Dès la création du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) en 1974, le jeune Idrissa Seck, alors âgé de 15 ans, devient militant aux côtés d’Abdoulaye Wade. Le jeune Seck gravit rapidement les échelons et devient le directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade lors des élections présidentielles de février 1988. Il sera d’ailleurs emprisonné à la maison d’arrêt de Reubeus au lendemain de ces élections émaillées de violences. Alors que plusieurs poids lourds du PDS (Ngom, Dias, Serigne Diop) quittent le parti dans les années 90, Seck en devient le seul vrai numéro deux derrière l’inusable Wade. A la faveur d’un accord consacrant l’entrée du PDS dans un gouvernement élargi, « Idy » -comme l’appellent ses compatriotes- devient Ministre du Commerce et de l’Industrialisation en mars 1995. Il quittera son poste en mars 1998, préparant le terrain pour une nouvelle candidature d’Abdoulaye Wade en vue des Présidentielles de 2000.
L’Homme de l’ombre (1999-2002) :
Alors que l’opposant Wade décide de s’offrir une préretraite en France après plus de 25 ans d’opposition, Idrissa Seck le convainc de (re)venir livrer un dernier combat politique. En effet, encouragé par les nombreuses fissures de l’édifice socialiste (défections de Moustapha Niasse et Djibo Kâ notamment) Idy est persuadé que l’heure du PDS et de son leader Wade est arrivée. Endossant le rôle de directeur de campagne pour son « père » comme il aime à appeler Wade , Seck initie avec son mentor les fameuses marches bleues lors de la campagne de 2000. Avec l’élection de Wade au second tour face au sortant Diouf, de nombreux observateurs s’attendaient à une entrée remarquée d’Idrissa Seck dans le premier gouvernement de l’alternance. Cependant, désireux de couver son bras droit, le Président Wade le garde à ses côtés en le nommant au poste peu médiatisé de directeur de cabinet. Cantonné au Palais Présidentiel mais bénéficiant également d’un portefeuille de ministre d’Etat (ce qui confère à son titulaire la capacité de traiter directement avec le Président de la République), Idrissa Seck n’en est pas moins un des poids lourds du régime. Il favorise l’ascension de jeunes cadres du PDS comme Macky Sall ou Awa Gueye Kébé et voit se succéder deux premiers ministres en à peine deux ans d’alternance, à savoir Moustapha Niasse dont les voix avaient été décisives dans la victoire de Wade en 2000 et Mame Madior Boye, la première femme à occuper le poste de Premier Ministre au Sénégal.
De Premier Ministre à Premier Ennemi (2002-2007) :
Alors que Wade fait le vide autour de lui en écartant ses alliés de 2000, Seck devient tout naturellement le candidat désigné à la primature. Sa nomination à ce poste a lieu en Novembre 2002. En succedant à Mame Madior Boye, le Premier Ministre Idrissa Seck se positionne clairement en numéro deux de l’Etat et en potentiel successeur de Wade. Alors que ses ambitions politiques grandissent au fur à mesure qu’il s’installe dans son rôle, Seck est débarqué de son poste de premier ministre par Wade en Avril 2004, soit un an et demi après son arrivée à la primature. Fier de son bilan notamment en ce qui concerne les grabs de convergence et les infrastructures, Idrissa Seck se retire dans sa ville de Thies (il en est le maire) dont il avait piloté la rénovation en vue des festivités de l’Indépendance.
Ces travaux publics seront à l’origine de sa mise en accusation par l’Etat en Juillet 2005. Idrissa Seck est alors officiellement poursuivi pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » puis pour corruption et malversations financières dans l’affaire des « chantiers de Thiès » et la gestion des fonds politiques. Plongé dans la tourmente, Seck est exclu du PDS en août 2005 et passera un peu plus de 6 mois en prison, toujours à la maison d’arrêt de Reubeus. En janvier puis en février 2006, Idrissa Seck bénéficie tour à tour d’un non-lieu pour le délit d’atteinte à la sureté de l’Etat puis d’un autre pour la gestion des fonds secrets. Libéré dans la foulée de ces décisions, Idrissa Seck annonce , le 4 avril 2006, sa candidature pour la présidentielle de 2007. « Idy » crée ensuite son propre parti « Rewmi » (« le Pays » en Wolof) en Septembre 2006. Il se lance dans la course à la présidentielle tout en annonçant que son compagnonnage avec Wade est désormais derrière lui.
