Analyse Politique
A sa naissance en 1963, L’Organisation de l’Unité Africaine était le résultat d’un compromis entre deux approches panafricaines, celle de Kwame Nkrumah (plus globale et rapide) et celle de Julius Nyerere et Houphouët-Boigny acceptant les frontières des États-Nations héritées de la colonisation. Le résultat fut une réaffirmation des droits des États (souveraine égalité de chaque État-membre et non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État).
On en connaît la suite : les guerres civiles au Libéria, en Sierra-Leone, au Congo ; les autoritarismes ivoirien, centrafricain, ougandais et congolais ; les répressions au Biafra et au Tchad, le génocide rwandais et l’apartheid sud-africain, les guerres entre l’Éthiopie et la Somalie en 1977-78 puis entre la même Éthiopie et ce qui deviendra l’Érythrée entre 1998 et 2000, la question des mercenaires au Congo et au Nigeria dans les années 1960; malgré l’adoption en 1981 de la « Charte Africaine des droits de l’homme et des Peuples » et l’établissement en 1998 de la très faiblement dotée et notoirement inactive « Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples » ou l’entrée en vigueur de la « Convention pour l’élimination du mercenarisme » en 1985. L’Union Africaine, entrée en fonction au sommet inaugural de Durban en 2000, devait, entre autres, mettre un terme à cette incapacité à prévenir les exactions commises contre les populations civiles et fournir un cadre institutionnel autorisant la protection des civils et la prévention des crimes contre l’humanité.
L’UA a le droit d’intervenir dans les affaires internes d’un État, en cas de « crimes de guerres, de crimes contre l’humanité et de génocides » suite à une décision de l’Assemblée (majorité des 2/3) ou dans le cas de « menaces sérieuses à l’ordre légitime ».
Pourtant, au-delà des quatre pays (Érythrée, Madagascar, Niger et Côte d’ivoire) suspendus de l’Union Africaine, aujourd’hui, conformément à l’article 4 de sa charte qui interdit les coups d’États et des différentes solutions adoptées par des organismes régionaux (partage du pouvoir au Kenya et au Zimbabwe, soutien aux organismes régionaux de résolution des conflits) ; il reste évident que la capacité de l’Union Africaine et de son Conseil de Paix et de Sécurité à résoudre les conflits en Afrique est encore à démontrer.
Ni les coups d’État nigérien et malgache, ni les manipulations électorales au Zimbabwe ou les conflits postélectoraux kenyan ou ivoirien n’ont été empêchés, résolus ou contenus par l’intermédiaire de la Commission de l’Union Africaine ; elle n’a été capable, à aucun moment d’intervenir ou d’organiser l’intervention d’un « hégémon » local dans un conflit interne, depuis sa naissance. Plus grave encore, il apparaît clairement que les récents développements politiques en Afrique du Nord ont lieu et sont développés sans l’Union Africaine. Elle n’est pas seulement absente des débats et tenues à l’écart des décisions prises, elle n’est pas consultée, personne ne pense à la consulter. Une telle idée paraîtrait saugrenue. Voilà le vrai bilan de près de dix ans de fonctionnement de l’organisme principal de coopération politique, économique et militaire en Afrique.
Et même lorsqu’elle agit, les résultats de la diplomatie de Jean Ping sont négligeables sinon néfastes : le pas-de-deux, les hésitations et accommodations dont elle a fait preuve avec Laurent Gbagbo sont aujourd’hui ridiculisés par son intransigeance.
Plus surprenant, il n’existe, à vrai dire, que peu d’Etats en Afrique (hormis l’Afrique du Sud), capable d’intervenir militairement dans aucun autre pays, sans que leur structure politique et économique n’en subissent de contrecoups définitifs et excessifs. Encore plus grave, il n’existe en Afrique de l’Ouest que deux pays, le Mali et le Nigéria dans le top 10 de ces pays militairement et économiquement capables d’assumer un rôle d’hégémon dans la région, et pourtant les contraintes imposées par leurs conflits internes et/ou limites budgétaires rendent cette capacité d’intervention inutilisable.
