Un fort taux de chômage et un fort taux d’inflation
La première revendication des jeunes Algériens est le travail. Les statistiques du Fmi montrent qu’ils étaient plus de 1,245 million à être au chômage en 2008, soit 13 % de la population active. En 2011, les prévisions tablaient sur un taux plus important à hauteur de 13,3 %.
À cela s’ajoute un taux d’inflation qui a connu en 2008 le niveau le plus élevé depuis le début de cette décennie (6,1 % au premier trimestre 2009). Il s’établit à 4,4 % en moyenne fin 2008, en hausse d’un point par rapport à fin 2007. L’augmentation de variation des indices des prix à la consommation est due essentiellement à l’accroissement des prix des produits alimentaires, dont la variation de l’indice a atteint 7,4 %, sous l’effet de la hausse des prix internationaux des produits alimentaires (+10,8 %) et des produits agricoles frais (+ 4,1 %).
Tableau (6) : Moyenne annuelle et glissement sur 12 mois de taux d’inflation (en %).
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
|
Moyenne annuelle |
0,34 |
4,23 |
1,42 |
2,59 |
3,56 |
1,64 |
2,53 |
3,51 |
4,4 |
Glissement sur 12 mois |
0,12 |
7,56 |
-1,55 |
3,96 |
1,98 |
1,66 |
4,44 |
3,86 |
5,8 |
Source : Banque d’Algérie 2009.
Les faibles investissements directs en Algérie
Même si l’économie nationale dispose d’énormes potentialités, les IDE en Algérie restent très faibles. Selon les statistiques du FMI, le maximum d’IDE nets en Algérie n’a pas dépassé les 1,8 milliard de dollars en 2006. La majorité des secteurs économiques ne bénéficient que de très peu d’IDE, sinon des investissements spéculatifs à court terme. Malgré les efforts pour attirer l’implantation des entreprises étrangères depuis le début du millénaire, l’Algérie n’est toujours pas un pays attractif. Cela est dû à des raisons multiples et complexes dont la plus importante reste la rude concurrence de la Tunisie et du Maroc qui attirent nettement plus d’IDE, favorisés par leur climat d’affaires, leurs législations commerciales et surtout la confiance des acteurs économiques dans la souplesse, la transparence et à la crédibilité de leurs systèmes administratifs par rapport au système algérien.
Un recours accru aux importations
En l’absence d’un fort taux d’investissement pour stimuler l’activité industrielle et créer des emplois, sans base productive qui peut répondre à une demande nationale de plus en plus forte et à une consommation en plein essor, l’Algérie ne peut que se tourner vers les importations pour couvrir la demande locale. Avec 2,5 % de valeur d’exportations hors hydrocarbures en 2008 le bilan du commerce extérieur est plus que catastrophique, tandis que ses exportations n’ont progressé que de 600 millions de dollars par rapport à 2007, date à laquelle leur valeur avoisinait 1,3 milliard de dollars.
Exprimés en dollar courant, les flux du commerce extérieur de marchandises fin décembre 2008 ont enregistré une progression des importations de 41,7 %. Ainsi, on note une hausse des flux à l’importation des biens d’équipements et des biens intermédiaires pour répondre aux besoins des grands projets d’infrastructures entrepris dans le cadre du programme complémentaire de soutien à la croissance. Sur la période 2005-2008, les importations de ces produits ont évolué comme suit :
Tableau (7) : Évolution des l’importation des biens (en milliards de dollars).
Importations |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Biens intermédiaires |
5,051 |
6,021 |
8,754 |
11,832 |
Biens d’équipements |
8,612 |
8,624 |
8,680 |
13,196 |
Source : Ministère des finances 2009.
Dans l’ensemble, les importations ont connu une augmentation de 2052,45 % (en valeur nominale) depuis 1992. Au premier semestre de l’année 2009, elles ont enregistré une hausse de 4,04 % par rapport aux six premiers mois de 2008, soit un total de 19,70 milliards de dollars. En 2008, les importations de bien alimentaires et des biens de consommation ont évolué respectivement de + 5,7 % et + 4,0 % par rapport à 2007. 6,412 milliards de dollars pour les biens de consommation non alimentaires, dont 1,851 milliard de dollars consacrés aux achats des médicaments, en progression de 27,83 % par rapport à 2007. Mais le plus alarmant demeure la lourdeur de la facture alimentaire qui a représenté en 2008 près de 8 milliards de dollars.
