Les nouveaux défis de la santé en Afrique, quel rôle pour le numérique? – Livre blanc de la conférence annuelle 2017 de l’ADI

Dans un environnement d’extrême pauvreté, la maladie fait partie des principaux risques auxquels est confronté une part importante de la population africaine,[1] et ce, malgré des progrès significatifs enregistrés au cours des quinze dernières années. Selon les statistiques de l’OMS, l’espérance de vie à la naissance est ainsi passée de 44 ans en 2000 à 53 ans en 2015, soit une augmentation de 9 années.[2] Cependant, l’émergence économique de l’Afrique s’accompagne d’une augmentation de la prévalence des maladies chroniques[3] imputable aux nouveaux modes de vie et de consommation.[4] De même, l’explosion démographique, avec la concentration urbaine qui l’accompagne, augmente les risques d’épidémies, notamment de maladies infectieuses.[5]

Face à ces nouveaux facteurs de risque, l’Afrique accuse encore un retard en matière de politiques de santé, d’équipements, de personnels et de traitements. Par exemple, le nombre de médecins pour 1000 habitants a seulement cru de 0,1 point entre 1990 et 2011 en Afrique subsaharienne contre 0,9 point en zone Euro et 0,8 point dans l’OCDE.[6] Alors que les politiques publiques ont été principalement axées autour de la lutte contre le VIH-SIDA, n’est-il pas temps qu’elles intègrent les nouveaux défis en matière de santé auxquels les pays africains doivent se confronter ?

Pour répondre à cette question, L’Afrique des Idées organise sa 3ème Conférence Annuelle afin d’identifier les nouveaux défis en matière de santé en Afrique, de discuter des causes et de formuler des recommandations. Retrouvez les conclusions de ces échanges dans le livre blanc de la conférence.


[1] Selon les résultats de l’enquête Afrobaromètre de 2014/2015, la moitié des africains ont déjà renoncé à des soins de santé faute de moyens.

[3] Diabète, cancer, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, etc.

[4] Le taux de prévalence des maladies chroniques non transmissibles est passé de 18,7% à 25% entre 1990 et 2000. BOUTAYEB A. “The Double Burden of Communicable and Non-Communicable Diseases in Developing Countries”. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 100, 2006, pp 191-199.

[5] Selon l’OMS, la plus longue et plus grave épidémie à virus Ebola a été enregistrée en Afrique de l’Ouest en 2014, avec plus de 150 cas recensés chaque semaine.

[6] Le nombre de médecins pour 1000 habitants est passé de 0,1 à 0,2 en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2011 alors qu’il est passé de 3 à 3,9 en zone Euro et de 2 à 2,8 dans les pays de l’OCDE sur la même période. Données Banque Mondiale : http://data.worldbank.org/indicator/SH.MED.PHYS.ZS

Le numérique au secours de la santé en Afrique

Ces dernières années, l’adoption progressive des services numériques en Afrique a eu des effets positifs incontestables sur le développement socio-économique des pays. Disposant d’un parc de près de 300 millions[1] de smartphones et de nombreux réservoirs d’entrepreneuriat et d’innovations technologiques, l’Afrique présente de sérieux atouts dans le domaine. Le secteur de la santé africain n’a pas échappé à cette digitalisation.

La m-santé africaine

De nombreuses initiatives innovantes en matière d’e-santé tentent de palier la faiblesse des systèmes de soin du continent. Les exemples ne manquent pas, et ce, à toutes les étapes.

Prévention et éducation : L’application Prévention Ebola (Côte d’Ivoire) a ainsi permis aux populations d’accéder à des informations de prévention contre l’infection en langues locales. Kasha (Rwanda) permet aux femmes de commander des produits d’hygiène et de contraception.

Diagnostic : Les utilisateurs de Matibabu en Ouganda peuvent, grâce à l’application, effectuer leur autodiagnostic du paludisme. Le projet IKON du Mali permet la transmission des radiographies depuis les cliniques isolées vers les spécialistes, faisant gagner un temps précieux au processus de diagnostic.

Traitement : Malisanté (Mali) et MedXCare facilitent la mise en relation entre professionnels de santé et patients. La problématique de la gestion des médicaments est quant à elle traitée par des startups telles que mPharma (Ghana) et Jokkosanté (Sénégal).

Suivi médical : SMS et messages vocaux permettent aux femmes enceintes un suivi de l’évolution de leur grossesse à travers l’application M@SAM (Burkina Faso).

Particulièrement adapté aux contraintes propres au contexte africain, le mobile s’impose peu à peu comme un outil stratégique en matière de santé.

L’hôpital numérique, opportunité et défi

Aujourd’hui, l’hôpital numérique en Afrique relève plus du défi que de la réalité de terrain. En effet, se limitant encore à la gestion des entrées et des sorties des patients, la gestion informatique des hôpitaux est encore insuffisamment développée. Rares sont les pays qui, à l’instar de la Côte d’Ivoire et du Bénin ont mis en place de tels systèmes, bien qu’ils renferment un fort potentiel en matière de gestion hospitalière et donc d’efficacité du système de santé.

Un constat similaire peut être fait en matière de formation des étudiants et professionnels de santé, à laquelle le numérique, via l’e-learning, ne contribue encore que de manière très sporadique.

Les initiatives existent mais restent pour la plupart isolées et en dehors de tout projet d’envergure ou de coordination à grande échelle. Ainsi, dans un contexte de contraintes budgétaires et d’explosion de la croissance démographique et des maladies chroniques, les africains continuent de pâtir d’inégalités dans l’accès aux soins et aux médicaments, des infrastructures défectueuses et du manque de personnel qualifié. Si le numérique apparaît comme un véritable levier d’amélioration du secteur de la santé, le continent ne pourra en tirer des bénéfices qu’à condition que les autorités publiques s’assurent de créer des conditions favorables : en développant l’accès aux réseaux et à l’outil numérique des professionnels de santé et des citoyens d’une part, et en se présentant comme les instigatrices d’un cadre réglementaire dans le domaine d’autre part.

Indispensable connectivité

Les pays africains ont connu ces dernières années une croissance impressionnante de la couverture du territoire en réseaux mobiles et d’utilisation des services numériques. Toutefois, si 46% de la population africaine a souscrit à un service mobile, seulement 29% des africains ont accès à internet mobile[2]. De plus, la fracture numérique entre zones rurales et zones urbaines sur le continent reste prégnante. L’amélioration de l’accès des professionnels et des citoyens à l’outil numérique est ainsi un enjeu important de l’e-santé et concerne aussi bien le développement des réseaux mobiles en zones non couvertes et des infrastructures d’électricité que l’accès à un équipement mobile ou informatique et la formation à l’utilisation des outils numériques.

L’impulsion politique comme enjeu majeur de l’e-santé

Le développement de mécanismes de gouvernance appropriés assurant redevabilité, transparence et leadership est un véritable défi de la e-santé en Afrique[3]. Il est primordial qu’un environnement favorable soit créé – aux niveaux régional et national – pour que le secteur de la santé puisse tirer le meilleur parti du numérique.

Plusieurs recommandations en ce sens, à l’égard des autorités africaines et autres parties prenantes du secteur de la santé sur le continent, peuvent être faites :

  • Encourager la collaboration entre les différentes parties prenantes, afin d’assurer la cohérence, la pertinence et l’efficacité des programmes.
  • Améliorer le cadre réglementaire pour établir un climat de confiance et assurer la sécurité des usagers et des différents acteurs.
  • Faciliter l’investissement pour dynamiser le secteur et favoriser l’innovation, à travers la mobilisation de fonds publics, la mise en place de cadres législatifs favorables à l’innovation et à l’investissement et des Partenariats Public-Privé favorisant le passage à l’échelle des projets d’e-santé.
  • Développer la formation aux outils numériques afin d’améliorer les compétences et leur utilisation.[4]

La mobilisation devra s’effectuer à tous les niveaux : des Etats aux opérateurs en passant par les professionnels de santé et les citoyens.

Aude Schoentgen

Pour aller plus loin, participez à la conférence ici


[1] 296 millions de smartphones, Afrique, Q4 2016 (Source : GSMA Intelligence)

 

 

 

[2] 2016, GSMA Intelligence

 

 

 

[4] L’Afrique des Idées, L’impact du numérique sur l’amélioration de la santé en Afrique, Etude annuelle, 2017​

 

 

 

Endiguer les addictions en Afrique : entre paternalisme sanitaire et politique publique


Les mesures visant à lutter contre le tabagisme et l’alcoolisme rencontrent le plus souvent des difficultés, voire une opposition compte tenu du caractère tutellaire et intime de la santé. Conscients de ces logiques culturelles et sociales, les pouvoirs publics ont développé en marge des critiques, une pensée politique emprunt de paternalisme visant à  « atteindre un bien qui n’est pas reconnu comme tel par les personnes dont on veut du bien »[1] car l’enjeu, est l’un des biens communs les plus fondamentaux : la santé. L’exercice de cette responsabilité paternaliste s’inscrit bien évidemment dans un cadre légal (I) propre aux interventions des autorités de police générale ou spéciale même s’il est vrai qu’en Afrique, le paternalisme sanitaire tarde à émerger complètement en raison de la persistance de facteurs frainant son développement(II).

