Le financement des PME : En quoi la phase de « participation active » des fonds de private equity peut- elle être un frein ?

incentivesCes dernières années, on constate un engouement des fonds de private equity  pour l’Afrique. Des millions de dollars sont ainsi levés pour être injectés dans les économies des pays du continent.  En 2013, ces fonds ont investis plus de 1,6 milliard de dollars en Afrique subsaharienne, montant record des cinq dernières années, selon une étude de l'Association du capital-investissement pour les marchés émergents (Emerging Markets Private Equity Association/ EMPEA). Malheureusement, très peu d’entreprises en réalité bénéficient de ces ressources. En effet les fonds choisissent d’investir dans les grandes entreprises à forte notoriété, au détriment des PME, qui sont porteurs de croissance du fait qu’ils représentent l’essentiel du tissu économique des pays africains.

Le private equity est défini comme étant un investissement en fonds propres dans les entreprises récentes ou plus âgées, mais amorçant une nouvelle étape significative de croissance, de préférence dans les secteurs où les perspectives de développement sont importantes. Le but de cette opération étant la réalisation d’une plus-value, dans un cadre de collaboration active. Cette définition du private equity implique des interventions en amont et en aval. Elle se caractérise donc par : une participation au capital social, l’apport d’une valeur ajoutée au capital investi par une participation active et l’orientation à long terme variant entre cinq (5) et dix(10) ans ; ceci  afin que l’investissement fournisse un rendement suffisant.

UntitledIl trouve ses fondements aux Etats Unis, où il est apparu au lendemain de la seconde guerre mondiale avec la création du premier fonds d’investissement « American Research & Development Corporation» (ARD) en 1946. Des sociétés telles que Microsoft, Macintosh, Intel, Yahoo et Amazon pour ne citer que ceux-là étaient soutenues dès leur démarrage par des sociétés de private equity. Les premières initiatives dans ce domaine en Afrique datent des années 90 avec la création de FIARO (Financière d’investissement ARO)  à Madagascar ainsi que de la SPPI (Société de Participation et de Promotion des Investissements) en Tunisie. Depuis lors, le private equity a connu une croissance mitigée. En effet si d’aucun saluent l’engouement actuel des fonds de private equity pour l’Afrique, une situation qui se justifie en partie par les forts taux de croissance actuels enregistrés par les économies du continent ; il est  évident que le niveau d’investissement dans les PME, véritable moteur de croissance des économies africaines, et qui à l’ origine étaient les principales cibles de ce mode de financement, demeure toujours très faible.

Cet état de fait  pourrait se justifier par les implications de la deuxième étape de ce mode de financement, à savoir « la participation active à la gestion de l’entreprise ». Pour les investisseurs en private equity, leur métier consiste en une combinaison entre « Financement et assistance au management », ils mettent ainsi en avant l’expression de partenaire actif de l’entreprise. Avec leur savoir-faire, les investisseurs en private equity assistent les entreprises financées dans la détermination de la politique à long terme, dans l’évaluation financière, dans le recrutement du personnel, etc. C’est de cette manière qu’ils ajoutent de la valeur à leurs investissements. Cette ingérence dans la gestion de l’entreprise peut poser problème, notamment quand il s’agit des PME africaines, car le mode de gouvernance de la plupart de ces sociétés contraste avec celui plus orthodoxe des fonds de private equity.

En effet  le  capitalisme moderne, qui est l’essence du private equity, articule sa démarche autour du modèle de « la gouvernance d’entreprise ». Ce modèle se défini comme,  l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire (Charreaux, 1997). Or la PME africaine étant extrêmement personnalisée, on  assimile cette dernière à la personne même du chef d’entreprise. Cette personnification s’inscrit dans une interaction spécifique, entre le pouvoir de gestion et la propriété du capital. En effet, la PME africaine peut être considérée comme un système d’organisation du pouvoir presque toujours concentré dans les mains d’une seule personne: le chef d’entreprise. Celui-ci exerce son pouvoir de gestion et de contrôle, de sorte que les objectifs de l’entreprise sont fortement déterminés par ses objectifs personnels. Ce dernier demeure la clef de voûte de tout le système stratégique. Dans le fonctionnement, il est avant tout celui qui imagine, développe, et réalise sa vision. A cette personnification, s’ajoute une gestion opaque des affaires ; la plupart ne disposant pas d’états financiers fiables et sincères.

