Boom du e-commerce dans le monde : l’Afrique est-elle préparée ?

ecomDans le monde, 1 462 milliards d’euros ont été générés par l’e – commerce en 2014 avec en tête la Chine et les États – Unies[1]. En parallèle, l’e – commerce pourrait atteindre plus de 50 milliard en 2018 en Afrique[2]. Cette activité correspond à l’achat et ventes  de biens et services sur internet. Malgré la fracture numérique en Afrique- 26% seulement de la population africaine a accès à internet[3]-, la population africaine très jeune et l’essor de la classe moyenne sont autant d’atouts qui permettent au e – commerce d’avoir de beaux jours devant lui en Afrique. Toutefois beaucoup reste à faire pour donner une véritable impulsion au e-commerce en Afrique. Cet article revient sur l’écosystème du e-commerce et les défis à relever pour booster le commerce en ligne en Afrique.

L’écosystème du e – commerce

Le fameux clic sur un site marchand confirmant l’acte d’achat de biens physiques ou immatériel déclenche une multitude d’activités pour que la livraison se déroule dans les meilleures conditions.
Un écosystème gravite autour de la chaîne de distribution. Cette dernière est composée d’intermédiaires ayant pour rôle de produire, de stocker, d’expédier et de livrer les marchandises.
L’écosystème, est composé de quatre éléments :

  • Infrastructure : axes routiers et réseaux internet
  • Économie numérique : Site internet adaptés/ applications mobiles/ gestion de la données et éditeurs de systèmes d’informations
  • Moyens de paiement : carte de bancaire ou par espèce
  • Outils de connexion internet : Les téléphones portables, tablettes et ordinateurs

C’est la combinaison et l’interdépendance de ces éléments qui permettront le développement du e – commerce et par conséquent qui donnera naissance aux prochains champions du secteur. Charge aux entreprises de se différencier grâce aux produits vendus.  

Le développement se fera dans un premier temps dans les villes fortement peuplées et situées à proximité des principaux axes routiers. En effet, c’est dans ces zones où l’infrastructure est développée, où les axes routiers sont dans un meilleur état et  c’est avec une connexion internet rapide  que le délai entre l’achat en ligne et la livraison se feront plus rapidement.

En effet, les coûts sous-jacents au e – commerce sont bien moins élevés que la distribution traditionnelle. Le réseau logistique sera moins complexe puisque contrairement aux distributeurs, les e – commerçants n’ont pas besoin de boutiques physiques pour proposer leurs produits car un site internet suffit pour que le client puisse visualiser des produit, sélectionner un produit et l’acheter. Les e – commerçants économisent des ressources financières car ces derniers n’ont pas à sécuriser des droits de terre pour implanter un point de vente.

Le client dispose de plusieurs moyens de paiements pour régler sa commande à savoir le paiement en espèces ou le paiement en ligne. Ces différentes possibilités auront un impact sur la chaîne de distribution. En effet, un dispositif de sécurité doit être mis en place afin d’éviter les tentatives d’arnaques si le paiement se fait en ligne.
Il faut savoir que le taux de bancarisation reste faible en Afrique. En revanche, les transferts d’argent via le téléphone mobile ne nécessitent pas forcement la possession d’un compte bancaire. Nous pouvons prédire que les moyens privilégiés seront les paiements par espèces et les transferts d’argent via le téléphone mobile.

Le portable sera le support à privilégier pour les achats en ligne!

Le e – consommateur dispose de plusieurs outils afin d’effectuer son achat tels que l’ordinateur, le téléphone  ou la tablette. En Afrique, 12% des consommateurs ont déjà achetés via leur mobile[1].

En effet, le secteur des smartphones a le vent en poupe sur le continent africain. D’une part, nous avons un continent qui a dépassé la barre du milliard d’habitant. En 2050, trois pays à savoir le Nigéria, la République Démocratique du Congo et l’Éthiopie[2] feront partie des 10 pays les plus peuplés du monde. En plus d’être peuplée, la population a la particularité d’être jeune avec une forte propension d’utilisation des TIC et du téléphone portable en particulier.

D’une autre part, la classe moyenne ne fait que croître et s’enrichir. Les constructeurs de téléphone portable africain et groupes internationaux proposent des téléphones entré de gamme à des prix raisonnables avec des fonctionnalités proches voir semblables aux portables haut de gamme. Ce n’est pas étonnant si 97% des africains auront un téléphone mobile en 2017 contre 82% en 2016[3].

Cependant, le principal challenge des e – commerçants sera de convertir les surfeurs en consommateurs grâces à des applications et sites internet adaptés pour les smartphones.

L’Etat, acteur clé du développement du e-commerce!

