Comment réussir une campagne de crowdfunding ?

Le crowdfunding est une des solutions à la disposition des entrepreneurs pour lancer leur projet, et nombre d’entre eux s’essayent à cet exercice pour lever leurs premiers millions de CFA. A priori, le principe est simple : on choisit une plateforme de crowdfunding, on y décrit son projet, on fixe un montant à collecter et la durée de la campagne, on choisit les contreparties à proposer aux donateurs et on lance la campagne !

Mais tous les entrepreneurs qui ont mené une campagne de crowdfunding vous le diront : en réalité, c’est beaucoup plus compliqué qu’on ne l’aurait cru. En effet, animer une campagne de financement ne s’improvise pas et peut être très chronophage. Voici donc un certain nombre de conseils qui peuvent vous aider à mieux gérer votre campagne.

 

1. BIEN CHOISIR SA PLATEFORME

Il existe de très nombreuses plateformes de crowdfunding. Pour choisir la bonne, il faut tout d’abord trouver celle qui VOUS ressemble. Certaines plateformes sont spécialisées dans les projets innovants, d’autres sur les projets sociaux, d’autres encore sur les projets dans les pays en développement … 

Ensuite, il est important de connaitre la cible de la plateforme : qui navigue sur cette plateforme ? Qui a l’habitude d’y donner des fonds ? Ce sera notamment l’occasion de sélectionner une plateforme anglophone ou francophone. Pour se faire une idée, naviguez sur la plateforme pour connaitre les projets proposés, suivez leur page Facebook et le compte Twitter, vérifiez les moyens de paiement proposés …

Enfin, certaines plateformes sont spécialisées dans les campagnes de prêt, d’autres de dons et d’autres plus récemment d’equity. Les montants demandés sont différents, les cibles le sont également ainsi que les messages à transmettre et la manière de communiquer.

EXEMPLE: LES PLATEFORMES FRANCAISES

 

2. BIEN DEFINIR LE MONTANT RECHERCHE, LA DUREE DE LA CAMPAGNE ET LES CONTREPARTIES

Une campagne de crowdfunding doit être ambitieuse mais réaliste. Tout d’abord le montant : choisissez un montant qui ne soit pas trop élevé et surtout, qui corresponde à un besoin concret. Lorsque vous demandez de l’argent à des prêteurs ou des donateurs, il est plus facile de communiquer sur l’achat d’une machine ou d’un outil plutôt que sur des « frais de fonctionnement ». Si vous voulez que vos donateurs se sentent impliqués dans votre aventure, permettez-leur de voir concrètement à quoi servira leur don.

Ensuite, ne vous trompez pas sur la durée de la campagne. Une campagne trop longue ennuiera les gens autour de vous (et vous fatiguera). Gardez à l’esprit que les dons ont principalement lieu au début et à la fin de la campagne : étaler une campagne n’a donc pas forcément de grand impact sur le résultat final. Cependant, laissez-vous suffisamment de temps pour réussir votre campagne. N’hésitez pas à vous inspirer des autres projets postés sur la plateforme de crowdfunding.

Enfin, dernier point : les contreparties. Chaque donateur a droit à une contrepartie, en fonction du montant donné. Choisissez des contreparties qui ne vous couteront pas trop cher (les résultats de la campagne ne doivent pas être annulés par le cout de production et d’envoi des contreparties !) et qui ont un rapport avec votre projet. En contribuant à votre campagne, les donateurs intègrent votre communauté : votre contrepartie en est la preuve.

Ayez à l’esprit qu’un donateur ne donne pas dans l’objectif de recevoir une belle contrepartie mais plutôt pour participer à un projet qui lui plait. Les contreparties les plus simples sont des exemples des produits que vous vendez, ou un accès privilégié aux services que vous proposez. Mais vous pouvez être plus originaux en organisant des évènements spécifiquement pour les donateurs, ou en les mettant en valeur sur divers supports. 

Identifier ses cercles de donateurs

On peut classer les donateurs autour de vous en 3 cercles, dont vous êtes le centre. Plus votre campagne est ambitieuse, plus vous devez aller toucher les cercles éloignés.

1er cercle : il s’agit de vos amis et familles. Ils seront vos premiers donateurs.

2ème cercle : il s’agit des amis de vos amis et de votre famille.

