Quelle est la portée réelle de l’initiative « power Africa »?

Lors de sa tournée africaine de Juin 2013, le président Obama a annoncé une initiative pour améliorer l’accès à l’électricité en Afrique. Cette initiative dénommée « Power Africa » vise à promouvoir les investissements dans le secteur électrique en Afrique subsaharienne afin d’y doubler le taux d’accès à l’électricité à l’horizon 2018. En tenant compte de la démographie galopante dans cette région du monde (2,5% par an) et du taux actuel d’accès à l’électricité qui est d’environ 34% [1], atteindre cet objectif nécessite un effort considérable et des investissements colossaux.


Obama Power AFricaPower Africa se focalise, dans un premier temps, sur 6 pays (Ethiopie, Ghana, Kenya, Liberia, Nigeria et Tanzanie), réunit aussi bien des partenaires publics (gouvernement de ces états) que privés et vise à accroitre la puissance électrique installée de 10 000 MW (à titre de comparaison, la puissance installée au Tchad est de l’ordre de 300 MW). Plus de 7 milliards de dollars US seront mobilisés à travers plusieurs organismes gouvernementaux américains tels que l’USAID[1](285 millions), le MCC[2] (1 milliard), Ex-Im Bank[3] (5 milliards), l’USTDA[4] et l’OPIC[5] notamment [2]. Ces fonds serviront à fournir une assistance technique pour la préparation de projets, les études de faisabilité, le développement de mini-réseaux électriques et les systèmes hors réseau. Ces fonds permettront aussi d’aider les gouvernements des pays concernés à mettre en œuvre des réglementations et d'autres réformes nécessaires pour attirer les investissements privés dans le secteur électrique. Enfin ils permettront surtout de minimiser les risques en servant de garanties pour les investissements effectués dans le domaine.

Power Africa met aussi le secteur privé à contribution. General Electric (GE) s’est ainsi engagé  à produire 5 000 MW d’électricité fiable et bon marché dans les 5 années à venir. Le fonds d’investissement panafricain Heirs Holdings promet d’investir 2,5 milliards de dollars dans la mise à disposition d’environ 2 000 MW de capacités électriques. Des entreprises telles que Husk Power Systems, Harith General Partners et Aldwych International interviendront dans la mobilisation de ressources et la promotion d’installations basées sur les énergies renouvelables (biomasse en Tanzanie, éolien au Kenya). Des projets déjà présentés à la BAD pourront être financés grâce à cette initiative (Lake Turkana Wind, projet de 300 MW au Kenya).

En définitive, Power Africa est une initiative qui permet de mettre en lumière le problème de l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne en essayant d’y apporter une réponse concrète. L’initiative est bonne. Quelques insuffisances sont à relever toutefois.

Une des insuffisances majeures de Power Africa réside dans le choix des pays qui pourront en bénéficier. Atteindre l’objectif de doubler le taux d’accès à l’électricité en se focalisant uniquement sur 6 pays parait assez difficile. En plus du fait que mathématiquement cela est impossible (la population totale de ces pays ne représente qu’environ 37% de la population africaine), le déséquilibre qui serait engendré sera trop important pour être viable. Il aurait été plus utile de se focaliser sur les projets à vocation sous régionale tels que les interconnexions entre les pays. En plus de la BAD, aider au développement d’organismes sous régionaux comme le SAPP, le WAPP (faciliterait l’identification des projets prioritaires et leur mise en exécution. Cette sélection de pays (tous anglophones par ailleurs), dont les critères sont ignorés, semble plus relever de la géostratégie et de la défense de pré-carré que de la volonté de développer le secteur électrique africain.