 

I-LE CADRE LÉGAL DE L’INTERVENTION SANITAIRE PATERNALISTE

 

Plusieurs pays africains sont confrontés à une consommation excessive et prolongée de tabac et d’alcool. Aussi, à partir du constat que la consommation ou l’addiction à ces produits  causent de nombreux dégâts aussi bien chez les personnes les plus exposées (adolescent, femme enceinte) que chez la collectivité tout entière, la protection contre tabagisme et la lutte contre l’alcoolisme ont fait l’objet d’une législation spécifique, contraignante, de sorte à endiguer leur progression.

 

  • LA PROTECTION CONTRE LE TABAGISME

 

Si la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac a rencontré un aussi grand succès en attirant 180 États membres et couvre à peu près 90% de la population mondiale[2], c’est  parce que l’épidémie du tabagisme est particulièrement meurtrière : elle tue plus de six millions de personne chaque année dont 600 000 sont des non-fumeurs involontairement exposés à la fumée[3].  De ce point de vue, l’argument selon lequel le tabac ne tue que ses consommateurs n'est pas valable puisqu’à l’évidence, le tabagisme passif est tout aussi nocif que le tabagisme actif avec les quelques 4000 substances chimiques contenues dans la fumée de la cigarette dont on sait aujourd’hui que 250 d’entres elles sont nocives et plus de cinquante sont cancérigènes[4]. Une étude japonaise avait d’ailleurs révélé dès 1981 que « les épouses de fumeurs, bien que ne fumant pas elles-mêmes, avaient été atteintes de cancer du poumon plus souvent que les épouses de non-fumeurs »[5]. Par conséquent, l’interdiction de fumer dans les bâtiments publics est par nature une mesure de protection de santé publique, composante de l’ordre public.

 

  • LA LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME

 

Considéré d’un point de vue général, la consommation excessive d’alcool dont les effets sont également visibles sur la voie publique nuit à l'intérêt général à la sécurité collective, notamment dans le domaine routier. Prétendre toutefois, que l’autorité de police peut à elle seule réguler la consommation d’alcool dans un cadre strictement privé ou dans l’espace public n’est pas chose aisée car cette régulation requiert également l’intervention du législateur. Mais si le danger est grave, imminent et réel, l’autorité de police peut toujours, en sa qualité de garant de l’ordre public, prononcer l’interdiction d’une boisson alcoolisée, comme ce fut le cas pour l’absinthe par le décret du 7 janvier 1915 du Président Raymond POINCARÉ.

Le motif de l’intervention publique étant bien entendu, la sauvegarde de la sécurité des personnes, composante de l’ordre public. En définitive, quelque soit la formule retenue pour lutter contre l’alcoolisme, intervention du législateur ou ou de la police administrative, il est important que soit mis en avant la légitimité des mesures avancées. L’objectif de sauvegarde de l’ordre public est donc susceptible de fonder des normes de sécurité à même de protéger les consommateurs de l’alcool frelaté ou impropre à la consommation. Par ailleurs, l’interdiction pure et simple de la consommation et la vente d’alcool aux mineurs et aux femmes enceintes, dont les motivations profondes, tiennent à la fois à des causes morales et de santé publique, rencontre  un large assentiment populaire. Au chapitre des restrictions légitimes de santé publique, figure également l’interdiction faite aux femmes de consommer de l’alcool durant la grossesse tant les risques de malformations du fœtus sont élevés, sans oublier les dommages irréversibles sur le développement psychomoteur de l’enfant à naitre. Le législateur ivoirien est donc intervenu sur ces points pour donner une base légale à l’intervention de l’autorité de police dans la lutte contre l’alcoolisme chez les mineurs et chez la femme enceinte. Dans ce cadre juridique, on retrouve dans la loi du 1er août 1964 portant code des débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme[6], toute une rubrique (une vingtaine d’article au total) consacrée aux mesures de protection des mineurs contre l’alcoolisme.

 

 

II. RECOMMENDATIONS ET PRISE EN COMPTE DU COUT SOCIAL

 

  • REDUIRE L'INFLUENCE DES LOBBYS ET CONTROLER LA QUALITE DU TABAC EN VENTE 

L’industrie du tabac constitue en Afrique comme ailleurs un puissant lobby dont les intérêts financiers tendent à primer sur COÜTsocial et sanitaire.  À ce propos, la vente de cigarette à l’unité est une pratique courante en Afrique et cela, en dépit de l’interdiction faite par l’art. 16 de la CCLAT. Cette pratique permet d’attirer les populations les plus pauvres qui n’ont pas les moyens de s’acheter le paquet de cigarette. Encore, faut-il être conscient que la qualité du tabac diffère selon les continents et que la plupart des cigarettes fumées en Afrique « qu’elles soient issues de la production légale ou de contrebande, sont beaucoup plus nocives que celle qu’on trouve en Occident, du simple fait qu’elles ne sont pas contrôlées »[7]. Pis, selon M. DIETHELM, les cigarettes en Afrique sub-sahariennes sont souvent vendues par de jeunes revendeurs qui constituent « le dernier maillon d’un réseau organisé »[8]. Il est clair que, dans ces conditions, les données de l’OMS sur le tabagisme chez les adolescents dans la Région africaine soient alarmistes comme le prouve les 28 % des élèves (13-15 ans) qui achètent leurs cigarettes dans les magasins ou encore les 48% d’entre eux qui sont exposés à la fumée du tabac dans les lieux publics[9].  

D’un autre cotés, les effets de l’alcool sur la santé des adolescents sont connus depuis longtemps comme en témoigne, l’étude menée au C.H.U de Libreville de 1984 à 1986 qui a permis de mettre en évidence des pathologies pancréatiques qui pour la quasi-totalité des cas, sont d’origine alcoolique[10]. Un phénomène pas si surprenant que cela au fond, lorsqu’on sillonne les villes d’Abidjan ou de Ouagadougou[11]. En réalité, la passivité des autorités publiques face aux fléaux du tabac et de l’alcool, tient en grande partie  au fait qu’ils ne représentent pas un poids financier très lourd pour la collectivité.

 

  • MESURER LES EXTERNALITES NEGATIVES GENEREES PAR LES INDUSTRIES DU TABAC ET DE L'ALCOOL

Il existe très peu d’études consacrées à l’évaluation des coûts engendrés par le tabagisme et l’alcoolisme en Afrique francophone en termes de coût des dommages aux biens et aux personnes, de coût public des programmes de prévention, de coût des soins sur les budgets des administrations, de coût total infligé à la collectivité, etc.[12] D’ailleurs, le manque de transparence dans la gestion des finances publiques en Afrique[13] ne permet pas, d'obtenir des données fiables liées au tabac ou à l’alcool[14]. Or, les effets à long terme de l’alcool et du tabagisme sur l’organisme sont bien connus : cirrhose du foie, cancer, infarctus du myocarde, et les risques d’accidents cardio-vasculaires. En Afrique, comme un peu partout sur ce continent, les malades sont bien souvent livrés à eux-mêmes et quand surgissent les conséquences d’une vie parsemée d’excès de tout genre, il faut être en mesure de débourser de l’argent pour se soigner. En vérité, le suspens n’est pas de mise ici, faute d’argent, les malades ne se rendent même pas à l’hôpital[15]. Or, il semble bien que les preuves ne manquent pas, en particulier au niveau individuel, pour établir un lien très étroit entre la pauvreté et une santé déficiente[16].

Précarité et santé se retrouvent ainsi liées[17] de sorte qu’une infirme partie seulement de la population, disposant de ressources financières subséquentes, dispose d’un accès quasi illimité aux meilleurs centres de soin[18]. D’ailleurs, il ressort que parmi les «  4,6 milliards de personnes vivant dans ces pays, plus de la moitié (52%) ne bénéficie pas des installations sanitaire de base et presque un milliard (968 millions en 1998) n’a pas accès à l’eau potable »[19]. Ainsi, la thèse selon laquelle « l’état de santé a un rapport avec le statut social »[20] semble se confirmer et laisse présager une forme d’inégalité face à la maladie. En définitive, il  y a fort à penser qu’au delà de sa justification légale, l’ordre public sanitaire en Afrique francophone soit un ordre fragile, précaire, relativement aux moyens mis en œuvre pour le sauvegarder.

