A entendre les Sénégalais, Abdoulaye Wade, ni son fils biologique Karim, ni son fils spirituel Idrissa Seck (qu’il vaut mieux ne pas encore enterrer) ni même tout autre candidat du pouvoir en place ne saurait remporter leurs suffrages dans un scrutin transparent. Ce serait une erreur de le croire car le pouvoir en place a encore des chances sérieuses de ne pas perdre les prochaines élections présidentielles. La seule voie de salut réside aujourd’hui dans une candidature unique de l’opposition réunissant aussi bien celle traditionnelle que celle qui a quitté le navire libéral.

Mettre au plus vite les Sénégalais devant un choix extrême

Dans cet enjeu de la candidature unique, le timing constitue un paramètre particulièrement important alors même que l’homo senegalensis n’est guère réputé pour avoir un rapport très efficace au temps. A deux ans des élections, plus tôt le candidat unique de l’opposition sera désigné, plus les chances de victoires seront réelles.

C’est qu’une élection présidentielle, en plus de demeurer une affaire de partis, est aussi et sans doute surtout une affaire de personnes ; cela est d’autant plus le cas qu’en général au Sénégal, le corps électoral ne s’exprime pas souvent en fonction du programme des candidats, lequel est soit à peu près le même pour tous, avec son lot de promesses irréalisables, soit n’existe tout simplement pas. L’opposition doit être incarnée par un candidat qui entame dès à présent une campagne crédible et qui assure une présence médiatique très forte auprès des Sénégalais. Pourquoi faire compliquer quand on peut faire simple ? À Wade, il faut opposer une seule personne derrière laquelle toute l’opposition sénégalaise fera bloc. Il faut surtout mettre les Sénégalais devant un choix extrême, celui de voter pour le seul candidat de l’opposition ou de laisser le Sénégal continuer une descente dans un enfer sans fond.

Eviter le piège des primaires

Quant à la manière de désigner le candidat de l’opposition, l’idée de primaires ne paraît guère crédible. En dépit de ses vertus démocratiques, elle attisera plus les divisions qu’elle ne renforcera l’opposition. On ne glosera jamais assez sur la nécessité qui s’impose aux ténors de l’opposition de mettre en veilleuse leurs égos à la faveur d’une candidature unique. Si celle-ci apparaît de plus en plus comme une condition sine qua non pour débouter le pouvoir en place, on échappera cependant pas au choix difficile et ô combien risqué du candidat qui aura la lourde responsabilité de faire entrer l’opposition au Palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor.

S’unir derrière Ousmane Tanor Dieng : un choix par défaut?

De tous les nombreux candidats potentiels, Ousmane Tanor Dieng semble le plus à même d’être le porte étendard de l’opposition pour plusieurs raisons. Indéniablement pour son expérience du pouvoir qui a fait de lui un homme rompu à la tâche, avec une maitrise totale des arcanes du pouvoir. Sans doute aussi parce qu’il est arrivé 3^ème lors des dernières élections présidentielles du 25 février 2007 avec 13,56 % des suffrages exprimés, soit le meilleur score des candidats de l’opposition (le fait de considérer Idrissa Seck comme un membre de l’opposition, même pour les élections de 2007 est très contestable et largement contesté). Ousmane Tanor Dieng semble d’autant plus habilité qu’il dirige un parti bien structuré, forte de plus de 50 ans d’histoire, et que lui-même est entouré d’une équipe d’une très grande qualité qui compte dans ses rangs aussi bien une jeunesse qualifiée et désireuse de changement qu’une vieille garde encore pleine de sagesse.

J’entends déjà les critiques des partisans de Niasse, homme pétri de talents, de qualités et de valeurs, mais il importe de procéder à des choix qui optimisent les chances de victoire, étant entendu qu’on a besoin de la contribution de tous pour réussir. J’entends aussi les critiques de ceux qui soutiennent qu’Ousmane Tanor Dieng a eu l’opportunité de tenir les rênes du pouvoir pendant plusieurs années sans avoir véritablement améliorer la vie des Sénégalais ou encore que le Sénégal a besoin de sang neuf, d’un jeune président quadragénaire. Au risque d’en dérouter plus d’un, je dirai que de tous ceux qui seraient présidentiables aujourd’hui, aucun quadragénaire, soit par manque d’expérience, de popularité ou de compétences, n’est en mesure de battre Wade en l’état actuel des choses.

En ce qui concerne Macky Sall, ce n’est pas que je ne prenne guère au sérieux l’opposition indomptée de l’ancien Premier Ministre mais je pense plutôt que le meilleur service qu’il puisse rendre au Sénégal serait de se ranger derrière le futur candidat de l’opposition et de contribuer à ses côtés, à battre Wade et à redresser le Sénégal. Je demeure convaincu que Macky Sall aura son heure, mais je ne peux pas croire que ce soit en 2012. Si Macky Sall fait chemin tout seul, il favorisera la désagrégation des voix que le Sénégal a connu en 2007 lorsqu’un certain Idrissa Seck, lui aussi ancien Premier ministre, est arrivé deuxième aux élections présidentielles pour finir par rejoindre le Président Abdoulaye Wade au bout d’un feuilleton abracadabrantesque.

Se mobiliser dès à présent pour redresser le Sénégal

L’enjeu des élections de 2012 est trop important pour que le Sénégal accepte d’y laisser encore le peu de plumes qui lui restent. La réélection de Wade en 2007 était une erreur dont les conséquences continueront de se faire profondément sentir pendant longtemps si on ne stoppe pas l’hémorragie en 2012. Mais c’est maintenant qu’il faut s’assurer de pouvoir battre le pouvoir en place. C’est pourquoi la mobilisation est importante, qu’elle doit se faire dès maintenant et à tous les niveaux. Si le clan Wade reste au pouvoir en 2012, la responsabilité n’en incombera pas seulement aux politiciens, le peuple sénégalais aura vendu son âme.

Nicolas Simel