Nul n’ignore que la colonisation a eu pour conséquence la balkanisation du continent. Pour autant, cette division n’est pas irréversible. Et à l’heure où la régionalisation s’impose dans une économie de plus en plus mondialisée, le continent africain ne pouvait être en reste. La balkanisation politique née de l’époque coloniale et la tendance naturelle des différents Etats à refuser tout transfert de souveraineté, tout au plus pour ce qui est des secteurs sensibles, pouvaient laisser augurer d’un retard de l’Afrique à la mise en place d’organisations régionalisées. Pourtant aujourd’hui, la mise en place de l’Union africaine montre la capacité des Etats africains à œuvrer ensemble pour la fin de la balkanisation, même si l’on peut s’interroger sur son efficacité. Cette tendance a gagné bien d’autres terrains notamment le secteur juridique où L’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) participe de cet esprit en harmonisant les différents droits des affaires du continent.
L’idée, née de la volonté de créer un droit commun des pays francophones, a d’abord donné lieu à la création d’une institution qui avait pour nom l’Union africaine et mauricienne d’études et de recherches législatives (Bamrel). Faute de moyens, le Bamrel, comme bien d’autres institutions éphémères sur le contient, devait être abandonné. Pour autant, l’entreprise fut poursuivie et sous l’impulsion de Paul Bayzelon, l’OHADA a été instituée.
Créée par le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice), l’OHADA regroupe aujourd’hui 16 pays (les 14 pays de la zone franc CFA, ainsi que les Comores et la Guinée Conakry). Comme son nom suffit à l’indiquer, l’OHADA entend jouer un rôle dans l’uniformisation du droit en Afrique. Elle entend participer à la politique d’encouragement de l’intégration de l’Afrique dirigée vers une union économique et un grand marché par la réalisation d’un « droit unifié des affaires » dans le but de rationnaliser et d’améliorer l’environnement juridique des entreprises. La poursuite d’un tel but a nécessité des efforts de transferts de souveraineté en matière législative et judiciaire. Il est vrai que la crainte de l’isolationnisme conjuguée à la diminution des investissements au cours des années 1980-1990 ont largement concouru à l’effectivité du transfert de souveraineté, mais il est plus enthousiaste d’y voir la volonté des Etats de dépasser la balkanisation juridique.
Il a fallu dés l’abord choisir entre deux techniques, l’unification ou l’harmonisation. La seconde option fut retenue, mais l’analyse du système en vigueur aujourd’hui (l’adoption par le Conseil des ministres d’actes uniformes qui sont immédiatement applicables sur le territoire de chaque Etat partie) tend à montrer une forte volonté pour la technique de l’unification. La question de l’organisation a aussi été discutée avec une volonté de créer un organe pour créer le droit, un autre pour l’appliquer et un troisième pour coordonner l’action de l’organisation. Dés lors, un Conseil des ministres de l’OHADA, une Cour commune de justice et d’arbitrage, un secrétariat permanent et une école régionale supérieure de la magistrature en charge de la formation approfondie et de la spécialisation des magistrats se chargent de mener à bien la politique d’intégration.
A l’heure du bilan, prés de quinze années après sa mise en place, force est de reconnaitre que l’intégration juridique est en passe d’être réussie. Le droit des sociétés, le droit de la concurrence, le droit du travail et le droit de l’arbitrage entre autres des 16 pays relèvent de l’organisation. Même s’il faut relativiser la place du droit dans la société africaine, force est de reconnaitre qu’il s’agit là d’un développement appréciable tant il est porteur d’espoir. Gageons que cette intégration au travers d’un véritable transfert de souveraineté gagne les autres organisations régionales, pour que l’Afrique pèse de tout son poids dans un monde où le fédéralisme prend goût.
Thierry Lucas DIOUF
Laisser uncommentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués par *
Ton article est pour le moins intéressant Thierry. Il permet de voir une possible union des pays africains par un angle nouveau. Trop souvent on met en avant tantôt l’histoire, tantôt la culture, tantôt la couleur pour expliquer l’union quasi-« naturelle » des pays d’Afrique.
Traiter ce sujet via des aspects législatifs et juridiques donne un sens plus « concret » à la possible union. Néanmoins une donnée reste quelque peu floue pour moi dans ce contexte à savoir : la différence entre unification et harmonisation que tu effectues dans le dernier paragraphe.
Merci Giovanni pour avoir partagé l'analyse. La différence entre unification et harmonisation reste juridique. Par unification on entend adoption d'un têxte qui s'appliquera à tous, alors que la technique de l'harmonisation pose les bases d'un cadre général laissant aux Etats les moyens de traduire dans leurs systèmes juridiques le but visé en adaptant le textegénéral aux réalités de chaque pays.
Merci Monsieur Thierry pour vos infos c'est vrai que l'approche législative et juridique n'est pas si mal pour unifier les africains surtout merci pour la distinction entre harmonisation et unification!et bonne continuation!