 

Landry AMOUSSOU


[1] DWORKIN (G.), « Paternalism », in BEAUCHAMP (D.E.), STEINBOCK (B.), (dir.), New Ethics for the Public’s Health, Oxford University Press, 1999, p. 115.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] FERRAUD-CIANDET (N.), Protection de la santé et sécurité alimentaire en droit international, 1ère édition, Larcier, 2009, p. 79.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[3] OMS, Tabagisme, Aide-mémoire, n° 339. Mis en ligne en janvier 2015, consulté le 04-06-2016. URL : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs339/fr/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[4] Idem

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[5] NORDMANN (R.), « Tabac, alcool, cannabis : que faire ? », in ISRAËL (L.), santé, médecine, société, Presses Universitaire de France, 2010, p. 92.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[6] Modifiée par la loi du 27 novembre 1974.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[7] OTAF, L’Afrique s’enfume, Suisse, Centre d’information pour la prévention du tabagisme dans le canton de Vaud (CIPRED-Vaud), 2008,  pp. 17-18.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[8] Ibid., p. 19

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[9] OMS, Données sur le tabagisme dans la Région africaine, Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, 2012,    pp. 4-6.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[10] KLOTZ (F.), GUISSET (M.), LAROCHE (R.), « Alcool et pathologie en Afrique noire », Médecine d’Afrique Noire,° 39, 1992, pp. 201-203.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[11] Sur ce point, se référer à SAKO (D.), Ligne de base sur la situation des enfants travaillant dans les débits de boissons de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso), Rapport final, Unicef, Croix-Rouge Burkinabé, août 2015, pp. 1-40

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[12] KOPP (P.), FENOGLIO (P.), Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France, Paris, OFDT, 2000, pp. 41-205.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[13] MEISEL (N.), OULD (A.J.), « L’insaisissable relation entre "bonne gouvernance" et développement », Revue économique, vol. 59, pp. 1159-1191.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[14] D’après le Dr ZOTOUA, Directeur coordonnateur du programme national de lutte contre le tabagisme, l’Etat ivoirien débourserait près de vingt-six (26) milliards de FCFA supplémentaires chaque année pour traiter les personnes atteintes d`infections liées à la consommation du tabac, sans donner plus de détails sur l’affection de ces ressources et le nombre de malade traité. Mis en ligne le 6 juin 2016, consulté le 15-06-2016. URL : http://news.abidjan.net/h/592136.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[15] OMS, La face cachée des villes : mettre au jour et vaincre les inégalités en santé en milieu urbain, Éditions de l’OMS, 2010, p. 21.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[16] ICIS, Pauvreté et santé : Liens vers des mesures concrètes, Procès-verbal de la table ronde national de l’ISPC (L’Initiative sur la santé de la population canadienne), Ottawa (Ontario), 26 mars 2002, p. 1.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[17] ELGHOZI (L.), « Etat des connaissances et dispositifs de prise en charge : place de l’innovation médico-sociale », Santé publique et grande précarité : état des lieux et questions éthique, Actes du colloque de Médecin du Monde dans le cadre du congrès de la Société Française de Santé Publique, novembre 2011, p.7.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[18] SANNI YAYA (H.), BONNET (P.), « Le concept d’accessibilité en santé et son articulation dans la réalité en Afrique : une perspective critique », in SANNI YAYA (H.), Le défi de l’équité et de l’accessibilité en santé dans le tiers-monde. Entre droit fondamental, justice sociale et logique marchande, L’Harmattan, 2009, p. 79.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[19] ALLENSON (D. S.), op. cit., p. 41 ; v. dans le même sens WETTA (C.), KONÉ (M.), Pauvreté chronique au Burkina Faso, Programme de recherche sur la pauvreté chronique en Afrique de l’Ouest, document de travail n° 1, Ouagadougou, 2004, 16 p.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[20] ICIS, Pauvreté et santé : Liens vers des mesures concrètes, op. cit., p.1.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TIC et Développement Durable en Afrique

e-governmentTout au long des siècles, les innovations technologiques ont façonné les rapports entre les individus, ainsi que les interactions entre ceux-ci et leur environnement. On pense par exemple à l’imprimerie d’abord pratiquée par les Chinois (depuis le IIème siècle après JC) puis perfectionnée et démocratisée par Gutenberg. Il est dit que l’imprimerie contribua fortement à diffuser la pensée et les idées dès la Renaissance, révolutionnant par ricochet la transmission d’informations et de connaissances entre les individus. L’expansion d’internet dès le début des années 2000 a considérablement modifié nos modes de vie et ouvert la voie à de nouveaux outils et modèles de communication.  A travers ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le monde est devenu un « village planétaire » : la mondialisation, disait-on ! En révolutionnant nos environnements, nos cadres de vie, nos systèmes d’apprentissage, nos déplacements, nos schémas de réflexion, bref notre quotidien, les TIC ont remanié de fond en comble nos sociétés. Au cœur des transformations de ces dernières, les innovations technologiques apportent des réponses à des problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Constat encore plus marqué dans les pays africains : le boom des télécommunications y a créé des conditions idéales pour le développement d’application et de logiciels locaux.

 L’exemple le plus marquant est celui de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Le téléphone portable y est actuellement le 1er moyen d’accès à internet. Selon une étude publiée en 2013 par l’Association Mondiale des Opérateurs Télécom (GSMA), le nombre d’abonnés mobile dans cette région du monde a progressé de 18% par an entre 2007 et 2012[1]. En Afrique, la plupart des téléphones portables vendus sont des smartphones sous Androïd, un système d’exploitation pour lequel il est très facile de créer des applications/logiciels mobile. Ceux-ci permettent de créer des synergies entre différents secteurs et contribuent à l’innovation sociale (e-santé, e-learning, etc.), économique (mobile Banking, e-commerce…), environnementale (consommation d’électricité, gestion des déchets urbains etc.)

D’abord cantonnées à un usage privé, les TIC sont aujourd’hui plébiscitées dans la sphère formelle et institutionnalisée: elles sont appréhendées tels de véritables outils de développement, de croissance socio-économique pour des populations en quête d’émergence. Ces innovations technologiques, impactent inégalement les PIB des différentes pays africains : selon une étude du Mc Kinsey Global Institute (MGI) rendue publique en novembre 2015, internet contribue à 3,3% au PIB du Sénégal, 2,9% pour le Kenya, 2,3% pour le Maroc et 1,4% pour l’Afrique du Sud.[2]

Il n’est donc pas surprenant que les TIC soient directement mentionnées dans 4 des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par l’ONU en septembre 2015. En tant que catalyseurs pour l’éducation, l’égalité homme-femme[3] ou moteur de la construction d'infrastructures résilientes pour une industrialisation durable[4] qui profite à tous, il est largement reconnu que les TIC jouent un rôle fondamental dans l’émergence de l’Afrique. Cet article revient sur le rôle que les TIC peuvent jouer dans l’émergence de l’Afrique ainsi que la manière dont elles participeront à la croissance inclusive sur le continent. 

 

  1. Les TIC comme catalyseurs de développement en Afrique

Tout l’intérêt des TIC en Afrique repose sur leurs usages et les services qu’elles permettent de développer : elles ne sont plus seulement utilisées comme de simples supports de communication (privée ou professionnelle)  mais plutôt comme de véritables instruments à des fins de développement socioéconomique. Le recours aux TIC dans le continent est passé d’un « usage de loisirs » à une « utilisation thérapeutique » : elles apportent des solutions aux besoins de base des populations : éducation, santé, transports, alimentation, accès à l’énergie et à l’eau potable etc.[5] Pourtant ce ne fut pas toujours le cas ; pendant très longtemps les « TIC-Sceptiques » ont vu l’émergence de ces nouveaux moyens de communication comme l’arbre qui cache la forêt ; un miroir aux alouettes qui détournait l’attention des « vrais » problèmes de l’Afrique : la famine,  la malnutrition, l’analphabétisme, l’illettrisme, les épidémies et pandémies, les guerres, les catastrophes naturelles et toute autre calamité collée à la représentation que certains se faisaient ( se font encore !) du continent. Ne dit-on pas que le temps est meilleur juge ? A ce propos, le temps a donné raison aux « TIC-Optimistes ». En effet depuis une dizaine d’années pléthores d’applications mobiles, développées par des start-up innovantes ont prouvé que les TIC ne sont pas superflues, bien au contraire qu’elles sont une des solutions pour résoudre  ces « vrais » problèmes auxquels les pays africains font face.

Pour les plus connues, elles s’appellent Obami en Afrique du Sud (plateforme-web de cours et vidéo éducatives gratuits),  Gifted Mom au Cameroun (santé de la femme enceinte et des nourrissons), M-Pesa au Kenya (paiement mobile), Jumia (e-commerce), W Afate au Togo (imprimante 3D à base de déchets électroniques),  M-Louma au Sénégal (bourse agricole en ligne). Toutes initiatives audacieuses illustrent le rôle incontournable que jouent les TIC dans la lutte contre la pauvreté, l’accès de tous à une éducation de qualité, l’accès aux soins de santé. Comme l’a souligné Alain François LOUKOU[6]  « les TIC ne constituent pas un problème totalement découplé des autres problèmes de développement. Elles sont plutôt en interaction avec eux». De plus l’usage des TIC à travers le développement d’applications mobile revêt une dimension de responsabilité intergénérationnelle, très peu mise en avant dans l’analyse de l’émergence des TIC en Afrique. En effet, en développant une application comme Gifted Mom, ou Obami, les créateurs répondent non seulement à des besoins actuels mais aussi anticipent des besoins futurs des générations suivantes : accès aux soins de santé,   accès à l’éducation etc.

En ce sens les TIC sont bel et bien des instruments qui permettront d’atteindre les Objectifs du Développement Durable tels que définis par les Nations Unies. On peut ainsi paraphraser la définition du Développement Durable en disant que les TIC sont des technologies qui permettent de répondre aux besoins des générations actuelles et à ceux des générations futures.