Le recours aux importations des céréales, des huiles alimentaires, du sucre et de lait s’impose de jour en jour et de plus en plus pour couvrir les besoins de la population. Cette situation a fait augmenter le poids de la facture alimentaire, et nécessite un accroissement constant des ressources en devises consacrées à la satisfaction de la demande locale : 1 milliard de dollars dans les années 1970, 2 milliards dans les années 1980, 2,5 milliards dans les années 1990, 3 milliards de dollars en 2005. Au cours des dix premiers mois de l’année 2010, la facture alimentaire de l’Algérie a atteint les 4,89 milliards de dollars, soit une baisse de 15,68 % par rapport à 2009 pour un montant de 5,8 milliards de dollars, loin du record de 2008 où elle avait atteint les 7,716 milliards de dollars (4,954 milliards de dollars en 2007). En 2010, la facture des céréales a enregistré une baisse insignifiante par rapport à celle de 2009 où elle avait atteint les 2,34 milliards de dollars en baisse de près de 41 % par rapport à 2008 (3,967 milliards de dollars en 2008 et 1,987 milliards de dollars en 2007).
Graphique (1) : Évolution des importations et des exportations de 1992 à 2008.
En millions de $ (prix courant)
Source : Office national des statistiques (2009).
Les menaces sur un modèle économique en déperdition
Le modèle économique rentier appliqué dans le pays depuis l’indépendance est toujours en vigueur. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont appelé à revoir cette stratégie qui se base sur l’exploitation extrêmement risquée d’une ressource non renouvelable dont le tarissement est établi à moyen terme. Cela rend les perspectives de l’économie plus que sombres et fait du pétrole un cadeau empoisonné pour l’Algérie. En effet, alors que la rente pétrolière représente près de 50 % du PIB, alors que les recettes des exportations constituent plus de 98 % des entrées totales des devises, alors qu’environ 70 % des recettes fiscales de l’État sont issues de ce secteur, les niveaux des réserves prouvées (ressources non exploitées) sont pour le moins, très moyens.
Les statistiques indiquent que les niveaux des réserves prouvées en 2008 sont de l’ordre de 12,2 milliards de barils, soit 0,926 % des réserves mondiales prouvées du pétrole, ce qui classe l’Algérie en 2008 au 16e rang mondial. À partir de ces chiffres, et au rythme actuel d’extraction, le pays peut encore produire pendant 16 ans, ce qui pose un problème de validité du système de financement de l’économie nationale à long terme. En revanche, la situation est meilleure pour ce qui concerne les réserves du gaz naturel. Avec plus de 161,740 billions de pieds cube (4 576,5 milliards de m³), soit 2,641 % des réserves mondiales prouvées du gaz naturel en 2008, l’Algérie occupe le 8e rang mondial. À partir de ces chiffres, l’Algérie peut assurer son rythme de production pour un demi-siècle encore.
Certes, ces réserves constituent une rente importante qui pourrait garantir des ressources financières futures pour le financement de l’économie, mais hélas, elles demeurent très insuffisantes par rapport aux défis futurs. Une nouvelle source financière doit être trouvée afin de sortir l’économie algérienne de son système rentier et en finir avec son statut d’économie mono-exportatrice qui se base exclusivement sur l’exploitation risquée d’une ressource naturelle épuisable et non renouvelable. L’Algérie souffre toujours de ce que max Corden nommait dans les années 1980, le « Dutch disease » qui se traduit par un ensemble de phénomènes complexes qui handicapent les secteurs manufacturiers et la croissance d’une économie, suite à l’exploitation d’une matière première (ce fut le cas également en Grande-Bretagne, en Norvège, au Pays bas, au Mexique et dans les pays du Golfe).
