Selon Mme Kagwanja, experte de l'ONG Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), les femmes veulent que leurs droits fondamentaux soient inscrits dans la constitution et que la loi garantisse sans ambigüité l’égalité des droits de propriété. Là où de tels instruments existent déjà, il est nécessaire d’harmoniser toutes les lois sur l’héritage et les terres avec la constitution, afin qu’elles aillent toutes dans le même sens. En outre, les institutions juridiques chargées de l’application des lois foncières doivent agir avec équité, respecter les femmes et étendre leur champ d’action aux campagnes. « Actuellement, souligne-elle, nous avons des institutions très centralisées. De plus, ce sont les hommes qui sont à la tête des mécanismes de règlement de litige et les recours en justice sont très coûteux et intimidants. »
Les régimes fonciers traditionnels doivent être repensés, ajoute-t-elle. Les chefs locaux autorisés à distribuer les terres les confient généralement aux hommes. « Comment démocratiser les systèmes de distribution des terres ? », s’interroge Mme Kagwanja. « Faut-il instaurer de nouveaux conseils de gestion des terres, dont les membres seront élus en tenant compte de la parité des sexes, comme en Tanzanie et en Ouganda ? Ou faut-il démocratiser l’ancien système ? Voici quelques questions auxquelles nous devons répondre. » Un vaste changement culturel est aussi essentiel, affirme Mme Mwangi. Ceux qui décident de l’allocation des terres ont leur propre conception du rôle des femmes. Elle a interviewé des hommes et des femmes sur le partage de la propriété foncière. « Je pense que les hommes ne sont pas prêts, observe-t-elle. Ils ne semblent pas très réceptifs à l’idée que les femmes puissent prendre des décisions quand il s’agit de terres. C’est un paradoxe. Le travail des femmes est essentiel à la productivité, pourtant ces terres sont littéralement hors de leur portée », ajoute-t-elle.
Progrès et défis
Des avancées ont tout de même été réalisées. Au Swaziland, les femmes ne peuvent pas être propriétaires de terres car elles sont considérées comme des mineures au regard de la loi. Mais des femmes séropositives qui n’avaient plus accès à leurs terres après la mort de leur mari ont réussi à négocier avec une femme chef de convaincre les autres chefs de leur donner des terres qu’elles pourraient exploiter pour subvenir à leurs besoins. Au Kenya, des organisations communautaires et d’autres groupes qui fournissent des soins à domicile aux personnes vivant avec le VIH/sida interviennent. Lorsque des terres sont saisies, ils négocient, le plus souvent avec les hommes de la famille, pour que les femmes et les filles conservent l’accès aux terres et aux biens.
Au Rwanda, le gouvernement a adopté en 1999 une loi qui confère aux femmes les mêmes droits en matière d’héritage qu’aux hommes, allant ainsi à l’encontre des normes traditionnelles qui garantissaient l’héritage seulement aux enfants de sexe masculin. Les veuves et orphelines du génocide de 1994 ont ainsi pu obtenir des terres. Actuellement, des organismes des Nations Unies comme la FAO, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (ONU-Femmes) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) se joignent à des organisations non gouvernementales pour sensibiliser les femmes à leurs droits et soutenir les efforts visant à intégrer l’égalité d’accès aux terres dans les lois nationales.
Le programme d’ONU-Femmes pour les femmes rurales africaines comporte plusieurs volets permettant d’améliorer le rôle de la femme dans les activités de transformation agricole. L’accès équitable aux terres est à cet égard essentiel. Une de ses stratégies consiste à « renforcer les capacités des ministres de l’agriculture à soutenir en priorité les systèmes de production alimentaire des femmes dans leurs planification et mécanismes d’allocation des ressources ». Un des messages clés de ce programme de l’ONU est que « la femme rurale joue un rôle décisif dans la production et la sécurité alimentaire en Afrique ». Les gouvernements, les partenaires du développement et le secteur privé sont également invités à renforcer les droits fonciers des femmes car « ce qui profite aux femmes rurales relève du développement ».
Mary Kimani, article initialement paru dans Afrique Renouveau Magazine
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