L’économie bleue: une opportunité pour assurer une croissance inclusive en Afrique Subsaharienne!

blueDurant ces dernières décennies, les pays  d’Afrique Sub-Saharienne ont enregistré de forts taux de croissance entrainant une croissance moyenne de 5 % dans la région en 2014. Même si l’on note une baisse de ce taux en 2015 due à la chute des prix du pétrole, certains pays tels que la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal continuent d’enregistrer  de belles performances en matière de croissance. Toutefois, malgré ces performances, la plupart des pays d’Afrique Subsaharienne restent minés par des niveaux de pauvreté  et d’inégalités élevés, des systèmes de santé et d’éducation peu performants, ce qui explique  leurs indices  de développement humain (IDH) très bas. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain en 2015, 38 pays sur les 48 que compte l’Afrique Sub-Saharienne sont dans le quatrième et dernier cadrant, soit le cadrant des pays ayant un faible développement humain. On peut attribuer à cette situation, une inexploitation de toutes les potentialités dont disposent les pays africains. Parmi ces potentialités se trouvent celles offertes par les mers, les océans, les lacs, les fleuves et les rivières à travers la pêche, le tourisme, le commerce, la fourniture d’énergie et la production des produits pharmaceutiques qui permettent de créer de la richesse et des emplois. Si le commerce maritime est développé dans les pays côtiers d’Afrique sub-saharienne, la pêche, le tourisme, la production énergétique et la production pharmaceutique restent peu exploités. Cet article revient sur les aspects sous-exploités de l'économie bleue en Afrique subsaharienne et qui présentent un fort potentiel de croissance économique pour la région.

Tourisme : un secteur à forte recette mais très peu exploité par les pays de l’Afrique sub-saharienne

Selon l’Organisation mondiale du tourisme, les recettes mondiales du tourisme ont atteint 1500 milliards d’USD en 2014  dont  221 milliards d’USD de recettes de transports de voyageurs et 1245 milliards d’USD de dépenses des visiteurs en hébergement, repas et boissons, loisirs, achats et autres biens et services. Cela offre une très grande opportunité en termes d’emplois directs surtout pour la jeunesse.  Cependant, bien que les recettes mondiales du tourisme  soient élevées, l’Afrique n’en tire que 3 %, soit donc moins de 3 % pour l’Afrique Subsaharienne. Ce faible taux de recettes liées au tourisme est dû à un manque de politique d’envergure pour accroître les recettes du secteur touristique. Cette insuffisance de politique est caractérisée par des plages très peu aménagées et développées, une insuffisance d’infrastructures, un manque de promotion des sites touristiques et très souvent une forte instabilité politique.  Si les pays africains au Sud du Sahara, à travers les potentialités de tourisme qu’offrent les mers, peuvent améliorer leur secteur touristique et obtenir au moins 10 % de la part des recettes mondiales du tourisme, soit donc 150 milliards de dollars, alors ils pourront disposer de ressources supplémentaires pour financer des projets de développement.

Pêche et aquaculture : une faible production africaine dans la production mondiale

Le rapport de la FAO sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture de 2016 montre que le poisson continue de faire partir des produits de base les plus échangés dans le monde et que plus de la moitié des exportations en valeur proviennent des pays en développement. Cependant, la production aquacole marine et côtière de l’Afrique en 2014 n’a été que de 0,2 % (FAO, 2014), ce qui donne un chiffre moins que cela pour l’Afrique Sub-Saharienne. Quand on sait que l’Afrique dispose d’une zone maritime de 13 millions de kilomètres carré sur sa juridiction, on peut se demander pourquoi la production de l’Afrique est ci-basse. L’importance de la pêche et de l’aquaculture dans la transformation économique des pays d’Afrique Sub-Saharienne vers des économies inclusives réside dans leur capacité à créer des emplois directs surtout pour des populations défavorisées. Par exemple en Ile Maurice, le secteur de la pêche a permis de créer 29400 emplois en 2014 selon la FAO.  Il n’y a aucun doute que la pêche et l’aquaculture ont joué un rôle important dans l’essor économique des pays asiatiques durant ces dernières décennies. La preuve est qu’en 2014, 53 % de la production aquacole maritime et côtière mondiale de poissons viennent de l’Asie. Autrement dit, les exportations mondiales en valeur de poissons, citées au début de la section, viennent principalement des pays asiatiques.

