Macky Sall, un an après: une diplomatie qui retrouve des couleurs

thumbnailMacky Sall mouhamed 6La première année de Macky Sall tarde à promettre de réelles avancées au plan économique tellement l’horizon proposé semble plus que confus. Il y a trois jours, Moustapha Mbengue mettait à nu la cacophonie politicienne(1) qui barrait les Unes de la presse dakaroise, marquant ainsi les difficultés auxquelles faisait face Macky Sall dans l’exercice de ses fonctions.

Mais dans cet océan d’incertitudes où les bravades à l’encontre des anciens pontes du régime d’Aboulaye Wade côtoient les conjectures sur les prochaines échéances régionales, municipales, et rurales, la diplomatie semble être le seul domaine où les succès sont incontestables.
Si la diplomatie est un domaine réservé du Chef de l’Etat, le choix porté sur les hommes qui mettent en œuvre une politique étrangère est essentiel dans la déclinaison d’une vision et d’une ambition pour un pays. 

Et à ce propos, Macky Sall a fait de bons choix. D’abord avec Alioune Badara Cissé, personnage baroque, haut en couleurs et numéro deux du parti au pouvoir avec lequel le président s’est séparé au bout de 6 mois. Ensuite, avec celui qui trône actuellement à la Place de l’indépendance : le secret et expérimenté Mankeur Ndiaye, diplomate de carrière, ancien Directeur de Cabinet pendant 10 ans de Cheikh Tidiane Gadio qui a été nommé au poste prestigieux d’Ambassadeur à Paris, après la victoire du 25 mars 2012.
Ces deux hommes, chacun en ce qui le concerne, ont conduit de manière efficiente une diplomatie que Wade avait fini de rendre inaudible avec des déclarations et des rodomontades aussi inopportunes que puériles.

On peut mettre au bilan de cette première année de mandat de Macky Sall, l’obtention de l’organisation du prochain Sommet de la Francophonie en novembre 2014. Au-delà d’un juste retour aux sources pour un pays qui, avec Senghor, a été à l’avant-garde du combat francophone, ce sommet servira à célébrer la sortie de la scène internationale d’Abdou Diouf, Secrétaire général de l’OIF. 

Le Sénégal a aussi accueilli de nombreuses visites d’éminents leaders du monde. Cela refait de Dakar une étape importante dans la conduite des affaires internationales et notamment africaines. On se souvient du [contre] discours de Dakar prononcé par François Hollande au Parlement sénégalais qui voulait refonder la relation de la France avec le Continent.

Sur la scène africaine, la visite du Roi du Maroc, pays aux relations séculaires privilégiés avec le Sénégal, vient confirmer une relance jadis prédite de l’axe Dakar-Rabat, après le froid connu ces dernières années suite notamment à la mésentente issue du dossier de la défunte compagnie Air Sénégal International.

Sur Terangaweb, l’on a déjà analysé les réformes(2) entreprises par les nouvelles autorités sénégalaises dans le domaine de la diplomatie. Et la lecture faite plusieurs mois après, confirme que l’intérêt souligné alors pour le raffermissement des liens avec les pays de la sous-région reste constant.
La première sortie de Macky Sall effectuée en Gambie, sa visite récemment en Guinée Conakry et la tenue en février de la 11ème session de la Commission mixte sénégalo-mauritanienne confirment valablement la prééminence d’un discours de proximité et d’une ambition sous-régionale. D’ailleurs, les fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères sénégalais n’appellent pas par hasard la bande frontalière qui entoure le pays « ceinture de sécurité », comme pour montrer l’importance capitale que le pays accorde à l’établissement de relations sûres et solides avec ses voisins frontaliers. Le péril djihadiste qui infecte le Sahel confirme encore plus la pertinence d’un tel choix.

Il s’y ajoute la visite d’amitié et de travail que le président par intérim du Mali vient d’effectuer à Dakar deux jours durant, confirmant ainsi la place centrale que le Sénégal doit occuper dans le conflit malien. Il convient de rappeler que l’envoi uniquement de 500 soldats par Dakar a été jugé insuffisant voire peu ambitieux eu égard au vécu des deux pays qui sont partis à l’indépendance ensemble dans le cadre de la Fédération du Mali.