SanstitreL’opposition entre ces deux modèles de gouvernance crée un « effet paradigme », à l’origine du faible niveau d’investissement des fonds de private equity dans les PME du continent. Néanmoins, malgré cet effet paradigme certains fonds ont fait le pari d’investir, avec succès, dans les PME africaines. Il s’agit notamment de l’investisseur I&P, actif en Afrique Subsaharienne et qui a choisi d’investir exclusivement dans les PME de cette partie du continent. Ce fonds accompagne donc avec brio, des PME gérées par des entrepreneurs locaux ; les entreprises Biotropical au Cameroun et la Laiterie du Berger (Dolima) au Sénégal sont des exemples concrets de sa réussite. D’autres, tel que XSML à partir de son véhicule dédié aux PME d’Afrique centrale, « Central Africa SME Fund » se positionne également sur ce segment. Ces fonds ont donc su s’adapter aux difficultés apparentes, qu’il y a à investir dans les PME du continent et sont ainsi récompensés par des taux de rentabilité forts intéressants.

En définitive, il apparait que le modèle actuel du private equity tel qu’il est mis en œuvre par la plupart des fonds présents sur le continent, n’est pas adapté au fonctionnement des PME. Cependant, certains exemples de réussite prouvent que le risque pesant sur les PME du continent, du fait de leur personnification et de leur opacité peut être jugulé, si l’on élabore des stratégies adéquates. Il faudrait donc penser à un modèle qui intègrerait une quatrième phase en amont des trois phases identifiées ; que l’on pourrait appeler « phase de réorganisation ». L’objectif de cette phase serait principalement, de faciliter une réorganisation de la PME dans tous ses aspects et aboutirait à la signature d’un pacte d’actionnaires, qui sera dans ce cadre plus un contrat de gré à gré qu’un contrat d’adhésion, comme s’est généralement le cas. Ce modèle « acclimaté », tenant compte des réalités des PME africaines ; devrait ainsi permettre à un plus grand nombre de PME de bénéficier des ressources énormes des fonds de private equity et de ce fait générer par leur performances, une croissance inclusive des économies du continent.

                                                                                                                                                   Larisse M. Adewui           

Sources :

STEVENOT Anne (2006). L’influence des Capital Investisseurs sur la gestion des ressources humaines des entreprises financées : dimensions, enjeux et limites, FARGO – Centre de recherche en Finance, Architecture et Gouvernance des Organisations.

Private Equity en Afrique cherche gérants locaux et ingénieux

Les temps sont durs pour les transactions de capital-investissement en Afrique subsaharienne ! Les deals de private equity seraient de plus en plus difficiles en Afrique, surtout ceux de tailles importantes. Ce sont les constats d’un article intéressant du Financial Times écrit par la journaliste Katrina Manson qui cite Miles Morland, l’un des pionniers de l’investissement en Afrique :

Private-Equitys-Perception-of-Africa« En Afrique, il y a des centaines d'offres, mais il faut aller les chercher. En Occident, les banquiers d'investissement vous apportent des offres… [Mais], en Afrique, les banques d'investissement sont au bas de la chaîne alimentaire. Vous avez besoin d'aller traîner dans les bars… pour trouver les offres ».

Une activité en dents de scie

Depuis plusieurs années, tout le monde parle du potentiel de l'investissement en Afrique, particulièrement en Afrique subsaharienne. La région est en plein essor et la croissance commence à se transformer vers une classe de consommateurs domestiques, alimentée par une grosse population en pleine croissance. Mais l'Afrique demeure encore loin derrière le reste du monde en ce qui concerne le Private Equity qui représente pour le continent 4% des transactions sur les marchés émergents, contre 63% pour les pays émergents d'Asie.

L'histoire du private equity en Afrique a été en dents de scie. Dans les années 1990, le climat des affaires était encore difficile et même de bons investissements ont été affectés négativement par l'effondrement des devises locales.

Puis vinrent les années 2000, au cours desquels étaient enregistrés de gigantesques retours sur investissement, en particulier dans le secteur des télécommunications. Le secteur a été au plus haut sur les radars mondiaux en 2005, lorsque MTC Mobile Telecommunications du Koweït, rebaptisé Zain, a acquis Celtel International, le fournisseur panafricain de télécommunications pour une valeur de 3,4 milliards de dollars US.