Cela entraîne, selon ladite théorie, un effet de dépense qui se manifeste sur le marché des biens et le marché des facteurs. Depuis l’indépendance et jusqu’aujourd’hui, la rente continuede financer l’économie algérienne. De 2009 à 2014, le pays envisage de dépenser un montant de 280 milliards de dollars dans sa stratégie de développement nationale. Alors que les conditions nécessaires pour un développement économique conséquent et durable ne sont pas satisfaites, le pays risque de se retrouver confronté aux mêmes défis et inquiétudes que par le passé. Les fondamentaux de développement économique en Algérie sont absents :
- L’absence d’institutions efficaces ou ce que Douglass North (Prix Nobel 1993) appelait dans son livre « Institutions, Institutional Change and Economic Performance » une condition primordiale pour le bon encadrement de l’économie. En Algérie, la Cour des comptes, l’Inspection des douanes, le Parlement sont des institutions de contrôle étatique qui ne remplissent pas correctement leurs rôles.
- L’absence d’un capital humain ou ce qu’Amartya Sen (Prix Nobel 1998) appelait une des conditions de développement d’une nation. Le pays ne dispose pas d’une élite capable d’entraîner un changement politique ou économique. Le pays est toujours tributaire et dépend entièrement des entreprises étrangères pour la réalisation des projets. Comme le rappelle Luis Martinez dans son livre Violence de la rente pétrolière[20], l’Algérie n’a ni les moyens ni les outils, les idées ou les ressources humaines pour mettre en œuvre une stratégie de diversification économique. En définitive, le pays achète son développement au lieu de le bâtir.
- L’absence de la perspective économique et la vision stratégique de l’État à long terme afin de réaliser le développement de la nation. Joseph Stiglitz (Prix Nobel 2001) rappelle que le développement est une tâche difficile et complexe en même temps, cependant la tâche des pays en développement est, en un sens plus facile que celle de l’Europe et des États-Unis dans le passé, il s’agit aujourd’hui de rattraper et non pas de progresser en territoire inconnu. Dans ce cadre, n’est-il pas important que l’Algérie bénéficie de l’expérience empirique des États pétroliers dont le développement l’a précédé ? La Norvège par exemple a placé ses rentes pétrolières dans le fonds souverain « Governement Pension Fund-Global » pour pouvoir développer l’économie locale, tandis que le Koweït a adopté une politique équivalente de création de fonds et de diversification de l’économie. La Malaisie quant à elle a su, grâce à sa rente pétrolière, mettre en œuvre une stratégie de développement de son système éducatif et de santé afin de doter le pays des outils pour asseoir sa politique de développement.
Quelle politique pour quel objectif de l’avenir ?
Face à l’actualité, face à l’incertitude de l’économie algérienne même à court terme, il est plus que nécessaire de repenser un modèle de développement permettant de réussir une réelle transition vers l’économie du marché, édifier une croissance libérée de la dépendance aux hydrocarbures et de l’emprise de la volatilité de leurs prix et effacer les avatars d’une politique de développement jusque-là quasi chimérique. Une occasion de redresser l’économie par l’exécution de profondes transformations structurelles qui engendreront de l’emploi à long terme.
À défaut d’une nouvelle alternative qui prendra en charge les préoccupations économiques et sociales de la population et celles des jeunes en particulier, la situation en Algérie risque de s’embraser dans un futur très proche comme ce fut le cas en Tunisie, en Égypte et en Libye. Il est plus qu’urgent d’accentuer les efforts pour assurer un avenir florissant et un développement durable et solidaire pour le pays. L’application d’une vraie stratégie de développement est plus qu’indispensable. Un développement qui doit s’effectuer dans tous les secteurs en même temps au prix de lourds investissements au profit des jeunes Algériens, afin de résorber d’une manière efficace le chômage et aider à réaliser une croissance rapide assurant la réussite d’une transition d’économie rentière à une économie productive répondant ainsi aux besoins de la population algérienne, ainsi qu’à ceux des générations futures.
Mohamed Chabane, article initialement paru sur Revue Averroès
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Ben Ali n'a pas eu le temps d'emporter tout le pognon qu'il a entassé. Sa femme n'a pas eu le temps de ramasser tous ses bijoux. Si les algériens savaient ce qu'il peut y avoir dans les coffres de leurs dirigeants ils deviendraient fous. J'imagine des coffres bourrés à craquer. La Sonatrach a forcément fait quelques virements ici et là, pour tel général, pour tel autre général ainsi on ne fait pas de jaloux. Personne en Tunisie ne pouvait imaginer que Ben Ali et sa femme avaient accumulé une telle fortune. Je comprends les algériens. Ils ne peuvent pas imaginer que Ben Ali est un enfant de choeur.
tres joli