 

  1. Les TIC comme instruments de croissance inclusive

Il est indéniable que les Technologies de l’Information et de la Communication contribuent à booster le développement pour le continent africain. Il est révolu le temps où on voyait les TIC comme un luxe pour l’Afrique (en proie à de lourds retards structurels et infrastructurels). Aujourd’hui grâce aux TIC de nombreux entrepreneurs africains proposent  à leurs compatriotes des solutions locales aux problèmes locaux.  Mieux, certaines initiatives visent même une portée internationale : on parle de Glocalisation développer des solutions locales qui peuvent aussi bien s’étendre bien au-delà du marché national (notamment au sein de pays partageant des difficultés identiques). C’est le cas notamment des applications de transferts d’argent par mobile dans des sociétés où très peu de particuliers disposent de compte bancaire classique, mais possèdent 2 voire 3 téléphones portables. Aujourd’hui la réflexion ne porte plus sur l’utilité avérée des TIC pour le développement de l’Afrique. La question fondamentale est désormais comment les TIC peuvent-ils contribuer efficacement à la croissance durable et inclusive des pays africains ?

Face à ces bénéfices mentionnés ci-dessus, les gouvernants, les acteurs économiques mettent à pied d’œuvre des stratégies de promotion des TIC via l’émergence de l’économie numérique. Selon The Australian Bureau of Statistics,  l'économie numérique peut être définit comme l’ensemble des activités économiques et sociales génératrices de revenus qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique. Cette nouvelle catégorie d’économie regroupe le secteur des TIC, les secteurs utilisateurs et les secteurs à fort contenu numérique, ces derniers ne pourraient exister sans ces technologies. Le caractère multidimensionnel des innovations technologiques en font un vecteur non négligeable de croissance, de productivité et de compétitivité dans certains divers secteurs comme l’agriculture, la finance, l’accès à l’énergie, la consommation de bien et services etc.

Mais pour que les TIC deviennent de véritables leviers de croissance (inclusive donc qui profitent à tous), les ressources nécessaires doivent être mobilisées.

  1. Le rôle des Etats

En commençant par une offre éducative et de formation en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. Très peu de structures éducatives proposent des enseignements à l’utilisation des TIC ; très peu d’écoles primaires, de collèges, de lycées en Afrique disposent d’ordinateurs pour l’enseignement de l’informatique. Rares sont les établissements qui proposent des cours ou ateliers d’initiation à internet. L’apprentissage se fait intégralement dans le circuit informel (auprès des amis, de la famille ou dans les cyber café).  Inutile de préciser les dérives que ce manque d’encadrement engendre (utilisation détournée des outils de communication à des fins peu éthiques).  Beaucoup d’apprenants sont des autodidactes ou au mieux ont suivi des enseignements dans des structures d’apprentissage et d’initiation aux TIC[7]. Ces formations arrivent trop tard dans l’offre de formation éducative quand elles n’en sont pas à la marge.  Le secteur de l’économie numérique est un secteur porteur dont les besoins en compétences seront très forts dans l’avenir. Pour ce faire, l’Afrique a besoin de former les futurs codeurs, ingénieurs, développeurs et ne pas s’enfermer dans un état de léthargie qui en fera un désert de compétences.

Par ailleurs du côté des administrations publiques, pendant longtemps celles-ci n’avaient pas investi la sphère digitale ; depuis quelque temps, on note une digitalisation des  structures gouvernementales (site web, compte sur les réseaux sociaux, numéro d’accès via application mobile etc.). Ceci dénote une mobilisation par le geste des pouvoirs publics qui comprennent progressivement l’intérêt des TIC dans la gestion quotidienne des services. La mise en place d’une administration dématérialisée permettrait aux Etats d’être plus performants et mieux servir les citoyens.

  1. Le rôle des entreprises

Rappelons que pour une croissance inclusive des pays Africains, les entreprisses  sur le continent ont également un  rôle primordial à jouer.

Aujourd’hui encore, l’accès à internet s’avère coûteux pour beaucoup de particuliers. L’offre tarifaire (très vaste pour que chaque consommateur trouve chaussure à son pied) reste souvent très élevée pour une consommation en permanence. Il n’est donc pas rare que certains n’aient pas accès à internet pendant plusieurs jours car leur forfait est épuisé. Il faudra alors recharger son téléphone pour avoir internet.  L’accès à internet est certes en hausse mais il est encore insuffisant pour combler la fracture numérique Nord/Sud et atténuer les disparités intrarégionales (zones rurales, péri urbaines et urbaines). Les coûts d’accès élevés sont un corollaire de la faiblesse des infrastructures et de la faible connectivité intracontinentale[8]. La réduction des tarifs des « abonnements » internet est un prérequis majeur pour que l’accès à internet en continu ne soit plus un luxe pour certains.

Pour cela, les entreprises de télécommunication en collaboration avec les Etats et les investisseurs doivent travailler à améliorer les infrastructures de télécommunications. Dans le cadre de leur Responsabilité Sociétale (RSE) ces entreprises gagneraient à déployer des réseaux de télécommunication plus performants et plus modernes : la vétusté des équipements et le faible taux d’électrification du continent sont les principaux handicaps qui affectent la qualité de service des opérateurs.

Le manque de capitaux dans le secteur des télécommunications peut  être résolu par la mise en place de garanties à savoir un climat des affaires plus sain et responsable. Conjointement avec les  Etats,  les entreprises doivent lutter conte la corruption et les pratiques déloyales. C’est ainsi que les pays africains sauront attirer de nouveaux investisseurs, pour palier le faible renouvellement des équipements et l’obsolescence des infrastructures. Les difficultés issues de la vétusté des équipements résultent aussi des défaillances dans la maintenance des infrastructures. Les insuffisances constatées s’expliquent également par l‘absence de ressources humaines hautement qualifiées. Toujours dans le cadre de leur RSE, les entreprises peuvent favoriser le renforcement  de compétences, de capacités en nouant des partenariats avec des centres de formations, afin que ceux-ci forment les apprenants aux métiers dont ont réellement besoin les entreprises. Une fois de plus l’éducation et l’offre de formation se trouvent au cœur de l’impact des TIC sur le développement des pays africains.

Mentionnons avant de clore cet article un élément peu traité dans la réflexion sur les TIC en Afrique : la gestion des déchets électriques et électroniques (DEE). Dans un contexte où la communication entre 2 opérateurs concurrents coûte excessivement chers, les consommateurs ont pris l’habitude d’avoir plusieurs téléphones (un pour chaque opérateur) ou un téléphone à 2 ou 3 puces. A cela s’ajoutent les tablettes et ordinateurs (portable ou fixe). Si on considère que chaque individu change de téléphone portable tous les 18-24 mois, tout cela représente une tonne de déchets non ou mal recyclés. Un certain nombre de précaution (par exemple porter des équipements de protection) sont à prendre dans le traitement de ces déchets.  En effet tous ces appareils sont composés d’éléments toxiques pour la santé des personnes et l’environnement s’ils ne sont pas correctement recyclés. En l’absence de réglementations, le marché du recyclage et de la revalorisation des DEE est principalement informel donc sujet à de graves manquement dans le respect des mesures de sécurité.  Dans le cadre de la RSE, les entreprises de télécommunication seront appelées à trouver des solutions à la gestion des « e-déchets ». Ces derniers, s’ils sont négligés entraineraient de graves dommages de santé aux recycleurs (cancers, problèmes respiratoires), et d’importants dommages environnementaux (pollution des nappes phréatiques et des sols à proximité des centres sauvages de tri et recyclage)[9].

 

Les TIC sont effectivement des instruments au service du développement durable de l’Afrique mais en poussant la réflexion plus loin, on peut affirmer qu’avec un certain nombre de prérequis remplis, les TIC peuvent être des catalyseurs de la croissance soutenable et inclusive des pays africains. Nous avons énuméré quelques points d’amélioration à l’égard des Etats et des entreprises en tant que principaux acteurs du développement du continent ; sans toutefois nier l’importance de la société civile dans cette marche vers l’émergence. Les TIC sont aujourd’hui un maillon fort de l’économie de beaucoup de pays africains dont la contribution d’internet pourrait atteindre 5 à 6% du PIB des pays africains d’ici 2025. Ce qui montre que le secteur est hautement dynamique. À cela, il faut ajouter un secteur informel dont les données par essence « informelles » échappent à toutes statistiques officielles.  Le secteur informel génère des  milliers (voire des millions) de petits emplois et des revenus substantiels aux personnes de tous âges et de tous sexes qui l’exercent partout où les réseaux sont disponibles.

Pour confirmer ces faits, il serait nécessaire que soient mis en place de solides indicateurs d’appréciation de l’impact réel des TIC sur le développement des sociétés africaines. Pour cela deux pistes : d’une part quantifier la part de l’économie numérique aux PIB des pays africains (à travers par exemple le nombre d’emplois décents et pérennes crées dans les secteurs liés aux TIC.). On parle d’approche comptable car elles s’expriment uniquement en termes financiers ou création d’emplois. D’autre part quantifier le manque à gagner des pays africains en cas de « privation » des TIC ; on évaluerait ainsi les conséquences organisationnelles sur les entreprises, les particuliers, les administrations de  la non utilisation des TIC.