Pour arriver à atteindre l’objectif de doubler le taux d’accès à l’électricité, Power Africa recommande que les nouvelles capacités installées s’appuient sur les récentes découvertes de gaz, les ressources hydrauliques et les énergies renouvelables (géothermique, solaire et éolien). Le manque de hiérarchisation des priorités dans les sources d’énergie recensées constitue une des insuffisances majeures de cette initiative. Comme il a été rappelé à maintes reprises sur TW, il serait utile que le continent se focalise dans un premier temps sur le développement d'infrastructures hydrauliques et solaires afin de pallier le manque d’électricité dont souffre une très grande partie de sa population (près de 85% en milieu rural).

Le budget mobilisé dans le cadre de cette initiative est élevé. Cependant il est important de mettre en regard les chiffres avancés par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur le sujet. Cet organisme international a évalué à 300 milliards les investissements à réaliser pour que tous les habitants du continent africain aient accès à l’électricité à l’horizon 2030 [2]. Face à ce chiffre, les 7 milliards avancés, qui sont certes importants, ne paraissent pas à la hauteur de l’enjeu. Une action concertée avec d’autres pays développés aurait sûrement permis de mobiliser plus de fonds vue l’influence des Etats-Unis sur la scène internationale.

Il est louable que le secteur privé soit invité à participer activement à cette initiative. Ce secteur demeure le vecteur de croissance par excellence, notamment dans le domaine électrique. Néanmoins, il est important de relever que sur un plan de 10 000 MW de capacités additionnelles à créer, la moitié est d’ores et déjà attribuée à General Electric (GE). Cela donne l’impression que pour bénéficier de ces fonds, il n’est point besoin de faire un appel d’offre, confier tout projet à GE suffit visiblement. Cette initiative, de ce point de vue, s’apparente à une garantie, par le gouvernement américain, des investissements des entreprises américaines présentes dans le secteur en Afrique, et plus particulièrement à General Electric.

Améliorer l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne nécessite un accroissement des capacités de production mais aussi une amélioration des infrastructures de transport, une plus grande rationalisation de la distribution, une sécurisation de l’approvisionnement en combustible et une maintenance accrue de l’ensemble des installations. En dépit du fait que Power Africa ne semble se focaliser que sur le premier point et malgré les remarques exposées précédemment, l’initiative a le mérite d’exister et d’apporter une lueur d’espoir aux populations. Ceci étant, il est important de rappeler que seuls les gouvernements africains ont la capacité d’impulser un mouvement salutaire pour le secteur. Ils doivent en prendre davantage conscience.

 

Mis à jour le 04/08/2013


[1] World Energy Outlook 2010, AIE

 

 

 

 

[2] http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2013/06/30/fact-sheet-power-africa

[3] Brochure Power Africa Initiative, document BAD

[1] USAID : U.S. Agency for International Development

[2] MCC : Millennium Challenge Corporation

[3] Ex-Im Bank : U.S. Export-Import Bank

[4] USTDA : U.S. Trade and Development Agency

[5] OPIC : Overseas Private Investment Corporation

 

 

 

 

Obama et l’africapitalisme

Obama l’Africapitaliste : Créer un Modèle de développement du secteur privé que le monde puisse suivre, par Tony O. Elumelu*

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LAGOS, Nigeria, 9 juillet 2013/African Press Organization (APO)/ – Editorial de Tony O. Elumelu*, entrepreneur, philanthrope et président de Heirs Holdings Limited :

La semaine dernière, c’était la première fois, à mon souvenir, qu’un président des États-Unis venait en Afrique avec en tête de son ordre du jour l’investissement et comme priorité les rencontres avec les chefs d’entreprise du continent, qui sont les véritables moteurs du développement. Le président Obama devrait être félicité pour sa vision, et pour avoir donné la preuve la plus évidente que les règles d’investissement en Afrique sont réellement en train de changer. 

L’ère de l’assistance se termine. Le type d’aide dont a le plus besoin l’Afrique, et qui devrait avoir la priorité, est l’aide à l’entreprise. Je suis convaincu que le secteur privé africain a le pouvoir de transformer le continent grâce à des investissements de capitaux sur le long terme, générant à la fois une prospérité économique et une richesse sociale. J’appelle ce développement « Africapitalisme », et sans aucun doute, il porte la plus grande promesse pour le développement durable de l’Afrique.

