Où en sont les démocraties en Afrique ?

Historien sénégalais, Mamadou Diouf dirige l’Institute for African Studies à la School of International and Public Affairs de l’université de Columbia (New York). Lors du forum « Réinventer la démocratie » organisé par la République des Idées à Grenoble en mai 2009, il a participé – avec l’anthropologue Jean-Pierre Dozon – à une table-ronde sur « les expériences démocratiques en Afrique », animée par Philippe Bernard, journaliste au Monde. Les deux intervenants ont souligné que, pour bien comprendre les expériences politiques africaines, il est nécessaire de se départir des concepts et des représentations qui informent la vision de la démocratie en Europe. Le vote, souvent considéré comme la procédure démocratique par excellence, a pu être domestiqué par certaines dictatures africaines, jusqu’à devenir un simple rituel électoral dépourvu de toute potentialité d’expression et de contestation pour les peuples qui en font usage. Mais cette domestication ne signifie pas qu’il y ait absence d’expression démocratique. Mamadou Diouf et Jean-Pierre Dozon ont tous les deux attiré l’attention des auditeurs sur l’importance des processus d’indigénisation de la démocratie et du politique à l’œuvre dans les sociétés africaines. Le second a notamment insisté sur le rôle des mouvements religieux, des migrations et des diasporas, et des productions artistiques dans l’énonciation du politique et la mise en forme des conflits et des divisions sociales.

Le vote est-il un outil ou un leurre démocratique en Afrique ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Y a-t-il des exemples où le vote a pu être un instrument efficace de revendication pour les peuples africains ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Quelles sont les autres voies de la politisation et de l’accès à la démocratie dans les pays africains ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Quel est l’impact de la démographie sur les formes de la démocratie en Afrique ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Quel est le rôle des pays européens comme la France dans le processus de démocratisation en Afrique ?


La démocratie en Afrique. Entretien avec Mamadou… par laviedesidees

 

Mohamed Radwan

Il était une fin… le Front Populaire Ivoirien ?

« Ce que je veux savoir avant tout, ce n’est pas si vous avez échoué, mais si vous avez su accepter votre échec ».

Abraham Lincoln

 

Le relativisme qui caractérise nos sociétés modernes affirme que « toute croyance est fragile et que toute interprétation du monde est bonne à être déconstruite ». Dès lors, il induit la multiplication des rapports de forces et des batailles : aucun repère n’est davantage valable qu’un autre, aucun objectif clair ne se dégage, les mots eux-mêmes perdent de leur substance.

En Cote d’Ivoire les mots deviennent de plus en plus vides de sens. L’opposition politique cherche à se réorganiser sur les restes du pouvoir déchu de la Refondation. Les positions tranchées entre les Refondateurs, restés fidèles aux idéaux de la Refondation, et les Refondus, qui se sont laissés enivrés par l’argent et le pouvoir, suscite chez l’observateur un certain nombre de réflexions qu’il convient d’exposer. Le but de la démarche n’est pas tant de prendre position pour un camp contre l’autre, mais plutôt de faire en sorte que les opinions laissent place aux arguments. Le but final de tous étant le même : donner au pouvoir en place une opposition crédible et digne d’elle.

En Côte d’Ivoire la notion d'opposition semble aujourd’hui illusoire pour un FPI qui n’a jamais voulu envisager l’hypothèse d’une défaite électorale et ce même après la décision du panel de l’Union Afrique pourtant réclamé par Gbagbo lui-même. Comment définir alors l’opposition ivoirienne nouvelle ? Quels sont ses caractères ? La réponse du point de vue structurel est simple : elle sera soit réformée et crédible, soit elle sera nostalgique et moribonde. Tout sera fonction de la ligne politique adoptée.

Politique compassionnelle ou politique rationnelle ?

Après le 11 Avril 2011, l’arrestation de Laurent Gbagbo et sa déportation dans le Nord de la Côte d’Ivoire, le FPI s’est retrouvé « couché à même le sol, gisant inerte dans les ruines encore chaudes de la démocratie qu’elle a instauré en Côte d’Ivoire ». Dans l’émoi et la consternation qui se comprend sur le moment, le FPI s’était alors terré dans la clandestinité, dans la peur. En période de bouleversement organisationnel, la frontière entre le passé et l’avenir du parti apparaît plus ténue que jamais d’autant plus que le FPI faisait également face à une désaffectation et un cynisme croissants. Il aura fallu alors le retour d’un homme, Mamadou Koulibaly, pour que le parti de la Refondation reprenne quelque peu des couleurs. Mais c’était sans compter sur l’entêtement et les rancœurs qui minaient encore le parti. « No Gbagbo, no peace » : voilà ce qui semblait dès lors être la ligne politique du FPI. Mais cette façon réductrice de voir la réalité est vraisemblablement vouée à l’échec.