De nombreux investisseurs privés ont réalisé au moins 250% de retour sur investissements, et le fond d’infrastructure africain AIG, géré par un précurseur d’Emerging Capital Partners, avait déclaré dans un communiqué de presse avoir perçu environ 214 millions de dollars soir 4,3 fois son investissement initial de 50 millions de dollars. Mais d'autres investissements n’ont le plus souvent pas aussi bien marché.

Selon Morland, « dans le contexte actuel du cycle de 2007-17, gagner de l'argent sera plus difficile. Un taux de rendement interne de plus de 20% aura l'air correct. C'est une époque où les investisseurs prudents feront plutôt mieux que les cow-boys… ».

Trouver des offres devient un véritable chemin de croix

Les discours sur les énormes possibilités de la grande région de l'Afrique et la potentielle surabondance de nouveaux investisseurs privés du Brésil, du Moyen-Orient et des États-Unis vers l'Afrique, ont été renforcés avec l’entrée ces dernières années de poids lourds comme Carlyle et KKR sur le continent.

« Malgré le durcissement de l'environnement, des collectes de fonds ont du mal à rassembler ce que l'on appelle les gros investisseurs des fonds à 'gros ego' », écrit le Financial Times, avec le brésilien BTG Pactual et d'autres visant le milliard de dollars qui chercheront les grosses transactions que le marché fragmenté du continent peut rarement offrir.

La journaliste Manson cite Marlon Chigwende, co-directeur Afrique de Carlyle qui déplore le manque de transactions de private equity au-delà de 75 millions de dollars US.

Roger Leeds, fondateur de l'Association Emerging Markets Private Equity (EMPEA), déclare que l' « argent intelligent » cible les marchés moyens de moins de 50 millions de dollars, dont il estime avoir des perspectives de croissance plus forts : « Les gérants de fonds sont heureux de prendre l'argent des investisseurs mais ceux-ci mettent une pression énorme sur eux pour réaliser des transactions de plus grande envergure si bien qu’ils vont s’essouffler. Ils se plaignent tous des difficultés à trouver des offres et ils sont en concurrence les uns avec les autres, ce qui fait monter les valorisations ».

L’un des investisseurs se réfère également à un « embouteillage » des gérants de fonds en quête de capitaux auprès d'investisseurs. La firme de recherche Preqin affirme que 57 fonds de private equity axés sur l’Afrique (dont la moitié se trouve en Afrique du Sud) sont à la recherche de 13,1 milliards de dollars US. Au cours des 2 dernières années, les collectes de fonds sur les marchés émergents ont augmenté de 72% sur un total de 40 milliards de dollars, mais la collecte de fonds pour l'Afrique subsaharienne a baissé de 3% à 1,45 milliards de dollars l'an dernier, bien en dessous de son pic de 2,24 milliards en 2008.

Toutefois, certains investisseurs arrivent à performer. Le fond pour l’Afrique subsaharienne de Carlyle devrait clôturer au-dessus de son objectif de 500 millions de dollars au 3ème trimestre. Il a investi pour la première fois en 2012 en prenant part à une injection de fonds propres 210 millions $ dans GTE, un commerce tanzanien produits agroalimentaires. Le fonds Development Partners International de Morland a levé un financement de 500 millions de dollars en 2008 et a investi dans 9 transactions. Il lève cette année un nouveau fond de taille équivalente.

« Si l'histoire de la croissance africaine attire de plus en plus de fonds, les choses se durcissent. C'est une des raisons pour lesquelles des équipes de gestion locales et ingénieuses sont beaucoup plus importantes aujourd'hui que par le passé », conclut le Financial Times.


Article de Leyla Traoré – Analyste sur nextafrique.com | Centres d'intérêts : l'économie, la finance de marché et les nouvelles technologies

Publié initialement par Next AFrique : http://www.nextafrique.com/finance/banque-marches/2377-les-temps-sont-durs-private-equity-en-afrique-cherche-gerants-locaux-et-ingenieux 

Entrepreneurs : Comment bénéficier de l’engouement des fonds d’investissement pour l’Afrique ?