Tous les éléments précédemment cités permettront l’essor du e – commerce. En revanche, un dernier acteur à savoir l’État pourra accélérer ou ralentir ce développement. Le cadre législatif n’est pas à négliger puisque ce dernier pourra être propice à l’amélioration des infrastructures ainsi qu’à l’accès à internet. Prenons l’exemple du Sénégal avec le Plan Sénégal Émergent (PSE) initié par l’actuel président Macky Sall. Un des grands chantiers de ce plan est l’énergie. Ceci permettra d’améliorer la performance du secteur et de réduire la dépendance du pays. Ces ambitions auront un impact positif sur le e-commerce.
Des infrastructures développées permettront une circulation plus fluide des produits. La distribution continue d’électricité et d’un réseau de télécommunication sont des éléments nécessaires pour que le consommateur puisse effectuer une commande sur un site marchand sans interruption. 

Deux principales compétences seront requises pour lancer un site commerçant. La première compétence est la logistique. L’objectif sera de distribuer le produit le plus rapidement. Pour cela, il faudra définir un réseau de distribution adéquat et performant.
La seconde est informatique et technique. Cette compétence fait partie actuellement des compétences les plus recherchées du marché du travail. Celle-ci permettra non seulement de concevoir un site internet ergonomique ainsi qu’un back office capable de traiter les données mais aussi de comprendre le consommateur pour proposer des produits et d’établir une cartographie de la région livrée au fil des livraisons.  
L’interaction de ces compétences permettra de suivre le produit dans toute la chaîne de distribution. L’état aura la responsabilité de promouvoir cette discipline afin de profiter des retombés économiques.

En conclusion, le boom se fera en plusieurs vagues sur le continent Africain selon le degré de maturité des éléments précédemment cités. Plusieurs scenarios sont envisageables pour l’e-commerce en Afrique :

  • L’e – commerce amènera le développement d’une économie local : Cdiscount avant de s’implémenter en Afrique a fait appel à Bolloré Africa Logistics pour déléguer les activités logistiques. Les prochains e – commerçants locaux devront faire confiance aux acteurs locaux afin de créer un écosystème et faire en sorte que l’essor du e-commerce puisse aussi profiter aux acteurs locaux.
  • L’e – commerce produira des groupes nationaux : Les entreprises de commerce électronique ne proposeront pas seulement des services de ventes mais aussi des services annexes tels que la logistique, informatiques ou des services de cartographie. À titre d’exemple, Jumia, e – commerçant nigérian et 1er e – commerçant du continent africain propose désormais des services logistiques grâce à une expérience gagnée avec le temps. Les entreprises pourront aussi proposer des services plus complexes tels que des points de retrait plus nombreux, retour du produit et remboursements plus rapide. Lorsque le secteur du e – commerce aura atteint un niveau de maturité, les entreprises seront tentées par l’internationalisation. C’est à moment que l’état pourra intervenir afin de faciliter cette démarche en proposant un régime fiscal favorable tout en protégeant les entreprises nationales des entreprises étrangères.

Néanmoins, le commerce électronique sera confronté à plusieurs challenges.
La cybercriminalité sera un fléau qu’il faudra combattre. Ce dernier affecte autant les particuliers que les entreprises. En effet, les consommateurs seront découragés pour renseigner leurs identifiants bancaires et par conséquent d’effectuer une commande sur un site marchand non sécurisé.
Enfin, la mondialisation est une opportunité à double tranchant pour le e – commerce en Afrique. Quand bien même ceci permet aux entreprises de vendre leurs produits à d’autre pays, si l’état ne met pas en place un régime protégeant ces mêmes entreprises, le pays ne sera pas à l’abri de la concurrence étrangère. Des entreprises étrangères proposeront des produits présents localement mais de meilleure qualité ou avec des prix plus intéressants.

 

Issa KANOUTE


[1] Deloitte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] RFI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quels sont les pays africains qui ont le plus fort potentiel de croissance des télécoms ?


Dans un récent article sur le potentiel de croissance du secteur des télécoms en Afrique, nous expliquions que celui-ci était encore élevé, du fait principalement de la structure de la population : 40% des africains ont moins de 15 ans et cette tranche de population fournit chaque année environ 30 millions de nouveaux clients potentiels. De plus, le taux de pénétration réel des télécoms en Afrique (pourcentage d'utilisateurs de téléphonie mobile) est de 67%, laissant encore des perspectives d'évolution. Enfin, du fait du déficit d'infrastructures de base, la gamme des usages de la téléphonie mobile est encore largement inexploitée.

Toutefois, la diversité des pays africains implique que non seulement l’ampleur de la demande potentielle, mais également ses déterminants ne devraient pas être les mêmes d’un pays à un autre. Cet article se propose donc de mettre en évidence ces différences à partir d’une typologie des pays africains en fonction de l’importance de chacun des trois leviers (structures de la population, taux de pénétration et déficit d'infrastructures). Il en résulte que le potentiel de croissance de la téléphonie mobile est plus élevé dans les pays d’Afrique tropicale et que les usages substituables aux infrastructures routières tels que les transferts d’argent sont d’importants leviers de croissance dans les pays à faible densité de la population.

