Les cinq femmes les plus influentes du Private Equity en Afrique

Depuis une petite dizaine d’années, le capital-investissement ou Private Equity a fait de l’Afrique subsaharienne un nouveau terrain de jeu qui attire des investisseurs de plus en plus diversifiés.Mfonobong Nsehe, journaliste nigérian, révèle les résultats de sa recherche sur les femmes qui ont su se faire un nom et une place aux plus hauts niveaux des meilleures firmes africaines de private equity. Il nous livre le top cinq des figures féminines les plus influentes de ce secteur, que notre nouveau partenaire nextafrique.com a traduit en français.

L'Afrique connaît un afflux sans précédent de capitaux privés. Selon les statistiques de l'Emerging Markets Private Equity Association (EMPEA), les investissements en private equity sur le continent atteignaient 1,5 milliard de dollars l'année dernière contre 151 millions de dollars en 2002. Une grosse part de ces fonds est gérée par quelques-unes des plus grandes sociétés de private equity sur le continent, telles qu'Hélios Capital Partners, Citadel Capital et African Capital Alliance, qui sont dirigées et dominées par les hommes. Pour la plupart, le private equity est une affaire d'hommes. Mais certaines femmes tirent malgré tout leur épingle du jeu. Voici les femmes les plus puissantes du secteur du private equity africain.

Tsega Gebreyes, Ethiopienne, Satya Capital.

La banquière d'investissement d'origine éthiopienne est fondatrice associée et PDG de la société Satya Capital, basée à Londres. La firme de private equity est axée sur l’Afrique avec plus de 200 millions de dollars sous gestion. Satya Capital a été fondée par le milliardaire soudanais Mo Ibrahim et investit généralement dans les 20 millions $ ou plus dans les entreprises des secteurs de la santé, des services financiers, de l’énergie et des ressources naturelles.

Diplômée de Harvard, Gebreyes a débuté sa carrière à la Citibank et à McKinsey avant de rejoindre Celtel en 1999 où elle a travaillé en étroite collaboration avec le fondateur de l'entreprise en tant que chef de la stratégie et du développement commercial. À Celtel, elle a aidé à lever des capitaux pour des acquisitions clés et a conçu le plan d'expansion régionale de la société. Surtout, elle a joué un rôle clé dans la gestion du processus de fusion-acquisition qui a finalement conduit à l'acquisition de 3,4 milliards de Celtel par MTC Koweït (cette opération a rendu Mo Ibrahim milliardaire). Toujours sous sa direction, Satya Capital a investi 80 millions de dollars dans des entreprises comme la Guaranty Trust Bank, une banque commerciale nigériane et Chemi & Cortex, une entreprise tanzanienne de produits de consommation.

Geneviève Sangudi, Tanzanienne, Carlyle Group.

En 2011, Carlyle Group, société américaine de gestion d'actifs alternatifs, a annoncé la création d'un fonds de 500 millions de dollars pour les investissements en Afrique. Geneviève Sangudi, une ressortissante tanzanienne, a été nommée directrice générale du Fonds. Le Private Equity n'était pas un territoire nouveau pour elle. Avant cette nomination, elle avait servi comme directrice associée pour les opérations nigérianes d’Emerging Capital Partners (ECP), une firme d'investissement afro-centrée avec plus d’1,8 milliard de dollars sous gestion. Elle a conduit l'entreprise à faire des investissements clés au Nigéria, notamment sur le géant nigérian Notore Chemical. Sangudi est titulaire d’un MBA de la Columbia Business School et d’un BA en anglais et en communication du Macalester College.

Wendy Luhabe, Sud-africaine, Women Private Equity Fund.

L’une des figures de conseil d’administration les plus respectées d'Afrique du Sud, Luhabe a par le passé siégé au conseil du groupe Vodacom et de BMW Afrique du Sud. En 2002, elle a fondé le Fonds Women Private Equity Fund (WPEF) de 13 millions de dollars, qui investit principalement dans des entreprises détenues ou dirigées par des femmes. Parmi les investissements les plus fructueux du fonds, on compte à ce jour Qphoto, une chaîne photographique, et I-SLICES, une entreprise qui fabrique des produits de soins oculaires. Luhabe est actuellement chancelière de l'Université de Johannesburg.

