Interview de Lamine Sarr, discours sur l’édition numérique en Afrique

SARR EditeurSARR EditeurLamine Sarr est directeur d'édition de la plateforme numérique NENA. Basé au Sénégal, rencontré au salon du livre 2014 dans le cadre d'une table ronde animée par L'Afrique des idées au Stand des Livres et Auteurs du Bassin du Congo, il présente cette nouvelle maison d'édition.

SARR EditeurLogo-couleurs NENA

TW-ADI : Pouvez –vous nous présenter votre parcours avant la création des NENA

Je vous remercie de m’accorder cet entretien. Je suis actuellement ATER (attaché temporaire de recherche et d’enseignement) et chercheur en management des systèmes d’information au laboratoire CEDAG de l’Université Paris Descartes. Je suis né au Sénégal, où j’ai grandi et fait mes études jusqu’au baccalauréat. Je suis venu en France en 2005 poursuivre mes études en droit des Affaires à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne jusqu’en maîtrise, puis je me suis orienté en droit de l’économie numérique (droit des activités numériques) à Paris Descartes. Une expérience très intense dans un grand cabinet d’avocats anglo-saxon a réveillé chez moi l’envie d’entreprendre. Cela m’a conduit à me réorienter en Master 2 de Sciences de Gestion, spécialité Ethique et Organisation. Je me suis toujours intéressé à l’idée de créer une entreprise à vocation sociale. Concevoir une entreprise qui répondrait aux attentes de toutes les parties prenantes. A l’occasion d’un forum au Sénégal des investisseurs issus de la Diaspora,  j’ai pu avoir l’opportunité de faire la connaissance de Marc-André Ledoux qui était à l’époque le fondateur et directeur de NENA. Il avait le projet de mettre en place une librairie numérique africaine et moi, j’avais l’idée de créer un serveur juridique africain qui allait permettre aux professionnels du Droit d’avoir accès à toutes les ressources nécessaires. J’ai rejoint NENA comme directeur des éditions. Cette rencontre a eu lieu en décembre 2012. Les Nouvelles Editions Numériques Africaines est une société sénégalaise fondée en 2008 et basée à Dakar.

Quelle est la spécificité de NENA ?

La différence fondamentale des NENA et autres maisons d’éditions, c’est que nous sommes un des pionniers au niveau de l’édition numérique en Afrique francophone subsaharienne. Notre spécialité est le livre numérique. On édite, on diffuse et on commercialise des livres en format numérique contrairement aux autres maisons d’éditions traditionnels. NENA dispose d'une expertise technique et d'une expérience avérée dans la production, la diffusion et la commercialisation de livres numériques aux formats EPUB, XHTML ou PDF interactif destinés aux équipements informatiques fixes ou mobiles : ordinateurs, tablettes, smartphones, liseuses à encre numérique etc.

Quel est votre public et comment marche la vente de livre sur Internet en Afrique ?

Notre public est assez large et varié. Initialement notre public était plutôt composé de professionnels du droit de la fiscalité et de la comptabilité. Nous produisons beaucoup de recueils numériques en format PDF interactifs sur support Cdroms. C’est notre cœur de métier, là où on réalise la majeure partie de notre chiffre d’affaires. Cependant nous nous sommes élargis sur d’autres domaines comme la littérature, les sciences humaines, les sciences et technologies adaptées, la religion et la spiritualité.

Nous avons aussi un public d’étudiants intéressés par les sciences humaines et de gestion. Dans le domaine de la littérature, l’essentiel de nos lecteurs sont issus de la diaspora et  d’autres lecteurs qui s’intéressent à la littérature ou aux livres portant sur l’Afrique et sur la spiritualité.

Quelques chiffres sur deux ou trois domaines d’activité ?

Je n’ai pas de chiffre à vous donner. Nous avons sur les réseaux sociaux des pages interactives de plus de 2000 fans (Facebook).

