Débat : les couples mixtes, à quoi ça rime ?


Palabres autour des arts – Mai 2011 – Palabres (5) par Culture_video

 

La mondialisation et le brassage des populations aidant, les couples mixtes sont amenés à devenir de plus en plus fréquents. Quels en sont les ressorts culturels et sociaux  ? Quelles en sont les conséquences, notamment au niveau des familles africaines élargies qui accueillent un membre étranger aux codes culturels et familiaux traditionnels ? Est-ce facile à vivre ?

Ce sont les questions qu'abordent Joss Doszen avec ses invités et chroniqueurs : Lareus Gangoueus, Aurore Foukissa, Liss Kinindou et Joel Agborian. La vidéo ci-dessus est la cinquième partie d'une soirée débat, inscrite dans le cycle "Palabres autour des arts", et qui a vu être abordé, outre la question des couples mixtes, la définition de '"qu'est ce que la littérature africaine" et la présentation de plusieurs romans.

Vous pouvez accédez à la retranscription de l'ensemble du débat aux liens suivants :

http://www.dailymotion.com/video/xjv0ct_palabres-autour-des-arts-mai-2011-palabres-4_creation

http://www.dailymotion.com/video/xjv0r0_palabres-autour-des-arts-mai-2011-chroniques-1_creation

La vidéo ci-dessus n'est qu'une introduction au débat qui peut continuer sur Terangaweb. Les personnes concernées par le phénomène sont invitées à faire part de leur expérience…

Fatou Diome : Celles qui attendent

Il existe des textes comme cela où vous vous demandez si l’auteur va tenir le rythme, la cadence, la qualité qu’il a distillé au début de son roman. Si la pertinence de son analyse, l’exploration profonde de l’âme humaine à laquelle il s’est engagé ne va pas être remise par un scénario incohérent. Alors vous continuez votre lecture, de surprise en surprise, pris par le style relevé, la langue célébrée, dans un univers qui vous échappe complètement même quand vous pensez en connaître un bout. C’est dans cet huis clos passionnant dans sa forme, douloureux sur le fond que je me suis enfermé avec Fatou Diome. Dans ce long roman où la voix, non, les voix de celles qui attendent quelque part en Afrique un homme, un mari, un fils parti à l’aventure pour l’Europe s’exprime. Ici, ce sont des jeunes sénégalais d’une île sérère qui bravent l’Atlantique pour rejoindre l’Espagne, pour sombrer ensuite dans la clandestinité.

Fatou Diome pose deux personnages centraux. Deux femmes. Bougna et Arame. Elles sont amies, avec des tempéraments différents et elles évoluent dans des contextes matrimoniaux très spécifiques. Bougna est une co-épouse dans un foyer polygame où elle tente de s’imposer par tous les moyens. Inconsciemment, elle n’a sûrement jamais intégrée les valeurs de partage de ce système. Elle est égoïste, centrée sur ses propres hantises, concernée par son désir d’être reconnue face à une première épouse peu disserte mais dont la réussite de la progéniture par pour elle et renforce jalousie et rancœur dans l’âme de Bougna. Arame, elle, a été mariée de force à un rescapé des guerres coloniales, grognon, irascible, stérile. Cet homme ne déverse que bile amer et insultes sur son entourage, enfermé dans l’enfer de sa déchéance physique et de secrets enfouis. Le fils aîné d’Arame est mort en haute mer dans le cadre de la pêche. Et son fils cadet, Lamine, le seul qui lui reste, est au chômage sans aucune perspective d'avenir.

Alors que chaque jour est un challenge pour nourrir la ribambelle de gamins aimants que sont ses petites-filles et petits-fils ainsi que son mari grabataire, sa comparse animée par des intentions retorses, lui propose un deal délicat en lui vantant les possibilités d’une réussite possible pour leurs garçons par le biais d’une traversée vers l’Espagne… Ce qu’il advient de nos clandestins, on ne le sait que très tard dans le déroulé du roman. C’est l’attente de ces femmes, de ces mères qui ont réussi à marier leurs fistons. C’est aussi l’attente de ces épouses modelées dans ce système qui vivent l’absence mythique de cet homme émigré censé faire fortune et apporter espoir à sa famille. Sauf que les chimères ne se concrétisent pas, les appels se font rares et les mandats sporadiques…

De toutes ces attentes, qui diffèrent pour chacune de ses femmes, celle de Coumba, épouse de Issa, le fils de Bougna est la plus pathétique. Épouse aimante et fidèle, mère dévouée, sa voix est celle qui porte le mieux la détresse de ces femmes car elle est la seule dont la démarche est complètement désintéressée. La charge de son discours est l'une des plus belles réussites de ce roman. C'est aussi le personnage sur lequel s'acharne le destin avec une cruelle efficacité. Enfin le destin, suivez mon regard…