Idrissa Seck arrive second de l’élection présidentielle, remportée haut la main par le sortant Abdoulaye Wade (55% au 1er tour). Plusieurs analystes politiques estiment cependant qu’Idrissa Seck, qui se dit convaincu d’être le « 4eme Président de la République du Sénégal », a laissé passer sa chance avec cette élection, notamment à cause de ses retrouvailles à la veille des élections avec le président Wade. En effet, Wade accorde trois audiences à Seck en fin Janvier 2007, moins d’un mois avant le 1er tour de la présidentielle. Au sortir d’une de ces audiences, Abdoulaye Wade annonce qu’ « Idrissa Seck a accepté de réintégrer le Parti Démocratique Sénégalais ». Seck confirmera cette information le 1er Février 2007 tout en annonçant son intention de maintenir sa candidature pour la présidentielle.
Retrouvailles, tensions et ambitions présidentielles (2007-2011) :
Le jeu des tensions/retrouvailles ne s’arrête pas puisque le président Wade, fort de sa réélection, annonce en mars 2007 la réouverture des dossiers de corruption contre quelques leaders de l’opposition, en tête desquels se trouve Idrissa Seck. Cela n’empêchera pas Idy de féliciter le candidat victorieux Wade, dans une posture jugée à mi-chemin entre celle d’homme d’Etat et celle d’homme politique sous pression, notamment à cause des poursuites judiciaires dont il est l’objet. D’abord accusé par Wade d’avoir détourné 40 Milliards de FCFA (un peu plus de 60 millions d’euros), Seck se réconcilie avec son mentor en janvier 2009, malgré la forte opposition de plusieurs membres du PDS et la Génération du Concret, mouvement formé autour de Karim Wade.
Après une nouvelle victoire aux municipales de Thiès en mars 2009, Seck est totalement blanchi par la justice sénégalaise en mai 2009 à la faveur d’un « non lieu total » dixit ses avocats. Il dissout ensuite son parti Rewmi et réintègre officiellement le PDS, ce qui provoquera quelques levés de boucliers au sein de ses partisans rewmistes. Un temps pressenti pour redevenir premier ministre, voire vice-président (un poste dont il a été question de créer constitutionnellement avant que le projet soit abandonné), Idrissa Seck se contente d’être un membre du comité directeur du PDS, l’instance regroupant tous les poids lourds du parti au pouvoir. N’ayant pas délaissé son ambition de devenir le prochain Président de la République , Idrissa Seck change de stratégie par rapport à 2007 et tente de se présenter en tant que candidat du PDS, « sa famille naturelle » comme il aime à le rappeler.
Barré par Wade qui a annoncé sa candidature des 2009, mais aussi par de nombreux cadres du PDS qui ne souhaitent pas son retour aux affaires, Seck se radicalise et engage un débat interne sur la recevabilité de la candidature du « pape du Sopi » c’est-à-dire d’Abdoulaye Wade. Après plusieurs mois de joutes verbales par presse interposée, Seck et ses adversaires au sein du PDS finissent par solder leurs comptes lors d’un comité directeur où l’exclusion définitive d’Idrissa Seck est votée. Confirmée en avril 2011, l’exclusion d’Idrissa Seck du parti au pouvoir l’a poussé à annoncer sa candidature pour l’élection présidentielle de 2012. Si la candidature d’Abdoulaye Wade est validée par le Conseil Constitutionnel, Idrissa Seck fera donc à nouveau face à son « père » lors d’une élection présidentielle.
Idrissa Seck en 2012
Points forts : Une figure connue des Sénégalais, une grande expérience politique malgré sa relative jeunesse (53 ans), un bastion électoral d’envergure (la ville de Thies), une bonne image à l’international, un bon communicant, une frange du PDS lui est encore acquise.