Il y a depuis près d’une décennie un engouement sans précédent pour l’investissement dans le secteur privé en Afrique. Cette tendance est notamment impulsée par les fonds d’investissement, attirés par les retours sur investissements supérieurs à la moyenne mondiale. Ces derniers reçoivent chaque jour plusieurs dizaines de plan d’affaires (business plan) de la part d’entrepreneurs souhaitant lever des fonds. Pourtant, seuls quelques projets seront sélectionnés. Cet article est la synthèse d’une conférence organisée par le cabinet d’avocats Clifford Chance et Private Equity Africa Magazine le 12 février 2013 à Londres. Ci-dessous, nous revenons sur les éléments-clés d’une candidature réussie.

Se placer du point de vue de l’investisseur
Pour commencer, il faut s’assurer que le plan d’affaires de l’entreprise est bien construit, et qu’il ferait sens pour un investisseur d’y mettre son argent. Les investisseurs se posent trois questions avant d’engager leur argent dans une entreprise :
• Est-ce que cette entreprise est déjà rentable et a atteint une taille critique ?
• L’entreprise a-t-elle une structure qui lui permettra de croître et d’augmenter ses profits ?
• Sera-t-il possible de revendre l’entreprise à un prix avantageux après 5-10 ans ?
Si la réponse est oui à chacune de ces trois questions, alors il y a des chances que le projet soit examiné dans le détail par le fonds d’investissement. Quelles sont les implications de ces questions ?
Le premier élément pris en compte par l’investisseur est qu’il désire investir dans une entreprise qui a déjà prouvé qu’elle pouvait générer des profits réguliers et croissants. Il est aussi essentiel que l’entrepreneur qui souhaite lever des fonds soit prêt à réduire son contrôle sur l’entreprise pour la durée d’investissement par le fonds (5-10 ans). En effet, lors d’un tel investissement, le fonds rachète une part majoritaire des actions de l’entreprise, afin de subventionner et de guider son développement.
Par ailleurs, pour être une cible intéressante, l’entreprise doit évoluer dans un marché en croissance, et disposer d’une structure capable d’absorber le capital investi par la croissance et le transformer en flux nets de trésorerie. Pour cela, il faut que l’entreprise dispose d’une structure managériale qui ne repose pas uniquement sur la personne de l’entrepreneur (micro-gestion), et puisse être agrandie sans voir sa rentabilité diluée. L’entrepreneur a donc tout intérêt à mettre en place des processus de fonctionnement interne permettant d’assurer une gestion efficace et impersonnelle de son entreprise.
Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’abord de convaincre l’investisseur de risquer une somme d’argent importante dans un projet. Les sommes engagées sont énormes, ce qui justifie l’extrême sélectivité des fonds d’investissements en Afrique, qui rechignent encore à investir dans des start-ups (venture capital).
Pour rendre un dossier de candidature convaincant, il est essentiel de modéliser la valeur de l’entreprise sur la base d’hypothèses claires. Ces calculs doivent se faire sur la base d’études approfondies des évolutions du marché et des attentes des consommateurs, ainsi que de la maturité des produits/services proposés. Ces évaluations seront d’autant plus convaincantes qu’elles utiliseront les modèles financiers fondamentaux tels que le Comparable Companies Analysis, le Precedent Transactions Analysis ainsi que les mesures-clés de rentabilité et de retour sur investissement (ROE, ROIC, EBITDA…). Finalement, il est recommandé de proposer une stratégie dite « de sortie » pour l’investisseur, en fonction de l’industrie dans laquelle l’entreprise évolue et des moyens de l’entrepreneur. Celle-ci peut être le rachat des actions cédées au fonds d’investissement par l’entrepreneur lui-même, la revente de celles-ci à un concurrent plus gros, ou encore une introduction en bourse. En lui donnant une idée de la manière de rentabiliser son investissement, on le rassure sur la quantité de risque qu’il va prendre en investissant dans une entreprise donnée.