Les coups de fil s'étaient largement espacés. Les femmes accusèrent le coup. Mais on finit toujours par s'inventer une manière de faire face à l'absence. Au début, on compte les jours puis les semaines, enfin les mois. Advient inévitablement le moment où l'on se résout à admettre que le décompte se fera en années; alors on commence à ne plus compter du tout. Si l'oubli ne guérit pas la plaie, il permet au moins de ne pas la gratter en permanence. N'en déplaise aux voyageurs, ceux qui restent sont obligés de les tuer, symboliquement, pour survivre à l'abandon. Partir c'est mourir au présent de ceux qui demeurent.

Page 195, éditions Flammarion

Par ce roman, je découvre un texte magnifique de Fatou Diome. Un propos critique mais complet sur une petite communauté sénégalaise, sur les rapports complexes entre le nord et le sud, l'illusion de l'eldorado européen, sur la vanité du paraître, sur l'amour, sur les femmes, sur l'attente de celles qu'on ne voit pas, le tout porté par une très belle plume. Celle de Fatou Diome.

Débat mené par Joss Doszen avec Lareus Gangoueus sur "Celles qui attendent" dans le cadre du cycle "Palabres autour des arts" :


Palabres autour des arts – 26 Juillet -… par Culture_video

 

Lareus Gangoueus

L’origine des mots: le Zaïre

Je savais depuis quelques années à quel point le temps peut jouer des tours à l’usage des mots, surtout quand on y mêle de l'incompréhension linguistique. Bien souvent en Afrique, il suffit d’une discussion à bâton rompu avec un ancien pour prendre conscience que les mots ont une vie et que comme la nôtre, de vie, elle change et connait bien des péripéties :

Le Zaïre

Quand les explorateurs portugais (sous l'égide de Diogo Cão) débarquèrent sur le territoire de l’actuel RDC (15e siècle), ils cherchèrent à connaitre le nom de la contrée sur laquelle ils avaient mis le pied. En pointant du doigt leur environnement, ils demandèrent aux autochtones : « Comment s’appelle ce pays, comment nomme-t-on ce fleuve ? ».
Leurs hôtes ne comprirent pas ce que désiraient les étrangers car pour eux, un fleuve, c’était un fleuve. Donc ils répondirent en désignant le fleuve : « Nzadi ». Ce qui voulait dire dans l’un des dialectes du royaume KONGO : rivière ou fleuve.
Résultat ? Mauvaise compréhension, du fait d'une intonation qui n’existait pas dans leurs langues d’origine… Les explorateurs décrétèrent que ce pays s’appellerait désormais le « ZAÏRE ».

Croyez-vous que l’histoire s’arrête là ? Que nenni. Les mots ont une vie trépidante vous ais-je dit. Quelques siècles plus tard (19e), après que Savorgnan de Brazza se soit fait berné par Henry Morton Stanley, (ceci est une autre histoire savoureuse qui vous sera contée un de ces 4 !) ; le roi des Belges Léopold II, après que lui fut remit officiellement la propriété du territoire, rebaptisa le pays en référence à l’un des plus grand royaume autochtone en « Congo Belge ». A l’indépendance du pays (30 juin 1960), le pays devint « République du Congo », sûrement pour bien faire comprendre aux Belges que le pays n’était pas leur propriété… Il faut croire que là encore les Européens ne comprirent rien !

Quand en 1966, Mobutu Seseseko Kukuwendo Wazabanga (j’adore prononcer ce nom en entier !!) prit le pouvoir, il voulu imposer sa patte sur le pays. Outre sa « philosophie » sur l’authenticité, le changement de noms de différentes villes du pays (Léopoldville devient Kinshasa) ; il rebaptisa le pays du nom qui, selon lui, représenterait le mieux l’unité ethnique  et qui était le nom d’origine que les Belges avaient changé : le Zaïre ! … Le serpent se mord la queue et il n’a pas fini de se faire mal.

Au début des années 90, une « conférence nationale » se tient à Kinshasa qui a pour but de mettre à plat les années de dictature pour aller dans le sens du « vent de la démocratie » (sic !) qui balaie l’Afrique. A cette occasion, pour montrer la fin des années de joug dictatorial, les conférenciers décident de débaptiser le pays, d’effacer des tablettes le nom « ZAÏRE » symbole de la mégalomanie de Mobutu et ils reviennent à ce qu’ils estiment être l’essence du pays : le mot Congo. Mais l’appellation «République du Congo» prôné dans les années 60 est déjà trustée par le pays voisin. Ce sera donc… RDC ou République Démocratique (re-sic !) du Congo !!