Un point sur la méthodologie

Ces résultats proviennent de la position des pays sur le graphique ci-dessous. Celui-ci présente les pays en fonctions de l’importance de chacun des trois leviers de croissance, notamment le taux de pénétration du mobile, la structure de la population et le déficit en infrastructures. Le taux de pénétration est mesuré par la part des personnes de plus de 15 ans ayant souscrit à un abonnement mobile et la structure de la population est mesurée par la part de la population de moins de 15 ans. En ce qui concerne le déficit en infrastructure, il est abordé sous l’angle des infrastructures sanitaires, bancaires et routières. Il est donc mesuré à la fois par le taux de mortalité infantile, la part de la population disposant d’un compte bancaire (dépôt et crédit), et le nombre de kilomètres de route par superficie de 100 km².[2] En général, plus un pays se trouve à droite et/ou en haut sur le graphique, plus son potentiel de croissance est élevé. Ainsi, ce graphique montre qu’on peut distinguer deux catégories de pays selon l’ampleur et le levier de la croissance.[3]

Figure: Position des pays selon le potentiel de croissance de leur marché des télécoms

Sources : Propres calculs utilisant les données provenant de la Banque Mondiale.

Tableau: Quelques indicateurs sur les deux groupes de pays

L’Afrique tropicale : une zone où le potentiel de croissance est le plus élevé[4]

L’Afrique tropicale constitue une zone singulière où le développement de la téléphonie mobile devrait connaître une croissance significative dans les prochaines années. Comme le montre le graphique ci-dessous, les pays à droite de l’axe vertical sont principalement situés dans la bande tropicale de l’Afrique. Il s’agit principalement de tous les pays africains à l’exception de ceux du Maghreb et de l’Afrique australe. Dans ces pays, la croissance du marché du mobile viendra surtout du segment de la population en âge de travailler qui ne dispose pas encore d’une souscription à la téléphonie mobile, de la vague de nouveaux clients jeunes qui arrivera chaque année sur le marché, et du développement de nouveaux usages notamment dans le mobile-finance et le e-health. Typiquement, dans ces pays d’Afrique tropicale, seulement 50 personnes sur mille ont accès aux crédits contre une moyenne de 125 pour mille pour l’ensemble de l’Afrique. Cette différence subsiste pour l’ensemble des autres indicateurs à l’exception du déficit en infrastructures routières (voir tableau).

Dans les autres pays : les usages substituables aux infrastructures routières 

Par ailleurs, il existe un groupe constitué de pays comme la Guinée Equatoriale, le Gabon ou la Lybie, où les nouveaux usages sur les transferts d’argent ou d’informations financières entre les différentes régions du pays vont constituer un levier important de la croissance de l’industrie. Dans ces pays situés dans la partie supérieure du graphique (au dessus de l’axe horizontale), il y a plus de deux fois moins de routes par unité de surface que dans l’ensemble de l’Afrique (voir tableau). Ce manque d’infrastructures de transport est un frein aux transactions économiques et financières. Par exemple, un paysan de Mongomo en Guinée-Equatoriale qui aurait du mal à écouler ses récoltes sur les marchés de Bata pourra davantage le faire sans se déplacer s’il existait un système d’informations et de paiement par réseau mobile. Il en est de même pour les transferts d’argent à l’intérieur d’un même pays.

Un rôle pour l’Etat ?

Il ressort de cette description que le potentiel de croissance des communications sur le réseau mobile, même s’il est globalement fort en Afrique, diffère significativement d’un pays à un autre. Cependant, la faiblesse des revenus et la règlementation bancaire sont les deux principaux obstacles susceptibles de limiter la traduction de cette demande potentielle en une demande effective adressée aux opérateurs. Dans le premier cas, l’Etat n’a pas un moyen d’action direct en dehors des politiques de croissance et de réduction de la pauvreté. Celles-ci devraient à moyen terme augmenter le niveau de vie des populations et par conséquent accroître leur propension à consommer les services de télécommunications mobiles. C’est plutôt dans le second cas que le rôle de l’Etat sera le plus déterminant. En effet, les règlementations en matière de transferts d’argents et de paiements monétaires ne permettent pas nécessairement aux opérateurs de téléphonie mobile de proposer des gammes de services variés aux clients. Un prochain article devrait déterminer en quoi ces règlementations peuvent être des freins au développement des activités monétaires et financières sur les réseaux de communications.

 

Georges Vivien Houngbonon

 

 

 


[1] L’article précédent n’avait pas mentionné les perspectives de croissance économique en Afrique qui sont aussi un indicateur important du potentiel de croissance. Toutefois, la croissance dépend en elle-même du potentiel de croissance de la téléphonie mobile. Il serait donc fallacieux de faire de cette association une causalité.

 

 

[2] Il s’agit là d’indicateurs mis en place par les chercheurs de la Banque Mondiale pour mesurer ces différentes variables.

 

 

[3] Ces deux groupes ne pas nécessairement distincts comme on peut le constater sur le graphique.

 

 

[4] Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de potentiel de croissance dans les autres pays. Il s’agit d’une appréciation relative basée sur la comparaison entre les pays de cette zone et les autres.