 

Rafaela ESSAMBA


[3] 5.b  Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes

[4] 9.c  Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020

[5] Besoins qu’on peut assimiler aux 2 premières bases de la pyramide de Maslow à savoir les besoins physiologiques et ceux de sécurité/protection

[6] Alain François Loukou, « Les TIC au service du développement en Afrique : simple slogan, illusion ou réalité ? »

[7] Signe d’un fort engouement pour l’économie numérique et les TIC, des espaces d’innovation digitale (hub, pépinières, espace de co-travail, incubateurs..) voient de plus en plus le jour en Afrique.

[8] La plupart des pays africains utilisent la largeur de bande passante internationale pour un partage de données au  niveau local ; opération extrêmement chère.

Pourquoi faut-il investir dans l’industrie pharmaceutique en Afrique ?

Pharmacie-Cote-dIvoire_Ilo-photoLa croissance effrénée de la population africaine, qui dépasse aujourd’hui le milliard d’individus, constitue un défi majeur pour les planificateurs du développement. Ce défi est encore plus important dans la mesure où il intègre la prise en charge des besoins en matière de santé.  La demande en produits pharmaceutiques se fait de plus en plus croissante et l’Afrique semble ne pas être à même de profiter de l’expansion de ce secteur. En effet, l’industrie pharmaceutique en Afrique demeure à un état embryonnaire. Les dépenses pharmaceutiques sur le continent devraient atteindre 30 millIards de dollars d’ici l’année prochain(1). Il urge alors de considérer ce secteur, car il semble être un créneau porteur de croissance mais aussi afin de réduire la dépendance du continent vis-à-vis de l’extérieur, notamment sur des sujets aussi sensibles que la santé.

Très peu d’entreprises sont actives dans l’industrie pharmaceutique en Afrique. L’offre en produits pharmaceutiques en provenance du continent ne représente que 2% de l’offre mondiale(2). Les quelques entreprises existant sont des filiales de laboratoires délocalisés sur le continent. C’est le cas de Sanofi Aventis, Pfizer,  Cipla. Ces laboratoires se concentrent sur la production de médicaments génériques destinés au marché local et s’activent surtout dans la recherche. Seul l’Afrique du sud dispose d’une  industrie pharmaceutique assez développée. L’essentiel de la consommation de produits pharmaceutiques est couvert par les importations en provenance d’Europe ou d’Asie, notamment de l’Inde. Il en ressort un coût d’achat / de vente assez élevé pour les médicaments, même génériques[1] , dans un continent où plus de 50% de la population dispose d’un revenu de moins de 2 USD en parité du pouvoir d’achat par jour. En effet, une boite de 8 comprimés de paracétamol en Afrique peut atteindre 3 EUR contre 2 EUR en moyenne dans les pays occidentaux. Le prix en Afrique reste très élevé si on le compare en PPA.

Par ailleurs, ces entreprises exerce un véritable lobbying pour maintenir les prix à des niveaux élevés, ce qui d’une part décourage les nouveaux entrants, notamment les fabricants de médicaments génériques, mais aussi afin de maintenir la production de médicaments princeps[2], destinés à des marchés où le pouvoir d’achat est relativement plus élevé. L’exemple le plus récent est celui de l’Afrique du Sud où en Janvier 2014 le premier ministre sud-africain a qualifié de «génocidaire » et de « dimension satanique » le lobbying des industries pharmaceutiques de ce pays(3). En effet, son gouvernement prévoiait de faire des reformes assouplissant les renouvellements de brevets, ce qui permettrait aux industries de médicaments génériques de « copier» plus facilement les médicaments princeps.

Aussi, les conditions économiques et réglementaires constituent une entrave à l’implémentation de ces entreprises. En effet, au-delà du caractère social, les fabricants de produits pharmaceutiques sont des entreprises en bonne et due forme qui cherchent elles-aussi à minimiser leurs coûts de production tout en augmentant leur production, et sur lesquelles l’Etat pourrait percevoir des recettes fiscales. L’inadéquation du cadre réglementaire pour la pratique de cette activité, assez particulière, parce que tenant du secteur de la santé, constitue un blocus pour de nombreuses firmes pharmaceutiques.

Enfin, les prix élevés des médicaments provoquent la création d’un marché parallèle, qui constitue aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique dans de nombreux pays africains.

En dépit de cette situation, l’Afrique peut exploiter ce secteur comme un levier au développement. En effet, l’implantation de nouvelles industries pharmaceutiques permettra, au-delà de la prise en charge des problèmes liés à la santé à moindres coûts, à créer de l’emploi. Sur un continent où le taux de chômage varie de 11,9% en Afrique Subsaharienne(4) à 25% en Afrique du Sud ; cette offre serait un facteur clé de développement économique local.

Pour atteindre cet objectif, un certain nombre de défis devront être relevés, ce qui nécessitera une forte implication de l’Etat. Pour l’heure, ce sont certains organismes internationaux qui soutiennent le secteur, le but est donc “social” et non économique. L’OMS dans le cadre de la lutte contre certaines maladies subventionne les industries fabricant des médicaments génériques.  Récemment, en Juin  2012, le groupe PROPARCO a octroyé 12,5 millions de dollars à Strides Africa, qui est une filiale du groupe international Strides Arcolab Limited intervenant très largement dans diverses formulations pharmaceutiques(5).

La stratégie consistera surtout à créer un environnement propice et attractif pour l’exercice de cette activité mais aussi à renforcer le développement des entreprises localement présentes afin de limiter les importations. Ces dernières années, l’Afrique du Sud a mis en œuvre de nombreuses réformes, qui ont favorisé le développement du secteur et les autorités ne cèdent guère aux pressions du lobbying du secteur. Les antirétroviraux battent des prix records, très bas. Les autres pays africains pourraient s’inspirer du cas sud-africain, pour établir et mettre en œuvre des politiques pouvant non seulement faciliter la création d’industries mais aussi le développement de celles déjà présentes dans le secteur. Pour les structures déjà existantes, il convient de les regrouper en grandes structures, car elles assurent une meilleure rentabilité et attirent davantage les investisseurs. Le regroupement en firme ou l’appartenance à ces firmes donne de l’assurance aux éventuels investisseurs : on a l’IPASA en Afrique du Sud.

Comme dans tous les secteurs économiques, le partenariat entre le public et le privé demeure un levier de développement majeur. En effet, les industries pharmaceutiques existantes, dirigées par l’état manquent de moyens (financiers, matériels…) et peinent à se développer. D’ailleurs lors du sommet de la Banque africaine de développement (BAD) avec des experts pharmaceutiques et financiers l’objectif principal était de favoriser le partenariat public-privé (2) : concrètement il peut s’agir des rachats ou de l’agrandissement des usines publiques par exemple.

Outres les différentes mesures citées plus haut, l’état peut mettre en œuvre d’autres mesures incitatives telles que :

  • La diminution d’impôts ou de taxes en fonction du nombre d’employés ou en fonction d’autres critères économiques
  • Renforcer la capacité de production locale en fixant un prix avantageux des matières premières produites sur le territoire.

Aussi, faudrait tenir compte des connaissances locales en matière de pharmacopée. Si aujourd’hui, très peu de personnes ont recours au système de santé, ils se soignent via cette forme de médecine, qui a une connaissance assez pertinente, pas toujours scientifique, mais qui peut aisément participer à l’émergence d’une pharmacie à “l’africaine”, comme la pharmacopée chinoise ou indienne, pour capter le marché domestique et s’exporter. 

L’industrie pharmaceutique est promise à un bel avenir et pourrait constituer un véritable levier de développement. Le secteur est quasiment délaissé alors que l’Afrique comptera d’ici 2050 près de 2,4 Mds d’individus(6), tous demandeurs de produits pharmaceutiques. Promouvoir le secteur passera, sans nul doute, par la mise en place d’un environnement propice à l’activité ; une collaboration avec le secteur le secteur privé, la mise en place de quelques mesures incitatives et la prise en compte des connaissances traditionnelles en matière de pharmacopée. Garantir la santé et l’éducation c’est posé les bases pour un développement durable, inclusive, portée par les ressources  humaines locales. Dans le domaine de la santé, l’Afrique a un potentiel qu’il faut valoriser, afin de faire de ce secteur un relai de croissance et de protection sociale dans les pays africains.