Bien choisir le fonds d’investissement
Pour les projets les mieux ficelés, vient alors le moment de choisir le fonds qui investira dans l’entreprise. Ici, les rôles s’inversent, et plusieurs critères sont à prendre en compte pour faire un choix.
L’entrepreneur doit évaluer l’adéquation du fonds d’investissement avec son entreprise. En effet, les sommes investies diffèrent énormément d’un fonds à l’autre, tout comme leur degré d’investissement dans la gestion de l’entreprise. Si l’entrepreneur compte garder un contrôle sur les opérations de son entreprise, il a tout intérêt à choisir un fonds d’investissement qui ne lui imposera pas trop de contraintes. D’autre part, certains fonds sont spécialisés sur une industrie ou une région, et sont souvent dirigés par des investisseurs ayant de l’expérience dans l’industrie/la région concernée. Ces derniers font bénéficier aux entreprises du portefeuille de leur réseau personnel et de leurs compétences techniques. Il est donc plus judicieux pour un entrepreneur dans le domaine des télécommunications de vendre son entreprise à un fonds d’investissement spécialisé dans ce secteur. Toutefois, il faut aussi s’assurer que le fonds d’investissement ne possède pas déjà une entreprise compétitrice.
Finalement, la compatibilité des personnalités et des cultures peut déterminer la réussite ou l’échec d’un investissement. En effet, dans une situation d’investissement par un fonds, la société sera cogérée par le fonds et l’entrepreneur. Il faut donc accorder la plus grande attention au facteur humain.

Due diligence et autres joyeusetés (ce qu’il ne faut pas faire)
Une fois le fonds d’investissement choisi, ce dernier va procéder à une due diligence, qui consiste à évaluer tous les aspects de l’entreprise (fonctionnement, finances, marché, produits, facteurs de risque…) afin de contrôler les informations soumises dans le dossier de candidature.
Depuis quelques années, les processus de due diligence sont de plus en plus poussés, et de ce fait augmentent la durée nécessaire entre l’examen du dossier de l’entreprise et l’investissement effectif. Cela est dû à plusieurs scandales, notamment au Maroc en 2007, où un fonds d’investissement a dû rembourser la dette d’une compagnie d’assurances qu’il avait achetée. En effet, la société avait masqué cette dette (de plusieurs millions de dollars), et celle-ci n’avait pas été détectée lors de la due diligence…
Il est donc conseillé par les investisseurs d’être aussi transparent que possible, car au final, un entrepreneur qui tricherait risquerait de ne plus jamais voir son dossier examiné pour investissement…
Ceci n’étant qu’une synthèse sur le sujet, n’hésitez pas à me contacter pour plus de détails en laissant un commentaire au bas de cette page !

Babacar-Pierre SECK

Le capital-investissement en Afrique : utopie ou réalité ?

Le capital-investissement ou Private equity en anglais – cette activité qui consiste pour des investisseurs à entrer au capital de sociétés demandeuses de capitaux et non cotées en bourse – est en nette croissance en Afrique même si elle y reste encore modeste en comparaison avec les pays émergents . C’est ce qu’indique une récente étude de l’Emerging Markets Private Equity Association (EMPEA) qui en décrit les derniers développements de même que les défis.

En effet, les levées de fonds ont atteint 6 milliards de dollars entre 2006 et 2008 contre 2 milliards de dollars entre 2000 et 2005. L’Afrique subsaharienne a accueilli moins de 4 % des 159 milliards de dollars  levés pour  l’ensemble des marchés  émergents  entre  2006 et  2008,  et moins  de  0,5 %  des 1  400  milliards  de  dollars  levés dans  le monde. En 2010, l’Afrique subsaharienne a atteint un record absolu de 6 % du total des capitaux levés pour les marchés émergents  et cette tendance devrait se poursuivre.

Le principe du capital-investissement est en réalité assez simple. Il consiste à devenir l’actionnaire principal d’une entreprise et à vendre ses parts quelques années plus tard, étape appelée dans le jargon financier « la sortie ». Le fonds de capital-investissement apporte donc non seulement des capitaux mais est également un actionnariat professionnel qui peut améliorer la capacité de gestion de l'entreprise cible. L’achat des parts se finance en partie grâce à de la dette et les plus-values sont réalisées au moment de la « sortie » qui a lieu en général 3 à 10 ans après l'entrée au capital.

