"Mes pensées vont tout d'abord aux martyrs de la Nation, qui se sont battus pour le respect de notre constitution". Ces propos sont ceux de Macky Sall lors de sont tout premier discours en tant que 4ème Président de la République du Sénégal. Il y'a on ne sait quoi de grand chez cet homme à la stature imposante et qui distille rarement un mot plus haut que l'autre. Une dignité non feinte qui se retrouve dans cette référence à tous ceux et celles qui sont morts par la faute du seul entêtement d'un homme de 86 ans et de son clan. Les enseignements de ce second tour, avec la chute de Wade, le consensus autour de Macky Sall et les perspectives ouvertes par ce scrutin.
La triste chute du Président Wade
Cet entêtement à se présenter contre la loi et en dépit des morts a été sanctionné, entre autres dérives, par un score historique au second tour de cette Présidentielle. En effet avec seulement 32% des suffrages, le Président sortant Abdoulaye Wade est en passe d'obtenir un score plus faible qu'au premier tour, ce qui ne ferait que confirmer la "jurisprudence du sortant condamné dès le 1er acte" (Diouf 2000, Gbagbo 2010) : car dès le 26 Février 2012 les sénégalais ont clairement dit qu'ils ne voulaient plus d'Abdoulaye Wade, ils l'ont confirmé ce 25 Mars.
Et comme l'a si justement dit Albert Bourgi au lendemain du 1er tour, c'est d'abord la manière d'exercer le pouvoir qui a été sanctionnée : un pouvoir géré de manière familiale, reclus dans ses certitudes, ignorant les complaintes des populations (vie chère, crise scolaire), enfermé dans ses berlines et ses scandales financiers, hautain à l'égard de ses opposants et donc à l'égard de ceux que ces derniers représentent. La liste pourrait s'allonger mais ces éléments sont peut-être les plus marquants et ceux qui ont coûté le plus cher au Président Wade malgré un bilan plus qu'honorable, notamment dans les infrastructures, la modernisation de la fonction publique et le désenclavement des zones rurales. Un sacré monstre politique et un président controversé vient de s'en aller comme il est arrivé : par les urnes et dans la liesse. Son successeur : Macky Sall.
Macky Sall : Par ici M. Le Président !
Il est à la fois la surprise et l'homme attendu de cette présidentielle. Surprise car son score du 1er tour était déjà exceptionnel pour un néo-candidat ayant un "bébé parti" (l'APR est né en 2009), semi-surprise par le consensus qu'il a réussi à faire autour de lui lors de ce second tour. Avec 68 % des voix, Macky Sall a fédéré toute l'opposition, tous les sénégalais car malgré les lignes de fractures qui traversent notre pays (sociales, confrériques etc), il a réussi le tour de force de rassembler et il serait trop réducteur, à mon humble avis, de tout mettre sur le compte du "Tout sauf Wade !" car il est peu probable qu'un Idrissa Seck aurait réussi à avoir un tel score, s'il était arrivé au second tour.
Cette capacité à faire consensus autour de lui me fait donc dire que Macky Sall était également un peu attendu à l'occasion de cette présidentielle. Il symbolise la rupture générationnelle réclamée par les formations politiques (AG Jotna, FSD BJ) et dictée par la démographie d'un pays où 6 millions de personnnes n'ont pas encore 18 ans. Telle est la raison pour laquelle l'honorable Moustapha Niasse ne pouvait pas gagner cette élection : les sénégalais voulaient un président jeune, ils ont choisi Macky Sall, 51 ans, le premier Président né après l'indépendance de 1960.
Le candidat programmé pour gagner
Mais au delà de l'atout de la jeunesse, Macky Sall dégage quelque chose d'assez énigmatique qui a parlé aux sénégalais, il semble leur inspirer confiance ou en tout cas il suscite rarement le rejet chez eux et on n'arrive pas tellement à trouver matière à polémiquer contre lui : car malgré ses 8 ans passés dans le PDS de Wade et ce aux plus hauts postes de responsabilité de l'Etat, Macky Sall est très peu voire jamais cité dans des affaires de gros sous et cela l'a beaucoup servi. Il a même lancé à l'occasion de la campagne, un très offensif "Si Wade et son régime ont des dossiers contre moi, qu'ils les sortent ! ".
