CAN 2012 : combien ça coûte ?

La Coupe d'Afrique des Nations, édition 2012, s'est achevée dimanche avec la victoire de la valeureuse équipe des Chipolopolo (boulets de cuivre) de Zambie. Cet évènement sportif, le plus important du continent, a rassemblé comme à l'accoutumée 16 nations africaines et a été regardée dans l'ensemble des pays africains et au-delà. La CAN a surtout permis de braquer un projecteur puissant sur le Gabon et la Guinée Equatoriale. Les deux pays organisateurs, l’un francophone, l’autre hispanophone ont puisé dans leurs ressources pour couvrir des coûts d’organisation importants. Mais, les coûts de cette CAN ne se limitent pas aux fonds dépensés par les gouvernements gabonais et équato-guinéen. Des droits de télévision à la flambée des prix sur les marchés des pays organisateurs, en passant par la billetterie pour les spectateurs qui ont fait le déplacement, la CAN 2012 aura eu des conséquences économiques variées pour les différents acteurs de l’évènement. Retour sur ces fortunes diverses.

Les pays organisateurs

Les infrastructures ont été encore une fois le nerf de la guerre, le centre des attentions tout au long de la course contre la montre pour finaliser les préparatifs avant le début de la compétition. La Guinée équatoriale, peuplée de seulement 700 000 habitants a assumé ses ambitions. Rénovation du front de mer de Bata (la plus grande ville du pays), construction d’un site comprenant palais de conventions, hôtels et villas, démarrage de la construction d’une nouvelle ville (Oyala), bitumage des routes (à 80% sur l’ensemble du pays), construction d’un stade à Malabo et rénovation d’un autre à Bata pour la coquette somme de 50 milliards de FCFA sont autant de réalisations qui ont nécessité une dépense publique massive, adossée aux rentes de ce pays nouvellement  producteur de pétrole.

Le Gabon n’a pas été en reste, inscrivant le projet de préparation de la CAN dans un objectif plus large d’investissements à grande échelle pour moderniser le pays. D’après le comité d’organisation COCAN,  environ 400 milliards de FCFA  ont été dépensés ! Les deux pays producteurs de pétrole ont d’ailleurs assuré que la FIFA et la CAF n’ont pas contribué substantiellement à l’évènement et que la charge leur est presque entièrement revenue.

Quand ça coûte à certains, ça rapporte à d’autres. Les deux pays organisateurs ont fait appel à plusieurs entreprises, souvent étrangères, pour la réalisation des travaux. Parmi elles, des grosses entreprises marocaines comme la Somagec (Société maghrébine de génie civil) ou encore le groupe Ynna Holding mais aussi et surtout chinoises. Le stade nouvellement construit d’une capacité de 450 000 places, dénommé stade de l’amitié sino-gabonaise en témoigne. Le personnel qui y a travaillé est d’ailleurs en majorité chinois, une situation qui fait monter des doutes sur l’effectivité d’une quelconque transmission de compétences et de savoir-faire à travers la réalisation des travaux. Au-delà de la réalisation des infrastructures qui en soit est positive, leur mise en place n’aura pas forcément profité aux économies des deux pays. Elle leur aura coûté énormément mais surtout profité aux entreprises étrangères avec un emploi somme toute faible de la main d’œuvre locale. Des travers souvent répétés pour l’organisation des coupes d’Afrique alors même qu’ils ne semblent pas inéluctables.

Les populations sur place

Les villes où a eu lieu « la grande messe du football africain » ont connu une nette inflation. Cette flambée des prix notamment des services liés à la restauration et à l’hébergement n’a pas épargné les denrées alimentaires de première nécessité. A Franceville (au nord du Gabon) par exemple, de nombreux habitants se sont plaints de l’envolée des prix. Selon les relais d’Africa Info au Gabon, le carton de poulet dont le prix était de 9 000 FCFA est subitement passé à  15 000 FCFA. Une légère pénurie de pain a également été remarquée ici et là. Un coût payé par la population locale.

