Accès à l’énergie : Pourquoi le secteur privé est un partenaire sûr pour la valorisation des ressources locales ?

L’accès à l’énergie en quantité et en qualité constitue un frein au développement économique de l’Afrique. Alors que le secteur privé est de plus en plus sollicité pour accompagner les Etas dans leur politique de développement des infrastructures ou des TIC, le secteur énergétique semble moins  profiter de ce partenariat. Cette situation induit des interrogations sur le rôle que pourrait jouer le secteur privé pour le développement du secteur électrique en Afrique subsaharienne en s’appuyant sur les énergies renouvelables. Cet article expose la problématique du secteur en Afrique subsaharienne, tout en identifiant la nécessité de l’intervention du secteur privé, notamment sur la base des ressources énergétiques locales.


energieL’un des défis majeurs aux plans de développement des pays d’Afrique subsaharienne est l’insuffisance d’énergie, input incontournable pour l’expansion industriel. Il devient encore plus pressant, dans la mesure où l’intérêt que suscite l’Afrique subsaharienne aux investisseurs, conjugué à l’évolution des sociétés africaines fait croître considérablement la demande en énergie. Cependant, la production énergétique croît très peu depuis les années 90, limitant ainsi l’exploitation des opportunités économiques existantes et générant des tensions sociales, préjudiciables à l’environnement des affaires. Pourtant, le potentiel énergétique de l’Afrique est énorme, notamment dans les énergies renouvelables. Selon l’Agence Internationale pour l’Energie Renouvelable (IRENA), le potentiel hydroélectrique de l’Afrique se chiffre à 1 844 TWh. L’éolienne et le solaire sont aussi utilisables dans la production d’électricité en Afrique. Greenpeace estime qu’avec le solaire photovoltaïque, il est possible de produire entre 15 et 62 GW d’électricité en Afrique. Le Programme Régional Géothermique de l’Union Africaine complète ce tableau en indiquant que le géothermique est aussi prometteur avec un potentiel estimé entre 7 et 15 GW.

Cette situation amène de plus en plus les gouvernements à envisager des stratégies pour accroître l’offre énergétique, en s’appuyant sur les énergies renouvelables. Des stratégies relayées et soutenues par les principaux bailleurs. Pour ce faire,  on voit émerger de nouveaux bailleurs (asiatiques pour la plupart) et d’autres mécanismes, notamment ceux faisant intervenir le secteur privé. Si ce partenariat entre secteur public et secteur privé semble être plus développé en ce qui concerne les infrastructures de transport, il semble beaucoup moins intéresser les gouvernements en ce qui concerne le développement du secteur électrique. Si des marges existent pour le développement de ce secteur, les fonds pour y parvenir sont limités et apparaissent de plus en plus restrictifs, d’autant plus que l’investissement initial pour la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est particulièrement lourd. Une solution consisterait à s’appuyer sur les ressources propres en renforçant le système fiscal[1], en ayant recours à l’endettement ou en s’appuyant sur le secteur privé. Les deux premières options paraissent contraignantes dans la mesure où la fiscalité et l’endettement ne pourraient permettre de disposer des fonds nécessaires pour assurer le développement de ce secteur. Le secteur privé, capable de mobiliser des capitaux importants aussi bien auprès d’institutions financières internationales que nationales (notamment les banques), apparaît ainsi comme une solution pour le développement de ce secteur, soit par la privatisation[2], soit par le recours à des producteurs indépendants.

L’action d’entrepreneurs privés dans le secteur électrique n’est pas nouvelle. Elle est juste marginale, au regard des potentialités du secteur. Le retrait des partenaires au développement, qui finançaient les investissements dans les infrastructures, au début des années 90 a contraint la plupart des pays  à s’orienter vers le secteur privé (sous la forme de BOT, BOOT ou BOO)[3], en rang forcé avec les programmes d’ajustement structurel, pour la reprise de certains investissements dans les différents secteurs. Ces dispositions ont moins profité à l’énergie. Selon Proparco, en 2012, sur une capacité totale installée de près de 85 GW, seuls 6% étaient opérés par des producteurs privés dont 1% à partir d’énergies renouvelables (qui constituent à peine 5% de la capacité totale). D’autres projets sur la base d’énergies renouvelables sont en cours (soit 54 GW) et  sont soutenus pour la plupart par le privé : près de 98% des projets dans le solaire (dont 64% en Afrique du sud), 90% de ceux en éoliens. Ces chiffres mettent en exergue le manque de visibilité  du secteur privé, comme solution pour le développement des infrastructures dans le secteur électrique.

