Les urnes ont parlé ! Et les sénégalais ont encore surpris. Plusieurs enseignements, et non des moindres, sont à tirer de ce 1er tour de la présidentielle. La fin de l'ère Wade, la percée de Macky Sall, la chute d'Idrissa Seck, le beau baroud d'honneur de Moustapha Niasse et la triste fin de Tanor. Voilà autant de points remarquables dans ce 1er tour en attendant…le second.
Abdoulaye Wade n'aura finalement pas droit à un troisième mandat. Les 1ers tours en Afrique (de l'Ouest) sont de vrais révélateurs pour les pouvoirs en place car ils sanctionnent souvent une réelection haut la main (Wade 2007, Compaoré 2010) ou annoncent une défaite au second tour (Diouf 2000, Gbagbo 2010). Si la jurisprudence des 1ers tours est vérifiée, Abdoulaye Wade vient de perdre son fauteuil présidentiel et finira ses 12 ans de pouvoir le 03 Mars prochain. Les grands centres urbains de l'Ouest (Dakar, Mbour, Thies, Kaolack) ont été les principaux foyers de la contestation de la candidature du Président sortant et ont joué le rôle de locomotive dans l'effritement de l'électorat du Président sortant. La conclusion me semble inéluctable : nous sommes bel et bien entrés dans l'ère post-wade. Le 2nd tour Wade/Macky qui se dessine le confirmera probablement.
2 – La percée de Macky Sall et la scission du PDS
Le grand gagnant de ce 1er tour est sans aucun doute le leader de l'APR et candidat de la coalition Macky 2012, Macky Sall. Il confirme ainsi la place de second que beaucoup lui prédisaient au vu des importantes mobilisations populaires notées lors de ses meetings durant la campagne. Il distance ses riveaux de l'opposition (Moustapha Niasse, Idrissa Seck, Ousmane Tanor Dieng), remporte son fief de Fatick et fait d'excellents scores dans la banlieu de Dakar et dans…des fiefs du Président sortant (région Nord avec le Fouta, Sénégal Oriental, Casamance, Kolda). Comment expliquer cette percée ? Tout d'abord par sa stratégie de campagne que les sénégalais ont semblent-il apprécié : des meetings jusqu'à 4h matin, une couverture quasi exhaustive du territoire national et de fréquents voyages dans la diaspora depuis 3 ans. Macky Sall a également aggregé autour de lui une belle coalition avec d'anciens candidats potentiels à la présidentielle comme Aminata Tall du PDS, Me Moussa Diop d'AG Jotna, Arona Ndoffène Diouf également. Cependant la percée de Macky Sall trouve surtout son explication dans l'éclatement de l'électorat du PDS. En effet, il semblerait que les PDS ont voulu signifier diplomatiquement à leur leader historique Wade, qu'ils souhaitaient voir un changement générationnel à la tête du bloc libéral et ont donc déporté leurs voix sur le candidat Sall. Ceci explique les excellents scores de Macky Sall dans des localités où Wade avait regné sans partage en 2007. Cependant, je pense qu'il faut également voir cette scission du PDS en défaveur de Me Wade, comme une réaction d'orgueuil des sénégalais qui n'ont pas voulu renforcer davatange l'hyperministre Karim Meissa Wade, en confiant un nouveau mandat à son père. Les PDS ont dit à Wade de passer le flambeau et ont semble-t-il dit non à Karim Wade mais ils n'ont pas tout jeté de leur identité et se sont reconnus dans le libéral Macky Sall pour perpétuer l'esprit de leur famille politique à la tête de l'Etat sénégalais.
3 – Le combat contre la candidature de Wade a lassé les sénégalais et perdu Idy
Beaucoup de morts, un lieu de culte profané lors de manifestations, des dégats collatéraux qui ont touché les biens d'autrui : le combat contre la candidature de Wade a mobilisé beaucoup d'énergie et a occupé l'essentiel de l'espace médiatique lors de cette campagne électorale. Mais l'enseignement donné par ce 1er tour est que ce combat a lassé les sénégalais et ils ont préféré voter pour ceux qui ont parlé de programme plutot que pour ceux qui ont parlé de constitution. Pragmatisme politique ou immaturité démocratique ? La question reste ouverte mais le peuple sénégalais a préféré voter pour ceux qui ont sillonné le pays à sa rencontre plutôt que ceux qui se sont battus dans les rues de Dakar pour faire respecter la constitution et les lois.
Ainsi le grand perdant de ce 1er tour est le candidat de la coalition Idy4President, Idrissa Seck. Distancé par Macky Sall, probablement devancé par Niasse qu'il avait largement distancé en 2007, Idrissa Seck a semble-t-il payé ses multiples allers retours chez Wade et n'a pas bénéficié du combat mené à Dakar contre la candidature de Wade : il doit probablement se mordre les doigts de ne pas avoir battu campagne un peu partout dans le pays. On pourrait également dire la même chose des candidats Ibrahima Fall de Taxaw Tamm et Cheikh Bamba Dièye du FSD/BJ : cependant il faut noter que ceux-ci n'étaient pas vus comme de potentiels candidats capables de se qualifier au second tour. Leur score est même positif vu la petite taille de leurs partis respectifs. Le grand perdant de la lutte jusqu'au boutiste contre la candidature de Wade est bel et bien le maire de Thiès Idrissa Seck. Il devra maintenant se résoudre à être au mieux, le 5ème président de la République du Sénégal car le 4ème fauteuil présidentiel semble être promis à Macky Sall.