Ngozi Edozien, Nigériane, Actis

La diplômée d’Harvard a fait ses premiers pas au sein de la firme de conseil mondiale McKinsey avant de travailler pour le géant pharmaceutique Pfizer comme responsable de la région Afrique de l'Est, du Centre et Afrique de l'Ouest anglo-lusophone. Elle a ensuite fondé Equity Vehicle for Health in Africa (EVHA), un fonds de private equity engagé à investir dans le secteur de la santé. Il a été cofinancé par la SFI, la BAD, la DEG et la Fondation Gates. En 2009, elle a été nommée PDG d'Actis Afrique de l'Ouest. Actis est une des principales sociétés mondiales sur les marchés émergents de Private Equity avec plus de 4,8 milliards d'euros sous gestion. Edozien supervise les investissements ouest-africains de l'entreprise qui comprennent Mouka Foam, Diamond Bank et Seven Energy.

Minoush Abdel-Meguid, Egyptienne, Union Capital

La banquière d'investissement d'origine égyptienne a travaillé chez Citigroup, Goldman Sachs et HSBC. Co-fondatrice d'Union Capital, une firme d'investissement égyptienne principalement axée sur les PME, Abdel-Meguid est également présidente fondatrice de l'association égyptienne des jeunes banquiers, une organisation où les professionnels seniors encadrent les jeunes professionnels de la banque.

 

Un article de Mfonobong Nsehe publié sur son blog ; Version française : Zinab L. Traoré pour Nextafrique.com.

Le capital-investissement en Afrique : utopie ou réalité ?

Le capital-investissement ou Private equity en anglais – cette activité qui consiste pour des investisseurs à entrer au capital de sociétés demandeuses de capitaux et non cotées en bourse – est en nette croissance en Afrique même si elle y reste encore modeste en comparaison avec les pays émergents . C’est ce qu’indique une récente étude de l’Emerging Markets Private Equity Association (EMPEA) qui en décrit les derniers développements de même que les défis.

En effet, les levées de fonds ont atteint 6 milliards de dollars entre 2006 et 2008 contre 2 milliards de dollars entre 2000 et 2005. L’Afrique subsaharienne a accueilli moins de 4 % des 159 milliards de dollars  levés pour  l’ensemble des marchés  émergents  entre  2006 et  2008,  et moins  de  0,5 %  des 1  400  milliards  de  dollars  levés dans  le monde. En 2010, l’Afrique subsaharienne a atteint un record absolu de 6 % du total des capitaux levés pour les marchés émergents  et cette tendance devrait se poursuivre.

Le principe du capital-investissement est en réalité assez simple. Il consiste à devenir l’actionnaire principal d’une entreprise et à vendre ses parts quelques années plus tard, étape appelée dans le jargon financier « la sortie ». Le fonds de capital-investissement apporte donc non seulement des capitaux mais est également un actionnariat professionnel qui peut améliorer la capacité de gestion de l'entreprise cible. L’achat des parts se finance en partie grâce à de la dette et les plus-values sont réalisées au moment de la « sortie » qui a lieu en général 3 à 10 ans après l'entrée au capital.

En Afrique, le développement du capital-investissement ne profite pas seulement aux entreprises qui y trouvent des sources de capitaux et la possibilité de s’agrandir et de se diversifier. Elle constitue aussi un excellent instrument pour investir l’épargne, élément souvent abondant sur le continent  et dont la fructification est source de casse-têtes. Chaque jour en Afrique, de nombreux projets de création ou de développement d’entreprises sont élaborés mais ne voient pas le jour du fait du manque de  capitaux. Chaque jour en Afrique, de l’épargne est dirigée faute de mieux vers  l’achat d’actifs immobiliers, la consommation ou les dépôts bancaires à terme. Le capital-investissement  pourrait résorber cette inefficience et contribuer à la croissance et au développement. Il offre une solution à des institutions qui auraient pu investir directement dans des entreprises mais en sont dissuadés  par  l’opacité  des marchés.

