« Il y a un lien évident entre le niveau de développement économique d’un pays et le rang mondial de ses universités. » Cette assertion est de Bill Gates et elle finit de mettre en étroite relation l’économie et l’éducation mais il nous est permit de légitimement élargir la réflexion en ajoutant un troisième terme à la relation à savoir le politique.
De cette façon, nous sommes amenés à considérer que l’éducation constitue la clé de voûte du développement global d’une nation. Car il est inutile de rappeler que le premier levier sur lequel il faut compter demeure l’Homme, en tant qu’il représente l’acteur principal de tout progrès ; il est au centre de ce processus et en est la ressource par excellence. L’importance de la formation des femmes et des hommes d’un pays, à la lumière de ces considérations, devient donc une évidence mais le problème reste entier. Il concerne la mise en œuvre de la politique éducationnelle la plus optimale, autrement dit il s’agit de se demander, en ce qui nous concerne, quelle éducation pour Sénégal ? Ce que notre pays accomplit en matière d’éducation mérite l’attention particulière de chacun d’entre nous car, sans vouloir mêler de gravité à nos propos, le Sénégal de demain est en jeu.
« Il n’y a de richesse que d’hommes » affirmait Jean Bodin, un penseur politique de la renaissance. Une telle idée est d’autant plus vraie pour le Sénégal que c’est l’un des rares pays en Afrique à ne pas disposer de ressource naturelle majeure. Ce qui nous conduit à ne devoir compter, pour atteindre le niveau de développement souhaité, que sur les ressources humaines. Il est de fait impératif que les politiques mettent l’accent sur l’éducation et au regard des actions actuellement menées, il semble qu’ils l’aient déjà compris. A en croire les chiffres officiels, 39% du budget national seraient octroyés à l’éducation. Mais quand on voit la situation actuelle du système éducatif ainsi que le niveau général de l’enseignement dans notre pays, beaucoup d’interrogations surgissent. Comment expliquer par exemple les mots d’ordre de grève incessants prononcés par les différents syndicats d’enseignants ? Comment, pour illustration, rendre compte des résultats alarmants obtenus récemment lors du baccalauréat sénégalais ? Deux hypothèses nous viennent à l’esprit; la première serait de considérer que les fonds annoncés n’ont pas été réellement injectés par les autorités, ce qui paraît, sans donner le bon Dieu sans confession à ceux qui nous dirigent, plutôt invraisemblable. La seconde, la plus soutenable croyons-nous, est que les instances de décision ne trouvent toujours pas les bonnes méthodes; elles échouent dans la gestion des ressources qui leurs sont allouées et perçoivent mal que des réformes intrinsèques au système doivent être menées.
L’honnêteté intellectuelle exige de saluer les efforts budgétaires qui ont été fait pour accorder une place d’honneur à l’éducation. Mais il faudrait rappeler que dans ce cas précis, les ressources financières ne font pas tout. La médiocrité dans laquelle l’école publique sénégalaise baigne trouve son remède ailleurs. Tout d’abord, il faudrait s’intéresser à la formation de ceux qui sont chargés de l’instruction des futurs citoyens. Les professeurs et enseignants devraient, selon notre humble avis, disposer d’une formation de meilleure qualité et qui mette plus en pratique les valeurs que sont rigueur et excellence. Par conséquent, l’Ecole Normale Supérieure de Dakar doit faire l’objet de plus d’attention car c’est le lieu où se forment ceux que Charles Péguy a nommés les « hussards noirs ». Si les bons professeurs ne font pas les bons élèves, ils contribueront en tout cas à relever le niveau d’exigence de l’école sénégalaise. Par ailleurs, il est un mal insoupçonné car dont les conséquences sont souvent négligées qui est l’utilisation des langues nationales et plus particulièrement du wolof entre les murs des établissements. Nos langues sont d’une richesse et d’une beauté dont nous pouvons être fières ; mais il demeure que le français est la langue d’apprentissage ; sans sa maîtrise parfaite, professeurs et élèves ne pourrons pas prétendre atteindre les sommets de l’excellence. Bannir ces langues de l’école est donc indispensable.
Reconnaissons de même que nos institutions scolaires ne sont pas aidées dans leur tâche par les corolaires de la culture populaire que constituent les médias de « bas étages ». Radios et télévisions qui ont récemment vu le jour déversent chaque jour un flux quasi continu d’émissions abêtissantes, principalement dédiées à la musique, à la danse et à l’humour. Nous ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, mais constatons que ces programmes ne contribuent pas à l’éveil d’un sens critique chez nos concitoyens. Ils sont comme endormis par les divertissements qui leurs sont imposés par certains qui se s’autoproclament « artistes », comme si ce mot ne définissait que danseurs et chanteurs. Ainsi, ces concurrents de l’école véhiculent chez les jeunes une culture de l’amusement et les détournent des plaisirs de la pensée. Ces propos peuvent paraître élitistes mais il faut se rendre à l’évidence : une conscience politique de la grande majorité des jeunes n’est pas prête de voir le jour tant qu’ils ne seront pas inciter à découvrir le monde de la pensée, à se poser des questions sur leur futur commun et tenter de comprendre ce monde dans lequel, en tant qu’Africains, ils ne sont que ballotés. On saisit dés lors que dans cette société le métier d’enseignant soit dévalorisé vu que connaissance et érudition semblent ne pas ou ne plus appartenir à notre échelle de valeurs.
La situation du système éducatif sénégalais n’est donc pas très reluisante. Elle nécessite des réformes structurelles car les actions menées jusque là ont surtout visé à pallier des manquements ponctuels. Une vision plus englobante de son rôle et de sa place dans la nation devrait être adoptée ; elle a en charge la formation des futurs citoyens, ce qui fait que l’école sénégalaise devrait retrouver les valeurs de l’école républicaine que nous avons hérité, par le truchement de la colonisation, de Jules Ferry.
Alioune Seck
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