Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le
vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n'est pas en nous,
mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l'audience comme
la pénétrance d'une guêpe apocalyptique.
A. Césaire, Cahier d'un retour au pays natal
Tu es pressé d'écrire comme si tu étais en retard sur la vie
René Char, Commune Présence
Je revois le film de l'année écoulée. Difficile d'en tirer un jugement définitif, encore moins objectif. Professionnellement parlant? La même routine. Pas encore décidé à rejoindre une corporation. Journaliste, à la rigueur, mais encore faut-il jurer de dire la vérité. Jamais été mon fort. Je préfère encore tricher et avoir raison. Ecrivain. Pouah, le métier de Mabanckou et BHL. Tu parles d'une compagnie.
Ce que je sais en tout cas, ce que je vois, c'est que la plus simple virgule posée pour Terangaweb obéït à une seule et même urgence : l'égalité. La plupart des gens sont pour l'égalité, mais pas pour que les autres leur soient égaux. Ce n'est pas la même chose. Être originaire d'Afrique subsaharienne ou "issu de la diaspora", comme on ne le dit plus, c'est à mon avis, accepter ce sacerdoce : être partout et toujours un porte-drapeau de l'égalité. Entre sexes, entre sexualités, entre sens et cens. Toujours. Nous sommes condamnés à prêter attention à la moindre résurgence du nucléon aristocratique, au moindre sourire trop entendu. Pour une simple raison : notre appartenance pleine et entière à la communauté des hommes n'est jamais, entièrement, indiscutablement établie.
Cela ne signifie pas se couper du monde et renforcer les cloisons imposées de l'extérieur, mais rester attentif. Prudent. A l'écoute. Ce n'est pas une tâche aisée. J'y regimbe et je proteste. Mais au fond, je sais qu'il n'y a pas moyen d'y couper : bien ou mal, ce rôle doit être joué. Il n'implique aucune supériorité, aucune "mission". Juste une profonde, terrible et incurable allergie.
Si le snobisme des révoltés de la circulaire Guéant m'écoeure, si l'avion d'Oritsejafor m'indigne, si l'essai de Browen Manby me passionne, si les ricanements qui ont accueilli la candidature de Youssou N'dour me répugnent, si la suffisance d'Ibrahim Mo me révolte, si le cynisme de Soro Guillaume me révulse, si l'intelligentsia bien-pensante de l'UNESCO me scandalise, si j'écris pour Terangaweb, c'est parce que, fondamentalement, instinctivement, j'ai une peur panique de l'inégalité. Un amour tyrannique de cette maudite Afrique, et du rôle qu'elle m'impose.
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Très beau texte… Par contre je me demande si nous devons absolument crier "notre appartenance pleine et entière à la communauté des hommes" qui, tu as raison, "n'est jamais, entièrement, indiscutablement établie". Pour moi cela n'est pas nécessaire. A nous de montrer que le "coût d'une vie" africaine est le même que celui d'un autre élément de l'espèce! "Le tigre n'a pas besoin de proclamer sa tigritude"…! Réfléchissons, agissons comme des Hommes et le respect dû à notre statut d'Hommes s'imposera de lui-même!
Bravo pour tes chroniques dominicales!
L'égalité est un leurre. Ce dont le peuple a besoin c'est le bonheur. Je cherchais une rime. Même si je suis conscient tu places ce concept au niveau du droit, systématiser l'égalité, le tout égalité est une utopie, mieux une folie qui refuse d'accepter un fait : nous ne naissons pas égaux. Le vrai enjeu, le vrai progrès est que celui qui a plus de talents naturellement, redistribue… un peu. Celui qui a plus de force, protège plus qu'il ne massacre. Que celui qui a plus de charisme, leade avec sagesse et altruisme.
Cher Joel, j'ai du plaisir à ne pas partager tes points de vue et permets moi de te souhaiter un bon reveillon en attendant les voeux de demain!
Bien à toi