3ème cercle : ce sont les personnes au-delà des deux premiers cercles.

 

3. S'ORGANISER EN AMONT

Avant de lancer votre campagne, il vous faudra préparer un certain nombre de choses pour ne pas être pris au dépourvu le jour venu :

  • Les textes de présentation de votre projet, et de ce que vous voulez financer grâce à cette campagne.
  • La vidéo de promotion, indispensable pour introduire la page de votre campagne. Elle peut présenter votre projet ou la raison de votre campagne de financement
  • La liste mail des personnes auprès de qui vous diffuserez l’information. Cette liste est précieuse et vous permettra de diffuser des mails à intervalles réguliers pour solliciter les donateurs. Vous pouvez faire des « catégories de donateurs », à qui vous envoyez ds messages spécifiques ( « amis / famille », « relations professionnelles 1 », « relations professionnelles 2 » etc.)
  • Les mails à envoyer aux différents groupes de donateurs que vous ciblerez. Cela parait peu mais … préparer les mails à envoyer en amont vous fera gagner un temps précieux.
  • Les visuels que vous publierez sur les réseaux sociaux au moment des « paliers symboliques » franchis pour animer la campagne
  • Le communiqué de presse à diffuser aux journalistes
  • La liste des blogs et sites web qui pourraient relayer votre campagne (en lien avec votre activité donc)
  • Le calendrier précis des différentes choses à faire

 

4. COMMUNIQUER DE MANIERE METHODIQUE

Ca y est ! La campagne est lancée ! Vous avez 20, 30 ou 40 jours pour récolter votre argent ou tout sera perdu. Pour atteindre votre objectif, soyez organisé :

  • Le temps : Comptez au moins 2h par jour à consacrer à l’avancement de votre cagnotte.
  • Les réseaux sociaux : ils sont utiles pour diffuser l’information, mais ils génèrent finalement peu de dons. Les mails et approches personnalisés sont plus efficaces car plus ciblés. 
  • Les ambassadeurs : vous pouvez vous entourer de personnes de confiance ! Identifiez 10 ou 15 personnes très proches du projet et proposez-leur une mission : trouver chacun 15 donateurs pour la campagne. N’oubliez pas de mettre en valeur ces « ambassadeurs » dans vos éléments de communication.
  • La presse : elle est essentielle, surtout si votre objectif chiffré est important. C’est elle qui vous permettra de toucher le 3ème cercle et donc de dépasser vos proches. Comment toucher la presse ? Faites une liste de contacts journalistiques et envoyez leur le communiqué de presse annonçant le lancement de la campagne. Vous pouvez également contacter un certain nombre de journalistes via les  réseaux sociaux.

Il n’y a pas de recette miracle bien sur. Mais ces points sont les fondamentaux pour mener à bien votre campagne. Une fois que vous avez atteint votre cagnotte et que la campagne est terminée, il ne vous reste plus qu’à remercier vos donateurs et à préparer leurs contreparties. Vous disposez désormais d’une communauté de sympathisants qui ont contribué au lancement de votre projet !

Pensez à informer régulièrement cette communauté de vos avancées, notamment lors de l’utilisation précise de leurs fonds. Vous vous rendrez rapidement compte que cette communauté est certainement plus précieuse que la cagnotte elle-même. C’est bien là la plus value des plateformes de crowdfunding qui créent plus de liens qu’aucune banque ne pourra le faire !

 

Lisa Barutel

Yannick Ebibié, ONE Gabon et les enjeux du crowdfunding en Afrique

yannick ebibiéYannick Ebibié est le président de l’association One Gabon, qui promeut la culture de l’entreprenariat et soutient des entrepreneurs dans leur montage de projet et leur recherche de financement au Gabon. Il se confie aux lecteurs de Terangaweb – l’Afrique des idées sur l’action de son association et sa lecture des potentialités qu’offre le financement participatif – crowdfunding en anglais – pour les entrepreneurs africains. 

Bonjour Yannick, peux-tu présenter ton parcours à nos lecteurs ?

