Gouvernance démocratique en Côte d’Ivoire : mythe ou réalité ?

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La Cote d’Ivoire a connu la décennie passée plusieurs crises dont la plus meurtrière fut la crise post-électorale de décembre 2010. Pendant cette période trouble de notre histoire, les clivages et les dissensions au sein des communautés se sont aggravés et le tissu social s’est profondément détérioré.

Face à cette situation, les nouvelles autorités ont entrepris plusieurs reformes tant structurelles qu’institutionnelles, dont les objectifs étaient de parvenir à accroitre l’efficacité et la légitimité des politiques de gestion publiques aux yeux des citoyens et aussi de renforcer l’État de droit en aidant les institutions à devenir inclusives et responsables.

I° Au plan économique

La gouvernance démocratique suppose ici le fait que l’État doit jouer un rôle central mais non exclusif dans la gestion du bien public en rassurant et en impliquant les populations aux projets de développement. Ce mode de gestion vise à rassurer les populations locales et les partenaires institutionnels (bailleurs de fonds, investisseurs, opérateurs économiques). A ce titre, plusieurs actions ont été menées :

  • La mise en place de Tribunaux de commerce pour assainir l’environnement des affaires.
  • La création d’un cadre institutionnel de bonne gouvernance par la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG), créée en septembre 2013. Elle a pour missions  principales de mener une croisade pour la normalisation de la vie publique en inculquant des valeurs telles que l’éthique dans la gestion des ressources humaines, financières, matérielles et le tout reposant sur des principes de transparence, de responsabilité et de participation collective.
  • Plusieurs reformes ont été engagées au niveau du Centre de promotion des investissements (CEPICI), de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et du patronat ivoirien afin d’assainir l’environnement des affaires et le rendre plus attractif.

II° Au plan social

La gouvernance démocratique procède de la conviction que le dialogue social et le consensus sont très efficaces et peuvent garantir l’efficacité des politiques publiques. La stratégie du gouvernement était de rapprocher l’Etat de ses administrés et les citoyens entre eux, en facilitant les plateformes de réflexion  telles que les  coalitions de femmes, les regroupements de jeunes, la société civile.

  • La mise en place du Conseil économique et social (CES), dont le but est de légiférer afin de créer un cadre de réflexion qui permettra au gouvernement de dérouler son programme de développement économique et social en faveur des populations.
  • Prôner l’égalité des sexes entre hommes et femmes. En matière de genre, l’Etat a initié le toilettage des textes discriminatoires envers les femmes et l’adoption de lois visant leur promotion. Comme illustration, le concours de la gendarmerie, qui depuis les années 1960, était jusque-là réservé uniquement aux hommes, a été ouvert cette année aux femmes. Des promotions ont également été décidées dans l’armée avec le passage de la première femme au grade de Générale  de brigade, Kouamé Akissi.

III° Au plan politique

La gouvernance démocratique encourage les réseaux, les associations et l’inclusion. Elle recommande un dialogue social auquel les citoyens doivent jouer un rôle actif dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. Conscientes de l’apport que peut jouer tous les citoyens du pays, les autorités ont initié la création d’un Ministère d’Etat chargé du dialogue politique.

  • La reprise du dialogue politique : le gouvernement et l’opposition ont repris le 29 janvier 2015 le dialogue politique qui avait été interrompu depuis le mois de mai dernier.
  • Le dégel des avoirs : la justice ivoirienne a annoncé avoir procédé au dégel des comptes bancaires de 43 personnalités de l’opposition. Ces comptes avaient été gelés suite à la crise post-électorale de 2010.
  • La libération de prisonniers de la crise post-électorale : en début d’année, la justice a procédé à la libération provisoire de plus de 130 prisonniers de la crise post-électorale.
  • Grâce présidentielle : 3000 détenus de droit commun bénéficieront bientôt de grâce collective et de réduction de peine. Des décrets ont été adoptés dans ce sens début février 2015.

Toutes ces actions du gouvernement sont des gestes qui participent à la décrispation du climat politique.

RECOMMANDATIONS

Plusieurs partenaires, notamment le PNUD et le NDI ont décidé d’accompagner les initiatives concourant à la création d’un environnement favorable à la bonne gouvernance. Pour que la gouvernance démocratique soit une réalité en Côte d’Ivoire, il faut :

  • Régler le problème du financement des partis politiques : ce financement qui est obligatoire par l’État n’est jusque-là pas effectif, alors que les élections présidentielles sont prévues pour octobre 2015.
  • Libéraliser l’accès aux medias : l’opposition estime qu’elle n’a pas accès aux médias d’État.
  • Instaurer l’éthique dans la gestion des ressources humaines : certaines nominations dans l’administration sont souvent faites de façons fantaisistes et partisanes, ce qui est contraire à la logique de bonne gouvernance.
  • Veiller à instaurer plus de transparence dans les processus d’attribution des marches publiques.
  • Lutter contre toutes les formes de racket qui gangrènent l’économie de notre pays.