En Afrique, le développement du capital-investissement ne profite pas seulement aux entreprises qui y trouvent des sources de capitaux et la possibilité de s’agrandir et de se diversifier. Elle constitue aussi un excellent instrument pour investir l’épargne, élément souvent abondant sur le continent  et dont la fructification est source de casse-têtes. Chaque jour en Afrique, de nombreux projets de création ou de développement d’entreprises sont élaborés mais ne voient pas le jour du fait du manque de  capitaux. Chaque jour en Afrique, de l’épargne est dirigée faute de mieux vers  l’achat d’actifs immobiliers, la consommation ou les dépôts bancaires à terme. Le capital-investissement  pourrait résorber cette inefficience et contribuer à la croissance et au développement. Il offre une solution à des institutions qui auraient pu investir directement dans des entreprises mais en sont dissuadés  par  l’opacité  des marchés.

L’Afrique attire désormais une plus grande diversité d’investisseurs. Alors que les institutions financières de développement étaient les soutiens traditionnels du capital-investissement dans la région, la majorité des fonds sont aujourd’hui apportés par d’autres investisseurs. C’est ce qu’on remarque par exemple chez Helios Investment Partners, le plus grand fonds panafricain de Private equity, l’un des rares à être financé et géré par des africains, dont 70% des 900 millions de dollars levés mi 2011 sont venus d’investisseurs autres que les institutions de développement.

Le capital-investissement permet également des opérations sur des actifs qui sortent du cadre des extractions minières et du secteur bancaire, secteurs qui couvrent à eux seuls la quasi-totalité du marché des actions en Afrique. Même s’ils occupent – logiquement- une place importante dans le capital-investissement, en 2010, plus de la moitié des opérations ont été réalisées dans d’autres  secteurs comme l’agroalimentaire (par exemple Dewcrisp et Foodcorp en Afrique du Sud), la santé (clinique  Snapper  Hill  au  Liberia  et  hôpital pour  femmes à Nairobi) et  les médias et  télécommunications  (Wananchi Group au Kenya) . Comme on peut le voir, l’activité reste concentrée sur une poignée de marchés essentiellement en Afrique anglophone (Afrique du Sud, Kenya, Nigéria). Si on retrouve le différentiel de croissance et d’émergence entre l’Afrique anglophone et l’Afrique francophone,  on note au cours des dix-huit derniers mois une nette diversification géographique avec des sociétés soutenues par des investisseurs en capital au Bénin,  au Congo,  au Ghana,  au Liberia, à Madagascar et en Tanzanie.

Si d’après une étude réalisée par l’EMPEA, 67% des gestionnaires de fonds interrogés considèrent l’Afrique attractive en 2011 et 39% y prévoient des investissements, certains facteurs minent encore le développement du Capital-investissement sur le continent africain, le principal étant le manque de main d’œuvre qualifiée.  « Selon les gérants de fonds, le déficit de capital humain – les professionnels capables de développer, sélectionner, structurer et exécuter les opérations – pèse sur leur capacité à saisir les opportunités  qui  se  présentent.  Le  vivier  de cadres qualifiés travaillant dans les sociétés en portefeuille reste modeste, en particulier en ce qui concerne les directeurs financiers. De plus, l’absence  d’un  solide  réseau  d’intermédiaires –…conseillers, banquiers, courtiers et analystes…– génère  un  important  travail  de  recherche  et d’évaluation », rapporte Jennifer Choi, responsable des activités extérieures, des relations publiques et des partenariats institutionnels d’EMPEA. Le nombre de gérants de fonds actifs africains a quintuplé au cours de la dernière décennie mais il reste faible. Il s’agit certainement d’une opportunité à saisir pour les cadres africains compétents dans le domaine, à l’heure où des textes comme la Circulaire Guéant en France ou d’autres en Angleterre et ailleurs compliquent les conditions d'accès au travail de la diaspora africaine.

Le risque politique et les conditions de sortie difficiles du fait de la taille modeste du marché sont deux autres obstacles majeurs à l'essor du capital investissement en Afrique. Mais, les prix d’entrée proposés sont réellement compétitifs et les rendements importants. Les taux de rentabilité interne nets sont de plus de 20 % sur dix ans, contre environ 13 % au Royaume-Uni et 8 % aux États-Unis (RisCura et SAVCA, 2011). L'on est donc en droit d'être optimistes en la matière et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde : les sociétés africaines en recherche de capital relativement bon marché, les investisseurs africains en quête de placements intéressants pour leur épargne et les autres investisseurs qui souhaitent diversifier et donc « hedger » leur exposition aux marchés.

 Tite Yokossi