Ce qui est impressionnant chez le Président Wade, c’est qu’ « il a l’ambition des jeunes et la sagesse des vieux ». Ce compliment on ne peut plus flatteur est de Blaise Compaoré il y a de cela quelques années lors d’un sommet africain à Dakar. Cette phrase avait eu une résonance toute particulière dans la tête du jeune dakarois que j’étais, admiratif d’un Wade, arrivé au pouvoir par l’alternance et porteur d’un projet pertinent pour le Sénégal. On pouvait difficilement penser le contraire car il y avait eu « son » NEPAD, « ses » interventions au sommet du G8 ou à la tribune de l’ONU. Bref notre Président était une star au vrai sens du terme, une étoile qui cristallisait notre imaginaire. Hélas, les temps ont bien changé, le NEPAD qu’on nous faisait apprendre en cours d’éducation civique en classe de 3ème n’est plus à l’ordre du jour, le G8 préfère bien désormais notre Youssou national à grand-père, les organismes internationaux – et c’est pas Jacques Diouf, directeur général de la FAO qui dira le contraire – en ont bien assez d’un « petit » Président qui entend donner des leçons à tout le monde. Le constat me semble-t-il est sans appel : il y a un gouffre incommensurable entre le Wade de la première génération et celle de la deuxième génération. Je crois profondément que Wade a porté un vrai projet pour le Sénégal, qu’il a nourri des ambitions venues à point nommé après peut-être 40 ans de léthargie sous le régime socialiste. Il avait bien « l’ambition des jeunes ». Mais il ne l’a évidemment plus ! Peut-on encore l’avoir au-delà de 80 ans ?
Quant « à la sagesse des vieux », on ne peut qu’en douter. Cet homme au parcours intellectuel brillant qui peut sans conteste se targuer d’être le sénégalais en vie le plus rompu aux arcanes de la politique ne nous a jamais autant surpris par de grosses bavures que je me garderai bien de rappeler inutilement tellement qu’on nous en gave. Jamais la parole d’un Président de la République n’aura autant perdu de son autorité. Il y a dans ce qui arrive à cet homme quelque chose de tragique, et qui relève d’une tragédie à la hauteur de la solitude du personnage. Dans son ouvrage intitulé Wade : un opposant au pouvoir, l’alternance piégé, le journaliste Abdou Latif Coulibaly rappelait à juste titre cette solitude d’un homme qui a vu ses compagnons s’en aller un à un, qui pour rejoindre Allah le tout puissant, qui pour renflouer les troupes de l’opposition. Alors il s’est entouré d’une jeune équipe, composée en partie (en partie seulement tout de même) de faucons et de…. fo¤¤¤ qui, si jamais naufrage il y aura, en seront bien sûr co-responsables à la seule et grande différence que ce ne sont pas eux que les sénégalais ont élus.
Après avoir perdu « l’ambition des jeunes et la sagesse des vieux », quand bien même il les aurait jamais eues, Wade doit partir d’autant plus que comme aime à le dire le Président Sarkozy lorsqu’on l’interroge sur l’éventualité d’un second mandat, « le temps qu’on met à durer, on le perd à faire ». Il n’y a aucun mal à partir, encore faudrait-il le faire à temps. Wade rêve – légitimement d’ailleurs – de marquer l’histoire de son empreinte : le 19 mars 2000 a été un véritable premier pas en dépit de la perte de légitimité populaire qui s’en est suivie. Il peut encore en faire un autre, en partant à temps, comme le Général De Gaulle en 1969 et le Président Senghor en 1980 : c’est une des marques de fabrique des grands hommes. On objectera tout de même et à juste titre d’ailleurs qu’il lui faudrait trouver un dauphin à nous laisser. L’expérience de ces quatre dernières années laisse cependant transparaître que Wade a du mal à se faire à l’idée d’un numéro 2. Hier Idrissa Seck et aujourd’hui Macky Sall, tous deux anciens N°2 du PDS avant que ce poste maudit ne soit purement et simplement supprimé, l’auront appris à leurs dépens. Parallèlement l’idée d’une succession à l’intérieur du clan des Wade, si elle ne manque pas de souteneurs, n’en demeure pas moins une pilule difficile à avaler pour la démocratie sénégalaise. Mais Wade n’a pas l’air de peser à quel point il détruit sa famille politique et à quel point il s’auto-détruit car la sagesse aurait voulu qu’il laisse le jeu politique se faire à l’intérieur de son parti et qu’il en soit le garant des règles. Le PDS en serait sorti renforcé, plus grandi et plus à même de rester au pouvoir pendant encore cinquante ans selon les vœux du Grand Prêtre. En lieu et place, le parti au pouvoir se perd dans des querelles de chapelle qui entraînent dans le sillage de leurs dérives tout un peuple.
Nicolas Simel
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