Dépendance au coton et croissance : Exemple du Burkina Faso

La culture du coton demeure une importante source de devises étrangères pour plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne. Son poids dans les exportations est très élevé, notamment au Burkina Faso où sa valeur représentait 85% des exportations totales en 2007 alors qu’elle ne dépassait pas 40% en 1990. Cela faisait du Burkina Faso le premier producteur et exportateur de coton en Afrique en 2007. En termes absolus, la production du coton au Burkina Faso a triplé en 10 ans en passant d’environ 200 mille tonnes en 1997 à plus de 600 mille tonnes en 2007. Ces résultats sont à inscrire à l’actif de la mise en œuvre réussie d’une réforme institutionnelle du secteur durant ladite période. Ce type de succès est unique en Afrique sub-saharienne dans la mesure où la production du coton est restée stable dans les autres pays producteurs qui ont également fait des réformes institutionnelles du secteur. Plusieurs défis restent néanmoins à relever et c’est en substance, ce que révèle une étude récente de la Banque Mondiale intitulée Cotton Dependence in Burkina Faso : Constraints and Opportunities for Balanced Growth.

Cette étude montre que la croissance de la production cotonnière dans l’ex Haute Volta n’est pas liée à une augmentation de la productivité. Elle résulte plutôt d’une augmentation de la superficie cultivée, du nombre de producteurs et de la quantité d’intrants agricoles. Ces résultats sont le fruit d’une meilleure gestion de la filière qui a fait suite à la mise en place d’un cadre institutionnel plus adéquat. Ce dernier va au-delà du cadre conventionnel qui consiste à privatiser sans tenir compte du contexte social et de l’organisation précédente des producteurs. Dans le cas du Burkina Faso, la réforme s’est focalisée sur la mise en place d’une meilleure coordination entre les acheteurs et les producteurs notamment en matière de négociation des contrats. Ainsi, des coopératives de professionnels ont été créées sur la base d’une adhésion volontaire. Cela a permis une plus grande confiance entre les acteurs du secteur et une réduction des coûts opérationnels. Cette initiative semble avoir contribué significativement à une hausse importante de la production du coton dans un pays où la balance commerciale est fortement déficitaire. Par ailleurs, même si la réforme a eu du succès, la dépendance de l’économie Burkinabè vis-à-vis de la production et de l’exportation du coton pose la question de la stabilité de sa croissance dans le court-terme et celle d'une croissance plus forte dans le long-terme pour favoriser le développement.

Dans le court-terme, la production du coton a besoin d’être davantage soutenue pour exploiter pleinement le potentiel qu’offre le secteur avec ses externalités positives sur la structure de l’économie, voire sur d’autres domaines. En effet, malgré les réformes amorcées, le secteur rencontre encore des difficultés inhérentes à la gestion des risques et à l’adoption et la diffusion des nouvelles technologies. La culture du coton reste soumise aux aléas climatiques, ce qui n’assure pas toujours un niveau de récolte suffisant. Ainsi, des systèmes d’assurances sont nécessaires pour mutualiser les risques.

Par ailleurs, une partie de l’augmentation de la production est due à la mise en culture de nouvelles terres et à l’arrivée de nouveaux producteurs. Cela dit, l'on espère que le secteur verra sa productivité augmenter après l’épuisement des facteurs de production. D’autres obstacles subsistent à l’adoption de nouvelles techniques de culture. Il s’agit notamment du manque d’expérience pour l’utilisation des engrais et de la mentalité des producteurs qui se contentent souvent de l’autosuffisance alimentaire du ménage et de la minimisation des risques. La levée de ces différents obstacles dans le court-terme permettrait d’accroître la production et de mieux contribuer à la croissance voire à la réduction de la pauvreté. D’autre part, le secteur est soumis à des contraintes extérieures qui ne garantissent pas une pleine contribution de la production du coton à la croissance du pays.

Il existe au Burkina une très forte corrélation entre le taux de croissance de la production du coton et le taux de croissance du PIB. Le taux de croissance de la production du coton étant très instable du fait de la volatilité des cours mondiaux du coton et de ses intrants, des alternatives sont nécessaires dans le long terme pour soutenir une croissance économique équilibrée. A ce même horizon, l’étude préconise l’amorce d’une industrialisation du secteur du coton à travers un développement plus accru de l’industrie textile. Elle suggère aussi et il s’agit là d’un point important, une meilleure diversification de l’économie à travers le développement de nouveaux secteurs d’exportation tels que les fruits, les légumes, la volaille et le riz. Il faut cependant reconnaitre que  la défaillance des institutions, le manque d’investissement et la faible implication de l’Etat dans la production des biens publics sont autant de freins à la diversification économique.

Il ressort donc que le Burkina Faso a réussi une réforme du secteur du coton mais que beaucoup de difficultés subsistent encore. Une nuance mérite toutefois d’être faite par rapport au lien entre la mise en œuvre de la réforme et l’augmentation soudaine de la production du coton. La croissance observée pourrait provenir de fuites de la production de coton en provenance de Côte d’Ivoire. En effet, 2002, l’année où la production a amorcé sa croissance exponentielle correspond au début de la crise en Côte d’Ivoire. Or le coton est principalement cultivé dans le Nord de la Côte d’Ivoire qui a échappé au contrôle de l’Etat à partir de cette même année. Qui plus est, on constate que la production de coton en Côte d’Ivoire a chuté de 250 mille tonnes entre 2002 et 2007 alors qu’elle a augmenté d’environ 300 mille tonnes durant la même période au Burkina Faso. Par conséquent, le succès attribué à cette réforme devrait être relativisé. Le défi majeur demeure toutefois le renforcement des réformes et la diversification de l’économie.

                                                                                                                     Georges Vivien Houngbonon