Il était donc encourageant de voir des entreprises africaines impliquées, finançant et investissant en tant que partenaires, et s’assurant que l’Afrique affirme son rôle dans cette opportunité.

Je peux déjà ressentir l’effet du nouveau dialogue d’Obama avec l’Afrique. Dans les entretiens auxquels j’ai répondus pour les médias qui couvraient ce voyage, l’aide et la corruption n’étaient, heureusement, pas le point central. Les journalistes traitaient des sujets avec des mots tels que « capital », « investissement » et « commerce ».

Les effets de ce changement seront immenses.

L’électricité est le plus grand obstacle au développement du continent, et c’est donc l’investissement le plus catalytique et le plus stratégique que l’on puisse faire en Afrique. C’est pourquoi l’axe choisi par le président Obama arrive au bon moment… et est si nécessaire. Si l’on double notre capacité de production d’électricité, cela doublera le PIB de l’Afrique, et nous conduira vers une croissance durable, menée localement. Étant donné son importance économique, le secteur de l’électricité présente aussi une opportunité d’investissement attractive pour les investisseurs à long terme : comme la concurrence est faible, les retours, quand ils arriveront, seront très élevés. Ce sera similaire aux retours qu’ont obtenus les premiers investisseurs dans les télécommunications africaines, avant que le secteur ne devienne saturé et extrêmement concurrentiel.

En tant qu’investisseur, je crois aux bonnes affaires et aux bonnes actions. Investir dans le secteur de l’électricité répond à ces deux critères. C’est pourquoi Heirs Holdings s’est engagée à investir 2,5 milliards USD pour étendre notre centrale électrique nigériane nouvellement acquise à Ughelli, ainsi que pour développer de nouveaux projets de réhabilitation et de construction dans toute l’Afrique.

Mais combler le déficit énergétique de l’Afrique nécessite des investissements sur le long terme et d’énormes dépenses : il en coûtera 1 milliard de dollars simplement pour acheter la centrale d’Ughelli et l’amener à sa capacité installée totale de 1 000 mégawatts. Étant donné les immenses besoins en capitaux de l’Afrique pour le secteur de l’électricité, une initiative telle que Power Africa est essentielle pour réunir les investisseurs internationaux et les institutions financières afin de soutenir le paradigme électrique en mutation du continent.

Le Nigeria était l’un des seule sept pays compris dans le programme ; des pays au premier plan de la réforme électrique en Afrique. Le processus de privatisation de classe internationale mené personnellement par le président Goodluck Jonathan démontre que le Nigeria mérite cette place. Et cela signifie que le secteur électrique du Nigeria aura accès à des conditions préférentielles et à une emphase sans précédent des bailleurs de fonds cherchant à réaliser leurs engagements publics dans le cadre de l’initiative Power Africa. Power Africa offre aussi un modèle aux 47 pays africains qui n’appartenaient pas à la liste pilote initiale. Le continent n’arrivera à combler son déficit énergétique que si davantage de dirigeants africains réforment rapidement leurs politiques et encouragent ce type d’investissements du secteur privé.

En tant qu’entrepreneur, je sais qu’attirer les capitaux n’est pas et n’a jamais été le problème. J’ai toujours pensé que si les politiques et l’environnement étaient adéquats, les investissements afflueraient en Afrique. Les investisseurs ont besoin de savoir que l’état de droit et la protection des droits de propriété sont assurés : c’est l’une des exigences les plus importantes pour les capitaux. C’est pourquoi j’invite les grands dirigeants du monde comme le président Obama à convaincre davantage de dirigeants africains que le développement par l’investissement nécessite des politiques plus favorables aux investisseurs. Je constate chez les dirigeants africains une volonté de saisir ces opportunités, mais ils ont besoin de soutien et dans certains cas de conseils. Si leur vision est claire, ils ne savent pas toujours comment y arriver.