Pratiquement, comment les gens achètent vos livres numériques à Dakar et plus généralement sur le continent ?

Le défi majeur était le mode de paiement pour un public africain.

Au début, nous faisions de la numérisation des livres et nos publications étaient diffusées sur d’autres plateformes internationales. La création de notre propre plateforme a posé le problème de l’achat du livre par des africains, vu le faible taux de bancarisation des populations africaines. Nous avons mis en place, en plus d’un paiement par carte bancaire et Paypal, un moyen de paiement hors ligne pour notre public sur le continent. Concrètement la personne, après validation du processus de commande et le paiement (en ligne ou hors ligne) télécharge directement son livre numérique sur sa liseuse, son ordinateur ou son smartphone à partir sa bibliothèque personnelle sur notre site.

Dans l’espace francophone, la révolution vers numérique est-elle plus lente que pour les pays anglophones ?

Effectivement, il y a un décalage avec l’espace anglophone qui est beaucoup plus avancé en matière de livre numérique avec des plateformes comme Kalahari, eKitabu et des structures comme Paperight.  Mais dans ces plateformes africaines de diffusion numérique, force est de constater la faible présence de contenu africain. Nous avons choisi, d’orienter notre projet sur la mise en valeur de contenus africains.

Quelles sont les défis auxquels vous êtes confrontés pour la mise à la disposition des fonds éditoriaux ?

Les principaux défis sont la réticence des maisons d’édition traditionnelles par rapport à de nouveaux modes de production, de diffusion et de commercialisation du livre qu’ils ne maîtrisent pas complètement,  les obstacles liés à la propriétés des livres numériques, et le manque d’infrastructures.

C’est pourquoi nous avons mis en place plusieurs types de partenariats que nous proposons aux maisons d’édition.

1.            Partenariat de coédition numérique avec sur tout ou partie du fond éditorial. Ici nous prenons en charge l’ensemble des frais et assurons la conversion des livres selon le format numérique approprié et assurons la diffusion sur la Librairie numérique africaine et sur les autres librairie numérique moyennant un partage équitable des bénéfices dégagés.

2.            Partenariat de diffusion numérique (Rôle du libraire) : L’éditeur possède déjà ses ouvrages numérisés et notre collaboration porte sur l’accessibilité à l’œuvre sur la LNA (Librairie numérique africaine) et sur d’autres réseaux.

3.            Partenariat de numérisation et de distribution. Dans ce scénario, l’éditeur prend en charge la numérisation des livres par notre structure.

Dans le premier scénario, NENA prend en charge la numérisation et la diffusion des livres au format numérique. Dans les deux autres, l’éditeur possède soit un fond éditorial numérisé pour lequel il a besoin d’apporter une diffusion ou des textes à numériser dont la maison d’édition veut garder les droits numériques.

Nous avons en effet quatre métiers : Nous sommes une maison d’édition qui ne fournit que des livres numériques. Nous sommes diffuseurs. Nous sommes libraires depuis peu et enfin nous sommes prestataires de service dans le domaine de l’informatique éditoriale. Nous avons dans cette démarche des partenariats avec le gouvernement  Burundais.

Les négociations sont très difficiles avec les maisons d’édition traditionnelles. Actuellement, ces dernières sont extrêmement méfiantes par rapport aux nouvelles formes de publication numérique. Elles ont certaines craintes liées au piratage et la sécurité de leurs œuvres. De plus, elles demandent les droits de propriétés numériques alors qu’elles n’ont pas l’arsenal nécessaire pour protéger ces droits et le mettre en valeur. Mais de grandes maisons d’édition ont commencé à nous rejoindre comme les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal ou les éditions CLE de Yaoundé.

Prenons le cas de NEAS (Nouvelles Editions Africaines du Sénégal). A priori, cet éditeur a tout intérêt pour la circulation des œuvres d’un répertoire très riche. Y-a-t-il d’autres points de rupture ?