La libération de Gbagbo est-elle vraiment la priorité ? Non, parce que le FPI n’est pas, en ce moment, en position d’exiger quoique ce soit, notamment la libération de Gbagbo. De quels moyens disposent le FPI pour pouvoir exiger cette libération ? Sur quoi compte t-il ? Le rapport de force a changé. Exiger la libération de Gbagbo comme étant une priorité, un préalable à la suite de l’action politique du FPI est absolument contre-productif, tout simplement parce que Ouattara ne le fera pas. Et que fait-on après ? La logique voudrait dans cette hypothèse qu’on s’asseye, qu’on croise les bras, qu’on boude le fonctionnement de l’Etat, qu’on se mette en marge de la construction de la Côte d’Ivoire, tant que Gbagbo ne sera pas libre.

C’est l’une des meilleures voies vers la disparition du parti. Ce scénario arrange plus Ouattara que le FPI ou Gbagbo lui-même. Mais cela ne veut pas dire que la question de la libération de Gbagbo n’est pas importante, elle l’est pour le processus de réconciliation. Le moment serait venu où cette question l’aurait été. La précipitation et l’émotion ne sont pas l’apanage d’une stratégie politique durable et viable. Malheureusement le FPI, malgré les efforts de Koulibaly, n’a pas voulu s’engager dans la voie du changement signant du coup son propre arrêt de mort, allant même jusqu’à refuser l’idée d’un congrès sans Laurent Gbagbo.

Oui le FPI risque fort de mourir parce qu’il n’a plus aucune substance, plus aucun projet que celui de rester assis et attendre le retour prophétique de Gbagbo. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre le parti de la Refondation se limite à cela aujourd’hui, naviguant à vue, sans aucune vision. Le 2 Mai 2010, à la clôture de la Fête de la Liberté organisée par le FPI, Laurent Gbagbo n’avait-il pas lui même affirmé que la vision en politique ne servait à rien, car la politique, dans sa compréhension des choses « c’est mettre le pied droit devant le pied gauche, puis le pied gauche devant le pied droit et ainsi de suite » ?

La naissance du LIDER

Heureusement les idées de liberté et de démocratie sont maintenant sauvegarder avec la création de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER) par Mamadou Koulibaly, qualifiée par  Miaka Ouretto comme « la pièce maitresse du FPI ». Comme Margaret Mead le dit si bien, « ne doutez jamais du fait qu’un petit nombre de gens réfléchis et engagés peuvent changer le monde. En réalité, c’est toujours ce qui s’est passé ».

Le grand défi de LIDER sera donc d’apporter le changement, un changement des objectifs politiques, un changement des instruments qui permettent de concrétiser et de mettre en mouvement l’action de développement, et un changement des cadres institutionnels qui structurent l’action de l’Etat. Les Ivoiriens qui aspirent à autre chose, qui veulent oser une nouvelle voie, peuvent s’y engager avec détermination, courage et humilité. La détermination fait référence à la présence d’une vision claire et articulée des changements à mettre en œuvre, le courage au fait d’aller de l’avant malgré les intérêts qui sont remis en cause et l’humilité renvoie à une conception du rôle du politique comme étant celui qui doit être au service de ceux dont il a la responsabilité. Il faut donc faire évoluer ensemble des Ivoiriens de toutes origines, aux valeurs diversifiées et démontrant une vision différente de l’union. Les nouvelles générations aspirent à la liberté et au bonheur dans le contexte actuel d’incertitude. D’une approche basée davantage sur le compassionnel, il faut aller vers une approche plus rationnelle de l’autorité. Cette caractéristique manque fortement aux nouveaux tenants du FPI qui s’enferment dans des discours vides de sens. Même si les mots sont élégants, l’érosion de leur combat se drape dans l’utilisation de visions à courte vue, sans prendre conscience des dangers que cette attitude génère sur l’existence même du parti.

« La défaite peut se révéler une délicieuse attente quand on sait comment préparer sa revanche » – Cincinnatus.

 

Mohamed Radwan, article initialement paru sur Pensées Noires