Hydro-énergie : une potentialité à exploiter pour alimenter l’Afrique à 100 %

Il n’est pas sans doute que l’énergie est indispensable dans le développement économique de tout pays. L’électricité est indispensable pour le bon fonctionnement des services de santé, des services d’éducation et pour le bon fonctionnement des affaires, créatrices d’emplois. L’accès à l’énergie surtout en milieu rural permettra de créer un certain nombre d’emploi permettant de réduire structurellement le  niveau de pauvreté. En dépit de ces bénéfices de l’énergie, plus de 640 millions d'Africains n'ont pas accès à l'énergie, ce qui correspond à un taux d'accès légèrement supérieur à 40 %, selon la Banque africaine de développement. De même, selon la même source, la consommation d'électricité par habitant en Afrique subsaharienne (Afrique du Sud exclue) est de 180 kWh, contre 13 000 kWh par habitant aux États-Unis et 6500 kWh en Europe.  Bien que l’hydroélectricité fournisse  environ un cinquième de la capacité actuelle, le potentiel utilisé n’atteint même pas le dixième du total. Pourtant, selon l’Agence Internationale de l’Énergie, l’énergie renouvelable des océans pourrait fournir jusqu’à 400 % de la demande globale d’énergie. Autrement dit, les 28 pays côtiers pourraient alimenter 100 % de leur population et également exporter de l’énergie vers les 20 pays restant d’Afrique sub-saharienne. Les États africains doivent donc songer à une exploitation totale de l’hydroélectricité pour fournir de l’énergie à toute la population, ce qui permettra de créer des emplois et assurer une croissance inclusive.

Prise en compte des changements climatiques

Si les océans, les mers, les rivières et les lacs offrent d’énormes richesses à la population, leur surexploitation ou mauvaise exploitation pourraient avoir de conséquences néfastes sur l’environnement. En effet, l’indice de vie des espèces maritimes a connu une baisse de 39% de 1970 à 2010. Pour donc prendre en compte la production de l’environnement tout en profitant des bénéfices de l’économie bleue, il est primordial de respecter quelques règles. Les pays souhaitant donc profiter de l’économie bleu peuvent se référer aux recommandations du rapport Africa’s Blue Economy : a policy  handbook de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique. Ces politiques comprennent entre autres le développement d’un cadre pour promouvoir des infrastructures respectant l’environnement telles que les ports verts, l’utilisation des technologies renouvelables… Le rapport préconise également l’investissement dans les services d’informations sur l’environnement pour faciliter et la disponibilité des informations sur le climat et l’environnement.

 

Hamed Sambo

 

 

Source :

http://www.uneca.org/publications/africas-blue-economy-policy-handbook

http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/hdr/2015-human-development-report.html

http://media.unwto.org/fr/press-release/2015-04-15/les-exportations-du-tourisme-international-grimpent-1-500-milliards-d-usd-e

http://www.afdb.org/fr/the-high-5/light-up-and-power-africa-–-a-new-deal-on-energy-for-africa/

http://www.fao.org/documents/card/fr/c/9ba59d60-6d96-4991-b768-3509eeffc4da/

http://www.worldwildlife.org/publications/reviving-the-oceans-economy-the-case-for-action-2015

 

Pêche illégale : pourquoi ne pas s’inspirer de la lutte contre l’exploitation forestière illégale ?