NEAS est un exemple intéressant pour montrer la difficulté de la négociation. C’est une maison d’édition historique qui a un mode de prise de décision assez complexe. Parce qu’elle appartient en partie à l’État et en partie à des personnes privées. Le partenariat a pris un peu plus de temps à se mettre en place.

Avez-vous contacté Présence Africaine ?

Voilà environ deux ans que nous essayons de nouer un partenariat avec cette maison d’édition historique. Nous nous voyons opposer un refus, mais nous ne désespérons pas. En effet, nous considérons que Présence Africaine est un monument culturel africain, et qu’il est important pour les africains et les lecteurs du monde entier d’avoir accès sur tout type de support à ses ouvrages qui constituent une grande partie du patrimoine culturel, littéraire et scientifique africain.

Comment lit-on des livres numériques en Afrique ?

Comme un peu partout : Il y a quatre types de supports de lecture:

  1. L’ordinateur portable ou fixe
  2. Les liseuses numériques
  3. Les tablettes
  4. Les smartphones ou téléphones portables intelligents

Il faut comprendre que ce sont deux modes de lectures très différents et complémentaires. Les deux modes de lectures ne s’opposent pas. L’édition numérique est un moyen aussi pour donner une visibilité à l’édition traditionnelle. Elle supplante des conditions logistiques complexes liées. Mais, nous reconnaissons aussi que progressivement et naturellement, l’édition numérique va prendre de plus en plus de place.

Comment arrivez-vous à convaincre les éditeurs locaux pour la numérisation des fonds éditoriaux ?

C’est un travail de longue haleine. Il faut beaucoup de pédagogie sur les solutions techniques et commerciales que nous leur proposons. Nous leur expliquons la nécessité de prendre le train du numérique face à l’évolution que connaît l’industrie du livre, les avantages en terme de valorisation de leur catalogue et en terme de contournement des barrières liées à la diffusion et à l’accès des livres. Les éditeurs africains sont très réservés par rapport au numérique. Pour des raisons liées à la sécurité des fichiers, de piratage, et une  certaine réticence à céder la propriété numérique des œuvres. Il y a toutefois des maisons d’éditions qui ont franchit le pas NEAS (Nouvelles Editions Africaines du Sénégal), Clé du Cameroun, Les Classiques Ivoiriens et Fratmat de la Cote d’Ivoire etc.

Qu’est ce que vous souhaiteriez communiquer à un public de jeunes africains comme mot de la fin ?

L’ambition de NENA est de consolider l’industrie éditoriale africaine, de sauvegarder et rendre accessible le patrimoine culturel, littéraire et scientifique africain.  Il est en effet possible pour les éditeurs africains de faire des bénéfices dans le domaine de l’édition. Il faut juste concevoir le bon modèle économique et ne pas dépendre des subventions étatiques qui touchent les métiers de l’édition.

L’ambition de NENA est de pérenniser tout ce qui touche aux œuvres produites sur le continent. C’est donc de numériser le plus de livres africains possibles. Pour surmonter le constat tragique du  fameux adage d’Amadou Hampaté Bâ selon lequel « En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ». Nous ne voulons plus que les bibliothèques brûlent, c’est pour cela que nous voulons numériser autant que possible.

Pour les jeunes internautes qui fréquentent ce site, j’ai envie de dire que nous nous devons de croire en nos propres potentialités. L’Afrique est un continent d’avenir.

Propos recueillis par Laréus Gangoueus

Quels sont les pays africains qui ont le plus fort potentiel de croissance des télécoms ?


Dans un récent article sur le potentiel de croissance du secteur des télécoms en Afrique, nous expliquions que celui-ci était encore élevé, du fait principalement de la structure de la population : 40% des africains ont moins de 15 ans et cette tranche de population fournit chaque année environ 30 millions de nouveaux clients potentiels. De plus, le taux de pénétration réel des télécoms en Afrique (pourcentage d'utilisateurs de téléphonie mobile) est de 67%, laissant encore des perspectives d'évolution. Enfin, du fait du déficit d'infrastructures de base, la gamme des usages de la téléphonie mobile est encore largement inexploitée.