La quasi-absence du privé dans le secteur trouve son essence dans la perception qu’ont les autorités quant au secteur, qu’ils considèrent comme stratégique ou de leur réticence à porter certaines réformes jugées pénibles ou leur hantises d’éventuelles pratiques inflationnistes de la privatisation. Par ailleurs, les autorités adoptent une stratégie de gestion du secteur électrique qui n’incite pas les initiatives privées. Le caractère stratégique accordé au secteur électrique la dénue de toute transparence quant à sa gestion. Or, la clarté et la visibilité des règles dans un secteur aussi complexe que celui de l’électricité, sont importantes pour les investisseurs privés. En ce qui concerne les énergies renouvelables, il est considéré qu’elles reviennent plus chères que les énergies fossiles. Cependant, les quelques projets déjà mis en œuvre démontrent qu’elles sont assez compétitives et atteignent, dans certains cas, le coût moyen de production d’électricité. La situation est assez hétéroclite suivant les pays. Pour les pays ayant accès à des ressources fossiles en abondance, l’utilisation d’énergies renouvelables peut être perçue comme coûteuse alors que pour ceux disposant de ressources énergétiques naturelles (potentiel hydroélectrique par exemple), elle constitue une véritable alternative dans la production d’électricité. L’idée n’est pas d’utiliser les énergies renouvelables en tant que principal input dans la production mais de les intégrer dans un mix de production, regroupant  plusieurs ressources. Par ailleurs, il faut remarquer que la comparaison entre coût de production à partir d’énergies fossiles et celle à partir d’énergies renouvelables est biaisée dans la mesure où la première bénéficie de subventions qui obstruent la réalité sur leurs cours réels.

Le développement du secteur électrique africain passerait inéluctablement par les énergies renouvelables portées par des initiatives privées. Toutefois, compte tenu de la complexité et de la lourdeur des investissements à réaliser, il est nécessaire que les autorités se dotent d’un cadre de planification intégrant les énergies renouvelables. Une bonne planification permettra de définir la norme en termes de sécurité énergétique et de réaliser de bonnes prévisions quant à l’évolution de la demande, et de tirer ainsi un meilleur parti des offres pouvant émaner du secteur privé. Ce cadre permettra ainsi de déterminer les limites de la production que peut assurer le secteur public et d’orienter l’offre qui sera assurée par le privé sur la base d’un plan à moindres coûts. Les offres émanant d’entrepreneurs privés peuvent, en cas de manque de planification rigoureuse, induire à une hausse des prix du fait de coût de production élevé ou ne pas aboutir à la signature d’un contrat si ces derniers estiment que les conditions d’exercice ne sont pas satisfaisantes. Il faudra alors préciser toutes les règles, de l’appel d’offre aux conditions de rachat de la production en passant par les facilités qui pourront éventuellement être offertes. Certains pays d’Afrique subsaharienne ont tenté l’expérience, qui s’avère plutôt payante. La plus avancée en matière d’énergies renouvelables, l’Afrique du Sud, s’est dotée d’un programme d’appels d’offre dont la robustesse attire les investisseurs privés. D’autres comme le Kenya ont mis en place un mécanisme de rachat subventionné qui en incitent d’autres comme l’Ouganda, le Ghana, le Botswana, la Tanzanie ou encore le Rwanda. A  ce niveau, il faut préciser que le succès des mécanismes de rachat subventionné sont plus profitables aux pays disposant a priori d’un fort potentiel. Ainsi, développer le secteur électrique en Afrique et promouvoir l’émergence de ce dernier à partir de ressources renouvelables passera par le secteur privé mais nécessite l’adoption d’un cadre de transparence dans ce secteur. On pourrait envisager pour accélérer le processus une période de transition durant laquelle certains marchés sont octroyés de gré en gré, en s’assurant toutefois de la qualité et de la viabilité des projets.

Foly Ananou


[1] Voir l’article de Georges sur le suje

 

[2] Dont les résultats sont mitigés. Consulter l’article de Georges sur le sujet 

 

[3] BOT : Construire – Exploiter –  Transférer. BOOT : Construire – Exploiter – Maintenir – Transférer. BOO : Construire – Maintenir – Exploiter

Sources :

Eberhard et al. (2008). Africa’s Power Infrastructure: Investment, integration Efficiency. The World Bank

Briceño-Garmendia et al. (2008). Financing Public Infrastructure in Sub-Saharan Africa: Patterns, Issues and Options. World Bank

Secteur Privé & Développement, la revue de PROPARCO, n°18. Novembre2013. Les producteurs privés d’électricité : une solution pour l’Afrique ?

IRENA (2012). Prospects for the African Power Sector: Scenarios and strategies for Africa Project. Abu Dhabi

Agence canadienne de développement international (2001). Examen du rendement des services d’infrastructures.

UPDEA (2009). Bonnes Pratiques : les réformes du secteur de l’électricité.

Secteur Privé & Développement, la revue de PROPARCO, n°18. Novembre2013. Les producteurs privés d’électricité : une solution pour l’Afrique ?