L’Afrique attire désormais une plus grande diversité d’investisseurs. Alors que les institutions financières de développement étaient les soutiens traditionnels du capital-investissement dans la région, la majorité des fonds sont aujourd’hui apportés par d’autres investisseurs. C’est ce qu’on remarque par exemple chez Helios Investment Partners, le plus grand fonds panafricain de Private equity, l’un des rares à être financé et géré par des africains, dont 70% des 900 millions de dollars levés mi 2011 sont venus d’investisseurs autres que les institutions de développement.

Le capital-investissement permet également des opérations sur des actifs qui sortent du cadre des extractions minières et du secteur bancaire, secteurs qui couvrent à eux seuls la quasi-totalité du marché des actions en Afrique. Même s’ils occupent – logiquement- une place importante dans le capital-investissement, en 2010, plus de la moitié des opérations ont été réalisées dans d’autres  secteurs comme l’agroalimentaire (par exemple Dewcrisp et Foodcorp en Afrique du Sud), la santé (clinique  Snapper  Hill  au  Liberia  et  hôpital pour  femmes à Nairobi) et  les médias et  télécommunications  (Wananchi Group au Kenya) . Comme on peut le voir, l’activité reste concentrée sur une poignée de marchés essentiellement en Afrique anglophone (Afrique du Sud, Kenya, Nigéria). Si on retrouve le différentiel de croissance et d’émergence entre l’Afrique anglophone et l’Afrique francophone,  on note au cours des dix-huit derniers mois une nette diversification géographique avec des sociétés soutenues par des investisseurs en capital au Bénin,  au Congo,  au Ghana,  au Liberia, à Madagascar et en Tanzanie.

Si d’après une étude réalisée par l’EMPEA, 67% des gestionnaires de fonds interrogés considèrent l’Afrique attractive en 2011 et 39% y prévoient des investissements, certains facteurs minent encore le développement du Capital-investissement sur le continent africain, le principal étant le manque de main d’œuvre qualifiée.  « Selon les gérants de fonds, le déficit de capital humain – les professionnels capables de développer, sélectionner, structurer et exécuter les opérations – pèse sur leur capacité à saisir les opportunités  qui  se  présentent.  Le  vivier  de cadres qualifiés travaillant dans les sociétés en portefeuille reste modeste, en particulier en ce qui concerne les directeurs financiers. De plus, l’absence  d’un  solide  réseau  d’intermédiaires –…conseillers, banquiers, courtiers et analystes…– génère  un  important  travail  de  recherche  et d’évaluation », rapporte Jennifer Choi, responsable des activités extérieures, des relations publiques et des partenariats institutionnels d’EMPEA. Le nombre de gérants de fonds actifs africains a quintuplé au cours de la dernière décennie mais il reste faible. Il s’agit certainement d’une opportunité à saisir pour les cadres africains compétents dans le domaine, à l’heure où des textes comme la Circulaire Guéant en France ou d’autres en Angleterre et ailleurs compliquent les conditions d'accès au travail de la diaspora africaine.

Le risque politique et les conditions de sortie difficiles du fait de la taille modeste du marché sont deux autres obstacles majeurs à l'essor du capital investissement en Afrique. Mais, les prix d’entrée proposés sont réellement compétitifs et les rendements importants. Les taux de rentabilité interne nets sont de plus de 20 % sur dix ans, contre environ 13 % au Royaume-Uni et 8 % aux États-Unis (RisCura et SAVCA, 2011). L'on est donc en droit d'être optimistes en la matière et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde : les sociétés africaines en recherche de capital relativement bon marché, les investisseurs africains en quête de placements intéressants pour leur épargne et les autres investisseurs qui souhaitent diversifier et donc « hedger » leur exposition aux marchés.

 Tite Yokossi