Le Burkina Faso a encore une fois vibré au rythme des armes la nuit du 14 au 15 avril 2011 marquant l’aggravation d’une crise dont le Chef de l’Etat avait pourtant annoncé la fin quelques jours auparavant. Cette crise a surprit la plupart des observateurs et dévoile au grand jour les dessous et surtout les faiblesses d’une armée dont la compréhension des modes de fonctionnement n’est pas chose aisée. Elle a prit source au sein du Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) et la présidence fut transformée pendant plusieurs heures en champ de bataille, brisant la quiétude et activant l’instinct de survie du Chef de l’Etat qui s’est refugié tout d‘abord au centre ville avant de regagner Ziniaré, son village natal, localité située à environ 30 kms de Ouagadougou. Avec la participation d’autres camps de la ville, les mutineries se sont poursuivies jusqu’au lendemain 15 avril dans la soirée. Comme pour les précédentes, les civils ont encore payé un lourd tribut, mais cette fois-ci l’ampleur des dégâts a atteint un niveau jusque là inégalé. Des commerces de toutes sortes (alimentations, prêt-à-porter, véhicules, ordinateurs et téléphones portables, matériel électroménager…) en passant par les magasins de stockage, jusqu’aux hôtels et aux domiciles privés, tous ont été saccagés et d’autres même furent incendiés par ces hommes en arme. Emportant de préférence l’argent liquide en brisant à coup de balles les coffres forts, certains mutins ont oublié leurs munitions et même des armes à certains endroits.
Mais la surprise est venue de l’orphelinat Home Kisito où la porte de la pharmacie a été défoncée par les mutins qui ont vidé le coffre et emporté des médicaments en abandonnant quelques balles et laissant les pauvres enfants apeurés en pleurs. Plusieurs personnes se sont vues braquer par des armes à feu lors de la réquisition de leur véhicule, d’autres ont subi des sévices corporels dans la rue, dans les hôtels, dans les maquis…et plusieurs blessés par balles perdues et même des morts ont été recensés. D’autres régions militaires tels que Po, Gaoua, Fada, Kaya… ont également pris les armes sans que les raisons ne soient toujours connues et les militaires s'y sont adonnés également à des actes de brutalité et de pillages. Les armes sont-elles devenues un argument efficace de revendication et d’acquisition rapide de richesse?
C’est ce que semblent avoir compris certains militaires et plusieurs choses allaient basculer ce vendredi 15 avril. Dans la matinée du 15 avril le gouvernement dans un communiqué avait fait cas de la revendication du RSP qui reposait essentiellement sur deux points: le payement des indemnités de logements et des primes journalières d’alimentation. En rassurant comme d’habitude la population, celle-ci subissait toujours au même moment les pillages et les manœuvres des militaires. Ce qui suscita la méfiance des gens et confirma la présence d’autres revendications non clairement exprimées par les militaires ou par le gouvernement. Dans la nuit du 15 avril les choses ont commencé à clairement se définir. Le gouvernement fut dissout et le chef d’Etat major général des armées Dominique Diendiéré ainsi que le chef de corps du RSP Omer Bationo furent remplacé respectivement par Honoré Nabéré Traoré et Boureima Kéré. D’autres têtes sont également tombées dans l’armée les jours qui ont suivis donnant l’impression que ce sont désormais les militaires qui choisissent ceux qu’ ils veulent comme chefs, ce qui est explication de certains de leur actes comme les incendies des domiciles de certains de leurs supérieurs.
Dès le samedi 16 avril les commerçants sont descendus à leur tour dans les rues de Ouagadougou pour exprimer leur mécontentement et exiger la réparation de tous les dommages commis par les militaires, vu que les séquelles de la nuit du 22 au 23 mars restent gravées dans les mémoires et que les dédommagements promis se font toujours attendre. Sortis par centaines, ils s’en sont pris à leur ministère de tutelle, celui du commerce, et à un bus brulé. Un autre bus d’une compagnie semi-publique fut également brulé et le siège du parti au pouvoir CDP fut incendié. Les symboles de la nation n’ont pas été en reste : l’Assemblé Nationale a également été la cible des commerçants qui ont brulé quelques véhicules, des motos et brisé des vitres dont ceux de la façade de l’immeuble.
Une restriction des libertés à travers un couvre feu nocturne est instaurée depuis le samedi 16 avril sur toute l’étendue du territoire communal (Ouagadougou) et se poursuit jusqu’à ce jour. Pendant que les choses fonctionnent au ralenti surtout dans la capitale, les élèves et étudiants de la ville de Koudougou, capitale du centre ouest, ont choisi cette période pour se faire entendre et exiger encore une fois de plus la justice pour Justin Zongo et les six autres camarades assassinés. Ils s'en sont pris comme dans d’autres régions du pays au siège du parti au pouvoir, le CDP, et au domicile privé de l’ancien premier ministre Tertius Zongo, tous deux incendiés. Le 18 avril 2011, un nouveau Premier ministre a été nommé et présenté à la population en la personne de Luc Adolph Tiao, qui a pour mission première de trouver des solutions rapides de sortie de crise. Spécialiste de la communication, il a occupé plusieurs postes de responsabilités dont la présidence du Conseil Supérieur de la Communication(CSC) et était tout dernièrement ambassadeur du Burkina en France. Son gouvernement est formé de technocrates, avec moins de postes que le précédent, puisqu’il a fusionné certains ministères comme celui de la justice et des droits humains, celui de l’administration territoriale et de la sécurité. Le Chef de l’Etat occupe lui même le poste de ministre de la défense et des anciens combattants. Est-ce par manque de confiance ou de compétences ? Ou préfère-t-il assurer lui-même sa propre défense ?
L’alternance est la clé de voute pour un développement paisible et harmonieux d’une nation. C’est ce que feint d’ignorer certains Burkinabés par manque de courage ou par complicité. Plusieurs décennies passées à la tête d’une entreprise, d’une société publique, d’un régiment, d’une garnison militaire, d’un ministère, d’une nation…dans un pays dit démocratique entrainent inéluctablement des abus et violations des textes fondamentaux régissant les institutions du pays. Telle est la principale cause des crises de confiance actuelles, le dernier mot revenant toujours au peuple. Ce qui est sûr, c'est qu'un vrai défi attend cette nouvelle équipe gouvernementale et tant que des entrevues permanentes ne seront pas menées avec toutes les couches sociales, en vue de trouver des solutions définitives de sorties de crise, le mal demeurera et le danger peut survenir en tous temps et en tous lieux.
Ismaël Compaoré
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Ce qui m'inquiète dans la situation actuelle au Burkina, c'est que contrairement à l'Egypte ou à la Tunisie, tous les manifestants ne convergent pas pour mettre ensemble la pression contre le régime de Compaoré. Normalement, le fait de dire à quelqu'un "dégage!" est le plus petit dénominateur commun qui réunit des gens radicalement différents sociologiquement et idéologiquement. Même ce plus petit dénominateur commun ne semble pas marcher au Burkina. La faute à qui ou à quoi ?
la situation burkinabè est on ne peu plus compliquée que celles tunisienne e egyptienne.Qui aujourdhui peu designer une personne quio mérite confiance et concidération sincères en politique que dans le milieu syndical? Tout le monde se demande à qui profiterait un tel mouvement?