Souvenez-vous de moi, l'enfant de demain est un roman qui raconte l’histoire d’un môme de dix ans embrigadé dans les troupes rwandaises conduites par Laurent Désiré Kabila pour chasser le maréchal Mobutu Sese Seko du pouvoir zaïrois. Arraché trop tôt de l’enfance, Serge découvre très vite les atrocités et barbaries de la guerre, car il doit passer le rituel classique de déshumanisation de l’individu par l’ordre qui lui est donné d’éliminer physiquement son oncle, venu le soustraire à la folie de la guerre.
Mon oncle est resté dans ce village de Beni en décidant de ne pas partir jusqu'au jour de me revoir. En restant là, il est allé se renseigné auprès des Rwandais s'ils me connaissaient. Les Rwandais lui ont demandé pourquoi il me cherchait, et l'oncle a manqué la bonne réponse, il a vraiment dit qu'il me cherchait. Les Rwandais ont arrêté mon oncle, menacé, tapé des crosses des armes, on l'a amené jusque-là où nous étions en train de prendre la formation. Et le matin, j'ai eu la nouvelle qu'on a arrêté mon oncle que j'aime. Ils m'ont drogué, ils m'ont obligé de le tuer, je n'ai pas voulu, mais les Rwandais m'ont dit : vas-y, ce n'est pas lui qui est ton oncle, c'est ton arme qui est ton oncle. Ton père, ta mère et ta famille, c'est l'armée.[…] Et la façon que j'ai eue de tuer mon oncle, je ne savais pas qu'il pouvait mourir, car je ne connaissais pas encore l'arme, mais c'est après quand j'ai vu que c'est vrai qu'il est mort, je me suis dit : Donc l'arme ça tue.
Quand les PM* m'ont fait entrer dans leur voiture, les civils ont applaudi en leur disant qu'ils avaient fait bien de m'arrêter. Ils m'ont amené jusqu'au camp de police militaire, au camp Luanu, vers Kitambo. On est arrivé là-bas, il y avait beaucoup de PM qui sont venus là pour me regarder, ils m'ont fait jeter deux seaux d'eau. Quand j'étais mouillé, ils m'ont fermé les fils aux jambes, pour que je ne puisse pas bouger, ils ont placé deux militaires à côté de moi pour qu'ils puissent me taper 500 coups de fouet et les autres militaires continuaient à me jeter de l'eau. Avec le mal qu'il m'avait fait au marché, ils m'ont tapé dans leur camp, ils m'ont tapé, je pleurais, je pleurais, j'étais fatigué de pleurer, mais ils continuaient toujours de taper, jusqu'à ce qu'ils cessent de me taper, ils m'ont amené au cachot, ils m'ont demandé où je travaillais.
Et là, à l'aérodrome de Dongo, je venais de comprendre que les chars de combat des ougandais, ça se conduisait par des Russes. Les Russes, ils sont des Blancs. Je venais de comprendre que des soldats ougandais, ils sont appuyés par les Américains. Les Américains ils sont des Blancs. Mais moi, je ne fais pas de politique pour entrer dans le détail de savoir le problème des Américains, mais je sais que cette guerre est soutenue par les Américains, les ougandais nous disaient que leur armement, c'est l'armement américain. L'argent qu'on leur payait, c'est des dollars américains…