Le tout puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou

Malgré l’engouement suscité à l’échelle nationale et régionale, rares sont les musiques africaines qui se retrouvent dans les classements internationaux. Non pas qu’elles ne soient pas exportables, mais bien souvent par faute de moyens de communication et de soutien marketing efficace. C’est pour pallier à cette situation que j’ai décidé de rédiger ce billet sur Le tout puissant Orchestre Polyrythmo de Cotonou, qui a œuvré à faire du Bénin le Quartier Latin de l’Afrique, jadis. C’est l’un des secrets les mieux gardés de l'Afrique, qui aurait pu disparaitre sans avoir fait goûter au monde l’intensité de ses mélodies.

L’histoire de ce groupe est celle d'un pari sur le temps d’une quinzaine d’amis. Créé dans les années 60, l’orchestre a évolué avec les soubresauts sociaux, culturels et politiques des pays africains à l’heure des indépendances et de l’éveil d’une certaine identité panafricaine. Bercé par les rythmes mythiques de James Brown en passant par Salut les Copains et les Yéyés, Polyrythmo a su créer un rythme inspiré des hits de l’époque et des percussions locales proches de la culture vodoo. C’est la naissance de mélodies qui se définiront plus tard comme l’afro beat. C’est l’époque de Bailly Spinto en Côte d’Ivoire, de GG Vickey entre Paris et Cotonou, sans oublier les Golden Sounds du Cameroon, auteurs de l’intemporel Zangalewa récemment repris par la chanteuse colombienne Shakira pour la Coupe du Monde 2010.

Les hits s’enchainent alors au fil des bals poussières de l'époque. Le succès est au rendez-vous, car L’Orchestre Polyrythmo de Cotonou, c’est avant tout un panel de rythmes s’étalant du cubain à la pop rock et réglés au clapet des pas africains. Le célèbre magazine portugais Publico le qualifia dans un article de « musique dure à définir, ni africaine, ni occidentale, ni du passé, ni du présent, mais tout simplement immortelle ». Pour le New York Times, il s’agit tout simplement « d’un des meilleurs groupes de Funk au monde ». Malgré l’engouement suscité et les multiples collaborations régionales avec des artistes en vogue tels que Fela Kuti, Manu Dibango, Myriam Makeba, Angelique Kidjo ; Polyrythmo n’est jamais sorti d’Afrique pour faire connaître son talent et sa musiquequi ne se définit d’aucun genre, car elle n’appartient pas à un registre donné ni même à l’ère du temps. Gnonas Pedro, du groupe Africando, chantait en son temps « La musique ne nourrit pas son homme ». Le Polyrythmo a ainsi failli périr dans l’oubli sans ne plus jamais reprendre la voie des studios.

Il aura fallu une interview à Cotonou d’Élodie Maillot de Radio France en 2007 pour réaliser le rêve du groupe : signer une tournée internationale. En 2010, le groupe se produit de Cotonou à New York en passant par l’Écosse et le pays de la samba. L’expérience a été si positive que de juin à aout 2012, une douzaine de dates sont de nouveau arrêtées dans une trentaine de capitales occidentales après la sortie de leur dernier album « Cotonou Club ». Un jeune et célèbre groupe de rock écossais les a même sollicité pour l’enregistrement d’un hit sur ces mélodies incantatrices (vidéo ci-jointe). Malgré la ferveur des musiques ivoiriennes et européennes accentuée par la substitution des disc jockeys au live, la nostalgie de la belle époque demeure toujours intacte dans le cœur des béninois qui réitèrent à chaque occasion leur passion pour ces musiques qui ont traversé plusieurs générations et qui nous titillent l’ouïe à chaque écoute.

À l’heure des MP3 et d'Internet, Polytrythmo se fait une nouvelle jeunesse, au regard de l’engouement suscité et du nombre de clips postés et « likés » sur les réseaux sociaux. Un nouveau site internet d’une ergonomie très simple permet de mesurer l’ampleur du phénomène et l’héritage qui aurait pu être qualifié de vestige. Élodie Maillot a créé un label ; « Son d’ailleurs » afin de promouvoir ces musiques de lointains horizons qui méritent aussi d’avoir leur chance sur les ondes radiophoniques occidentales.

En résumé, Le Tout Puissant Orchestre Polyrtyhmo de Cotonou, ce ne sont plus que 10 copains encore en vie, 42 ans de musique et près de 500 morceaux. L’histoire de ce groupe a suivi par bien des aspects l'histoire de notre continent. Celles des valeurs et cultes qui finissent par imploser fautes de perspectives. Un gisement de talents, bien souvent identifiés localement, mais qui s’atrophient par le temps et l’absence de politiques culturelles fortes. Mais c’est aussi celle d’hommes et de femmes, bien loin de l’éblouissement des projecteurs ; qui ne perdent pas la foi ni la joie de vivre. Et loin des gigantesques budgets des maisons de production internationales, il suffirait d’une bonne volonté pour tout simplement les faire renaitre à l’âge de la retraite ; afin de faire miroiter aux plus jeunes talents l’espoir d’une issue à ce tunnel sombre, dans lequel persiste et survit en bruit de fond ; le silence de ces mélodies que sont nos secrets d’Afrique…

Et si ces mots ne suffisent toujours pas, faites donc un tour dans la rubrique médias de leur portail web.

Léomick Sinsin