Evidemment, la CAN ne se traduit pas par une perte de pouvoir d’achat pour l’ensemble de la population hôte. L’une des attentes suscitées par l’évènement est le coup de pouce qu’elle donne à l’économie locale avec la demande accrue de logement, de restauration, de transport et les surplus touristiques qu’elle engendre. Les hôtels des 4 villes hôtes (Libreville, Franceville, Bata et Malabo) ont affiché pour  la plupart complet pendant les trois semaines. Les vendeurs des gadgets accompagnant l’évènement ont pu écouler leurs produits. Mais, les effectifs des spectateurs présents lors de cette CAN n’ont pas été à la hauteur des attentes.

Les spectateurs qui ont fait le déplacement

Malgré des billets d’entrée pour les matchs de la CAN relativement bon marché (leur prix variaient entre 5 000 FCFA  et 100 000 FCFA), de nombreuses tribunes étaient vides lors de plusieurs rencontres. Les fans de foot africain n’ont pas afflué vers la Guinée Equatoriale et le Gabon, pour cette édition de la CAN et c’est probablement là, la plus mauvaise nouvelle de ces trois semaines de compétition. Une mauvaise nouvelle pour les économies locales qui n’ont pas pu profiter suffisamment des retombées de l’évènement, une mauvaise nouvelle également pour la CAF et les pays hôtes car les recettes de la billetterie ont été bien plus maigres que prévu. La crise économique internationale qui n’a pas épargné l’Afrique est certainement l’une des raisons de cette faible participation. Elle a mis en difficulté les Etats qui ont moins pu sponsoriser les associations de supporters, ces derniers ayant eux-mêmes une situation financière rendue plus délicate par la croissance atténuée des pays africains sur les 3 dernières années.

Les téléspectateurs

Le domaine des droits de télévision n’a manifestement pas subi la crise. Al-Jazeera, la chaîne qatarie détentrice des droits de diffusion de la compétition pour l’Afrique du Nord a proposé aux pays de la zone 10 matchs pour un coût de 10 millions de dollars ! Un prix accepté par le Maroc mais rejeté par la Tunisie qui l’a trouvé excessif et hors de portée. Au sud du Sahara, c’est la société LC2-AFNEX de l’homme d’affaires béninois Christian Lagnidé qui a prié les pays qualifiés tels que le Mali, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire de s’acquitter de la somme de 1 million d’euros pour l’ensemble des matchs de la CAN 2012 (Jeune Afrique). Le Niger, également qualifié, a dû s’aligner sur ces prix exorbitants malgré sa situation économique très compliquée. Une envolée des prix des droits de rediffusion très pénalisante pour des gouvernements africains qui se retrouvent pris en sandwich entre les exigences démesurées des sociétés détenant les droits et les aspirations légitimes de leurs populations à regarder, supporter et vibrer au rythme de la plus grande compétition du sport roi en Afrique. C’est certainement l’un des domaines où la CAF devrait faire montre de moins de passivité.

Coûts et gains politiques

Il est difficile de séparer le football de la politique en Afrique. Les coûts et gains liés à cette CAN sont également politiques. On se risque peu en imaginant un coût politique pour le président Wade au Sénégal avec l’énorme déception qu’a entraînée l’élimination prématurée des Lions de la Teranga et des gains politiques en Zambie, dans les pays organisateurs et en Côte d’Ivoire. L’omniprésent Ali Bongo Ondimba a bien compris que la réussite de cette CAN était positive pour son image et son acceptation par la société civile. Voir les populations en liesse notamment après la belle victoire contre le favori marocain et surtout entendre leur brusque regain d’amour pour leur pays et pour leurs dirigeants a sans doute été apprécié par ABO. La Côte d’Ivoire meurtrie par les récents évènements qui ont coupé le pays en deux a eu l’occasion d’afficher son unité derrière son équipe nationale. Sans prétendre que cette CAN ait pansé les plaies, elle a certainement adouci, au moins légèrement, certaines tensions.

Tite Yokossi

Crédit photos: Matchfootdirect.com – 20min.ch – acotonou.net


CAN 2012 : pour qui roule la Fédération Sénégalaise?