Le président rwandais Paul Kagame est un autre modèle positif pour le continent ; un dirigeant africain progressiste qui fait preuve à la fois de vision et d’engagement. Le Rwanda se classe désormais plus haut que tout autre pays d’Afrique subsaharienne en matière de compétitivité mondiale, et se positionne au troisième rang pour l’Afrique en général. Le président Kagame et son équipe ont su créer un environnement propice dont les investisseurs ne peuvent que rêver ailleurs en Afrique. Pour cette raison, Heirs Holdings, Berggruen Holdings et 50 Ventures ont choisi le Rwanda pour y installer la Bourse de l’Afrique de l’Est (East Africa Commodity Exchange, EAX), qui ouvrira le 15 juillet.

L’EAX apportera des liquidités, de la transparence et donnera aux agriculteurs le pouvoir de fixer les prix, tout en réduisant les risques des prêts pour les banques. L’effet sera de créer une richesse sociale dans les communautés locales et de soutenir le développement dans la région. À l’instar des investissements dans le secteur de l’électricité, l’EAX montre l’Africapitalisme en action, en soulignant l’immense rôle de développement du secteur privé africain. Quand j’ai rencontré le président Kagame l’année dernière, il a immédiatement compris l’importance d’une bourse de matières premières pour la région de l’Afrique de l’Est, et il a fortement appuyé sa création. Le gouvernement rwandais a tenu toutes ses promesses, ce qui a permis à notre groupe d’investisseurs de tenir les siennes : la bonne équipe d’investissement, associée à un gouvernement favorable, améliorera la vie des fermiers dans toute la région.

En suivant ces modèles (Power Africa et l’EAX), nous pouvons transformer toute l’économie africaine, en commençant par le secteur de l’électricité. Un jour, les 70 % d’Africains qui n’ont actuellement pas accès à une électricité abordable, tiendront pour acquis qu’ils peuvent appuyer sur un interrupteur et transformer leurs maisons, leurs bureaux et leurs écoles. Et ils se souviendront de la visite d’Obama. Parce qu’avec une implication du secteur privée dorénavant garantie, ce jour sera bientôt une réalité.

En Tanzanie, j’ai serré la main d’un africapitaliste, qui se trouve aussi être l’homme le plus puissant du monde. C’était un événement extrêmement important pour moi, qui ai investi toute ma vie en Afrique, et je suis convaincu que la visite d’Obama a été un événement tout aussi significatif pour l’Afrique. Elle va recentrer l’attention du monde sur l’investissement en Afrique. Elle change déjà les perceptions et mobilise les investisseurs internationaux. Elle changera même la vision de nombreux investisseurs africains, qui réaliseront que nous devons montrer le chemin. Parce que si nous nous affirmons et montrons de la confiance envers notre continent en dirigeant nos économies vers des investissements à long terme en Afrique, d’autres suivront. C’est l’un des piliers de l’Africapitalisme : les Africains pour l’Afrique.

La visite d’Obama était un jalon, attendu depuis longtemps, et dont l’effet durera. Elle confirme que l’ère de l’assistance se termine. Il est temps à présent que le secteur privé prenne la main.

*Tony Elumelu (http://tonyelumelu.com) est un entrepreneur, un philanthrope et le président de Heirs Holdings Limited (http://heirsholdings.com), une société d’investissements panafricaine. Il est l’ancien PDG du Groupe United Bank for Africa (http://www.ubagroup.com) et le président actuel de Transcorp
(http://www.transcorpnigeria.com). Vous pouvez le suivre sur Twitter à @TonyOElumelu (https://twitter.com/tonyoelumelu). 

Distribué par l’Organisation de la Presse Africaine pour Heirs Holdings.

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Moky Makura

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Heirs Holdings