Le déclin de Jacob ZUMA ou la suprématie du régime parlementaire sud-africain ?

L’ANC a voulu offrir une sortie honorable à son leader contesté en lui proposant de présenter lui-même sa démission. C’était sans compter sur la tenacité de Jacob ZUMA qui tenait à son baroud d’honneur. Il s’est accroché  au pouvoir contre vents et marées.  Il a défié son propre parti en refusant dans un premier temps de démissioner. La  menace de la motion de censure initiée par son propre camp le 14 fevrier 2018 a cependant eu raison de lui.

La confiance brisée entre le camarade Zuma et le parti historique

Les affaires de corruption dans lesquelles le nom de Zuma sont citées sont nombreuses et ont finalement eu raison de sa légitimité. Nombreux sont celles et ceux au sein du parti de Nelson Mandela qui estiment depuis un moment, que le désormais ex-président n’était plus à même de conduire la destinée du pays Arc-en Ciel.

Jacob  ZUMA n’a pas attendu son arrivée au pouvoir pour être empêtré dans des affaires  de corruption et d’éthique. Il avait déjà été contraint à la démission lorsqu’il était vice président de Mbeki avant d’être traduit en justice pour viol sur une femme séropositive.  Bien avant cette affaire, son nom avait été cité en 2003, alors qu’il était déjà vice président, dans une affaire de corruption qui datait de 1999. Cette affaire qui a été par la suite classée sans suite, n’a pas empêché le tandem Mbeki-Zuma de rempiler pour un nouveau mandat.

Devenu en 2007 président de l’ANC, de nouvelles affaires de corruption dans lesquelles son nom est cité sont apparues. Cette accumulation de dossiers compromettants ne l’ont pas empêché d’être élu par ses camarades du parlement, président de la république en mai 2009.

Cette confiance d’apparat n’était en fait entretenue que par la phobie du parti de perdre le pouvoir et de ne pas poursuivre l’oeuvre des fondateurs. Depuis la fin de l’aparteid, l’ANC constitue à lui seul, un « régime politique » qui dirige ce pays. A ce titre, sa démarche a toujours consisté à se maintenir au pouvoir, qu’importe les conditions.

Les affaires  politico-financières de Zuma, ont ébranlé l’électorat de l’ANC, et cela s’est traduit par un cinglant revers électoral lors des élections locales de  2016 et une contestation sociale permanente. Cette situation a catalysé la mobilisation au sein de l’ANC, afin d’éviter la perte du pouvoir  en 2019.

Le peu de crédit et de légitimité dont disposait encore l’ex président au sein de son propre parti ont été épuisés par ces événements et surtout à la suite de sa condamnation pour détournement de deniers publics. Dans cette affaire, la justice a demandé à l’ex président de rembourser une somme totale de 15 millions d’euros à l’Etat ; somme qui a servi à la rénovation de sa résidence privée.Cette enième humiliation judiciaire a sonné le glas de la présidence Zuma dont on retiendra malheureusement plus les frasques judiciaires que les progrès économiques et sociaux qu’elle a pu apporter.

Le départ contraint de Zouma, c’est le triomphe de la démocratie sur les intérêts privés d’une minorité.

 En 1958, la France sous la férule du Général DE GAULLE , a adopté la constitution de la 5è république , pour palier les limites de la 3èmeet 4ème république qui  ont brillé par les instabilités institutionnelles quasi chroniques. La constitution sud africaine de 1993, modifiée en 1996,  faisant un bien original compromis entre un régime parlementaire (où le pouvoir législatif a une puissance politique quasi équivalente à l’exécutif) et un régime présidentiel (où l’exécutif est prédominant dans la gestion des affaires) a elle aussi voulu éviter à l’avenir les dérives de l’exécutif de la période apartheid. C’est ainsi que le président de la république sud africaine n’est pas élu au suffrage universel direct mais est choisi par le parlement et évidemment, au sein du parti ayant obtenu la majorité aux élections législatives.

C’est à cette légitimité que Zuma a essayé de s’accrocher durant ces dernières heures en refusant de démissionner malgré la pression de son parti l’ANC, qui ne trouvait plus en lui, aucune légitimité lui donnant la possibilité de conduire l’exécutif de l’Etat. Peut-être, a –t-il pensé pouvoir encore convaincre des députés de son camp au sein de l’Assemblée, de ne pas voter la motion de défiance qui se préparait contre lui et sa présidence. Une motion de défiance pour rappel, est une procédure législative réservée dans certaines normes fondamentales aux élus du peuple leur permettant de retirer la confiance au chef de l’exécutif (premier ministre généralement dans un régime parlementaire ou semi-présidentiel).

Zuma a donc voulu gagner du temps, histoire de tenter un dernier tour de lobbying afin de convaincre certains élus de son camp de renoncer à l’utilisation de cette arme ultime et fatidique à son règne. Il n’en a malheureusement rien été. Il a été contraint de démissionner et c’est bien le triomphe de la démocratie sur les intérêts privés d’une minorité qui a été manifesté.

La principale leçon à tirer de cette tragédie politique pour les pays africains se résume en la sacralisation des institutions sur les hommes qui les incarnent. Une  situation similaire dans d’autres pays africains n’aurait sans doute pas connu le même épilogue. Des acrobaties constitutionnelles couplées à des arguties juridiques auraient été utilisées pour  sauver un homme ( et ses intérêts)  au détriment des institutions.

L’Afrique du Sud nous réveille ce matin avec ce brin d’optimisme supplémentaire que le principe selon lequel les institutions sont au dessus des hommes n’est pas qu’une théorie en Afrique, mais peut bel et bien être mis en application.