Les évènements politiques de l’année 2011 et de ce début d’année 2012 illustrent une fois de plus l’inaptitude de l’Union africaine à la gestion de crise. L’émergence d’un vrai marché d’otage au Sahara avec les rebelles Touaregs comme agents économiques (très actifs) et des innocents comme biens et services ; la transformation de la Guinée-Bissau en narco-Etat susceptible de bouleverser la stabilité des régions environnantes ; la situation de la Somalie, « modèle même de l’Etat désintégré, tombé en faillite sous le coup de vingt-trois ans de guerre civile attisée par ses voisins, pays abandonné de tous, en proie aux démons des divisions ethnico-tribales » : autant de dossiers cruciaux où les institutions régionales africaines n’apportent aucune réponse crédible.
Un retour sur l’histoire de l’Organisation de l’Unité Africaine, créée en1963, devenue l’« Union Africaine » en 2002 et les perspectives qui s’étaient dessinées, montre que plus de quatre décennies après sa mise sur pied, l’institution se trouve encore dans sa phase de balbutiement. S’agit-il d’un dysfonctionnement lié au projet originel ou d’un simple manque de responsabilité des leaders nationaux ? Cette question revêt une importance particulière à l’heure où les populations africaines, après avoir pris conscience des abus et malversations dont elles sont les victimes depuis trop longtemps, se révoltent de part et d’autres du continent. Alors que les citoyens renouent avec l’engagement politique, l’union africaine est-elle une institution has been ?
Sur tous les sujets politiques chauds, l’absence de l’UA est criante, ce qui peut conduire à questionner la légitimité de cette institution. En Janvier 2008, face aux violences (ayant fait au moins 780 victimes dont le marathonien Wesley Ngetich tué par une flèche empoisonnée) qui ont suivi l'annonce de la réélection contestée du président Mwai Kibaki devant son opposant Raila Odinga, l’UA ne s’est-elle pas effacée devant une médiation internationale conduite par Koffi ANNAN ? Les Forces de Sécurité de l’Union Africaine ne font-elles pas profil bas face aux actions désastreuses perpétrées par les rebelles somaliens ? La mauvaise gestion de la crise Ivoirienne n’est-elle pas révélatrice de cette incapacité de l’UA à prendre ses responsabilités devant des situations alarmantes nécessitant une action rapide et efficace ?
A l’aune de tous les errements de l’UA, force est de se demander dans quelle mesure pourrait-on affirmer que « l’union fait la force » ? De fait, cette union n’est pas en mesure d’assurer la paix dans une quelconque région du continent africain. Et que dire lorsque, face aux conflits qui gangrènent ce continent, l’union africaine fait la « sourde oreille» pour se contenter d’un second rôle (derrière l’ONU et L’OTAN). Nos chers leaders déploient plus d’énergie à essayer de diriger les organes de l’institution qu’à régler les problèmes politiques de court et moyen terme du continent. Incapacité ou irresponsabilité de l’UA ?
Le danger est que l’inefficacité de l’UA vienne entacher et remettre en cause le projet politique panafricain. Or, aucun pays ne peut répondre seul aux défis économique (investissements en infrastructures, marché étendu), défis sécuritaires (menaces transfrontalières) et sociaux (migrations de population) qui se posent à l’Afrique aujourd’hui. Dès lors, il convient de trouver des solutions innovantes pour redynamiser l’Union africaine. De nouvelles pistes doivent être sérieusement explorées. Démocratiser les institutions panafricaines devient une priorité. Cela doit passer sans doute par des élections au-delà de l'échelle nationale, qui rendent responsables de leurs actions les dirigeants de l'UA et créent un vrai débat public panafricain. Des instances de représentation des corps de la société civile sont également envisageables et souhaitables. Pour que l'Union africaine ne soit plus une coquille vide, il devient plus qu'important de démocratiser et responsabiliser cette institution.
Papa Modou Diouf
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Très bon article.
Toutefois, je pense que le manque de visibilité vient tout d'abord de la place mondiale de l'Afrique: petite entité économique malgré ses géantes possibilités.
Avoir une UA légitime passe d'abord par une autonomie financière, et a ce titre, il aurait été bien interessant de savoir qui fiance l'UA et comment se répartisse les budgets? D'autre part, sur le volet politique, un très bon aspect développé est le cas Koffi Anan, et j'en tire modestement comme conclusion que notre brillante ombre est d'autant plus orchestré que nous n'avions pas de figure de proues représentative dans des domaines scientifiques ou dans les organismes internationaux. Je rejoins le ministre brésilien dans sa proposition de faire tourner aussi les émergents dans des organismes tels quel le FMI et la BM. De plus, économiquement, l'UA doit s'imposer dans l'accélération de poles régionales forts tel qu'on l'obeserve timidement pour la CEDEAO.