Nelly Agbokou

Référence

1.            Les géants de la pharmacie misent sur l’Afrique

2.            L’industrie pharmaceutique africaine promise à un bel avenir – Banque africaine de développement

3.            Motsoaledi: Big pharma’s « satanic » plot is genocide

4.            Le chômage des jeunes : un défi de plus pour l’Afrique d’aujourd’hui ? – Terangaweb | L’Afrique des idées

5.            Soutien à l’industrie pharmaceutique en Afrique

6.            UNICEF (aout 2014). Afrique : Génération 2030, la démographie enfantine en Afrique


[1] Médicament dont le brevet est tombé dans le domaine public et qui peut être produit par d’autres laboratoires pharmaceutiques autre que celui d’origine

[2] Médicament d’origine mis sur le marché par le laboratoire l’ayant découvert et ayant déposé un brevet dessus

Pour une couverture médicale efficace en Côte d’Ivoire

CMU

Les systèmes de protection sociale lorsqu'ils fonctionnent bien, ont le double avantage d'assurer une redistribution optimale des ressources et d’inciter la population à augmenter sa propension à consommer pour relancer l'économie. En effet, lorsque le système de protection sociale d'un pays est défaillant, les ménages ont tendance à épargner à titre privé pour prévenir les risques sociaux. Ce qui conduit à une faiblesse de la demande interne et donc à une forte dépendance de l'économie à des chocs externes.

Consciente de cette réalité, la Côte d’Ivoire s’est engagée au cours des dernières années à développer un système de protection sociale fiable. Ainsi, après les difficultés de mise en oeuvre du projet d’Assurance Maladie Universelle (AMU) par le précdent gouvernement, le nouveau gouvernement ivoirien a développé le concept de Couverture Maladie Universelle (CMU) pour promouvoir un système de protection sociale ; la lettre « A » du projet précédant étant remplacé par le « C ». Suite à l’adoption par l’Assemblée Nationale en mars 2014 du projet de loi instituant la CMU, le gouvernement ivoirien a sélectionné en octobre 2014, une société chargée d’enrôler les assurés. L’opération d’enrôlement devrait débuter le 29 décembre 2014.

Cette étape cruciale démontre que le pays a atteint un point de non retour dans le processus de déploiement d’un système de couverture maladie. Toutefois, l’instauration de ce « pacte social » suscite autant d’espoirs que de doutes. En effet la réussite de ce projet passera par la capacité du pays à relever les trois grands défis suivants : la qualité des prestations médicales, une structure de financement optimale et une gestion rigoureuse et efficace.

1. Le défi de l’amélioration de la qualité des prestations médicales

Les ivoiriens ont encore en mémoire la tragique épisode de la jeune mannequin Awa Fadiga décédée en mars 2014 au CHU de Cocody (Abidjan) où elle avait été évacuée d’urgence suite àune agression. Cette mort que ses proches mettent à tord ou à raison au passif du personnel médical accusé de négligence, avait mis en ébullition la société civile, obligeant le gouvernement ivoirien à présenter ses condoléances à la famille éplorée et à limoger le Premier Responsable de la structure concernée. Tout récemment, c’est au tour du célèbre rappeur ivoirien Stézo d’enfoncer le clou en attribuant le décès de son ami et challenger de longue date Almighty survenu en novembre 2014, à la piètre qualité du service du CHU de Treichville (Abidjan) où ce dernier s’était rendu pour recevoir des soins suite à une simple crise de paludisme.

Ces difficultés auxquelles font faceles établissements sanitaires, en matière de prise en charge des patients, constituentle premier défi auquel devrontfaire face les autorités ivoiriennes pour réussir le projet de la CMU. En effet, la pérennité du système repose avant tout sur la satisfaction des affiliés. Ainsi, le gouvernement devra renforcer sa politique en matière de santé, notamment :

  • Renforcer le personnel médical : Selon l’OMS, la Côte d’Ivoire affiche un ratio de personnels de santé (médecins, d'infirmiers et Sages-Femmes) par habitants de moins de 7/10 000 alors que la norme mondiale est de 25/10 000. L’Etat devra donc recruter en nombre suffisant, des agents de santé qualifiés dotés du sens de probité qui s’attachent à respecter le serment d’Hippocrate qu’ils ont prêté.

  • Equiper les hôpitaux en matériels de pointe: Le développement technologique de ces dernières années a permis de mettre à la disposition du secteur de la santé, des équipements sophistiqués de tout genre permettant de faciliter le travail des professionnels de la santé. Le pays devra donc renforcer son matériel médicalafin d’offrir des services de qualité aux patients.

  • Multiplier le nombre d’établissement de santé: l’accès aux structures de santé demeure toujours difficile pour les populations, notamment en zone rurale. Certaines populations continuent de parcourir plusieurs kilomètres pour recevoir les premiers soins dans un établissement de santé digne du nom. Il est dès lors impératif, afin d’assurer le succès de ce projet, de doter le pays d’infrastructures suffisantes, et plus proches des populations,

Ces actions qui nécessitent des investissements colossaux appellent à des moyens novateurs pour assurer leur financement, une question déjà abordée dans un article de Nelly Agbokou[1].

2. Le défi du financement optimal de la caisse de la CMU

Nul doute que le défi du financement de la future caisse de solidarité, demeure un enjeu crucial pour le succès de ce projet. Dans un contexte où le budget de l’Etat est limité, le gouvernement devra faire preuve d’une grande imagination pour trouver les fonds nécessaires à l’alimentation de la caisse de la CMU. Différentes options sont envisagés. Le système de la CMU tel que conçu par le gouvernement, propose deux régimes : un régime contributif et un régime non contributif.Le premier (contributif) propose aux populations, une offre de soins contre une contribution forfaitaire mensuelle de 1000 FCFA par assuré. Ceci soulève deux problématiques majeures. Les populations pourraient avoir bien de mal pour s’acquitter de ce montant. En effet, le taux de pauvreté[2] avoisine 49% en Côte d’Ivoire : près de la moitié de la population gagnerait en moyenne moins de quinze mille francs CFA (15 000 FCFA) par mois. Ainsi, consacrer 1000 F, soit 6,5% de leur revenu mensuel au financement d’une quelconque assurance santé, serait un trop grand sacrifice pour eux. Aussi, l’administration pourrait bien avoir du mal à recouvrer les cotisations. Dans un contexte où le taux de bancarisation est très faible (12%), la solution d’un prélèvement automatique sur comptes bancaires ne ferait pas sens. Il faudrait alors mettre en place un système de recouvrement innovant et efficace pour collecter les fonds dans les délais auprès des assurés.

En ce qui concerne le régime non contributif qui s’adresse aux personnes en situation d’indigence, l’Etat s’engage à injecter dans les caisses de la CMU une somme forfaitaire annuelle qui pourrait aller jusqu’à 50 Mds FCFA. Ceci souligne la nécessité pour l’Etat de centraliser les nombreux fonds existants et éparpillés sous diverses formes (Programme Présidentiel d’Urgence (PPU), Fonds d’entretien routier, Fonds d’Investissement en Milieu Rural (FIMR) etc.) en créant un fonds unique tel que discuté dans un article précédent[3], pour en assurer une gestion optimale et en tirer les ressources nécessaires pour financer de tels projets en plus d’investir dans des PME.

Par ailleurs, il peut également être envisagé de prélever une somme sur le bénéfice des entreprises privées qui réalisent de supers-profits au titre de leur contribution à la solidarité nationale. Toutefois, il convient de bien ficeler cette politique pour éviter de tomber dans le cercle vicieux que l’économiste Arthur Laffer caricature en disant « trop d’impôts tue l’impôt »

3. Le défi d’une gestion rigoureuse et efficace de la CMU

Pour qu’un système de protection sociale soit viable, il est indispensable d’assurer la bonne gestion des réserves issues des cotisations des assurés afin d’éviter les crises de liquidité. La plupart des caisses de prévoyance sociale qui fonctionnent correctement procèdent à des investissements dans des actifs rentables afin de dégager des surplus. Ceci permet d’assurer à la fois le paiement des droits des affiliés à temps et de disposer d’une marge pour la gestion des dépenses de fonctionnement courant.

Cependant, dans nombre de pays africains, l’Etat a en général une forte ingérence dans la gestion des caisses de protection sociale et a souvent tendance à utiliser ces ressources pour financer des dépenses publiques qui n’ont aucun lien avec les problématiques de protection sociale. Par ailleurs, certaines institutions de sécurité sociale procèdent à de mauvais choix d’investissement en achetant des actifs peu rentables. Ces opérations contre-productives conduisent à une destruction des ressources collectées ; ce qui conduit à de fréquentes crises de liquidité.

Cette politique de gestion approximative liée à une mauvaise gouvernance entraine naturellement des désagréments liés au retard ou au non paiement des droits ; ce qui contribue à fragiliser la confiance entre les assurés et les institutions de prévoyance sociale.

En vue de bâtir une institution de protection sociale crédible, capable d’inciter la population à souscrire aux prestations qui leurs sont proposées, l’Etat de Côte d’Ivoire devra veiller à mettre en place un écosystème de bonne gouvernance en désignant des dirigeants compétents et intègres à la tête de la caisse de la CMU.

En définitive, la Côte d’Ivoire qui aspire à l’émergence, comme nombre de pays africains, devrait s’assurer que les trois préalables sus mentionnés c'est-à-dire l’amélioration de la qualité des services de santé, la mise en place d’une structure de financement optimale et la bonne gouvernance, sont assurés afin de réussir à développer avec succès sa politique de couverture maladie universelle.

