Comment améliorer l’impact des IDE sur l’économie sénégalaise ?

Abstract business 3d  illustrationMalgré sa stabilité socio-politique et une position stratégique due à son accès à la mer faisant de lui une porte d’entrée privilégiée sur le continent africain et une destination sûre pour les investissements directs étrangers du fait des multiples opportunités qu’il peut offrir, le Sénégal peine à attirer les IDE comme le démontrent les chiffres. En effet, sur la dernière décennie, le flux d’IDE à destination du Sénégal s’est stabilisé autour d’une moyenne de 300 millions de dollars alors que dans des pays comparables comme la Mauritanie, ils sont passés de 101 millions de dollars en 2003 à 1126 millions de dollars en 2013[1].

Attirer les investissements étrangers est d’une importance capitale pour les autorités sénégalaises, qui misent sur le secteur privé (notamment étranger) pour atteindre les objectifs du Plan Sénégal Émergent (PSE), le nouveau cadre de gestion de la politique économique sénégalaise. En effet, une place de choix est accordée au secteur privé dans ce plan. Sur les 12 000 milliards nécessaires pour l’exécution de ce plan, les deux tiers devraient provenir du secteur privé. Ceci justifie les  efforts engagés par les autorités afin d’attirer davantage d’IDE, notamment à travers différentes réformes ; réformes qui ont permis au pays de gagner trois places au classement Doing Business de la Banque Mondiale, passant ainsi de la 156ème à la 153ème position sur les 189 pays classés. En dépit de ces efforts, l’investissement privé étranger durable ne semble pas suivre et cet engouement des autorités pour en attirer davantage suscite des interrogations quant à l’impact des IDE sur la croissance de l’économie sénégalaise mais aussi sur les stratégies mises en place pour attirer les IDE.

S’il est généralement admis sur la base de certaines études que les investissements directs étrangers peuvent entrainer la croissance économique (Seetanah et Khadaroo 2007), nombreux sont les analystes qui stipulent que la question du développement  n’est pas seulement économique mais aussi sociale car elle doit tenir compte des phénomènes environnementaux. Pour ces derniers, les investissements directs étrangers ne sont que sources de pollution pour les pays en voie de développement et ne constituent donc pas une source de développement harmonieux.

En s’inspirant du modèle de Solow[2], une analyse faite sur l'impact des IDE sur la situation socioéconomique du Sénégal[3] révèle que ces ressources, n’ont pas d’influence systématique sur la situation socio-économique du Sénégal. Deux raisons expliquent cette situation :

  •  les IDE entrant dans le pays sont faibles. En effet, le Sénégal perçoit par an en moyenne depuis 2012 au moins 300 millions de dollars au titre des IDE, un montant relativement faible comparé aux 1,2 milliard de dollars investi par l’État ou au 1,6 milliard de dollars en moyenne, perçu sur la même période par le pays au titre d’envoi des migrants ;
  •  une mauvaise orientation des IDE. L’essentiel des IDE entrants au Sénégal est investi dans le secteur secondaire et se concentre sur l’activité des entités existantes, ce qui ne se traduit pas en une amélioration systématique des performances de ce secteur ou en création d’emplois. De plus au Sénégal, la croissance économique est tirée principalement par le secteur tertiaire (65,3% du PIB en 2014)[4], alors que le secteur primaire, qui emploie 45% de la main d’œuvre[5] disponible  contribue très peu à la création de richesse. Le manque d’investissement dans ce secteur constitue donc un manque à gagner considérable pour l’économie sénégalaise.

Cependant, les résultats montrent qu’associés à d’autres facteurs (capital humain, taux d’ouverture…), les IDE ont un impact plutôt significatif sur la situation socio-économique du Sénégal.

Dans ce contexte, le défi majeur aujourd’hui pour le Sénégal n’est pas tant d’entreprendre des réformes pour améliorer l’environnement des affaires et d’avoir un meilleur classement au Doing Business, mais plutôt d’améliorer les facteurs internes pour maximiser l’impact des flux intrants.

D’abord, il faudrait réorienter les IDE vers les secteurs à forts potentiels mais  qui apparaissent sous exploités. Les secteurs porteurs de croissance souffrent d’une carence en investissement privé durable, comme c’est le cas du  secteur primaire, qui est pourtant celui qui absorbe la plus grande partie de la main d’œuvre disponible

Ensuite, il faudrait améliorer la qualité de la main d’œuvre. En effet, l’État doit rendre plus efficace les dépenses publiques destinées à l’éducation et  à la santé afin de renforcer les capacités des ressources humaines tout en recherchant une adéquation entre la formation et le marché du travail. Selon les résultats du recensement général de la population de et l’habitat  (RGPH) de 2013, à peine 1 actif sur 10 au Sénégal aurait bénéficié d’une formation professionnelle, situation qui ne favorise pas  l’attractivité du pays.

