Dans “Voting Intentions In Africa: Ethnic, Economic Or Partisan?” (Intentions de vote en Afrique : déterminants ethniques, économiques ou partisans ?), document de travail publié par Afrobarometer, Michael Bratton, Ravi Bhavnani et Tse-Hsin Chen du département de sciences politiques de l’université du Michigan (États-Unis) explorent un paradoxe très connu de la politique africaine : si, comme on le proclame souvent, les Africains votent en fonction de leur appartenance ethnique, comment expliquer qu’autant de chefs d’État et de gouvernement Africains appartiennent à des minorités ethniques ? Si, d’un autre côté, les facteurs économiques sont retenus comme seuls critères explicatifs, comment expliquer que les dirigeants soient si souvent réélus en dépit de conditions économiques insatisfaisantes ?
Les auteurs examinent les résultats de sondages réalisés dans 16 pays africains en 2005 (23.000 participants). Interrogés, entre autres, sur leurs intentions de votes aux prochaines élections présidentielles : 60% des répondants pensent voter pour le chef d’état en place contre 33% pour l’opposition, 7% comptant s’abstenir.
Grâce à un outillage économétrique assez poussé, ils montrent que contrairement au cliché journalistique, les solidarités ethniques sont bien moins déterminantes que les conditions économiques (chômage, inflation, distribution des revenus) sur les intentions de vote en Afrique.
De fait, le vote identitaire, qui existe certes, a cependant moins à voir avec l’appartenance au groupe ethnique le plus important (démographiquement parlant) qu’avec celui du président au pouvoir. Les personnes appartenant à l’ethnie du président auront ainsi tendance à voter pour lui, espérant recevoir plus de largesse de sa part.
L’identification partisane est également – comme partout ailleurs – un facteur important : les électeurs auront tendance à voter pour le parti au pouvoir, par adhésion sincère ou « stratégique », dans l’espoir de bénéficier du patronage politique et économique ou pour éviter de se retrouver après les élections « du mauvais côté de la barrière ».
Malgré ces résultats encourageants qui montrent les limites d’une vision exclusivement ethniciste de la démocratie en Afrique, certains résultats des sondages utilisés laissent perplexe. Ainsi, 55% des sondés disent faire « très peu » ou « pas du tout » confiance à leurs concitoyens appartenant à d’autres groupes ethniques, contre 43% qui répondent leur faire « un peu » ou « beaucoup » confiance. De même, si 49% des interviewés considèrent que leur « groupe ethnique » n’est jamais victime de discrimination, ils sont quand même 18% à penser qu’il l’est systématiquement. C’est d’ailleurs l’un des déterminants du vote en faveur de l’opposition. Cela montre toute l’étendue du chemin à parcourir.
Joel Té Léssia
Leave a comment
Your e-mail address will not be published. Required fields are marked with *
"60% des répondants pensent voter pour le chef d'Etat en place"….Oui par clientélisme. Presque partout dans le monde, se présenter à des élections en tant que chef d'Etat sortant offre un avantage concurrentiel non négligeable. Mais celui-ci est particulièrement accentué en Afrique alors même que les situations économiques quelquefois catastrophiques devraient plutôt justifier le contraire. Mais le clientélisme est encore tel que beaucoup de populations n'ont aucun scrupule à voter pour le pouvoir en place.
Mais je pense que le problème n'est pas tant que le clientélisme que là d'où il tire ses ressources. Qu'il y ait clientélisme sur fonds propres pourrait être à la limite acceptable, et encore… Mais que le clientélisme soit presque exclusivement financé par des détournements d'argent public (recettes fiscales locales, aide au développement, etc…) me paraît plus gênant. Le jour où aucun chef d'Etat africain ne pourra financer son clientélisme par de l'argent public, beaucoup d'africains modifieront sans doute leur façon de voter…
Il y a aussi le facteur « peur » qui joue beaucoup. Ce n’est pas tant le fait que le chef d’état puisse financer son clientélisme sur fonds publics qui pose problème. Le drame est que L’essentiel de la vie économique passe par l’état. Que l’on réduise cette portion, que l’on permette au secteur priver de prospérer et le clientélisme du parti au pouvoir sera réduit, faute de clients.
"Si, d’un autre côté, les facteurs économiques sont retenus comme seuls critères explicatifs, comment expliquer que les dirigeants soient si souvent réélus en dépit de conditions économiques insatisfaisantes ?"
1. la fraude
2. la majorité des votants sont analphabetes.
sinon, vu le temps et l'argent perdus dans ces simulacres de vote, vous pensez pas que le salut est dans le retour à nos chers royaumes d'antan?
Le clientélisme accentué par l'incapacité des populations à avoir une vision à long-terme. Un meeting, quelques billets de 5000 FCFA (puisés des fonds publics, comme le dit Simel) distribués à l'auditoire, et hop, voix assurées le jour du scrutin.
Sacré cercle vicieux que tout cela…
L'article porte sur "comment votent les Africains", i0e leurs intentions de vote, leurs désirs électoraux. Après, ce qui en est fait pendant le décompte des voix est une autre histoire.
De plus, l'intérêt de l'étude est de détruire certains mythes trop ancrés dans l'imaginaire collectif, parmi lesquels celui qui veut que les Africains n'obéissent qu'à des "pulsions" ethniques. Un autre mythe est celui que les élections sont jouées d'avance en Afrique. Sans aller chercher loin, la Côte d'Ivoire est un démenti assez cinglant de ce cliché : en 2000 quand Robert Guéï perd et en 2010 avec la victoire (enfin, celle attestée par l'ONU) d'Alassane Ouattara.
je pense que les intentions de votent de relévent ni de critères ethniques, ni de critères purement économiques même si cette hypothèse n'est pas dogmatique au sens que l'on excluerait ceux qui votent sous ces enseignes.je suis d'avis que les africains ont muri. si de par le temps on observait des intentions de vote favorisées par ces critères, aujourd'hui la réalité est autre. le cliétélisme perdure tant bien que mal mais je partage l'avis que le vote dans le contexte africain à tendance à se rationaliser. en effet je partage l'avis d'Anthony Downs dans la ccaractérisation du vote sous le rapport du calcul cout/avantage. Comme l'a dit SLY c'est vrai que les africains sont receptifs de ces maigres 5OOOfrcs, mais les recevoir ne signifie absolument pas qu'on va voter pour le donateur. en fait c'est un moyen pour les electeurs de tirer profit des campagnes electorales et amasser beaucoup d'argent mais devant les urnes c'est un choix cout/ avantage qui s'opère( dans le plus clair du temps). pour dire que face aux choix de vote ce n'est nullement le candidat qui a donné 5000frcs, ni celui qui est de la même ethnie ni celui qui a beaucoup d'argent qui est le candidat choisi. non c'est lui en qui l'electeur pense avoir un intérêt à son election. le vote par peur, par considération éthnique ou par affection tend à disparaitre au profit du vote par calcul d'intérêt parfois rationnellement opéré parfois soumis à des considérations telles que stipulées mais la logique est la même l'electeur vote en fonction de son intérêt.
papa samba diack Mle 01032