“La constitution est la charte, l’ensemble des textes de loi fondamentaux qui déterminent la forme de gouvernement du Sénégal, le régime et les institutions de l’Etat.” (examen.sn)
Le débat sur la recevabilité de la candidature de Me Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, à un troisième mandat, a pris une certaine ampleur qui mérite attention. Tout d’abord du point de vue politique: les Sénégalais sont fiers de la maturité de leurs institutions et de leur avancée démocratique, notamment depuis l’alternance pacifique de 2000. Ensuite sous un angle juridique: le texte adopté par le peuple et en vigueur depuis le 7 janvier 2001 semble pour le moins ambigu sur une question aussi cruciale que la limitation du nombre de mandats du Chef de l’Etat. Enfin sur le plan social: la question oppose avec virulence les tenants de la candidature de l’intéressé et ceux de son impossibilité.
Le 19 mars 2000, Abdoulaye Wade est élu au second tour avec une large coalition de partis politiques, devant le président PS sortant, Abdou Diouf, au pouvoir depuis 1981. Il prit sur lui de convoquer les Sénégalais à un référendum proposant une nouvelle constitution, adopté à une majorité historique, avec l’acquiescement de l’opposition. La nouvelle constitution a survécu, il est vrai avec moult retouches législatives selon les calculs du moment, pendant une décennie. Elle réorganise le régime en conférant plus de pouvoirs au Parlement par-ci et créant de nouvelles institutions de surveillance par-là. La démocratie sénégalaise semble renforcée et remise sur des rails plus solides. De plus, elle abroge deux dispositions qui vont faire date, à savoir le fameux article 35 qui permettait la désignation par le président sortant de son successeur, et le caractère illimité du nombre de mandats.
Ce dernier point est celui qui nous intéresse ici. Il est introduit par l’article 27 qui stipule: “La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. / Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire”. Il est éclairci par l’article 104, selon lequel “Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. / Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables.” Le problème découle de l’interprétation de l’esprit des rédacteurs. Pour le moment ils se sont tus, notamment le Pr Serigne Diop, Médiateur de la République. Mais pour ce qui est de la lettre, si le Conseil Constitutionnel ne devait que l’appliquer en tant que telle, elle me semble claire. La question de la durée du mandat du Président Wade nouvellement élu a été résolue par le premier alinéa de l’article 104: il restera en place jusqu’en 2007. Si l’on n’a pas pris la peine de préciser que la fixation du nombre de mandats s’applique à partir de 2007, c’est bien parce qu’elle s’applique immédiatement, c’est-à-dire à partir de 2001. Et que donc, elle s’applique au Président en fonction. Mieux, le texte précise, qu’à l’exception de la durée du mandat avec laquelle Abdoulaye Wade a été élu, “toutes les autres dispositions lui sont applicables”. Les mots ont un sens. La limitation du nombre de mandats à deux, fait partie intégrante de ces dispositions. Sinon l’on aurait dit qu’elle prend effet à partir de la fin du mandat du Président en fonction. Il n’y a pas ici de problème de rétroactivité, car s’il y en avait, il concernerait la durée du mandat, et en aucun cas le nombre de mandats. On n’imagine quand même pas que le président en fonction ne soit jamais concerné par cette limitation. Si la lettre est claire, pourquoi aller chercher l’esprit?
Tant et si bien, que le Conseil Constitutionnel a une lourde responsabilité devant lui. Car les deux camps sont déterminés à aller jusqu’au bout de leurs positions, en utilisant toutes les fenêtres juridiques qui leur sont offertes. Mais le Président Wade lui-même, puisque c’est de lui qu’il s’agit (moy ndeyou mbill ji), a une énorme responsabilité devant le peuple sénégalais et devant l’Histoire. Il ne peut pas faire la sourde oreille sur ce dossier, d’autant qu’il se plaint de ne pas avoir une opposition à sa taille. Il ne serait pas élégant de sa part, pour quelqu’un qui s’est battu pendant un quart de siècle pour la démocratie, de faire fi des contestations grandissantes. Si tant est qu’il croit en son bon droit de se représenter et de laisser arbitrer les juges, rien ne l’en empêche, mais personne ne peut imaginer la tournure que cela peut prendre, quelle qu’en soit l’issue. Si en revanche il craint pour la stabilité du pays, qu’il a confiance en son capital électoral, et qu’il doute de l’orientation que prendra la décision des sages, rien ne l’empêche non plus de convoquer le peuple à un référendum, engageant par là-même sa responsabilité.
Mouhamadou Moustapha Mbengue
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Il est indigne de la part d'un homme de renier sa propre parole, et ça l'est encore plus de la part d'un leader… Wade devrait tourner sa langue un millier de fois dans sa bouche avant de prophérer de telles sottises.
Concernant le manque de bon sens et la débilité politik de Abdoulaye Wade, je ne dirai rien de plus que tt ce qui a déja été dit là dessus. Il n'est plus à prouver ke ce vieux sénile est atteint du syndrôme du pouvoir africain comme ses compères.
Concernant maintenant la question de la constitutionnalité de sa candidature, le moins que l'on puisse dire c'est que en bon juriste Abdoulaye Wade utilise à son profit une faille et une brèche juridique due à une mauvaise rédaction de la constitution. On peut comprendre la légitimité de ttes les critiques proférées à l'encontre de cette attitude, mais on ne peut nier que ces dispositions constitutionnelles peuvent conduire à ttes les interprétations juridiks possibles. Et ki sait ke toute disposition législative ou constitutionnelle est faite pour être interpretée selon les réalités et les circonstances temporelles, on doit dès lors accepter la légitimité de la requête de Wade estimant que la Constitution n'est pas assez explicite sur l'interdiction de sa candidature, aussi fumeuse ke puisse être cette approche politik.
Mais après tt, ayons foi en la qualité et au professionnalisme des garants du texte incriminé et laissons le conseil constitutionnelle dire le droit
Notons tout de même qu'à travers cette question on comprend que la solidité institutionnelle de tte nation réside en la clarté et la qualité de ses textes fondateurs