En Afrique du Sud, le sanglant conflit minier démarré en août, étendu aujourd'hui aux chauffeurs de camion, n'en finit pas de révéler l'effritement de la confiance des masses populaires à l'égard de l'ANC, à l'heure où le président Zuma prépare sa réélection en 2014. Démarrée dans la mine de platine de Marikana (Province du Nord-Ouest), avant de s'étendre à tout le bassin minier du Rustenburg, puis à des mines d'or et dans une moindre mesure, de chrome et de charbon, cette crise n'en finit pas de voir son bilan s'alourdir, alimentée par le peu de réponses concrètes que les négociations ont apporté aux frustrations des ouvriers. A l'heure actuelle, plus de cinquante morts, les arrestations qui se comptent par centaines, les licenciements brutaux et absurdes (il n'y a qu'à considérer le chiffre ubuesque de douze mille !) annoncé le 5 octobre chez Amplats, filiale d'Anglo American Platinum, et les graves bavures policières laissées sans suite sont à mettre en contraste avec le renoncement du personnel politique, moins enclin à voir en ces grèves la dernière expression d'un malaise rampant que le nouveau théâtre des jeux de pouvoirs – jeu qui déterminera qui de Jacob Zuma, de son rival exclu du parti Julius Malema ou des syndicats est le plus proche des souffrances du peuple.
Mais ce malaise social et politique n'est pas de ceux qui se désamorcent à mesure qu'on les ignore. Ces dernières grèves ne sont qu'un signe parmi tant d'autres du délitement du compromis nécessaire né à la fin de l'Apartheid. Il s'agissait bien évidemment de garantir aux hautes sphères blanches que la passation de pouvoir ne serait pas synonyme de bain de sang et d'exode massif – l'exemple zimbabwéen était dans tous les esprits, et cela n'apparaissait dans l'intérêt de personne qu'il se reproduise. Il s'agissait tout autant, bien évidemment, de rassurer les investisseurs internationaux, en premier lieu Américains et Britanniques, et d'assurer un avenir économique au pays, dans le nouvel ordre international néo-libéral qui avait assis son triomphe trois ans plus tôt. Les mines, générant aujourd'hui 9% du PIB sud-africain, 19% si l'on prend en compte les activités connexes, étaient au centre de ces marchandages – et il fut vite accepté qu'elles ne changeraient pas de main, et que les magnats nationaux et internationaux pourraient dormir tranquilles.
Un compromis prenant bien peu en compte les intérêts sociaux, en somme. Pourquoi ? Comment expliquer ce revirement venant d'un parti qui, soixante-quinze ans durant, avait prôné le renversement radical de l'autocratie blanche et du capitalisme dans la foulée ? Car il y a bien eu revirement : sinon comment expliquer le Secrétaire Général de l'ANC, Gwede Mantashe, lorsqu'il a rejeté les revendications des grévistes et soutenu Zuma dans son autorisation du recours à l'armée pour maintenir l'ordre si nécessaire ? Ou l'attitude du SACP (parti australian blackjack online communiste) et de COMASU (premier syndicat minier), alliés de longue date de l'ANC, qui ont fermé les yeux sur les massacres de septembre ? Ou encore les revendications aux accents populistes d'un Malema qui martèle à qui voudra bien le croire que la nationalisation du secteur minier sera la mesure phare de son (hypothétique) accès à la présidence ?
On a casino online tendance à penser aujourd'hui que la fin de la Guerre Froide rendait tout simplement impossible l'établissement d'un régime socialiste en Afrique du Sud. Plutôt que de risquer de se mettre le monde entier à dos, l'ANC aurait suivi la mouvance et, avec l'appui (et la pression) de ses alliés britanniques et américains, n'aurait pas contesté pendant les négociations l'idée que le nouveau pays serait nécessairement néolibéral – ou pire, que le néo-libéralisme bénéficierait également à la population noire. Cette vision voudrait l'ANC avait été gagné par l'idéologie dominante ; une autre vision voudrait tout simplement que le monde entier, néolibéral pour sûr, ne lui laissait pas vraiment le choix.
La vérité est que tout n'allait pas tant de soi. Lorsque les premiers contacts entre l'ANC et le gouvernement de Klerk ont eu lieu, fin 1988 – début Les jeux peuvent inclure Craps, Baccarat, Blackjack, roulette en ligne , Keno, Poker electronique, machines a sous, d'autres encore. 1989, personne, pas même Washington, ne pouvait prédire que l'URSS allait se craqueler sous douze Best UK Casinos mois, et s'effondrer complètement deux ans plus tard. A cette date, contre l'Apartheid, qui était toujours réfléchi comme faisant partie intégrante de la grande opposition Est/Ouest (Botha lui-même se justifiait, opportunément, comme le 'dernier rempart contre le communisme'), l'idée d'établir dans le pays le plus riche d'Afrique un régime socialiste n'était certainement pas saugrenue : tout indiquait qu'il aurait reçu le soutien de Moscou.
Quand les premières négociations ont commencé en 1988, l'ANC aurait très bien pu tenir ses positions, et soutenir la majorité de la population noire dans le recouvrement des biens dont elle avait été privée cent ans plus tôt. Très vraisemblablement, le parti aurait reçu l'appui idéologique et logistique des Soviétiques, qui depuis les années 1950 offrait son soutien à tous les mouvements anti-impérialistes sur le continent africain. A la veille de la nouvelle décennie, l'éventail des possibles était loin d'être restreint, et l'ANC aurait très bien pu militer pour l'établissement d'un modèle de justice sociale à part entière qui aurait, on peut l'imaginer, résolu maints des problèmes qui refont surface aujourd'hui.
L'ANC n'a donc pas renoncé à son programme socialiste en prévoyant que le communisme allait s'effondrer à l'échelle internationale. Le parti n'a pas revu ses positions du jour au lendemain, sous le coup implacable des évènements : les raisons sont encore antérieures.
Si on lit son programme constitutionnel publié en 1988, et qui allait être à la base des négociations avec le gouvernement, on s'aperçoit qu'à cette date l'ANC a déjà grandement renoncé à ses promesses sociales. Le renversement du capitalisme n'y est plus à l'ordre du jour ; et nulle part il n'est fait mention de nationalisations. De manière générale, les principales revendications socialistes ont été revues à la baisse. Bien avant la fin de l'URSS, le parti avait déjà un pied dans l'autre camp. Comment expliquer cette apparente incohérence historique ?
Pour comprendre ce revirement idéologique précoce, et si l'on veut expliquer une partie des origines de la crise actuelle en allant au-delà du constat désabusé (mais malheureusement vrai à bien des égards) que ce sont les années de pouvoir, la toute-puissance du néo-libéralisme et la corruption qui ont fait que la gauche sud-africaine est ce qu'elle est aujourd'hui, il s'agit donc de creuser encore quelques millimètres. Très étonnamment, un début d'explication à ce renoncement semble se trouver non pas à Pretoria, non pas à Washington, non pas à Londres, mais à Moscou.
(A suivre…)
Felix Duterte
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