les États doivent non seulement garantir des emplois pour les diplômés, mais aussi créer une situation favorable pour le retour des diplômés. En même temps qu'on investit dans le capital humain, il faudra investir aussi en capital physique pouvant favoriser l’accueil des diplômés. Aussi, pour faciliter le retour des migrants et leur insertion dans leur société d’origine, les États doivent tout faire pour garantir un emploi aux migrants diplômés après leur retour à l’instar de certains pays asiatiques et latino-américains.

 

 

Ali Yedan

 


[ii] PAQUET, Joëlle. Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée. Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation, ENAP, 2010, 16 p. (Rapport évolutif. Analyse des impacts de la mondialisation sur l’économie au Québec; Rapport 8)

 

[v] PAQUET, Joëlle. Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée. Québec, Laboratoire d’étude sur les politiques publiques et la mondialisation, ENAP, 2010, 16 p. (Rapport évolutif. Analyse des impacts de la mondialisation sur l’économie au Québec; Rapport 8)