Outre les apports des candidats malheureux du 1er tour, Macky Sall a également bénéficié d'un vote large car il a sillonné les routes, dormi chez des sénégalais lambda lorsqu'il allait dans les régions pour implanter son parti et préparer cette écheance, il a bénéficié de sa connaissance minitieuse de la carte électorle sénégalaise, lui le scientifique rigoureux directeur de campagne victorieux en 2007. Enfin, il a mis la diaspora dans son escarcelle à l'aide de nombreux voyages or cette diaspora même si elle ne vaut même pas la le tiers du département de Pikine, a une grande influence et un fort poids financier conséquent dans la vie de millions de sénégalais. Fort de tout cela, Macky était un sacré client : il a confirmé son potentiel et est devenu le 4ème Président du Sénégal.
Les perspectives : Entre urgences sociales, gestion du pouvoir et questions clés.
"Dundd gi metti na !" Ce cri relatif à la vie chère est sur toutes les bouches ou presque, il n'est ni l'appanage des villes , ni celui des zones rurales et Macky Sall sera très attendu sur ce point. Son équipe devra être capable de limiter les impacts d'un contexte économique mondial perturbé, avec des matières premières sous forte pression et des céréales (riz, blé) de plus en plus chères. A moins qu'il apporte réellement la rupture en privilégiant davantage le consommer local et en renforçant drastiquement les capacités agricoles dans la vallée du fleuve, ce qui est d'ailleurs écrit dans son programme "Yoonu Yokkute". L'accès aux soins pour le plus grand nombre est également un priorité dans un pays où une radiographie coûte 15.000 FCFA, soit la moitié du salaire mensuel d'une femme de ménage à Dakar.
Outre la brulante question des grêves récurrentes dans l'Education nationale, Macky Sall devra se démarquer, s'il veut être réélu et pour le bien du Sénégal surtout, de la gestion qui était devenue désastreuse vers la fin du second mandat d'Abdoulaye Wade. Macky Sall doit mettre fin à l'ère des scandales à répétition, des distributions arbitraires d'argent (lutteurs, militants) et du train de vie extraordinairement élevé de l'Etat avec 100 Milliards de FCfa de budget annuel de la Présidence, 40.000 euros par voyage en jet privé du Ministre Karim Wade, pléthore d'agences nationales inutiles et budgétivores etc. Il doit également gérer dans la transparence, étendre les prérogatives des organismes de controle (ARMP, Cour des Comptes, IGE) et éviter les distributions politico-politicardes de postes afin de privilégier la compétence. C'est un voeu qu'il a lui même émis, esperons qu'il tiendra parole. En tout cas, en bons patriotes, nous lui mettrons la pression pour qu'il change cette manière de faire car maintenant que nous savons que la vigilence paye nous continuerons à faire de la veille citoyenne.
Enfin, il faudrait profiter de l'accession au pouvoir d'un président jeune et brillant (tous les témoignages sont unanimes là dessus) pour soulever les questions de fond, les questions clés comme la sortie de cette camisole de force que constitue le Fcfa, l'exploitation des richesses minières et bientôt pétrolières au bénéfice réel des populations et non des multinationales (cf. Or de Sabodala, bientot de Massawa), l'urgence de l'union sous-régionale et le réglement définitif de la crise casamançaise, par la force ou par la négociation.
Je terminerai sur les premiers mots de notre nouveau Président "Mes pensées vont tout d'abord aux martyrs de la Nation, qui se sont battus pour le respect de notre constitution". Nous ne vous oublierons jamais…Vive le Sénégal, vive l'Afrique.
Fary Ndao
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A mon avis il n y a rien de triste dans la chute du président d'un point de vue strictement démocratique. il a été élu par la voie des urnes, il a été déchu par cette même voie…
Désormais, l'alternance se banalise au Senegal et c'est tant mieux…
ce sont plutôt les dinosaures de la politique sénégalaise ( les reliques de Senghor et la gauche marxiste ) qui devraient se cacher de honte pour avoir eu si peur de Wade qu'ils nous tympanisaient avec le fichier électoral non crédible, la présence de mercenaires libériens, etc…
le jeune Maky Sall, pur produit de Wade mais aussi de l'ecole senegalaise, a eu le courage de l'affronter et de reussir a le battre…de la facon la plus democratique qui soit….
Pour l'Honneur de l'Afrique.