Si j’en crois mes illustres anciens, telle est une des probables vie du nom « CONGO ». Est-ce la bonne ? Peut-être pas. Mais ce parcours chaotique me plait car il sort de la banalité d’une « trouvaille » d’un individu unique dans son coin. Ça donne au mot une allure plus « sexy » non ?

Joss Doszen

« Pars mon fils, va au loin et grandis »

Terangaweb soutient la création littéraire d'auteurs africains. Nous portons à votre connaissance le deuxième roman d'un jeune auteur franco-congolais, Joss Doszen. Bonne découverte !

Joss Doszen par lui-même: " Franco-congolais (Congo Brazza et RDC) mais citoyen du large monde avant tout, j'ai toujours été passionné de lecture et d'écriture. Gribouilleur sur Internet de différents textes depuis plusieurs années, à mes heures perdues, des billets d'humeur, aux textes de slam, des récits de vie aux nouvelles totalement de fiction ; tout est pour moi sujet d'inspiration.

Totalement ancré dans mon temps et dans ma culture multiforme, mon inspiration vient directement de mon univers riche en personnalités et en histoires extraordinaires. J'aime à me définir, modestement, comme un griot qui aime la langue française dans toute la richesse qu'elle tire des apports culturels différents."

Pars mon fils, va au loin et grandis, Joss Doszen, Loumeto autoédition, septembre 2008

Synopsis : Le carnet de route d’un immigré perpétuel pur produit du 21e siècle mondialisé. Emouvant, plein d’humour et de passion, ce parcours se veut être un reflet de la vie d’étudiants africains d’aujourd’hui pris en permanence par plusieurs cultures entre lesquelles ils doivent naviguer.

Extrait de Pars mon fils, va au loin et grandis :
"Hormis la découverte du sens du mot « accueil », une autre de mes idées reçues tomba dès la seconde semaine de présence au Sénégal. Le 31 décembre, jour des feux d’artifices géants sur la place de l’Indépendance, fut pour mois comme une révélation. Une révélation de beauté. 

J’arrivais d’Afrique centrale avec de gros préjugés sur la femme Sénégalaise musulmane, donc voilée et dénuée de tout charme. Quelle connerie ! 

Quand pour la première fois j’ai vu ce rassemblement de beautés fardées avec un vrai sens artistique, même si parfois outrancier, habillées des plus belles tenues traditionnelles ou des dernières robes à la mode sur Fashion TV, tellement sexy que les belles de Brazzaville auraient pu passer pour des nièces d’ayatollah iraniens en plein ramadan, j’ai compris que s’ouvrait à moi un potentiel futur de délicieuses jouissances. Pour la première fois de ma vie je voyais de visu des filles tout droit sorties des clips américains les plus sélectifs. C’était magnifique. Et quelle diversité ! Des boubous traditionnels les plus riches en dorures, aux jeans Diesel super stretch en passant par les robes moulantes, façon tapis rouge de Cannes ; tous les looks se mélangeaient pour faire un arc-en-ciel de styles. Les yeux m’en sortaient de la tête de même que tous mes amis congolais, gabonais, camerounais ou ivoiriens qui constituaient déjà mon entourage pour les trois années qui allaient suivre.

Cependant tous les mâles d’Afrique centrale qui arrivaient au Sénégal avaient un souci commun. Une fois réglées les préoccupations nutritionnelles et résidentielles, se posent les questions d’ordre hormonal. Il ne faut pas oublier que dans un groupe de jeunes étudiants, dont le moins âgé a environ dix neuf ans, il y a une vraie guerre d’indépendance des hormones reproductrices.

Je l’ai dit, le Sénégal est un pays à quatre vingt pour cent musulman ; bien que les jeunes y vivent comme dans le monde entier, ils vont en boîte, font des boums, draguent, couchent, etc. Les mœurs officielles y sont plutôt à l’abstinence et à la jachère avant le mariage. Il y a donc des codes de discrétion qu’il faut posséder pour espérer un « relationnel » harmonieux. De plus, traditionnellement les filles ne « sortent » pas avec les garçons ; elles se marient. Ce qui implique de sérieux projets d’avenir ou de sérieuses promesses ; et des arguments très solides pour un éventuel flirt.

Comme vous le savez, en Afrique centrale, les pays sont à forte majorité chrétienne et animiste. Bien que, comme toutes cultures africaines les mœurs y soient officiellement assez pudiques, une certaine liberté régnait tout de même dans les relations entre jeunes. Officiellement, les parents n’étaient jamais au courant de rien avant le mariage de leurs fils et filles, mais dans les faits les amours foisonnaient ainsi que la « baisaille ». La drague y était une seconde nature, un challenge.