L’idée qu’un hub de pays pourrait décider d’appuyer le suivi systématique de l’Acte Constitutif de l’Union Africaine est elle-même mise à mal par l’espèce d’équilibre précaire entre différents hégémons régionaux aux intérêts divergents ou potentiellement différents. Non seulement la diplomatie militaire de l’Union Africaine est inexistante, mais elle n’est pas amenée à s’améliorer. Voilà le 1er chantier de Jean Ping.
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La réponse à la question de l’inefficacité de l’UA se trouve essentiellement dans le tableau que tu nous proposes.
Toutes proportions gardées, si la SDN ne fonctionne pas dans l’entre-deux-guerres c’est avant tout parce que le Congrès des Etats-Unis refuse que son pays en fasse partie, privant de fait l’organisation d’une armée. Pour persister dans la comparaison je dirais que la situation est encore plus décourageante en Afrique. Aujourd’hui tous les pays africains, à l’exception du Maroc, sont membres de l’UA, or, tu l’as montré, même les pays les plus puissants du continent ne sont pas en mesure de prendre en main l’organisation sans se mettre eux-mêmes en péril. La véritable question à se poser alors, ne serait pas « Pourquoi l’UA ne fonctionne-t-elle pas ? » mais plutôt « l’Afrique a-t-elle les moyens de se doter d’une telle institution ? » Le paradoxe est que l’UA existe essentiellement pour prévenir et régler les conflits sur le continent, via le Conseil de Paix et de Sécurité, mais, il semble évident, dans le même temps, que l’UA ne pourrait être efficace qu’en étant composée d’Etats-Nations dépourvus de conflits internes et économiquement stables…
Cette inefficacité, pour ne pas dire cette inutilité peut donc s’expliquer aussi par la structure même des Etats composant l’organisation. On en revient alors à ce que tu nous présentes en préambule, à savoir, l’inclinaison, dans l’après-colonisation, pour un système de type « confédération » (Houphouët et Nyerere) plutôt qu’un système de type « fédération » prôné par Nkrumah.
L'option restant à l'UA serait de délaisser la diplomatie militaire au conseil de sécurité de l'ONU ou à des organes régionaux comme l'Ecomog et se contenter des autres aspects de son mandat : intensifier la coopération régionale, consolider un véritable système judiciaire supranationale en Afrique, etc. Pour le moment, il semble que Ping et son administration semblent plus attirés par le mirage de la "solution africaine aux problèmes africains" qui les pousse à s'engager tête baissée dans tous les imbroglios politiques du continent. Sans beaucoup de succès pour l'instant.
je vais bien avoir de precision sur la diplo,atie congolais de l'union africaine
I have read all the comments.I like mr' Joël R. Assokos comments. Pour le moment, il semble que Ping et son administration semblent plus attirés par le mirage de la "solution africaine aux problèmes africains" qui les pousse à s'engager tête baissée dans tous les imbroglios politiques du continent. Sans beaucoup de succès pour l'instant.
Bonjour!
Je dirai oui parceque de nos jours elle devient beaucoup plus nécessaire.L'Afrique n'a participé à l'organisation et la mise en route d'un seul ordre mondial sur les deux que nous vivons à partir du "mythe Wilsonien".le démentellement du dernier à la fin des années 1980 nous donnais, pour la première fois de l'histoire, l'opportunité d'y prendre part en "bons africains", de manière à faire entendre notre voix selon un concept culturel dilomatique propre à l'Afrique et qui fait crucialement défaut à l'Afrique jusqu'à ce jour. Seul ce concept culturel diplomatique définira les orientations pérennes pour plusieurs générations à suivre et atteindre comme objectif, indépendemment des personnes et de l'influence des institutions telles qu'elles se présentent au non des peuples africains parceque ce ferment culturel diplomatique, en soi, serait constitutif du plan et de l'institutionnalité y afférente.A ce titre comme un crédo il primerait sur toute loi toute règle et tout accord.