Au cours du Conseil des ministres du jeudi 30 avril, Hadjibou Soumaré a réitéré au Président Wade sa volonté de quitter ses fonctions de Premier Ministre. Wade, après avoir vraisemblablement essayé de reconduire celui qu’on qualifie de « technocrate », a finalement accepté la démission de Hadjibou Soumaré. Mais le Sénégal n’a pas attendu longtemps pour avoir un nouveau Premier Ministre, en la personne de Souleymane Ndéné Ndiaye. Quel que soit le prisme par lequel on essaie d’analyser cette nomination, on ne peut échapper à ce constat : Wade ne fait que du saupoudrage en reconduisant une équipe qui a échoué dans tous les domaines et en faisant le panégyrique de la défaite et des perdants.
C’est à croire que Wade n’a pas tiré les leçons de la débâcle électorale de la mouvance présidentielle aux dernières élections locales du 22 mars 2009. Les admonestations à ses ministres d’Etat Saint-louisiens, le discours du 3 avril dans lequel il assure sa disponibilité à travailler avec les élus locaux de l’opposition, l’audience accordée à Aminata Mbengue Ndiaye, responsable des femmes du Parti Socialiste (opposition), les lauriers tissés à Ousmane Tanor Dieng en marge du décès de Karine Aida Marème Wade, et j’en passe, tout cela n’est qu’une mise en scène d’un Président qui croit encore pouvoir mener en bateau le peuple sénégalais.
On me rétorquera bien sûr que le nouveau Premier Ministre est l’un des rares caciques du PDS (Parti Démocratique Sénégalais au pouvoir depuis 2000) à avoir gagné aux dernières élections locales. Ousmane Ndéné Ndiaye a été effectivement réélu maire de Nguinguinéo. Il reste que notre nouveau Premier Ministre a été accusé entre 2004 et 2007 par le couple français Gasperini d’être impliqué dans un détournement de fonds destinés à la construction de l’école « Marguérite » au quartier Walo de Guinguinéo. Il n’est évidemment pas question de soutenir que Souleymane Ndéné Ndiaye est coupable des faits qui lui sont reprochés et qui ont été porté devant la justice ; mais l’épisode est suffisamment important pour qu’on en fasse cas au moment où le Maire de Guinguinéo devient Premier Ministre.
Pour rendre à César ce qui est à César, il convient tout de même de souligner que le nouveau PM n’a pas été qu’un simple maire. Cet avocat de formation, titulaire d’un DEUG en Sciences économiques et d’une maitrise en droit privé, a été conseillé et porte parole du Président de la République, plusieurs fois ministres et même dernièrement Ministre d’Etat chargé de l’économie maritime. Avec tout le respect que le peuple doit à ses dirigeants (l’inverse aussi est vrai même si ce n’est pas aujourd’hui le cas), permettez-moi de douter des aptitudes du nouveau PM à redresser le pays en cette période de crise.
Il aurait fallu à ce poste un grand gestionnaire polyvalent pour tenir et surveiller de main de maître l’action de ses troupes ou éventuellement quelqu’un dont les compétences dans un domaine précis sont internationalement reconnues. Cela aurait procuré une lueur d’espoir pas seulement aux bailleurs de fonds mais aussi au peuple sénégalais. Mais sans doute hélas suis-je trop naïf pour croire qu’un PM sous l’ère Wade soit fait pour tenir des troupes et redonner de l’espoir ! Sans doute dois-je encore être heureux que dans un Sénégal où tout le monde est premier-ministrable, Farba Senghor n’ait pas encore été nommé Premier Ministre !
Ce n’est pas un mauvais procès que j’entends faire à notre nouveau PM à qui je voue un sincère respect. Comme beaucoup d’autres, je salue son courage politique. En pleine démackysation, Souleymane Ndéné Ndiaye, dans une interview à Week-end Magazine, a affirmé avoir été touché par lé départ de Macky Sall du PDS et rappelé au passage qu’ils étaient voisins de chambre à l’université de Dakar (UCAD). Il aurait aussi soutenu qu’il ne se rangerait jamais derrière la Génération du concret et Karim Wade. Que penser cependant de tout cela quand on sait que le nouveau ministre de la coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures s’appelle….Karim Wade.
La présence du fils du Président pose un véritable problème de moral sur lequel il faut certainement attirer l’attention des Sénégalais. Le problème qui se pose, contrairement à ce qu’on serait tenté de croire, n’est nullement lié au fait qu’il soit « le fils de son Père » ! Donner un portefeuille aussi important et aussi large à Karim dans le nouveau gouvernement est une façon de récompenser les perdants et la défaite. Karim est le symbole et l’incarnation du projet d’Abdoulaye Wade pour le Sénégal : un Sénégal de la défaite, un Sénégal où on s’obstine à récompenser les incompétents et les perdants, un Sénégal dans lequel Air Sénégal International dépose le bilan, un Sénégal qui brade la Sonatel.
C’est moralement inacceptable car la gangrène ne s’arrêtera pas au gouvernement ; elle risque de toucher toutes les sphères de la société sénégalaise. Encore faut-il le rappeler, Karim Wade est le prototype de ce que les Anglo-saxons appellent un « looser ». C’est un euphémisme que de dire que le fils du Président n’a guère brillé dans l’organisation du dernier sommet de l’OCI. C’est rendre justice à Idrissa Seck et à Macky Sall que de soutenir que Karim Wade a largement contribué à disloquer le PDS. C’est être amnésique que d’oublier que Karim Wade a été battu à plate couture lors des dernières élections dans la localité où lui, son père et sa mère ont voté ! C’est ce même Karim Wade qu’on récompense en l’élevant au rang de ministre d’Etat, en lui offrant le ministère sans indescriptible et bientôt…le Sénégal tout entier, avec ses braves hommes, ses femmes dignes, sa jeunesse ambitieuse. Voyez là où le Sénégal en est ! Vous vous rendez compte ?
Hélas, au pays des Wade, on ne change pas une équipe qui perd !
Nicolas Simel
Leave a comment
Your e-mail address will not be published. Required fields are marked with *