Bonjour, je suis Yannick Ebibié, de nationalité gabonaise,  j’ai 32 ans et je suis marié. J’ai fait toute ma scolarité jusqu’au bac au Gabon, après quoi je suis parti en France, à Lyon, pendant deux ans au CEFAM (centre franco-américain de management), qui est une école préparatoire pour aller ensuite dans les universités américaines. Suite à cela, je suis parti aux Etats-Unis, à Philadelphie, rejoindre la Temple University, où j’ai obtenu un bachelor en business administration, spécialité entreprenariat. En parallèle, j’ai poursuivi un master en marketing international. Après une expérience professionnelle de quelques années, j’ai repris mes études en 2011 pour passer un master en ingénierie des processus, à Centrale Paris. Voilà pour mon profil académique. 

Au niveau professionnel, après mes études aux USA j’ai travaillé pour des institutions faisant de l’accompagnement au financement des PME.  J’ai travaillé pour Madame Jannie Blackwell, élue du 3ème district de Philadelphie (l’équivalent d’un maire d’arrondissement), notamment sur la question des immigrés et de l’entreprenariat : comment les aider à monter des business. Ensuite, j’ai rejoint l’agence de développement économique de la ville de Philadelphie, où j’ai travaillé pendant deux ans. J’ai travaillé à la restructuration de l’agence et à structurer le service d’accompagnement des PME. En 2009, j’ai intégré le cabinet du maire de Philadelphie, avec qui j’ai travaillé pendant trois ans. C’est après cette expérience que je suis retournée en France à Centrale Paris parfaire mes études. Ces expériences américaines ont été pour moi très enrichissantes. 

Après Centrale Paris, j’ai intégré GFI informatique, comme consultant SI, en France. Je suis surtout intervenu dans des missions pour le secteur public et sur des projets européens. En avril 2013, j’ai décidé de rentrer au Gabon, où je travaille comme consultant en management à Performances Group. 

Tu es le président de l’association One Gabon. Peux-tu nous en parler plus précisément ?

One Gabon a été créé en 2010. C’était le fruit d’une réflexion commune avec trois amis : Yann Pambou, Terrence Lindzonzo et Mikael Rogombe. Nous avons un profil assez similaire : nous sommes tous gabonais, nous commencions tous notre carrière aux Etats-Unis. Et nous nous interrogions tous sur comment nous pouvions contribuer au développement du Gabon, avec les ressources que nous avions à l’époque. Notre lecture de la situation c’était, et cela reste, que le secteur privé est sous-développé au Gabon, et qu’il ne peut pas y avoir une dynamique pérenne de croissance et de prospérité sans un secteur privé dynamique et entreprenant. Nous avons donc décidé de nous intéresser au développement du secteur privé et au soutien qu’on pouvait apporter aux PME et aux entrepreneurs. 

Nous souhaitions un projet concret, applicable dès maintenant. C’est ainsi que nous avons créé One Gabon, qui est une plateforme qui donne de l’information, prodigue des conseils et amène à des opportunités de micro-crédits. Du concret ! Comme nous étions à l’étranger, nous avons adopté un modèle de plateforme qui nous permet de travailler à distance avec peu de moyens. One Gabon s’appuie sur les nouvelles technologies pour permettre à n’importe qui, où qu’il soit dans le monde, de diffuser de l’information, de faire du micro-crédit, ou du mécénat professionnel, à partir de chez lui, en direction du Gabon. La mission que nous nous sommes fixée, c’est de participer à renforcer le secteur privé, à promouvoir l’entrepreneuriat, en commençant par le Gabon, mais avec l’objectif de faire de même dans l’ensemble des pays en voie de développement. Parce que le développement du Gabon est lié à celui de l’ensemble de ces pays. 

ONE-GabonAujourd’hui, One Gabon, c’est une communauté d’un peu plus de 600 personnes qui échangent leurs best practice, qui partagent de l’info sur l’actualité des affaires. Le contenu de notre page facebook peut atteindre une audiance de 150 000 personnes par semaine. A côté de ça, sur la plateforme de financement participatif kiva.org, nous avons soutenu le financement de 20 entrepreneurs en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Ces financements ont concerné des coopératives agricoles au Sénégal et au Congo, ou un garagiste au Cameroun par exemple. Enfin, ponctuellement, nous faisons du conseil pour des organisations intéressées à s’implanter au Gabon. Cela a été le cas avec Mezzo crédit par exemple. 