Mis ensembles, les us et coutumes très antagonistes entre Afrique de l’Ouest et Afrique centrale pouvaient causer des dégâts lorsque les différents protagonistes n’était pas préparés à gérer la rencontre. Et ce fut mon cas associé à mes acolytes de la          « génération corsaire »."

La page personnelle de Joss Doszen, où vous pourrez en apprendre plus sur son oeuvre et acheter son livre: http://www.doszen.net/Doszen%20site_lundi02_files/page0004.htm

Stephen Smith et la négrophobie

Stephen Smith: je vous donne ce nom pour que vous le gardiez en mémoire car cet homme est dangereux. Vous faites tous partie d'une élite instruite alors à défaut d'agir tous les jours, soyez au moins informés. Cet homme, " connaisseur de l’Afrique " qui y a bourlingué de long en large a écrit plusieurs bouquins sur notre continent mère. Universitaire et journaliste, notamment au  " Monde ", journal français de premier plan, il fait dans son essai Négrologie: pourquoi l'Afrique meurt (paru en 2003) une analyse des maux africains avec son regard de blanc occidental.
Il part de constats réels et que nous même faisons tous les jours dans nos palabres dans les ngandas, les maquis, dans les timokos, ou simplement devant un match de foot chez le cousin célibataire : l’Afrique se meurt de ses guerres incessantes, de la corruption de ses politiques. Le souci c’est qu’il part de faits exacts, en parle avec franchise (ce qui lui donne l’image d’un homme sans concession) pour attribuer à ces faits des raisons totalement farfelues, voire racistes. Les prémices sont justes, les conclusions insultantes et fausses.

D’après ce monsieur, si l’Afrique souffre c’est par sa faute propre et les Occidentaux maintes fois montrés du doigt n’y sont pour rien ! Si les Mobutus, les Sassou, les Bongo affament leurs peuples, les blancs n’ont aucune responsabilité là dedans. Et nous Africains sommes dans une éternelle attitude de victimisation. Nous croupissons dans la fange de la misère de bon gré, et nous mettons à tort sur le dos du néocolonialisme libéral, du colonialisme chrétien, de l’esclavage (dont nous serions seuls responsables puisque nos aïeux auraient choisi sciemment de "bazarder" les meilleurs d’entre eux contre du sel et des miroirs… !) et nous nous en délectons car cela nous donne l’occasion de nous plaindre et de mendier des regards auprès de ces "gentils" occidentaux qui se ruinent à nous tendre la main.

On oublie simplement qui a placé ces hommes, qui les maintien en place, qui fomente coups d’état et insurrections civiles depuis des années à la moindre renégociation des contrats pétroliers …
Mais je ne vais pas refaire ce qui a été fait sinon que je vous conseille vivement de lire " Négrologie " de S. Smith (Négro !! rappelez vous qu’il ne s’agit pas ici du mot "negro" en espagnol mais du même "négro" que j’entendais à chaque fois qu’un noir devait se faire fouetter dans "Racine " de A. Haley) afin de vous faire votre propre opinion et surtout lisez "Négrophobie" de Boubacar Boris Diop, Odile Tobner et Fraçois-Xavier Verschave qui démontent une à une les idées de malade de cet homme. Un simple exemple tiré du livre de S. Smith et qui vous révoltera comme il m’a révolté :
«Si l’on " remplaçait " la population – à peu près équivalente – du Nigeria pétrolier par celle du Japon pauvre, ou celle de la république démocratique du Congo par celle de la France, il n’y aurait guère de soucis à se faire pour l’avenir ni du " géant de l’Afrique noire " ni de l’ex-Zaïre. De même, si six millions d’Israéliens pouvaient, par un échange standard démographique, prendre la place des Tchadiens à peine plus nombreux, le Tibesti fleurirait et une Mésopotamie africaine naîtrait sur les terres fertiles entre le Logone et le Chari. »

Et je vous épargne tous les chapitres sur la " fainéantise congénitale des Africains ", sur ces "Africains qui se plaignent toujours de l’esclavage " ; sur la " décolonisation qui a fait du mal aux pays d’Afrique que les Africains sont incapables de gérer " ; sur " ces Africains qui sont culturellement violents, agressifs " ; … Et je ne vous parle pas de l’insistance avec laquelle il développe la thèse du "ce sont les Africains qui ont vendu leurs frères par appât du gain" oubliant que ces faits là ne constituent qu’une infime partie des déportations dues à l’esclavage.

Lisez " Négrophobie " et prenez conscience que pour que l’Afrique devienne grand, il faut que les Africains de par le monde entier s’affirment. Israël est riche, n’est-ce pas par la volonté de sa diaspora de par le monde ? On n’est pas forcé de vivre en Afrique pour montrer la force du continent.

Joss Doszen