Néanmoins, si Wade a symbolisé jusqu’à la caricature les relations privilégiées avec l’Asie, notamment la Chine, les monarchies pétrolières du Golfe et même la…Corée du Nord, les tenants actuels du pouvoir semblent plus prudents concernant les interactions fréquentes et proches avec cette région. Il y eut juste la visite, il y a une semaine, du président Michel Sleiman du Liban et le rétablissement (pour le moment prudent) des relations diplomatiques avec l’Iran après leur rupture fracassante sur fond de livraison d’armes aux maquisards du MFDC.

Outre-Atlantique, au plan du symbole, le numéro un sénégalais sera reçu par Barack Obama, le 28 mars prochain. Il convient de rappeler qu’Abdoulaye Wade avait couru des années durant derrière un tête-à-tête avec le Président américain. Dans cette course toujours insatiable vers les honneurs et la gloire, Wade s’était attaché en vain les services d’intermédiaires et de lobbyistes apparemment inefficaces voire véreux.
Cependant, à coté du satisfecit béat que décline le camp du pouvoir sur ce prochain « événement », une lecture attentive permet rapidement de montrer que cette audience entre Sall et Obama ne saurait être surprenante après le discours très élogieux tenu par l’ancienne Secrétaire d’Etat Clinton à l’université de Dakar où le modèle démocratique sénégalais a été célébré et encouragé.

Mais au-delà de la résurgence diplomatique indéniable, est-il certain que des résultats au plan économique seront tirés ? La question est pertinente compte tenu de la faible compétence des diplomates sénégalais sur les questions économiques, celles liées à la promotion des investissements étrangers, la promotion touristique et la stimulation dans leurs pays d’accueil des exportations du pays.
Le plus grand risque que coure la diplomatie sénégalaise est de rester dans le symbole et de ne point faire en sorte que le pays tire profit de sa notoriété internationale portée par une stabilité politique et une démocratie exemplaire en Afrique. Le débat aujourd’hui est à l’émergence économique, et les Affaires étrangères doivent servir à aiguiller l’ambition pour le développement. 

Hamidou Anne

1 http://terangaweb.com/macky-sall-un-an-apres-le-temps-des-cafouillages/

2 http://terangaweb.com/la-diplomatie-senegalaise-a-lheure-de-la-reforme/

Dakar et ses discours…

Senghor, le pape Jean Paul II, De Gaulle, Malraux, Kadhafi, Sarkozy…Avant le discours de la Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton le 2 août dernier à Dakar, la capitale sénégalaise a vu, accueilli et écouté, au cours du demi siècle écoulé, nombre de personnalités qui par les paroles et les actes ont livré des visions différentes du continent en rapport avec sa culture, son histoire, son développement, son avenir…

1958 : De Gaulle et l’indépendance

« Je veux dire un mot d'abord aux porteurs de pancartes. Voici ce mot : s'ils veulent l'indépendance à leur façon, qu'ils la prennent (…) Mais s'ils ne la prennent pas, alors, qu'ils fassent ce que la France leur propose : la communauté franco-africaine ». Charles de Gaulle, en campagne dans les colonies françaises d’Afrique noire pour les convaincre de ne pas aller dans le sens d’une indépendance totale vis-à-vis de la France, s’exprimait ainsi avec un brin d’énervement devant l’accueil réservé par les dakarois. Ayant effectué les étapes précédentes, ivoirienne et congolaise notamment, sans la moindre anicroche, il est surpris par cette foule constituée majoritairement de jeunes qui, à travers des pancartes portées fièrement, exigent une accession immédiate à l’indépendance. Le général tout à son énervement, les met au défi de la prendre. C’est un tournant dans ce périple qui s’annonçait sous les meilleurs auspices. A l’étape suivante, celle de la Guinée, il est accueilli contrairement à Senghor et Mamadou Dia absents à Dakar, par Sékou Touré lui-même qui a décidé de le prendre au mot en lui annonçant que l’indépendance, la Guinée avait décidé de la prendre. Les autres pays suivront un à un pour ce qui sonnera la fin de l’idée de communauté si chère à De Gaulle.