Points faibles : Ses multiples allers-retours auprès du Président Wade, la suspicion populaire sur ses moyens de campagne et l’argent des fonds politiques, la grogne de ses administrés thiessois, son non-positionnement dans un des deux grands blocs (Benno Siggil Sénégal (Opposition) et PDS/AST (Pouvoir), son statut d’ancien du PDS à l’heure où le parti au pouvoir est en perte de vitesse.
Affinités politiques et alliances probables : Idrissa Seck est un libéral : il l’a toujours dit et répété. Même du temps de son grand froid avec Wade, il n’était pas réellement l’allié des opposants phares que sont le PS, l’AFP, le FSD/BJ. Sa tentative avortée de retour au PDS montre bien qu’Idrissa Seck se méfie de l’opposition comme celle-ci se méfie de lui. Il pourrait cependant retrouver dans celle-ci son ancien camarade de parti Macky Sall, lui aussi ancien premier ministre PDS déchu. D’autres personnages comme Cheikh Tidiane Gadio (Ministre des Affaires Etrangères de 2000 à 2009) et Aminata Tall (ancienne responsable nationale des femmes du PDS et Secrétaire générale de la Présidence) pourraient venir gonfler cette alliance. Plus récemment le nom d’Ibrahima Fall, ancien Ministre socialiste et haut fonctionnaire des Nations-Unies, lui aussi candidat en 2012, a été évoqué en vue d’une probable alliance avec Seck. Enfin, l’hypothèse d’un nouveau retour au PDS n’est pas à exclure, notamment si la candidature de Wade est invalide, comme Seck l’affirme.
Article de notre partenaire Njaccar
Tous droits réservés. Ce dossier ainsi que l’ensemble des dossiers de la série « Qui voter en 2012 » sont l’exclusive propriété de l’Association Njaccaar VisionnaireAfricain. La reproduction et la diffusion sont permises à condition d’en citer expressément la source. La Cellule Economique et Politique de Njàccaar VisionnaireAfricain vous remercie. A bientôt pour un nouveau dossier « Qui voter en 2012 ? ».
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Merci pour ce portrait très intéressant d'Idrissa Seck. La seule chose qui m'étonne, c'est qu'à aucun moment on ne parle des idées qu'il souhaite mettre en oeuvre au Sénégal. Le qualificatif de libéral qu'il revendique ne nous donne pas d'infos particulières sur les choses concrètes qu'il souhaite mettre en place. Est-ce un oubli des auteurs de l'article ou est-ce un signe du manque d'idées du candidat ?
Bonne remarque Lirashe,
Je pense que cet oubli est caractéristique de la façon dont les électeurs votent au Sénégal. En effet, on s'intéresse plus à la personnalité du candidat qu'à son idéologie ou à son programme. L'histoire montre que nous avons eu souvent tort d'élire "le candidat en qui on a confiance". Les personnalités ou déclarations politiques peuvent changer du jour au lendemain (sans doute à cause d'un changement de conjoncture ou de faits nouveaux non pris en compte, ou juste par pur rhétorique pré-électorale) , c'est pourquoi j'invite mes compatriotes à voter pour un programme, un parti, plutôt que pour une personne.
Bonne remarque Lirashe,
Je pense que cet oubli est caractéristique de la façon dont les électeurs votent au Sénégal. En effet, on s'intéresse plus à la personnalité du candidat qu'à son idéologie ou à son programme. L'histoire montre que nous avons eu souvent tort d'élire "le candidat en qui on a confiance". Les personnalités ou déclarations politiques peuvent changer du jour au lendemain (sans doute à cause d'un changement de conjoncture ou de faits nouveaux non pris en compte, ou juste par pur rhétorique pré-électorale) , c'est pourquoi j'invite mes compatriotes à voter pour un programme, un parti, plutôt que pour une personne.
idrissa,je t aime et s il vous restez un seul militant,sera moi alioune cisse.
Article objectif et instructif. Idy à trop cru au père Wade. Il arrive qu'il faille w´affranchir du père pour se libérer. J'espère que Wade lui rendra ce qui lui revient: faire de lui son héritier duPDS. PS: je ne suis pas du PDS et me suis battu pour faire perdre Wade en 2012.