AFRICA EXPRESS : un tour d’Afrique pour promouvoir l’énergie durable

Livre blanc Africa Express
Livre blanc Africa Express
Afin de promouvoir l’accés à l’énergie pour tous comme priorité de la decennie 2014-2024, l’ONU avait désigné l’année 2012, ‘année internationale de l’énergie durable pour tous’. Dans ce cadre, deux passionnés de questions d’énergies durables et du développement africain, Claire Guibert et Jeremy Debreu ont lancé l’initiative Africa Express. Il s’agit d’un tour d’Afrique afin d’étudier ‘un éventail représentatif de la diversité des projets d’énergies développés sur le continent’. Ainsi, des projets d’efficacité énergétique, d’électrification rurale décentralisée grâce aux énergies renouvelables en passant par les projets de formation professionnelles, 25 projets sélectionnés par un comité stratégique ont été étudiés. De cette expérience est née un livre blanc des énergies durables en Afrique qui met en avant les ‘facteurs-clés de succès’ de projet de services énergétiques et les ‘bonnes pratiques misent en œuvre’ en attirant l’attention sur les écueils à éviter. Voici les principaux points du résumé à l’attention des décideurs.

Nouvelle image (4)Le livre souligne le rôle primordial du développeur dans la réussite de projet d’énergie durable. Le succès étant conditionné par la bonne articulation entre le financement et l’intégration des parties prenantes. Claire et Jeremy qui se sont posé la question de la reproductibilité des projets, remarquent qu’il n’y a pas de modèle unique mais qu’il faut à chaque fois une importante adaptation au contexte local. Toutefois les bonnes pratiques tirées de l’ensemble des projets étudiés peuvent servir de modèle. A l’attention des porteurs de projets, des bailleurs et des gouvernants en charge de politique énergétique, ils livrent les enseignements suivants :

  • un projet de service énergétique doit étre adapté au contexte local. Eviter les modèles théoriques axés ‘nord-sud’ ;
  • au déla de l’innovation technologique, l’innovation sociale et financière est nécessaire pour mieux répondre à la réalité du terrain. Ce sont les solutions pragmatiques qui peuvent garantir le succés ;
  • les interactions avec l’ensemble des parties prenantes conditionnent le bon déploiement du projet. Le point sensible ici identifié est l’appropriation du projet énergétique par ses bénéficiaires ;
  • garantir la viabilité économique de l’exploitation est une condition majeure du succès à l’accès à l’énergie. Les services énergétiques étant très couteux, beaucoup de projets sont limités simplement par leur fond de roulement. Des partenaires financiers, des entités publiques et privées fiables doivent servir de soutien.
  • le rôle du porteur de projet est déterminant. Le succès relève de la capacité à comprendre les besoins, intégrer les parties prenantes et développer des relations fiables avec les partenaires.
  • enfin, l’investissement en capital humain notamment par la formation aux métiers de l’électrification rurale. C’est ce qui permettra la pérennisation des projets existants et soutiendra l’essor des nouveaux métiers liés à l’énergie durable pour le plus grand nombre.

Africa Express est une initiative très encourageante qui apporte beaucoup d’enseignements sur les bonnes pratiques en matière de projets d’énergie durable. Véritables sources d’inspirations pour d’éventuels porteurs de projets d’énergie, le livre blanc et le webdocumentaire réalisés par les initiateurs donnent la parole aux porteurs de projets, aux acteurs concernés et constituent des clés précieuses pour comprendre autrement le développement à différentes échelles du secteur de l’énergie en Afrique.

 

Djamal HALAWA

 

Pour plus d’information sur Africa Express : http://africaexpress.org/

Vous pouvez telecharger gratuitement la version numérique (ebooks) du Livre blanc des énergies durables en Afrique

http://www.youtube.com/watch?v=jS8XJhkfxr4

 

Pour aller plus loin sur le thème de l’accés à l’énergie pour tous :

http://terangaweb.com/le-dilemme-de-lelectrification-rurale/

http://terangaweb.com/cout-de-lenergie/

http://terangaweb.com/energie-en-afrique-lumiere-sur-les-defis-du-secteur-et-les-opportunites/

Quelle est la portée réelle de l’initiative « power Africa »?

Lors de sa tournée africaine de Juin 2013, le président Obama a annoncé une initiative pour améliorer l’accès à l’électricité en Afrique. Cette initiative dénommée « Power Africa » vise à promouvoir les investissements dans le secteur électrique en Afrique subsaharienne afin d’y doubler le taux d’accès à l’électricité à l’horizon 2018. En tenant compte de la démographie galopante dans cette région du monde (2,5% par an) et du taux actuel d’accès à l’électricité qui est d’environ 34% [1], atteindre cet objectif nécessite un effort considérable et des investissements colossaux.


Obama Power AFricaPower Africa se focalise, dans un premier temps, sur 6 pays (Ethiopie, Ghana, Kenya, Liberia, Nigeria et Tanzanie), réunit aussi bien des partenaires publics (gouvernement de ces états) que privés et vise à accroitre la puissance électrique installée de 10 000 MW (à titre de comparaison, la puissance installée au Tchad est de l’ordre de 300 MW). Plus de 7 milliards de dollars US seront mobilisés à travers plusieurs organismes gouvernementaux américains tels que l’USAID[1](285 millions), le MCC[2] (1 milliard), Ex-Im Bank[3] (5 milliards), l’USTDA[4] et l’OPIC[5] notamment [2]. Ces fonds serviront à fournir une assistance technique pour la préparation de projets, les études de faisabilité, le développement de mini-réseaux électriques et les systèmes hors réseau. Ces fonds permettront aussi d’aider les gouvernements des pays concernés à mettre en œuvre des réglementations et d'autres réformes nécessaires pour attirer les investissements privés dans le secteur électrique. Enfin ils permettront surtout de minimiser les risques en servant de garanties pour les investissements effectués dans le domaine.