1966 : Malraux et l’art africain

 « Nous voici donc dans l'histoire. Pour la première fois, un chef d'État prend en ses mains périssables le destin spirituel d'un continent. Jamais il n'était arrivé, ni en Europe, ni en Asie, ni en Amérique, qu'un chef d'État dise de l'avenir de l'esprit : nous allons, ensemble, tenter de le fixer ». André Malraux parlait en ces termes de son ami le président Léopold Sédar Senghor  qui avait décidé d’organiser le premier festival mondial des arts nègres dans le dessein de montrer à la face du monde l’apport de la culture africaine au patrimoine de l’humanité. L’écrivain et homme politique français y parla de danse, de musique et de sculpture, le plus grand des arts africains selon lui, avant une réflexion poussée sur la culture, la diversité des connaissances, les émotions, la liberté et les transformations sociales. Il termina par un constat suivi d’une prière très actuelle : « l'Afrique est assez forte pour créer son propre domaine culturel, celui du présent et du passé, à la seule condition qu'elle ose le tenter (…) Puisse l’Afrique conquérir sa liberté »

1980 : Senghor et le pouvoir

 « Sénégalaises, sénégalais(…) je suis venu vous présenter mes vœux et vous faire mes adieux ». Le discours à la nation du président Senghor  du 31 Décembre 1980 a été incontestablement un moment charnière dans l’histoire politique et l’histoire tout court du Sénégal. Il fut aussi à n’en pas douter un grand moment à l’échelle du continent. En effet, dans une Afrique de partis uniques, de leaders s’éternisant au pouvoir et de coups d’Etat, un président décide de s’en aller de son plein gré pour passer le témoin à une génération plus jeune. Bien sûr, il y a beaucoup à redire sur le mode de transmission du pouvoir à Abdou Diouf par le biais de l’article 35 de la constitution sénégalaise, mais il n’en demeure pas moins que par cet acte Senghor créait un heureux précédent et administrait une leçon à beaucoup de ses pairs qui s’accrochaient à leur fauteuil souvent malgré une impopularité grandissante et un bilan économique calamiteux.

1992 : Jean Paul II et la traite des noirs

 Après avoir visité la maison des esclaves de l’île de Gorée, lieu chargé d’histoire, le Pape Jean Paul II s’exprimait en ces termes : « je vous fais part de ma vive émotion, de l’émotion que l’on éprouve dans un lieu comme celui-ci, profondément marqué par les incohérences du cœur humain, théâtre d’un éternel combat entre la lumière et les ténèbres, entre le bien et le mal, entre la grâce et le péché. Gorée, symbole de la venue de l’Évangile de liberté, est aussi, hélas, le symbole de l’effroyable égarement de ceux qui ont réduit en esclavage des frères et des sœurs auxquels était destiné l’Évangile de liberté ». Il continuait son discours : « Pendant toute une période de l’histoire du continent africain, des hommes, des femmes et des enfants noirs ont été amenés sur ce sol étroit, arrachés à leur terre, séparés de leurs proches, pour y être vendus comme des marchandises ». Avant d’ajouter : « Il convient que soit confessé en toute vérité et humilité ce péché de l’homme contre l’homme, ce péché de l’homme contre Dieu (… ) De ce sanctuaire africain de la douleur noire, nous implorons le pardon du ciel ».

Un moment historique et des paroles à méditer venant d’un ami de l’Afrique qui n’a cessé, sa vie durant, d’œuvrer pour la concorde et la solidarité entre les peuples.

2006 : Kadhafi et la présidence à vie

Le 4 avril 2006, soit un quart de siècle après le renoncement de Senghor au pouvoir, Mouammar Kadhafi invité d’honneur du président Wade à la célébration de l’indépendance du Sénégal déclarait ceci après le défilé : « Les sénégalais doivent élire le président Wade à vie », devant une assistance médusée et un Abdoulaye Wade ravi. Ironie de l’histoire, c’est ce même Abdoulaye Wade qui, cinq ans plus tard, escorté par des avions de chasse de l’armée française, se déplace jusqu’à Benghazi, fief de la rébellion anti-Kadhafi, pour demander au Guide de la Jamahiriya « les yeux dans les yeux » de partir. Quelques mois après la chute violente de ce dernier, il quittera lui aussi du pouvoir, mais par les urnes. Comme quoi la présidence à vie est plus facile à théoriser qu’à réaliser.