Je me suis bien réjouis hier, de la défaite du Sénégal, contre la Zambie, lors de la 1ère journée de la Coupe d’Afrique des Nations 2012, organisée conjointement, cette année par le Gabon et la Guinée équatoriale (j’ai écrit cette phrase exprès, pour me moquer du nouveau genre pseudo-journalistique, dont on abuse sur TW, moi le premier : montrer qu’on a bossé, qu’on a tout lu, qu’on a toutes les infos, le faire savoir).

Je la sens bien moi, cette CAN, d’abord et avant tout parce que ni le Cameroun, ni le Nigéria, ni l’Egypte n’y participent. Si avec ça, les Éléphants ne l’a remportent pas, je serais partisan d’une exécution sommaire, télévisée, dès l’atterrissage. Mais je la sens bien aussi parce que le Sénégal ne la remportera pas. (J’ai reçu l’autorisation, la fois passée de reparler du Sénégal, j’en profite avant qu’on ne change d’avis)

Ce que j’ai détesté les « Gaïndés » durant mes études secondaires! Surtout en 2002 : La Côite d’Ivoire finit dernière de son groupe (derrière… le Togo – Ah, ils nous auront tout fait! – et après une défaite contre la RDC, « découragement n‘est pas ivoirien » , mais quand même!) et le Sénégal arrive en finale. Et puis c’est la Coupe du Monde 2002. Toute ma vie, je me souviendrai du match d’ouverture, de l’hystérie collective qui prit le camp entier, du dernier troufion au colonel, et par delà Bango, le pays tout entier, après la victoire contre la France.

Plus que cette joie hautement communicative contre laquelle, de toute mes forces je luttai, c’est une espèce de haine qui surnage quand j’y repense. La Coupe du Monde se déroulait en Asie : monstrueux décalage horaire. Le jour du match, une bande d’imbéciles avait débarqué dans nos chambres, au milieu de la nuit, s’époumonant, criant à tue-tête : « Debout les gniaks, debout! Aïtcha! Debout waay! Le Sénégal joue aujourd’hui! Debout! » Si nous n’étions pas déjà braqués contre cette équipe qui allait de victoire en victoire et dont les succès nous rappelaient douloureusement l’état lamentable de nos équipes nationales respectives (CI, Mali, Niger, Gabon, Centrafrique – oui, il y a une équipe nationale de foot en RCA – Burkina, Guinée), même si nous avions aimé l’équipe du Sénégal, ce réveil brutal et sardoniquement destructeur aurait suffi à nous la faire haïr.

J’avoue, à ma grande honte, avoir été plus heureux, le jour de l’élimination du Sénégal en 2002, par la Turquie, que lorsque la Côte d’Ivoire se qualifia pour la Coupe du Monde 2006. Donc, la seule équipe que je détestais plus que celle du Sénégal était le Cameroun. Je suis Ivoirien, par atavisme, je suis naturellement amené à détester l’équipe du Cameroun. Or voilà que les lions indomptables sont bloqués à Yaoundé. Il ne me reste que le Sénégal, comme souffre-douleur et objet de ressenti. Il se trouve pourtant qu’avec l’âge, ces moments de cordiale détestation prennent une teinte sépia, douce-amère, presque joyeuse. Les moqueries, les injures et les fanfaronnades des camarades de Saint-Louis faisaient partie d’une comédie intime, personnelle, d’un jeu de rôles parfaitement rôdé où chacun jouait sa partition avec entrain et bonheur : eux l’arrogance, nous le martyr, nous la haine, eux le mépris. Nous nous aimions, comme le Vieux Salamano et  son chien : on se détestait sans pouvoir nous résoudre à la rupture.

Mais je reste incroyablement content de la défaite du Sénégal : parce que personne ne souhaite plus une victoire des Lions de Teranga à cette CAN qu’Abdoulaye Wade. C’est le coup de pouce qu’il attend, il ne viendra pas. Et j’en ai le pressentiment, en choisissant un entraîneur aussi mauvais, la Fédération Sénégalaise a fait un choix politique : elle s’est ralliée à l’opposition!
 

 

Joël Té-Léssia

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