Que dire d’autre ? L’association est enregistrée dans l’Etat de New York. L’équipe de gestion est répartie un peu partout dans le monde : Sean Massenburg, chargé du micro-crédit, se trouve en Corée du Sud ; Mikael Rogombé, en charge des questions administratives, se trouve à New York ; Marysianne Greffeuille qui anime la communauté en ligne se trouve à Paris ; Terrence qui gère l’infographie est à Philadelphie et moi-même je me trouve actuellement à Libreville. Yann Pambou est à New-York et fait le suivi de projets. 

Notre premier objectif était d’avoir une bonne communauté en ligne, c’est chose faite maintenant. La prochaine étape pour nous, c’est d’être de plus en plus présent dans les forums internationaux pour parler du Gabon et de l’entrepreneuriat. Au mois de juin, nous allons d’ailleurs participer au New York Forum – Africa à Libreville du 14 au 16 Juin 2013 pour présenter le rôle que peut avoir le financement participatif pour les PME au Gabon. 

Au sujet du financement participatif, quels sont les enjeux économiques et sociaux qu’il y a derrière ?

Le financement participatif, crowdfunding en anglais, donne le pouvoir à la masse pour réaliser des choses. C’est la transcription au niveau de la finance de l’idéal participatif que l’on retrouve en politique, et dont on a pu voir une concrétisation récente avec la procédure ayant créé une nouvelle constitution en Islande. Au niveau de la finance, il existe désormais des plateformes sur internet qui permettent à n’importe qui de financer les projets qu’il souhaite (kiva.org ; kickstarter ; babyloan). Le modèle a déjà prouvé son efficacité dans beaucoup de pays. 

Le principe, c’est qu’un entrepreneur qui a besoin d’un prêt va voir une institution de micro-crédit, laquelle, après avoir qualifié l’entrepreneur, va lui créer son profil sur une plateforme, et n’importe qui dans le monde peut décider d’aider cet entrepreneur à réunir l’apport personnel du financement, la contribution pouvant être aussi petite que 25 dollars. En bref, il s’agit d’utiliser des plateformes de réseaux sociaux pour soutenir un projet ou une idée. Au titre des succes stories, on peut citer la chanteuse Irma qui a financé l’enregistrement de son album grâce au crowdfunding et aux centaines d’individus qui ont cru en son talent !

Yes you canIl y a des modèles de financement différents suivant les plateformes. Sur certaines, ce sont des prêts avec intérêts. Pour Kiva  et ONE Gabon, tu donnes de l’argent, qui te sera remboursé progressivement, sans intérêt. Kickstarter est plus dans le don. De manière générale, je pense que ce nouveau procédé, rendu possible grâce à la technologie et aux nouveaux réseaux virtuels, représente une opportunité très important dont beaucoup d’Africains pourraient profiter. Au sein de notre association, nous souhaitons étudier la question pour comprendre quels sont les freins au développement du financement participatif au Gabon. Une première observation, c’est que souvent les institutions de micro-finance ne parviennent pas à atteindre les standards exigés par les plateformes tels que Kiva. Il y a donc sans doute un travail à mener pour mieux accompagner les différentes acteurs engagés dans le microfinancement, et sans doute faire évoluer le cadre réglementaire qui entoure ce secteur. 

Pour conclure, quels sont tes projets pour les mois à venir ?

Collectivement, à ONE Gabon,  notre stratégie c’est de participer de plus en plus à des forums internationaux pour gagner en visibilité. Notre deuxième objectif, c’est d’installer le crowdfunding dans la sphère de financement des entreprises au Gabon. Enfin, troisième objectif, on aimerait renforcer nos partenariats avec d’autres organisations travaillant sur des missions similaires en Afrique. 

A titre personnel, je souhaite continuer à travailler sur le sujet de l’entrepreneuriat et voir un jour notre vision se réaliser : que le secteur privé soit le fournisseur d’emploi N°1 au Gabon !  C’est important parce que tous les pays où il y a de l’emploi, c’est parce que le secteur privé est dynamique. Cela permettrait de diversifier l’économie, de faire reculer la pauvreté et responsabiliser les gens. 

Enfin, avant de terminer, je souhaite remercier Terangaweb – l’Afrique des idées, je trouve bien qu’il y ait des médias en ligne qui analyse l’actualité sous le prisme de la jeunesse africaine, et j’espère que nous serons amenés à travailler ensemble pour montrer une nouvelle image de l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. 

Entretien réalisé par Emmanuel Leroueil