2007 : Sarkozy et l’homme africain

« Le drame de l’Afrique c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », la phrase choc de quarante minutes de discours au cours desquels Sarkozy a fait la leçon aux gouvernants africains, parfois à raison, s’est perdu dans des conjectures sur l’histoire du continent et n’a pas une seule fois cité son ‘’hôte’’ Cheikh Anta Diop dont l’université qui abrite ce grand moment d’incompréhension historique porte le nom. Attitude somme toute compréhensible car un bref coup d’œil sur l’œuvre de l’auteur de Nations nègres et culture est suffisant pour battre en brèche toute cette théorie adossée aux thèses Voltairiennes et Hégéliennes considérant le nègre, l’africain noir comme un sous homme. Thèses nourrissant une histoire africaine falsifiée, contre lesquelles Cheikh Anta Diop s’est battu sa vie durant.

Beaucoup d’intellectuels africains ont par la suite écrit pour tenter de remettre les choses à l’endroit. Henry Guaino quant à lui, désigné comme étant le rédacteur de ce qui est communément appelé : le discours de Dakar, affirmait récemment sur la chaîne France 24 que l’histoire était sujette à interprétation et que chacun décide arbitrairement de considérer l’interprétation qu’il juge convaincante. Tout est dit.

2012 : Hillary Clinton et le développement

Après avoir rendu hommage à la démocratie sénégalaise considérée par les Etats Unis, selon elle, comme un modèle en Afrique, Hillary Clinton a axé son speech sur le développement. Résumant son propos, elle déclarera que l’Afrique : « a besoin de partenariats et non de parrainages ». Le constat est qu’entre la communauté de De Gaulle et les concepts de partenariat ou de parrainage utilisés par Clinton il n’y a pas une grande différence. Pourtant plus de cinquante ans et beaucoup de choses se sont passées entre les deux discours  mais l’Afrique en est encore à se faire dire comment gérer son présent et aborder son avenir par d’autres qui, désignés par le nom de partenaires ou celui de parrains, gèrent d’abord et surtout leurs propres intérêts.  

Prendre l’indépendance, pour paraphraser De Gaulle, c’est surtout refuser de se faire dicter sa conduite même amicalement et tracer sa propre voie en toute responsabilité.

 

Racine DEMBA

 

 

La diplomatie sénégalaise à l’heure de la réforme

Un peu plus de 100 jours après sa prise de fonction, le ministre des Affaires Etrangères Sénégalais, Alioune Badara Cissé, a confirmé la réorientation de la diplomatie sénégalaise, qui aurait souffert d'incohérence dans sa gestion et ses orientations durant le dernier mandat d'Abdoulaye Wade. Il s'agit toutefois de réformes qui s'inscrivent dans une certaine continuité, le Sénégal ayant réussit à préserver certains de ses fondamentaux même sous Abdoulaye Wade : une voix qui continue de porter en Afrique, une présence dans les grands fora internationaux et l’organisation de grands rendez-vous internationaux comme le Sommet de l’Organisation de Coopération Islamique (OCI) en 2008. Mais l’on a aussi assisté à une diplomatie du spectacle marquée par une ouverture tous azimuts d’ambassades et de consulats, de sorties parfois malencontreuses et une certaine flexion sur les questions liées à la défense et la préservation des Droits de l’homme.

L’ouverture de certaines ambassades en Asie a permis de diversifier les partenaires du Sénégal. Le rétablissement des relations diplomatiques avec la République Populaire et Démocratique de Chine a aussi été une nécessité diplomatique. Néanmoins, l’érection de certaines chancelleries n’obéissait pas aux critères de bonne gestion de finances publiques quasi exsangues. Le Sénégal a connu une décennie difficile où plusieurs de ses indicateurs macroéconomiques étaient dans le rouge. Nonobstant ce fait, la conduite de la diplomatie n’a toujours pas répondu à une gestion rigoureuse basée sur des études sérieuses d’opportunité.

Il s’y ajoutait le caractère inopportun de la création d’un Ministère des Sénégalais de l’Extérieur, comme si l’on pouvait valablement séparer les aspects consulaires de la pratique diplomatique. Il s’est posé une sorte d’amputation des prérogatives du Ministère des affaires étrangères au profit d’une autre entité dont l’existence répondait à des règles en déphasage avec une gestion publique orthodoxe. Les nouvelles autorités, en revenant au principe d’un Département intégrant les Affaires étrangères et les Sénégalais de l’Extérieur, ont très vite corrigé le tir. Et le ministre occupant le premier rang protocolaire dans le gouvernement montre l'importance stratégique que revêt la diplomatie au sein du gouvernement pour les prochaines années.