Lagassane Ouattara


[2]le pourcentage de la population qui gagne moins d’un dollar (environ 500 FCFA) par jour

Aphrodice Mutangana, entrepreneur social au Rwanda

"Quand on veut aller vite, on y va seul. Quand on veut aller loin, on y va ensemble"

Entrepreneur rwandais actif dans les nouvelles technologies, Aphrodice Mutangana est à l'image de cette jeune génération du pays des Mille Collines qui rêve de « faire la différence » et d'être actrice du changement.  Une ambition qui ne relève pas que de la rhétorique.  À 29 ans, Aphrodice peut déjà se prévaloir de quelques belles réalisations : à la tête de son entreprise, il a lancé m-Health[1], une application mobile qui propose des conseils de santé à ses abonnés ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels du corps médical. De quoi impressionner les membres du jury de Seedstars World[2]– une organisation basée en Suisse qui récompense les meilleures start-up dans les pays émergents- pour que ces derniers lui attribuent en 2013 le premier prix régional en Afrique de l’Est. Mais le jeune entrepreneur, non content de développer sa seule affaire, cherche aussi à apporter sa pierre à l’édifice du nouveau Rwanda en construction. En parallèle à son activité professionnelle, il a co-initié bénévolement Incike[3], un site de financement participatif qui vient en aide aux victimes du Génocide ayant perdu tous leurs enfants.  Une contribution symbolique de plus pour cet autodidacte de la high-tech – il a étudié l’agronomie-, cité en exemple dans le prestigieux Washington Post[4], et qui se définit d’abord comme un entrepreneur social.  Entretien.  

APHRODICE MUTANGANA

Aphrodice, pourrais-tu brièvement te présenter ?

Je suis un entrepreneur rwandais, créateur d’une entreprise positionnée sur le segment des nouvelles technologies, et dont le produit phare est une application mobile dédiée aux conseils de santé, m-Health.  Ma formation initiale est cependant l’agronomie – l’horticulture-, bien loin donc de mon environnement professionnel actuel, les technologies de l’information et de la communication. C’est un univers que j’ai découvert comme un à-côté, en autodidacte. Intéressé depuis longtemps par le secteur de la santé, je me suis finalement lancé dans l’aventure entrepreneuriale. Une façon comme une autre d’assouvir mon inclination par des voies autres que celles suivies par les praticiens de cette filière -médecins, infirmiers, pharmaciens-. Au final, je me définis d’abord comme un entrepreneur social, qui développe une activité à la fois profitable et utile à l’ensemble de la communauté.

L’entrepreneuriat social justement. Peux-tu nous décrire les différentes initiatives que tu as prises dans ce domaine ?

foyomLa première concerne bien entendu m-Health. L’idée de base était de fournir, via le téléphone mobile, des conseils de diététique et de santé aux personnes souffrant de certaines maladies chroniques (diabète, insuffisances respiratoires…) ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels de la santé. L’application automatise les réponses aux questions les plus fréquemment posées par nos abonnés, et le cas échéant, permet d’interroger à distance un spécialiste sur une requête plus spécifique. Un service utile et pratique qui permet bien évidemment de dégager un revenu. Mais l’entrepreneuriat social va bien au-delà. Dans le cadre de l’initiative Incike, un programme soutenu par les autorités et destiné à soutenir les personnes âgées ayant perdu tous leurs enfants pendant et après le Génocide,  nous avons développé avec d’autres bénévoles un site de financement participatif afin de collecter les fonds nécessaires à ce type d’action. C’est là un exemple typique de ce que peut faire l’entrepreneuriat social : mettre en commun des compétences en vue de fournir une prestation qui exercera un impact positif sur la collectivité, et ce sans avoir nécessairement un retour financier immédiat.  Dans la même veine, mon site personnel Mutangana.rw[5], lancé il y a peu, cherche quant à lui à agréger et faire partager gratuitement certaines idées d’affaires à développer, tous secteurs d’activité confondus. Celle ou celui qui se sent en mesure de reprendre à son compte une idée de business, et d’en faire une activité profitable, tant mieux.  Sur le long terme, une idée n’a de valeur pour la société que si elle est suivie d’une exécution réussie qui profite au plus grand nombre. Le site n’est qu’une plateforme, un outil au service de tous.

Des initiatives qui ont en tous les cas contribué à te faire connaître d’un plus grand public. Prix de la meilleure start-up régionale, couverture dans les médias locaux et internationaux (France 24, Washington Post). Quel est ton sentiment par rapport à cette visibilité grandissante ? 

De la fierté bien sûr, mais en même temps, beaucoup d’humilité. Je sais d’où je viens, me souviens des difficultés et obstacles surmontés, des sacrifices consentis. Il y a beaucoup de travail pour en arriver là, on apprend donc à remettre les choses en perspectives et à savourer l’instant présent. Mais sans jamais perdre de vue le chemin à venir, les projets qui restent encore à accomplir.

Parle-nous de tes projets en cours.

A court terme, je vais continuer à développer mon application mobile en tâchant de la dupliquer sur une plus large gamme de systèmes d’exploitation (Android, Windows Phone, iOS d’Apple). Cela reste la meilleure façon de toucher une clientèle plus large, et pas uniquement au Rwanda. Si le produit est bon, il peut a priori être répliqué ailleurs. J’attends beaucoup aussi de mon site Mutangana.rw de partage d’idées. Contacts multiples, mentorat, possibilités de financement, c’est l’essence de l’entrepreneuriat social. Enfin, je souhaiterais développer une activité plus centrée sur l’événementiel, telle que l’organisation de colloques et forums portant sur les opportunités d’affaires au Rwanda et dans la sous-région. Ce qu’il faut, c’est un point de rencontre entre investisseurs et entrepreneurs, une plateforme où chacun pourrait obtenir ce qu’il est venu chercher. Des capitaux et une méthode managériale pour les entrepreneurs, des équipes compétentes et de bonnes idées sur lesquelles se positionner pour les investisseurs.  En clair, mettre à disposition tous les ingrédients nécessaires à la réussite.

Un dernier mot sur ces facteurs de réussite. En tant que chef d’entreprise, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui se souhaitent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

Il faudrait idéalement toujours faire ce que l’on aime. Ce sera d’autant plus utile lorsque les choses se compliqueront et que les difficultés, immanquables, surviendront. A ce titre, dans le contexte souvent précaire et changeant qu’est l’entrepreneuriat, la persévérance, la débrouillardise et la flexibilité sont incontestablement des qualités qui peuvent faire la différence. La créativité peut aussi être un plus indéniable, mais elle devra, pour être efficace, se baser sur les besoins concrets de vos clients, fournisseurs et partenaires. Il faut donc être constamment à l’écoute, sensible aux signaux donnés par le marché, tout en se concentrant sur l’essentiel et en connaissant ses limites. Dernier point enfin, et probablement le plus important : savoir travailler avec d’autres personnes, c’est indispensable. Quand on veut aller vite, on y va seul, mais quand on veut aller loin, on y va ensemble.  

Propos recueillis par Jacques Leroueil à Kigali

Pour aller plus loin : https://www.youtube.com/watch?v=B_84fPKNORQ

 


[1] http://www.foyo.rw/

 

[2] http://www.seedstarsworld.com/

 

[3] http://www.incike.rw/

 

[4] http://www.washingtonpost.com/world/africa/20-years-after-the-genocide-rwanda-looks-to-a-tech-revolution/2014/04/04/bbde2df2-bb4a-11e3-80de-2ff8801f27af_story.html

 

[5] http://mutangana.rw/

 

Tandis qu’ils agonisent… Le tabou sur la santé des chefs d’Etats Africains

 
« Monsieur Njawé, même si le président de la République est malade, vous devez écrire qu’il est en parfaite santé » L’avocat général près de la cour d’appel de la province du Littoral (Cameroun) durant le procès de Pius Njawé, Directeur du quotidien le Messager, en janvier 1998
 
dépouille du président Houphouet Boigny
 
 
L’Afrique subsaharienne ne détient pas, loin s’en faut, le record de dissimulation présidentielle. La Corée du Nord est aujourd’hui « dirigée » par un leader mort depuis 1998, Kim-Il-Sung, « éternel leader ». Difficile de faire mieux. Ou pire. Franklin D. Roosevelt s’échina – c’est le mot – durant deux décennies à cacher au public qu’il était paralysé. La presse française maintint un silence soldatesque sur la santé de Georges Pompidou, alors même que son visage boursoufflé par la cortisone  faisait les gorges chaudes de la presse internationale. François Mitterrand cacha au public son cancer de la prostate, diagnostiqué pourtant au tout début de son premier septennat.

Mais, la frontière est mince, poreuse même entre souffrance physique et équilibre mental. Si l’on peut raisonnablement affirmer que la paralysie de Roosevelt et ne l’empêchait nullement d’assumer ses fonctions, il est impossible d’oublier que son hypertension le priva probablement de la lucidité nécessaire durant les négociations de Yalta. John F. Kennedy, un de ses successeurs, poussa la dissimulation, l’imposture et l’hypocrisie jusqu’aux dernières limites concevables : l’escalade au Vietnam, la crise des missiles de Cuba et le mur de Berlin (rien que ça !) peuvent être directement reliés[i] à ses maladies vénériennes et à l’accumulation de drogues psychotropes que le président américain devait régulièrement absorber pour supporter les douleurs liées à ses multiples maladies.
 