Power Africa met aussi le secteur privé à contribution. General Electric (GE) s’est ainsi engagé  à produire 5 000 MW d’électricité fiable et bon marché dans les 5 années à venir. Le fonds d’investissement panafricain Heirs Holdings promet d’investir 2,5 milliards de dollars dans la mise à disposition d’environ 2 000 MW de capacités électriques. Des entreprises telles que Husk Power Systems, Harith General Partners et Aldwych International interviendront dans la mobilisation de ressources et la promotion d’installations basées sur les énergies renouvelables (biomasse en Tanzanie, éolien au Kenya). Des projets déjà présentés à la BAD pourront être financés grâce à cette initiative (Lake Turkana Wind, projet de 300 MW au Kenya).

En définitive, Power Africa est une initiative qui permet de mettre en lumière le problème de l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne en essayant d’y apporter une réponse concrète. L’initiative est bonne. Quelques insuffisances sont à relever toutefois.

Une des insuffisances majeures de Power Africa réside dans le choix des pays qui pourront en bénéficier. Atteindre l’objectif de doubler le taux d’accès à l’électricité en se focalisant uniquement sur 6 pays parait assez difficile. En plus du fait que mathématiquement cela est impossible (la population totale de ces pays ne représente qu’environ 37% de la population africaine), le déséquilibre qui serait engendré sera trop important pour être viable. Il aurait été plus utile de se focaliser sur les projets à vocation sous régionale tels que les interconnexions entre les pays. En plus de la BAD, aider au développement d’organismes sous régionaux comme le SAPP, le WAPP (faciliterait l’identification des projets prioritaires et leur mise en exécution. Cette sélection de pays (tous anglophones par ailleurs), dont les critères sont ignorés, semble plus relever de la géostratégie et de la défense de pré-carré que de la volonté de développer le secteur électrique africain.

Pour arriver à atteindre l’objectif de doubler le taux d’accès à l’électricité, Power Africa recommande que les nouvelles capacités installées s’appuient sur les récentes découvertes de gaz, les ressources hydrauliques et les énergies renouvelables (géothermique, solaire et éolien). Le manque de hiérarchisation des priorités dans les sources d’énergie recensées constitue une des insuffisances majeures de cette initiative. Comme il a été rappelé à maintes reprises sur TW, il serait utile que le continent se focalise dans un premier temps sur le développement d'infrastructures hydrauliques et solaires afin de pallier le manque d’électricité dont souffre une très grande partie de sa population (près de 85% en milieu rural).

Le budget mobilisé dans le cadre de cette initiative est élevé. Cependant il est important de mettre en regard les chiffres avancés par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur le sujet. Cet organisme international a évalué à 300 milliards les investissements à réaliser pour que tous les habitants du continent africain aient accès à l’électricité à l’horizon 2030 [2]. Face à ce chiffre, les 7 milliards avancés, qui sont certes importants, ne paraissent pas à la hauteur de l’enjeu. Une action concertée avec d’autres pays développés aurait sûrement permis de mobiliser plus de fonds vue l’influence des Etats-Unis sur la scène internationale.

Il est louable que le secteur privé soit invité à participer activement à cette initiative. Ce secteur demeure le vecteur de croissance par excellence, notamment dans le domaine électrique. Néanmoins, il est important de relever que sur un plan de 10 000 MW de capacités additionnelles à créer, la moitié est d’ores et déjà attribuée à General Electric (GE). Cela donne l’impression que pour bénéficier de ces fonds, il n’est point besoin de faire un appel d’offre, confier tout projet à GE suffit visiblement. Cette initiative, de ce point de vue, s’apparente à une garantie, par le gouvernement américain, des investissements des entreprises américaines présentes dans le secteur en Afrique, et plus particulièrement à General Electric.

Améliorer l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne nécessite un accroissement des capacités de production mais aussi une amélioration des infrastructures de transport, une plus grande rationalisation de la distribution, une sécurisation de l’approvisionnement en combustible et une maintenance accrue de l’ensemble des installations. En dépit du fait que Power Africa ne semble se focaliser que sur le premier point et malgré les remarques exposées précédemment, l’initiative a le mérite d’exister et d’apporter une lueur d’espoir aux populations. Ceci étant, il est important de rappeler que seuls les gouvernements africains ont la capacité d’impulser un mouvement salutaire pour le secteur. Ils doivent en prendre davantage conscience.

 

Mis à jour le 04/08/2013


[1] World Energy Outlook 2010, AIE

 

 

 

 

[2] http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2013/06/30/fact-sheet-power-africa

[3] Brochure Power Africa Initiative, document BAD

[1] USAID : U.S. Agency for International Development

[2] MCC : Millennium Challenge Corporation

[3] Ex-Im Bank : U.S. Export-Import Bank

[4] USTDA : U.S. Trade and Development Agency

[5] OPIC : Overseas Private Investment Corporation