Enfin, mettre en œuvre une bonne politique d’ouverture du Sénégal qui peut lui permettre de profiter des effets des IDE à l’aune de la marche de l’émergence. Pour ce faire, il faut réussir la transition fiscale en adoptant une politique fiscale plus attractive et qui favorise le développement du secteur privé.

Dans une compétition ardue entre pays en développement se disputant le volume d’IDE disponible sur le marché international, les pays qui seront moins attrayant sur le plan du climat des affaires et de l’investissement subiront la loi de la concurrence.

Mais les efforts ne sont pas à faire seulement au niveau national et doivent s’étendre également au niveau régional. Ainsi, pour renforcer les IDE dans la zone CEDEAO, zone économique à laquelle appartient le Sénégal, afin d'en maximiser l'impact sur l'économie et améliorer les conditions de vie des populations, des efforts  en terme de politiques économiques et de mesures incitatives sont à faire. Entre autres, on peut en citer :

  • la mutualisation des efforts des agences de promotion des investissements ;
  • L’effectivité d’un marché commun de la sous-région ;
  • L’adoption du code communautaire d’investissement.

En définitif, il faut retenir que : i. les IDE seuls exercent une faible influence sur la croissance économique sénégalaise, mais associés à d’autres facteurs (capital humain, taux d’ouverture…), ils ont un impact plutôt significatif sur la situation socio-économique du Sénégal ; ii. les différentes politiques d'ouverture économique du Sénégal  n'ont pas eu les effets escompté sur l’attractivité des IDE. La nouvelle politique des autorités doit donc s'attacher à une mise en valeur des secteurs porteurs peut financer à l'état actuel afin d'assurer une réorientation des IDE, permettant ainsi d'accroître leur rentabilité et de positionner le Sénégal comme une terre d'opportunités.

Abdoulaye Diallo


[1] Données banque mondiale

[2] Le modele de Solow est basé sur 05 équations macroéconomiques à savoir : Une fonction de production ; Une fonction comptable sur la création d richesse ; Une fonction sur le capital ; Une fonction sur le facteur travail ; Une fonction d’épargne.

[3] Les résultats du modèle sont disponibles sur demande.

[4] Banque de France

[5] Banque mondiale

AFRIQUE: Attraction des Investissements Directs Etrangers

une_ideLa destination de choix pour les investissements directs étrangers (IDE) ; ainsi a été nommée l’Afrique dans le rapport sur l’investissement dans le monde de l’année 2013. En effet à l’inverse de toutes les autres régions du monde, les flux d’IDE vers l’Afrique sont en nette augmentation depuis 2011 avec une hausse de 5% pour atteindre en 2012 un montant de 50 milliards de dollars[1]. Cependant ces 50 milliards de dollars représentent seulement 3,7% des flux mondiaux d’IDE, ce qui classe très mal l’Afrique  parmi les régions récepteurs d’IDE dans le monde. Il semble donc que le continent africain n’utilise pas efficacement son potentiel et a du mal à mettre en œuvre les bonnes politiques et stratégies pour davantage d’IDE.

Les flux moyens d’IDE entrants sur le continent africain ont connu des hauts et des bas. La réception des IDE par le continent africain a commencé dans les années 70 avec une moyenne de 24.4 millions US$ dollar sur la période 1970-74, atteignant une moyenne de 55.4 millions US$ dollar sur la période 1985-89 et finissant par atteindre le milliard de dollar sur la période 2005-09. Ces dernières années, l’augmentation du cours des matières premières et la relative stabilité politique dans certains pays africains ont boosté les investissements sur le continent plus précisément dans les pays comme : l’Afrique du Sud, l’Angola, le Mozambique, l’Ouganda, la République Démocratique du Congo et la Guinée Equatoriale. Malgré cette avancée les flux d’IDE accueillis par l’Afrique sont minimes comparativement à ceux des autres régions du monde.

graph1_ideComme le montre le graphique ci-contre, les pays développés, l’Asie, l’Amérique Latine et les Caraïbes surpassent largement l’Afrique en ce qui concerne l’attraction des IDE. En plus, force est de constater que la majeure partie des investissements étrangers reçue par le continent africain est répertoriée dans le domaine des industries extractives. En effet, la richesse en ressources naturelles du continent constitue le premier moyen d’attraction d’IDE en Afrique. Comme Morisset (2000), Asiedu (2002, 2004), et Anyanwu (2012), beaucoup d’autres auteurs ont discuté de l’attraction d’IDE sur le continent africain et sont arrivés à la conclusion suivante: les ressources naturelles et le marché de consommation que représente l’Afrique sont les principaux avantages du continent qui attire les IDE. Pire, les pays africains sont très mal placés dans le classement des pays du monde par rapport à la facilité de faire des affaires. Le premier pays africain du classement est l’Afrique du Sud qui est située à la 39ème place suivie de la Tunisie à la 50ème et du Rwanda à la 52ème tandis que la majorité des pays africains se retrouvent au bas du classement.