Atta Mills, le célébré, le démocrate, le professeur est mort en juillet dernier, d'une crise cardiaque, conséquence prévisible de son cancer. Il s'était présenté aux primaires de son parti et fut désigné candidat pour les prochaines présidentielles alors qu'il savait pertinemment la gravité de sa maladie. Il est le dernier d'une longue liste de chefs d'Etats Africains ayant sciemment caché la gravité de leurs afflictions à la population (avez-vous remarqué que les hommes politiques africains n'utilisent jamais les si beaux termes que sont "électeurs" et "concitoyens", toujours "peuple", "population", parfois "compatriotes"… tout un symbole) 
 
Le dernier chef d’Etat Africain ayant quitté le pouvoir pour raison de santé est… Bourguiba – « démissionné » par Ben-Ali en 1987. En Afrique subsaharienne, cette obsession du secret autour de l’état de santé des chefs d’états serait risible si elle n’était pas aussi dangereuse et… révélatrice. Voici un sous-continent dont les responsables se portent à merveille… jusqu’au jour de leur mort.

Santé, mensonges et instabilité politique
Le Nigérian Umaru Yar’dua (mort en mai 2010 d’une péricardite aiguë), il apparaît aujourd’hui, a été soutenu par Olesegun Obasandjo, seulement parce que ce dernier conscient de la mauvaise santé de son probable successeur, espérait contourner la limite constitutionnelle de deux mandats présidentiels consécutifs. Le risque d’exposer un pays de 170 millions d’habitants, habitué aux coups d’états militaires, à une crise constitutionnelle et politique, n’avait de toute évidence, aucune importance.
 
Le journaliste Camerounais Pius Njawé fut condamné à 24 mois de prison, en janvier 1998, pour avoir osé s’interroger ouvertement sur l’Etat de santé du président Paul Biya, victime à l’époque d’un… malaise. Victime d’un autre « malaise » en 2006, le président se fendit d’un plaidoyer pro-domo des plus surprenants :
 
« Vous pouvez rassurer les gens autour de vous…C’est pas un malaise cardiaque ou une perforation intestinale ou, je sais pas moi, un ulcère de l’estomac…il faut lier ça aussi à ce qu’on a mangé, ou qu’on mange. Il y a des choses qu’on ne tolère pas. J’ai mangé le ‘’nnam ngon’’ (…) Moi je ne bois que l’eau depuis un mois ou deux, donc on ne peut pas dire que j’ai bu. Mais, le “nnam ngon …ça faisait longtemps. Maintenant ça va. ”
 
Cinq ans avant sa mort, Lassana Conté, président de la Guinée, se portait tellement bien que durant les élections présidentielles de 2003 (remportées avec 95,9% des suffrages exprimés), l’urne dut être déplacée jusqu’à la voiture présidentielle. En 2006, la presse internationale reporte qu’en plus du diabète, il souffre d’une leucémie. Lassana condé est ainsi resté en "bonne santé jusqu'à sa mort en 2008.
 
Omar Bongo alla jusqu’à narguer les journalistes « colportant des rumeurs » sur son état de santé avant lui aussi de s’éteindre brusquement des « suites d’un cancer intestinal ». C'est un mystère médical typiquement africain : la rapidité foudroyante des maladies frappant les chefs d’Etat du sous-continent. Houphouët-Boigny eut beau passer les cinq dernières années de sa vie, à moitié dément, sénile et cancéreux, entre sa résidence à Yamoussokro et un sanatorium en France. Officiellement, son cancer de la prostate ne l’emporta qu’au bout de… « six mois ». Mobutu s’enfuit du Congo en laissant son palais de Gbadolite parsemé de… couches-culottes, le mal qui devait l'emporter, l'avait déjà rendu incontinent.
 
Le tabou et la peur
Je crois à une spécificité subsaharienne dans cette propension à taire les maux dont souffrent ces chefs : la tentation mystique. Derrière les silences d'Houphouët, d'Enyadema, de Mills, de Mobutu, de Conté, de Mwanawasa, de Mutharika, de Yar'adua, de Zelawi ou de Bongo parmi les morts, ou de Wade et Dos Santos, parmi les vivants, il y a quelque chose qui reste en deçà d'une haine de la science moderne (laissons ça à Thabo Mbeki) mais va au-delà de l'obsession du pouvoir : un étrange syncrétisme entre culte de la personnalité et survivances animistes. J'en suis convaincu. Ceci explique peut-être la mansuétude des… "populations". Plus qu'ailleurs, la mort reste en Afrique subsaharienne l'ultime tabou.
 
Joël Té-Léssia


[i] “JFK: in sickness and by stealth”; Christopher Hitchens, Arguably p. 54

Quand le marché des médicaments génériques s’éveillera…

L’émergence de politiques de santé publique ambitieuses en Afrique sub-saharienne fait de la production des médicaments génériques un enjeu majeur. Le marché africain du générique offre ainsi de belles opportunités d’investissement au secteur privé africain.

A l’heure où les pays occidentaux tentent de freiner leurs dépenses de santé, au risque d’entériner définitivement des systèmes de santé à deux vitesses, certains pays africains adoptent une démarche radicalement opposée. Ainsi en février dernier, le gouvernement du Bénin a annoncé la création d’un Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU), afin de permettre à l’ensemble de la  population d’accéder aux soins selon les besoins médicaux et les revenus de chacun. En mars, s’est tenue au Niger une conférence pour le renforcement de la gratuité de soins de santé, gratuité qui avait été instaurée au Niger en 2005.

Les Etats d’Afrique subsaharienne prêtent un intérêt croissant à la gestion du risque maladie auquel font face les populations locales, lourd de conséquence en termes financiers pour les familles qui doivent souvent supporter la majeure partie des dépenses de santé publique. Le risque sanitaire fait de l’accès aux médicaments à bas coût un enjeu essentiel.  L’Afrique subsaharienne importe actuellement environ 90% de ses médicaments, le secteur des génériques représente donc un marché à fort potentiel sur le continent.

Outre l’innovation pharmaceutique, qui demeure essentielle, la priorité pour le continent consiste à renforcer ses capacités locales de production de médicaments .  Une politique de développement volontariste dans le  secteur  pharmaceutique local est déterminante pour attirer des investisseurs privés locaux pour qu’ils contribuent à développer une industrie pharmaceutique africaine.  Les pays les plus actifs en termes de production de médicaments génériques sont principalement le Kenya, le Nigéria, la Tanzanie et l’Afrique du Sud.

On peut citer à titre d’exemple le groupe sud-africain Aspen Pharma, qui fait partie du top 20 mondial des fabricants de génériques. Six de ses sites de production sont situés sur le continent (Afrique du Sud, Kenya, Tanzanie). Le chiffre d’affaires du groupe était en hausse de 31% sur les six derniers mois de l’année 2011, grâce à un marché domestique (Afrique du Sud) en forte croissance, et un bonne performance dans la sous-région, avec un profit opérationnel en hausse de 23%. Le groupe a su développer des partenariats stratégiques judicieux, notamment en Afrique de l’Ouest et au Nigéria avec le leader britannique Glaxosmithkline. Les perspectives de croissance sont en outre très favorables pour le Groupe, qui a l’intention d’accroître sa prise de participation dans le groupe pharmaceutique tanzanien Shelys, qui fabrique notamment des traitements génériques contre le paludisme.

Le secteur des génériques en Afrique subsaharienne attire également les investisseurs d’autres pays émergents, comme l’Inde. Selon le site Bloomberg, le laboratoire pharmaceutique indien Cipla a  l’intention d’investir 80 millions de dollars pour accroître ses capacités de productions en Ouganda, en partenariat avec Quality Chemicals Industries, un laboratoire du pays. Cet investissement vise à développer la production de traitements génériques contre le VIH et les médicaments génériques anti-malaria. L’usine de Quality Chimicals à Kampala a déjà des capacités de production existantes de 6 millions de comprimés anti-paludisme ou anti-VIH par jour.

La demande en médicaments générique de l’Afrique subsaharienne reste donc aujourd’hui fortement supérieure à l’offre locale, ce qui permet à la concurrence indienne et chinoise de s’attribuer de larges parts de marché dans l’industrie pharmaceutique africaine. Les opportunités d’investissements pour les laboratoires africains sont pourtant bien réelles, et l’émergence de grands laboratoires africains spécialisés sur les génériques tels qu’Aspen permettrait de réduire les importations de médicaments et d’assurer une stabilité dans la production de médicaments génériques locaux. Les bailleurs de fonds devront quant à eux respecter les dynamiques d’un secteur pharmaceutique africain encore fragile, notamment en mesurant bien ex ante l’impact potentiel de dons aux Etats de médicaments achetés à l’extérieur, ce qui peut menacer l’équilibre du marché.

Le marché africain des génériques est malgré tout promis à un bel avenir, grâce aux efforts grandissants des pouvoirs publics pour assurer au plus grand nombre un accès aux soins tout en optimisant les dépenses publiques liées à la santé.

Leïla M.