Pour des raisons historiques et culturelles, Paris est sans doute la ville où la présence de la diaspora sénégalaise est la plus forte. C’est aussi à Paris que celle-ci est l’une des plus diversifiées : entre les vendeurs à la sauvette sous la Tour Eiffel et les brillants avocats et consultants des plus prestigieux cabinets de la capitale, en passant par les centaines d’étudiants et les milliers d’immigrés de longue date. Il n’est donc guère surprenant que la crise politique et sociale du pays, qui s’est notamment cristallisée avec les événements des 23 et 27 juin, y ait eu un écho particulièrement retentissant. En réalité, plus qu’un simple écho, la diaspora sénégalaise à Paris est un des acteurs majeurs de la mobilisation contre le projet de réforme constitutionnel du Président Abdoulaye Wade et pour le départ de ce dernier du pouvoir.
Le 22 juin en début d’après-midi, la veille du vote prévu du projet de loi par l’Assemblée Nationale, une trentaine de membres de la coalition Benno Siggil Sénégal, pour l’essentiel composée de jeunes, a réussi une opération inédite. Ils ont réussi à pénétrer dans l’enceinte du Consulat général du Sénégal à Paris et à y manifester leur vive protestation en taggant l’ensemble des locaux. Leur arrestation par la police française sur demande du Consul du Sénégal et leur garde à vue n’auront en rien entamé la mobilisation de la diaspora sénégalaise à Paris. Le lendemain 23 juin, jour prévu du vote du projet de loi à Dakar, et en même temps que la forte mobilisation des populations du Sénégal, plusieurs dizaines de personnes se sont encore réunis cette fois-ci devant l’Ambassade du Sénégal à Paris pour exprimer leur vive opposition au projet du régime en place. Tous ont été arrêtés par la police française pour quelques heures. Ils sont partis en promettant de revenir ; le 06 juillet, ils étaient encore nombreux à manifester cette fois-ci devant les grilles de l’Assemblée Nationale française ; c’est dire le combat sans relâche que mène la diaspora sénégalaise en France.
Au-delà des raisons classiques communes à nombre de Sénégalais, qu’est ce qui justifie une si forte mobilisation ?
Premièrement, la France est un partenaire politique et économique stratégique du Sénégal avec tout au moins un regard attentif sur l’évolution de la situation du pays. S’il revient certes aux Sénégalais le devoir et l’honneur de mener leur révolution, il importe de donner un écho aux mouvements de protestation au sein de l’opinion publique française. Cela constitue également une façon de mettre la pression sur les dirigeants français pour qu’ils ne soient pas tentés de prêter mains fortes à une éventuelle dévolution monarchique du pouvoir. Les images du Président Sarkozy présentant Karim Wade au Président Obama lors des derniers sommets du G8 et du G20 à Deauville en France ont fait le tour du monde et choqué beaucoup de sénégalais. A contrario les propos de Robert Bourgi, l’un des barons de la françafrique contre Karim Wade et ceux du ministre français des affaires étrangères Alain Juppé allant dans le même sens suscitent l’espoir d’un lâchage de la Famille Wade par Nicolas Sarkozy.
Deuxièmement, la diaspora sénégalaise à Paris est un des principaux pourvoyeurs de fonds du Sénégal, à travers les envois d’argent à leurs familles. Cette diaspora en tire donc un droit de regard sur la situation économique du pays d’autant plus que dans tous les domaines où l’Etat ne réussit pas à assurer des prestations satisfaisantes, en matière de santé, d’éducation, de denrées alimentaires, de transport, d’emploi des jeunes, etc. la diaspora tente de le suppléer. De ce fait, plus le gouvernement en place est économiquement défaillant, plus s’alourdissent les charges de la diaspora. A cet égard, chaque membre de la diaspora se considère comme un relais auprès de sa famille locale, les incite à s’inscrire sur les listes électorales et à contribuer au changement politique dont le Sénégal a besoin pour se mettre résolument sur le chemin du développement économique.
Troisièmement, et dans le sillage de la raison précédente, il existe au sein de cette diaspora une réelle volonté de revenir au Sénégal contribuer au développement économique. Toutefois, cela ne peut se faire que s’il y a un cadre politique et économique un tant soit peu favorable. Et la conviction est que le pouvoir en place a donné toute la mesure de son incapacité à mettre le Sénégal sur la voie du développement économique. Surtout, la diaspora souhaite aujourd’hui un pouvoir avec une véritable vision d’avenir pour le Sénégal et sa jeunesse, une mise en œuvre concrète de solides programmes de développement économique. La diaspora veut que ce changement soit amorcé et elle entend en être un acteur majeur.
Nicolas Simel
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Article intéressant, existe t-il un portail sur la diaspora sénégalaise qui justement fait vivre, envoi régulièrement de l'argent au pays ? Ne faudrait-il pas canaliser cet argent, cette mobilisation ? Il nous reste un an, peut être moins pour s'organiser et faire en sorte que le Sénagal ne tombe pas dans le mauvais travers des pays Africain…
la sortie du president wade du jeudi 14 juillet n'a fait que confirmer les propos du journaliste abdou latif coulibaly que le president n'a toujours pas enterre sa volonte de se faire succeder par son fils.Dans son discours d'hier a l'occasion de la rencontre avec les elus du pds (le parti democratique senegalais )le chef de l'etat a reitere a la grande surprise la nation entiere qu'il tient a se presenter aux presidentielles de 2012 defiant du coups l'oppositon ,la societe civile qui s'attendait plutot a un discours allant dans le sens de l'apaisement d'un climat politique deletere avec les evenements des 23 et 27 juillet 2011.Cette sortie musclee du president n'augure nullement des lendemains meilleurs car la pression interne reste vive pour empecher le patriarche a briquer un troisieme mandat.LE mouvement <<y'en a marre>> regroupant des jeunes rappeurs de la place s'investit a empecher le chef de l'etat toute tentative de se presenter aux echeances a venir .les critiques du movement a l'endroit des gouvernants les ont permis d'voir une presence nationale et a occuper le front dans l'appel au depart de wade.l'insistence du president a terminer son terme face a l'appel pressent du peuple a le voir quitter de maniere anticipee et sa volonte de se presenter aux presidentielles de 2012 en depit de son age avancee et une constitution qui ne prevoit pas une telle possibilite .m
Maitre wade est decide a faire couir le pays des risques enormes en insistant de se maintenir au pouvoir.
@Philippe: Merci! il existe plusieurs sites au sein de la diaspora dont celui du groupe Disso qui est un mouvement qui lance un appel contre un troisième mandat de l'actuel président de la république, voici le lien vers le site http://stopwade.com/