La nuit du 22 au 23 mars 2011, une peur et un calme de cimetière régnaient sur la ville de Ouagadougou. Des militaires sortis des casernes tiraient en l’air avec des armes de guerre, rappelant cette vague de coups d’Etat qu’a connu le pays au cours des années 1980. Le lendemain, le constat fut amer, surtout pour les commerçants : des magasins, des boutiques, des stations services…pillés. Cela a d’ailleurs conduit les commerçants à descendre dans la rue aux côtés des manifestants étudiants. Les militaires, craints et très respectés par la population civile pour leur sens de la discipline, avaient ainsi commis des actes risquant fort de faire tomber ce mythe. Qu’est ce qui a bien pu pousser la « grande muette » à commettre de tels actes ?
Ces émeutes en tenue venaient de soldats de rang qui étaient en colère à cause de l’emprisonnement de cinq des leurs, reconnus coupables dans une affaires de mœurs. Ces soldats sont allés libérer par la force des armes leurs camarades, laissant les magistrats dans une véritable impasse. Ces derniers ont par la suite observé un arrêt de travail (eux qui n’ont pas le droit de grève) avec d’autres acteurs du monde judiciaire (avocats, greffiers…) pour des raisons de sécurité et pour protester contre ces actes inadmissibles.
Suivant l’exemple de leurs frères d’armes de la capitale, les militaires de Fada N’Gourma, de Gaoua et de Banfora sont sortis à leur tour des casernes pour un festival de tirs d’armes de guerre. A Fada, ils se sont attaquer au palais de justice de la ville qui à reçu une roquette, pour ensuite libérer un des leurs emprisonné pour une affaire de mœurs également. Des pillages ont encore été constatés à ce niveau et ils ont mené des descentes musclées à Tenkodogo et à Dédougou qui sont des villes voisines. Cette propagation des émeutes militaires est devenue de plus en plus inquiétante, puisqu’elle a continué à Ouagadougou et d’autres régions ont également pris les armes. Cela a suscité d’énormes interrogations au sein de la population et créé des bouleversements en tout genre.
Cette attitude brusque et inhabituelle des militaires est difficile à comprendre et laisse croire à d’autres revendications non clairement formulées, surtout qu’après avoir libéré leurs camarades, les armes continuaient à tonner. Le mercredi 30 mars 2011, dans un discours très attendu par tous, le chef de l’Etat s’est adressé à la nation. Sans faire cas d’aucunes causes ni de décisions dissuasives, il a juste annoncé qu’un programme de rencontres allant des soldats de rang jusqu’aux militaires les plus gradés en passant par les magistrats était prévu à la présidence du Faso. Dès le lendemain, 145 soldats de rang issus de tous les camps militaires du pays ont été reçus par le chef de l’Etat. Initialement prévu pour une heure, la rencontre dura prêt du double et au peuple de comprendre après cette entrevue que les soldats avaient d’autres sources de mécontentement. Ils réclamaient entre autres une amélioration des conditions de vie et de travail, la prise en charge des frais des tenues militaires…et promesse fut donnée de revoir leur situation. D’autres rencontres furent programmées par la suite avec tous les acteurs des différentes crises. C’est ainsi que les délégués des élèves et ceux des étudiants ont été reçus par le Chef de l’Etat sur la crise scolaire et universitaire. Bien que les cours aient repris, d’autres revendications comme le jugement des assassins de Justin Zongo et des six autres camarades, le démantèlement de la police universitaire…restent en suspens et la patience des élèves et étudiants risque d’avoir des limites. Dès sa sortie des premières concertations, notamment avec les militaires, le chef de l’Etat Blaise Compaoré déclarait déjà que « la crise est terminée ». De quelle crise s’agit-il ? Quand on sait que d’autres foyers de tension demeurent, notamment avec les élèves, les étudiants et les commerçants, les résolutions définitives de ces concertations se font toujours attendre. Une restriction des libertés à travers l’instauration d’un couvre feu nocturne de 21H à 06H et allant du 30 mars au 03 avril fut décrétée.
Les deux premières nuits furent encore un périple pour les populations, surtout celles riveraines des camps. Des tirs d’armes légères et lourdes retentissaient dans la capitale et cette fois-ci accompagnés de chants martiaux dans certains endroits. Personne ne pouvait savoir ce qui se passait réellement et chacun restait enfermé chez lui de crainte qu’une balle perdue ne traverse son toit, comme l’ont déjà vécu certains. Madina Bouda, élève au lycée mixte de Gounghin de Ouagadougou, a été l’une des premières victimes de cette mutinerie des militaires. Blessé gravement à la tête par une balle perdue, elle sera transférée d’urgence à Paris pour des soins intensifs où elle perdra la vie le mercredi 06 avril 2011. Un crime de trop qui révolta encore une fois les élèves qui sont descendus dans les rues le lendemain 07 avril pour exprimer leur mécontentement et exiger justice pour tous les crimes commis.
Les autorités également n’ont pas été en reste durant cette crise, certains officiels ayant vécu un vrai cauchemar. C’est le cas du maire de la ville de Ouagadougou qui a été réveillé chez lui par un groupe de militaires qui lui ont infligé des sévices corporels et du chef d’Etat major général des armée qui a vu sa cour incendiée. La crise militaire révèle également une vraie crise de l’autorité au Burkina. Notons que le 11 avril, les magistrats ont repris le chemin des tribunaux car ils ont réussit à obtenir la réincarcération des militaires qui s’était évadés grâce au soutient de leurs frères d’armes. Ils sont toujours en attente de la satisfaction d’autres revendications. La crise quant à elle demeure et est loin d’être terminée, vue la détermination de toutes les couches sociales et professionnelles qui ont observé un arrêt de travail et ont répondu présents par milliers le vendredi 08 avril 2011 dans les rues de plusieurs localité du pays pour une grève générale de 24 heures, à l’appel de la Coalition Nationale de Lutte Contre la Vie Chère, la corruption, la Fraude, L’Impunité et pour les Libertés.
Ismael Compaoré
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Le régime de Blaise Compaoré, qui joue au malin en faisant le médiateur à l'international, semble prendre l'eau de partout. Comme le dit l'article, les évènements récents donnent l'impression que, le pouvoir et les élites étant tellement décrédibilisés, plus personne ne respecte plus rien, à commencer par les propres garants de l'ordre public, à savoir les militaires. J'espère juste que la mobilisation populaire réussira à faire sauter ce régime à bout de souffle, et que le Burkina nous offrira un exemple du "printemps africain".
L'article pointe opportunément une situation intérieure du pays que l'on connaît peu à l'extérieur : Un sentiment latent et largement diffus de discredit de l'actuel pouvoir, pouvant être porteur d'une dynamique de demande de changement décisive. L'exemple des printemps arabes et de l'actuel contexte international sont passés par là certes, mais il y a tout lieu de penser que ce n'est pas un simple feu de paille. Et derrière l'image sans aspérité d'un Compaoré faiseur de paix dans la sous-région, ce dernier doit certainement garder par devers lui ses soucis et craintes liés à la situation interne aux pays des hommes intègres. L'avenir est ouvert, et les dès ne sont pas encore jetés.