Emigrations et politique des émigrés au Maroc

Les rapports entre les diasporas et leur pays d'origine, et plus particulièrement les politiques mises en oeuvre par les Etats pour "gérer" leurs ressortissants à l'étranger, revêtent un caractère particulièrement important en Afrique. La revue Averroès a publié une étude fouillée sur les Marocains résidant à l’étranger (MRE). Selon cette étude, ces derniers ont été, progressivement depuis les années 1990, l’objet d’une politisation graduelle qui les a portés en haut de l’agenda politique. Trois temps peuvent être isolés dans les relations entre l’Etat marocain et ses émigrés. Selon Youssef Benkirane, auteur de l'étude, des années 1960 à la fin des années 1980, l’Etat marocain jouait un rôle de « proxénète », dispensant sa main-d’oeuvre aux clients européens, récoltant sa « comptée » et gardant un contrôle coercitif, voire répressif sur ses ressortissants. Les années 1990 ouvrent une nouvelle période où l’émigration qui s’intensifie et se diversifie se soustrait au contrôle de l’Etat en même temps qu’elle devient porteuse d’enjeux importants en matière culturelle et économique. Durant cette décennie, l’Etat marocain a pu paraître absent ou pour le moins dépassé par une dynamique sur laquelle il perdit le contrôle. Au dépassement de l’Etat dans les années 1990 répond son redéploiement dans les années 2000 grâce à la mise en place d’une stratégie « paternaliste » consistant à renforcer les liens culturels et économiques des émigrés avec leur pays d’origine, et « désamorcer » en filigrane la constitution d’un champ externe de contestation politique.

Comme le fait remarquer le professeur Benkirane, " Bien que l’émigration soit un fait marquant de l’économie et de la société marocaine depuis les années 1960, il n’y a eu jusqu’à la fin des années 1980, pour reprendre Mohamed Charef (2005), « ni politique d’émigration, ni production scientifique majeure, à croire qu’il y a eu une volonté de négation d’un phénomène ». L’un des facteurs de cet oubli réside, à n’en pas douter, dans le fait que jusqu’au milieu des années 1970, on ait considéré au Maroc l’émigration comme temporaire et provisoire. Il a fallu attendre la fin des années 1980 voire les années 1990 pour que l’émigration, à la faveur de son intensification, sa diversification et son importance pour l’économie nationale, intéresse les politiques, les promoteurs économiques et les chercheurs et qu’une véritable politique commence à être pensée au lieu du contrôle politique coercitif et répressif d’antan."

Cette politique a connu un tournant lors du trentième anniversaire de la Marche Verte en 2005 où le roi Mohamed VI a annoncé des décisions importantes. Répondant aux demandes des « émigrés », Mohammed VI ouvre la voie à leur participation électorale, à leur représentation parlementaire sur la base de nouvelles circonscriptions à l’étranger et annonce la création d’un Conseil Supérieur de la Communauté marocaine à l’étranger.

Cette étude se propose d’étudier ces trois temps des rapports entre les émigrés et l’Etat marocain et plus précisément les développements qui ont eu lieu ces dernières années et qui marquent un tournant décisif.
 

Le lien PDF de l'étude (16 pages) : http://revueaverroestest.files.wordpress.com/2011/04/art-benkirane-revue-averroc3a8s-n2-repc3a8res-janv2010.pdf