Classement moyen des indicateurs doing business [Source: Doing business 2013 (Banque Mondiale, IFC)]

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Les IDE sont d’une importance cruciale pour l’économie des pays et plus précisément pour ceux en voie de développement. Ils sont appréciés à cause de leurs caractères durables et leurs effets d’entrainements sur la croissance relativement plus important que tout autre type d’investissement[2]. Etant considérés comme un vecteur essentiel au processus de développement économique, les IDE gratifient l’économie bénéficiaire de plusieurs effets positifs comme : l’augmentation du niveau de stock de capital privé, la stimulation de la compétitivité sur le marché local, la création d’emplois, et l’accroissement du niveau de stock de connaissances par la fourniture de nouveaux équipements et le transfert de savoir faire pour n’en citer que ceux là.

En se basant sur les explications données plus haut on peut déjà affirmer que l’Afrique n’a pas seulement un problème d’attraction des IDE mais de diversification. L’attraction et la diversification des IDE reposent sur trois axes principaux: un niveau minimum d’éducation et un capital humain important, une stabilité politique et économique, et enfin l’amélioration de l’environnement des affaires.

Ø  Un niveau élevé de l’éducation et du capital humain:

Ce critère est considéré par les économistes comme étant une condition sinequanone à la création de la richesse ce qui est l’un des buts fondamentaux de tout investissement. Avec un taux d’alphabétisation des adultes inferieurs à 50% dans beaucoup de pays africains, les gouvernements peinent toujours à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour rehausser le niveau de l’éducation. En effet comme l’explique le rapport de l’UNESCO sur l’alphabétisation et l’éducation non-formelle au Sénégal, dans la plupart des pays africains seulement 1% du budget de l’éducation nationale est consacré à l’alphabétisation. Le continent doit y remédier en accordant plus d’importance au problème à travers l’augmentation de sa part dans le budget. Il devrait aussi lancer en partenariat avec les organisations internationales des projets et initiatives en faveur de l’alphabétisation.

Sachant que le capital humain d’un individu est évalué grâce à ses compétences, expériences et savoirs faires il est plus qu’important que l’Afrique stimule sa croissance endogène pour réduire le chômage qui frôle des niveaux très élevés sur le continent.

Ø  Une stabilité politique et économique :

L’instabilité politique est l’une des raisons principales qui entraine la fuite des capitaux étrangers. Aucun investisseur ne mettrait son argent dans un environnement où sévit des guerres civiles, des grèves intempestives des travailleurs ou des manifestations politiques incessantes. Sur le plan économique, une stabilité des agrégats importants comme l’inflation et le taux de change, et une croissance économique avec un niveau acceptable du PIB (Produit Intérieur Brut) sont cruciaux dans l’attraction des IDE. Ceci sous-entend que les différents pays africains doivent avoir un niveau de développement économique minimum avec les infrastructures nécessaires et aussi limiter les crises politiques pour attirer les investisseurs étrangers.

Ø  Une amélioration de l’environnement des affaires :

Morisset (2000) un pionnier de l’analyse des déterminants des IDE en Afrique a affirmé grâce à ses études que le continent africain est capable d’attirer des IDE non seulement en se basant sur ses ressources naturelles et son marché local mais aussi en améliorant l’environnement des affaires. Cette affirmation est largement partagée par la majorité des économistes et des experts dans le domaine. L’amélioration de cet environnement passe par la mise en place de bonnes politiques et de réformes allant dans le sens de l’investissement. Voici quelques politiques et reformes à succès dont l’Afrique doit s’inspirer pour attirer plus d’IDE :

          ·            Ouvrir l’économie sur l’international grâce à la libéralisation du commerce, la promotion de l’export, et le lancement d’un programme de privatisation à l’égard des investisseurs étrangers.

          ·            Alléger les procédures de création d’entreprise, d’obtention de permis de travail, et de prêts bancaires.

        ·            Renforcer et moderniser les institutions juridiques plus précisément le code de l’investissement avec le vote de nouvelles lois en vue de protéger les investisseurs, régler les problèmes d’insolvabilité, et d’exécution des contrats.

          ·            Adopter et appliquer les nouvelles réglementations internationales qui régissent les IDE.

          ·            Utiliser les figures importantes du pays y compris le président pour promouvoir l’investissement.

Après toutes les considérations et les analyses faites on peut espérer voir l’Afrique attirer plus d’IDE que l’Amérique latine et les Caraïbes voire l’Asie. Grâce aux recommandations données en s’inspirant des pays qui ont brillamment attiré des IDE tout en partant de rien comme l’Ireland, le Singapour et Hong Kong, l’Afrique peut elle aussi augmenter ses IDE en améliorant son niveau d’éducation et de capital humain, son environnement des affaires et aussi en assurant une stabilité politique et économique.

 

Daniel Sessi

 

 

 


[1]  Rapport sur l’investissement dans le monde (2013)

 

 

[2]  Evolution des investissements directs étrangers dans les pays de l’UEMOA au cours de la période 2000-2011