BILAN

La gouvernance démocratique n’est pas un simple concept, mais une volonté réelle de bâtir un Etat de droit, de justice et de sécurité. Elle implique la promotion de la transparence dans la gestion des affaires publiques.

C’est à juste titre que les institutions de Brettons Wood (FMI-Banque Mondiale) ont ajouté la rubrique « bonne gouvernance » à la liste de leurs critères de prêts. Ce qui signifie que la gouvernance démocratique ou la démocratie participative est un critère incontournable dans le processus de développement d’une Nation.

Côte d’Ivoire: Paix, sécurité et émergence

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Après les crises successives qu’a connu la Côte d’Ivoire lors de la décennie écoulée, les nouvelles autorités ont dès leur prise de fonction, affiché clairement leur ambition de favoriser une croissance économique à fort impact sur le développement humain.

Ainsi, les autorités Ivoiriennes, conscientes de l’importance de la stabilité économique et la paix sociale dans tout processus de développement, ont décidé de mettre un point d’honneur sur la gouvernance démocratique et la répartition équitable des richesses afin d’impliquer et de stimuler toutes les couches sociales à atteindre l’objectif commun qui est l’émergence économique de la Cote d’Ivoire à l’horizon 2020.

La population ivoirienne, qui est à majorité jeune, est confrontée au problème d’insertion dans le marché du travail et cette question de l’emploi demeure actuellement la priorité des ménages et des politiques publiques. C’est ainsi que la Cote d’ivoire a décidé d’adopter un nouveau modèle de développement pour accélérer sa marche vers l’émergence.

Cette stratégie dénommée PND (Plan National de Développement), constitue le référentiel de toute la politique économique et sociale sur le moyen et le long terme, et est aussi le cadre de coordination, de planification, de programmation et de suivi des interventions Nationales et Internationales. A travers sa mise en œuvre, le gouvernement entend rechercher l’efficacité et l’efficience (performance) dans les interventions publiques.

L’émergence qui vise une amélioration des conditions de vie des populations ne pourrait être atteinte sans le renforcement de la sécurité, de la stabilité, de la gouvernance, de la démobilisation et la réintégration des ex-combattants, et de la consolidation de l’Etat de droit afin de créer les meilleures conditions d’une paix sociale durable et de favoriser le plein épanouissement des potentialités individuelles.

Contexte

 

Selon l’ONG anti-corruption Transparency International, l’indice de perception de la corruption en Côte d’Ivoire est évalué à 2,2 sur une échelle allant de 0 à 10. En 2010, la Cote d’Ivoire était classée 146e sur 174 pays.

La corruption et autres rackets sur les routes ivoiriennes sont la plupart du temps le fait d’ex-combattants incontrôlés et livrés à eux-mêmes. Elle entraine des coûts de transaction élevés, difficiles à mesurer, en raison du caractère clandestin de ces transactions. La corruption réduit le montant des investissements et ralentit la croissance économique du pays. La dégradation du climat socio-politique conjuguée à la détérioration de l’environnement économique a contribué à l’effritement de la cohésion sociale.

Ces différentes crises (coup d’État de décembre 1999, tentative de coup d’Etat de septembre 2002, crise post-électorale de décembre 2010) ont favorisé la circulation des armes légères et de petits calibres dans le pays, accentuant du même coup l’insécurité.

Le regroupement de certains jeunes en milices ou GAD (Groupes d’auto-défense), pendant la crise post-électorale de 2010, a favorisé la prolifération d’armes dans tout le pays. Certaines personnes, ayant gardé ces armes par devers elles, les utilisent régulièrement pour des braquages.

La prolifération des armes et la présence d’ex-combattants souvent armés sont une menace pour la stabilité sociale, mais aussi pour l’économie de la Côte d’Ivoire.

Quelques faits

 

Au début du mois de décembre 2014, quelques soldats du camp militaire d’Akouédo (Abidjan), avaient perturbé la circulation pendant plusieurs heures en érigeant des barricades sur les grandes artères. Ceux-ci réclamaient en effet le paiement d’arriérés de salaires et des primes de logement. Cette situation avait également touché plusieurs autres grandes villes de l’intérieur du pays, à savoir (Bouaké : Centre), (Korhogo : Nord), (Daloa : Centre-Ouest).

Ce problème d’humeur des militaires fut réglé au plus haut niveau par le président de la République qui a instruit le gouvernement d’apurer cette dette.

Quelques jours plus tard, un autre mouvement d’humeur de quelques dizaines d’ex-combattants ayant pris part à la bataille pour le contrôle de la ville d’Abidjan en avril 2010. Ces ex-combattants exigeaient non pas des primes, mais leur intégration et leur prise en compte dans les effectifs militaires de la nouvelle armée.

Tous ces différents mouvements d’humeur, venant d’ex-combattants ne sont pas de nature à rassurer les bailleurs de fonds et si l’on n’y prend garde, risquent de saper les efforts colossaux du gouvernement visant à améliorer le climat des affaires et le bien-être des Ivoiriens.