Enfin, avec la récente élection du président Béninois à la tête et au vue de ses actions nationales, je pense que la situation pourrait un tout petit à peu s'améliorer ; et à titre d'exemple ce mini sommet africain organisé un week end du mois dernier avec de discuter entre africains exclusivement de nos maux et des solutions et d'une approche "africaine".
Est ce que l'inaction de l'UA ne vient pas du fait quue dès le début, elle a été crée dans un but politique? L'exemple de l'Europe en la matière me paraît être utile. C'est parce que les nations européennes se sont d'abord rendu compte qu'economiquement, elles avaient besoin les unes des autres, qu'elles se sont regroupées dans les communautés européennes (charbon acier, euratom, etc…).
Il serait souhaitable, soit de dissoudre ce mastodonte budgétivore, soit de le réorienter vers des projets de développement concrets de création d'infrastructures régionales (autoroutes, énergie, etc…).
je m'excuses pour ce "null" j'ai du mal à poster un commentaire .
Stéphane, je pense que ce but politique de l'UA ne pourrait être vu comme étant la cause de son inaction. Parce que d'abord toute union tend à mettre en place des institutions supranationales qui convergent vers une intégration politique. il faut aussi tenir compte du fait que le l'intégration politique pourrait permettre une meilleure représentativité de l'UA au niveau international et mettre fin à sa passivité, si bien sur "l'union fait (toujours) la force". Par ailleurs ne perdons pas du vue le fait que la CECA a été initiée pour régler des différends entre la France et l'Allemagne. Donc l'UE qu'on connait est née d'une volonté de réconciliation à travers un projet économique. Cependant, l'absence d'intégration politique lui coûte très chère, de nos jours. Donc pour l'UA, je pense qu'il faudrait repartir sur des nouvelles bases politiques et économiques, en reformant et le mode de fonctionnement et son système de financement et replacer le projet panafricain dans ces objectifs premiers; ce qui passe par l'élection des autorités beaucoup plus responsables oeuvrant pour le bien commun.
Bien analyse. L'UA, en plus d'etre mal visible, a d'une certaine maniere trahi les Africains en se faisant offrir un batiment tout neuf et tout decore par les chinois, avec des motifs chinois! Qui l'eut decide? Les Africains n'ont meme pas ete consultes. Comptons d'abord sur nos propres moyens.
Pape, je vois dans ta réponse 2 arguments:
1) la représentativité de l’Afrique. Faut qu’on comprenne que mêmes si nous 100 unis et qu’on ne vaut rien économiquement, on ne servira à rien comme aujourd’hui. L’Afrique du Sud est écouté sur la scène internationale, pas parce qu’elle fait parle au nom d’une quelconque union mais parce qu’elle représente un poids économique dans le monde. C’est tout! Donc d’abord développons cela, la reconnaissance et le respect viendront naturellement.
2) les problèmes actuels de l’Europe viennent en partie du manque d’intégration politique. Ces n’est pas faux. Mais je crois que bon nombre De pays africains aimeraient etre à la place des pays europeens. Ils ont des problemes de riches. Donc il est important de prendre les marchés une par une. d’abord assurer un développement économique puis l’intégration politique suivra aussi forcément!
N’ayons pas peur de proposer une suppression de cette arnaque, mastodonte budgétivore!
Article très percutant Pape Modou! Bravo! Je partage entièrement ton constat mais j'ai quelques réserves sur ta proposition vers une plus grande démocratisation. C'est vraiment tout bête, mais peu de pays africains réussissent aujourd'hui à organser des élections transparentes et dans des conditions satisfaisantes à l'échelle nationale. Vouloir élir des réprésentants élus du peuple (sous une forme directe) reléverait quasiment de l'impossible. Mais surtout, je pense comme Stéphane que la priorité ne doit pas être politique, mais plutôt économique. C'est l'intégration économique, aussi bien au niveau sous régional que continental qu'il faut renforcer; il faut mutualiser et réaliser les grands investissement à l'échelle pertinente qui n'est souvent pas celle de nos petits Etats. Et parce qu'en travaillant davantage ensemble, on se parlera plus et nos intérêts économiques commenceront à être les mêmes, on trouvera moins de mal à nous enttendre et à nous faire entendre.