Le chiffre d'affaires annuel du secteur des pêches maritimes et de l'aquaculture dépasse les 190 milliards de dollars dans le monde, et on estime à 240 millions le nombre de personnes dont le travail en dépend. Il ne fait aucun doute que les océans génèrent une activité abondante et lucrative. Or qui dit profit dit profiteur : on estime que 18 % des activités de pêche à l'échelle mondiale sont illégales.

pecheMais en quoi le problème concerne-t-il ceux qui s'intéressent au développement ? D’abord parce que la pêche illégale fragilise les moyens de subsistance des populations pauvres qui dépendent de l'océan. Ensuite parce que le non-paiement des taxes et redevances prive les pays en développement de centaines de millions de dollars de recettes annuelles dont ils ont le plus grand besoin. Enfin, dans certaines régions, la pêche illicite a pris de telles proportions qu'elle met en péril la gestion durable d'une ressource déjà mise à mal par la surpêche.

La lutte contre la pêche illégale est un combat que les États devraient prendre plus au sérieux. Dans un rapport récent, nous expliquons comment les décideurs politiques pourraient s’inspirer des méthodes de lutte contre l'exploitation forestière illégale pour combattre la pêche illégale. Nous proposons une approche pour la protection de l'environnement et des ressources naturelles intégrant une vision structurée de la prévention, de la détection, de la répression et du recouvrement des avoirs (ou approche « ENRLE » pour Environmental and Natural Resources Law Enforcement). Les actions menées dans le domaine de la lutte contre l'exploitation forestière illégale ont montré que cette approche est bien plus efficace qu'une combinaison plus ou moins anarchique d'interventions en amont et en aval pour faire appliquer les législations.

Voyons comment cela pourrait se traduire concrètement.

La prévention repose sur la réduction des opportunités et des moyens de commettre un délit. Cela signifie réduire l'accès — ouvert par nature — aux domaines de pêche, protéger les ressources et réguler la flotte de pêche en augmentant le coût et les efforts que représente la pratique de la pêche illégale.

La détection vise à saper les motivations des éventuels délinquants, et nécessite des investissements dans la surveillance et le renseignement. Lorsqu'elle produit les résultats escomptés, la détection peut conduire les délinquants potentiels à réévaluer le rapport coût-bénéfice de ces activités.

Généralement considérée comme une stratégie de dernier recours, la répression implique de poursuivre les criminels et de les condamner à des sanctions par le biais du système judiciaire. En augmentant le risque et le coût de la pêche illégale, une répression efficace peut jouer un rôle dissuasif.

Cette approche permet aux individus qui dépendent des ressources environnementales et naturelles de conserver leurs moyens de subsistance, tout en concentrant les interventions sur les individus qui pratiquent ces activités par simple appât du gain. Elle peut également aider à recenser les institutions et les acteurs susceptibles de déterminer les investissement et réformes nécessaires, et à identifier les goulets d'étranglement en matière de lutte contre la pêche illégale, ainsi que les tactiques et stratégies qui peuvent être mises en place pour éliminer ces derniers. Enfin, elle peut contribuer à professionnaliser l'action menée contre la pêche illégale, car elle permet d'établir un dialogue structuré impliquant les autorités et les différentes parties prenantes sur un large éventail de spécialités et de juridictions.

À l'échelle mondiale, les efforts de lutte contre la pêche illégale restent bien trop limités. Toutefois, les promesses que porte la stratégie ENRLE sont déjà bien visibles. Par exemple, le Programme régional des pêches en Afrique de l’Ouest, qui opère en étroite coordination avec les activités financées par les États-Unis, l'Île de Man, le Royaume-Uni et la Fondation pour la justice environnementale, a fait la preuve de l'efficacité de cette approche : des rapports indiquent que la quantité de poissons disponible pour les petits pêcheurs s'est accrue à la suite des actions menées systématiquement pour faire appliquer les législations à l'encontre de la pêche illégale dans la région.

Au-delà de ces efforts, les responsables des pêcheries ont besoin que de nombreuses réformes politiques soient entreprises pour parvenir à rééquilibrer les stocks halieutiques mondiaux. Mais si nous voulons que cela réussisse, il est impératif que la lutte contre la pêche illégale figure en bonne place au programme. L'approche ENRLE peut aider les pays à sécuriser leurs ressources pour les populations qui en dépendent le plus.

Article de Julian Lee paru initialement sur le blog de la banque mondiale