4 – Le beau baroud d'honneur de Niasse et la triste fin de Tanor
A mes yeux, la véritable surprise de ces élections est l'excellent score de Moustapha Niasse (autour de 15%) alors qu'il n'avait récolté qu'un peu plus de 4% en 2007. Aidé par la machine électorale qu'est la coalition Benno Siggil Sénégal, Moustapha Niasse a vu être confirmé, à travers ce vote massif en sa faveur, la crédit que les sénégalais lui accordent en tant qu'Homme d'Etat. Il est vrai qu'en ces heures troubles pour le Sénégal, il avait peut être le profil le plus rassurant pour diriger le pays en tant que sage de la nation. Il aura son mot à dire en vue du second tour Wade/Macky comme il avait eu son mot à dire en 2000 lors du duel Diouf/Wade.
Diouf avait fait 41% en 2000, son successeur naturel Ousmane Tanor Dieng n'avait réussi qu'à faire 14% en 2007 et a semble-t-il encore reculé lors de cette présidentielle pour se retrouver avec un score aux alentours de 10% malgré un maillage socialiste qui a eu le temps de s'installer sur tout le territoire durant les 40 ans de règne du PS. L'heure du renouvellement de leadership semble venue dans ce parti : Khalifa Sall, maire de Dakar, est le patron naturel tout désigné de ce Parti Socialiste rénové, avec à ses côtés les guerrières que sont Aissata Tall Sall et Aminata Mbengue Ndiaye respectivement maires de Podor et de Louga.
Ce 1er tour a donc été pour les sénégalais l'occasion d'opérer à une redistribution des cartes sur l'échiquier politique national. Il aura surtout permis d'opérer le renouvellement générationnel tant attendu (probables retraites politiques de Wade, Niasse et Tanor Dieng), fait un grand perdant avec Idrissa Seck et consacré un homme Macky Sall. Cheikh Bamba Dièye fait beaucoup mieux qu'en 2007 mais son score reste faible et Ibrahima Fall fait un score respectable mais logique pour un homme inconnu il y'a encore un an. Finalement, mieux valait s'armer de sa carte que brûler des pneus, le résultat final aura été le même : Le Président Abdoulaye Wade semble définitivement être un président sortant, et j'estime que c'est une bonne chose car cela permet d'ouvrir une nouvelle ère politique dans notre pays et c'était une condition nécessaire pour le respect de la mémoire de tous ceux qui ont disparu en luttant contre ce 3ème mandat. Ces jeunes, qui auraient pu diriger le Sénégal de demain, ne seront donc pas morts pour rien. Paix à leurs âmes, vive le Sénégal et vive l'Afrique !
PS : Je tiens à rendre hommage aux médias du Sénégal (radios,TV) et aux citoyens qui ont joué un rôle décisif dans la sécurisation du vote populaire en signalant les vélléités de fraude et les tentatives d'intimidations, même si celles ci sont restées marginales à l'échelle du pays. Le vote c'est également la vigilence.
Fary NDAO
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Belle analyse !!
Au final Idy se retrouve en 5 position et largement largué par son "frére de partie" Macky Sall. Comme tu la dit, il paye quelque part ses nombreuses tergiversations entre retourner avec Wade ou assumer son rôle dans l'opposition. Je pense que si après les élections de 2007 il s'était posé en opposant directe, il aurait pu "facilement" passer au 2nd tour.
Malgré ce que croit beaucoup de Sénégalais, la victoire de Maxky au 2nd tour n'est pas totalement assurée. En effet, d'une part, le syndrome "Djibo Kâ" est toujours là avec les gars de Rewmi. En parlant purement politique politicienne, les gens de Rewmi ne voient pas d'un bon oeil une alliance avec Macky qui souvenons nous en a beaucoup participé au bannissement du fils spirituelle de Wade. D'autre part, au Sénégal, on n'est jamais à l'abri des ndigueul des Chefs religieux. Wade a les moyens de l'état et en vieux briscard, il saura les utiliser afin d'essayer d'infléchir nos "chère" guides.
Néanmoins, Macky a de bonne chance d’être élue président et c’est la que le travail commenceras. En effet, après l’alternance 2000 nous avons commis l’erreur de nous endormir sur nos lauriers, trop heureux d’avoir réalisé une alternance démocratique et pacifique, laissant à Wade et ses multiples gouvernements jouer avec « Sunugal ». Subséquemment, chacun doit aller au devant de ses responsabilités, être patriote et vigilant afin que ce qui s’est passé pendant ces 12 ans ne se reproduise pas encore une fois. De la sorte, nous pourrons écrire de la plus belle des manières cette nouvelle page de l’histoire du Sénégal.