Il est donc indispensable d’aider à l’amélioration des conditions de vie des populations. Pour cela, il est crucial d’offrir aux ex-combattants des emplois et des perspectives d’avenir, si nous voulons atteindre l’émergence à l’horizon 2020.

Leur réintégration dans le tissu économique et social permettra à terme de prévenir toute nouvelle menace dans un environnement politique, économique et social encore fragile, avec de nouvelles élections présidentielles prévues en octobre 2015. La réinsertion des ex-combattants est une condition indispensable qui leur permettra d’améliorer leur situation économique et sociale et de faciliter aussi leur réadaptation d’après-guerre pour une participation effective au processus devant nous permettre d’atteindre l’émergence en 2020.

C’est dans cette optique que le gouvernement ivoirien, soucieux du danger que représentent tous les ex-combattants, a décidé de créer l’ADDR (Autorité pour le désarmement, la démobilisation, la réinsertion et la réintégration des ex-combattants). Le processus DDR s’analyse donc sur le plan politique, économique, social et culturel.

Missions et objectifs de l'ADDR

 

Créée en août  2012, l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation, la réinsertion, la réintégration socio-économique des ex-combattants (ADDR) est placée sous l’autorité du CNS (Conseil National de Sécurité), présidé par le Président de la République.

Les missions de l’ADDR sont entre autres :

  • Contribuer à la restauration de la sécurité, à la consolidation de la paix, à la réconciliation et au développement de la Côte d’Ivoire.
  • Réduire le risque de violence armée et assurer la sécurité de toutes les populations par le désarmement, la démobilisation et la réinsertion de tous les ex-combattants.
  • Emmener tous les ex-combattants à rompre définitivement avec le maniement des armes par leur prise en compte dans les projets de développement.
  • Faciliter le retour durable et définitif des ex-combattants a la vie civile.
  • Transformer les ex-combattants en des opérateurs économiques et surtout en des artisans de l’émergence de la Côte d’Ivoire.

Récapitulatif des résultats au 30/11/2014

Effectifs de planification

 

Statut

Réinsertion

Réintégration

TOTAL

 

 

45 525

En attente de formation qualifiante

En attente de réintégration

Réintégration achevée

74 068

 

3713

12 342

29 470

Problèmes

 

L’ADDR, dans la réalisation de sa mission est confrontée à quelques problèmes d’ordres techniques et structurels. Les problèmes que nous avons identifiés sont les suivants :

  • La complaisance observée dans l’accompagnement et la réintégration des ex-combattants, car selon nos informations, certaines personnes, n’ayant pas été ex-combattants bénéficient d’appuis financiers de l’ADDR afin de réaliser leurs projets.
  • Certains ex-combattants sont abandonnés et livrés à eux-mêmes.
  • La lenteur et la lourdeur du processus de DDR.
  • Le manque d’infrastructures d’accueil et d’équipements.

Solutions et recommandations

 

Pour résoudre ces problèmes, le gouvernement et les autorités de l’ADDR doivent :

  • Faire preuve de beaucoup de rigueur et de transparence dans la sélection et l’accompagnement des ex-combattants.
  • Augmenter les structures d’accueil liées au DDR
  • Augmenter l’enveloppe budgétaire allouée à l’ADDR
  • Multiplier les accords de partenariats entre l’ADDR et des entreprises locales afin d’offrir des stages pratiques et faciliter la réintégration des ex-combattants, comme ce fut le cas le 30 décembre 2014, avec la signature d’un protocole de partenariat entre l’ADDR et l’entreprise de promotion immobilière Kimec. Par cet accord, le Directeur Général de Kimec s’est engagé à offrir un stage pratique a 50 ex-combattants formés par l’ADDR au métier du génie civil. Il a annoncé dans son intervention que ce stage débouchera sur l’embauche des bénéficiaires dans son entreprise.

Les autres entreprises de bâtiment et génie civil doivent suivre cet exemple afin d’épauler l’ADDR dans la réintégration d’ex-combattants.

Synthèse

 

La Côte d’Ivoire, ayant été en proie de façon récurrente ces dernières années à des crises politiques dont la dernière s’est muée en conflit armé, a besoin, pour renouer avec la stabilité économique et sociale, d’un véritable programme cohérent et rigoureux de DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion) de tous les ex-combattants.

La réintégration quant à elle vise à  de pérenniser l’activité ou l’emploi de l’ex-combattant afin de lui garantir un revenu durable. Par leur implication dans l’activité économique, les ex-combattants deviendront des opérateurs économiques et des acteurs de développement de la Côte d’Ivoire, sinon, l’émergence tant prônée par le gouvernement Ivoirien ne sera qu’un leurre.

Moussa Koné

Moussa Koné, de nationalité ivoirienne, est titulaire d’une Licence en Sciences économiques de l’Université Felix Houphouët Boigny d’Abidjan et d’un Master en Sciences de Gestion (Option Ressources Humaines) du CESAG de Dakar. Il est actuellement Assistant RH stagiaire dans une institution bancaire de la place.