L’arrivée au pouvoir du Président Macky Sall a coïncidé aussi avec l’imbrication des enjeux dans la sous région. Le terrorisme islamiste n’a jamais été aussi proche des frontières sénégalaises. Le réchauffement climatique menace les équilibres climatiques et la Casamance demeure encore une plaie béante qui tarde à être guérie. D’où certainement la décision pertinente de concentrer les efforts du Sénégal à la mise en œuvre d’une diplomatie sous régionale efficace axée sur le rapport de bon voisinage. C’est ainsi que doit être compris la première sortie du Chef de l’Etat consacrée à la Gambie. Mais l’ambition de faire de l'Afrique de l'Ouest et des pays frontaliers une priorité diplomatique ne doit point signifier un manque d’ambition et de vision à long terme. Les enjeux du monde actuel marqué par l’interconnexion des intelligences et des réseaux d’influence commandent aussi d’avoir un regard plus qu’attentif sur ce qui se passe en Europe de l’Ouest et aux USA où vivent de nombreux Sénégalais. Le Sénégal ne peut non plus détourner les yeux de ce qui se passe en Asie avec des puissances comme la Chine et l’Inde dont les partenariats sont assez soutenus avec le Sénégal. Les pays du Maghreb et du Mashreq aussi nécessitent une attention particulière notamment à l’ère de la convalescence post « printemps arabe » et du drame actuel syrien.

Concilier l'absence de moyens à la stratégie d'influence

La diplomatie c’est d’abord de l’influence, qui doit être étendue malgré la petitesse des moyens du pays. Et pour influencer, il faut impérativement être présent là où sont discutés et tranchés les grands problèmes du monde. Cet écueil est difficile à surmonter pour les pays en développement. Il s’agit en effet de concilier absence de moyens significatifs (maigres ressources financières, insuffisance de personnel compétent et faible présence dans certaines zones géographiques) et volonté de peser dans les instances internationales en sachant que la diplomatie est une question de rapport de forces et de jeu d’intérêt.

Ainsi, la rupture décrétée par les nouvelles autorités sénégalaises est intéressante à analyser à l’aune de leur ambition de recouvrer la place qui fût celle du Sénégal au sein du concert des nations. La situation économique difficile impose une réduction drastique des dépenses dans plusieurs segments de l’Etat. Au tout début, le dégraissage a concerné le nombre de ministres (limité à 25) ainsi que la suppression de plusieurs structures étatiques qui faisaient doublon avec l’administration classique. Dans cette « purge », la diplomatie n’a pas été épargnée car plusieurs missions diplomatiques et consulaires ont été fermées dans un souci d’économie. En outre, il a été décidé de finir avec le recrutement ou l’envoi d’un personnel pléthorique dans les ambassades et consulats qui étaient en déphasage avec l’ambition d’une diplomatie efficiente.

A la maitrise décrétée et salutaire des moyens financiers, humains et matériels s’allie un nouveau management public axé sur le résultat. Pour ce faire, des outils ont été déclinés pour atteindre les ambitions diplomatiques. Toutefois, la question se pose qui reste légitime : peut-on faire mieux avec moins ? Elle a été déjà posée en France notamment quand la droite au pouvoir a mis en œuvre la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) dont la mesure la plus célèbre fut le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux pour tailler dans les effectifs de la fonction publique. A cette question, la réponse pourrait être toute simple. Le Sénégal a plus rayonné dans le monde quand il possédait moins d’ambassades. Il convient de rappeler que nous présidons le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien depuis 1975, sans oublier nos présences au Conseil de Sécurité de l’ONU, l’organisation du sommet de l’OCI de 1992, la présence massive de nos soldats dans les organisations de maintien de la paix… En somme, si le Sénégal est considéré comme une « petite grande puissance », c’est grâce à sa longue tradition de pays de négociation, d’ouverture, de paix, de tolérance et grâce à sa capacité à fournir des diplomates chevronnés dont certains ont dirigé ou dirigent encore des organisations multilatérales (Abdoul Karim Gaye, Jacques Diouf, Abdou Diouf…)

Le Sénégal est de retour donc. Que fera t-il ? L’avenir nous édifiera.

 

Hamidou Anne