Toutefois, la diversité des pays africains implique que non seulement l’ampleur de la demande potentielle, mais également ses déterminants ne devraient pas être les mêmes d’un pays à un autre. Cet article se propose donc de mettre en évidence ces différences à partir d’une typologie des pays africains en fonction de l’importance de chacun des trois leviers (structures de la population, taux de pénétration et déficit d'infrastructures). Il en résulte que le potentiel de croissance de la téléphonie mobile est plus élevé dans les pays d’Afrique tropicale et que les usages substituables aux infrastructures routières tels que les transferts d’argent sont d’importants leviers de croissance dans les pays à faible densité de la population.

Un point sur la méthodologie

Ces résultats proviennent de la position des pays sur le graphique ci-dessous. Celui-ci présente les pays en fonctions de l’importance de chacun des trois leviers de croissance, notamment le taux de pénétration du mobile, la structure de la population et le déficit en infrastructures. Le taux de pénétration est mesuré par la part des personnes de plus de 15 ans ayant souscrit à un abonnement mobile et la structure de la population est mesurée par la part de la population de moins de 15 ans. En ce qui concerne le déficit en infrastructure, il est abordé sous l’angle des infrastructures sanitaires, bancaires et routières. Il est donc mesuré à la fois par le taux de mortalité infantile, la part de la population disposant d’un compte bancaire (dépôt et crédit), et le nombre de kilomètres de route par superficie de 100 km².[2] En général, plus un pays se trouve à droite et/ou en haut sur le graphique, plus son potentiel de croissance est élevé. Ainsi, ce graphique montre qu’on peut distinguer deux catégories de pays selon l’ampleur et le levier de la croissance.[3]

Figure: Position des pays selon le potentiel de croissance de leur marché des télécoms

Sources : Propres calculs utilisant les données provenant de la Banque Mondiale.

Tableau: Quelques indicateurs sur les deux groupes de pays

L’Afrique tropicale : une zone où le potentiel de croissance est le plus élevé[4]

L’Afrique tropicale constitue une zone singulière où le développement de la téléphonie mobile devrait connaître une croissance significative dans les prochaines années. Comme le montre le graphique ci-dessous, les pays à droite de l’axe vertical sont principalement situés dans la bande tropicale de l’Afrique. Il s’agit principalement de tous les pays africains à l’exception de ceux du Maghreb et de l’Afrique australe. Dans ces pays, la croissance du marché du mobile viendra surtout du segment de la population en âge de travailler qui ne dispose pas encore d’une souscription à la téléphonie mobile, de la vague de nouveaux clients jeunes qui arrivera chaque année sur le marché, et du développement de nouveaux usages notamment dans le mobile-finance et le e-health. Typiquement, dans ces pays d’Afrique tropicale, seulement 50 personnes sur mille ont accès aux crédits contre une moyenne de 125 pour mille pour l’ensemble de l’Afrique. Cette différence subsiste pour l’ensemble des autres indicateurs à l’exception du déficit en infrastructures routières (voir tableau).

Dans les autres pays : les usages substituables aux infrastructures routières 

Par ailleurs, il existe un groupe constitué de pays comme la Guinée Equatoriale, le Gabon ou la Lybie, où les nouveaux usages sur les transferts d’argent ou d’informations financières entre les différentes régions du pays vont constituer un levier important de la croissance de l’industrie. Dans ces pays situés dans la partie supérieure du graphique (au dessus de l’axe horizontale), il y a plus de deux fois moins de routes par unité de surface que dans l’ensemble de l’Afrique (voir tableau). Ce manque d’infrastructures de transport est un frein aux transactions économiques et financières. Par exemple, un paysan de Mongomo en Guinée-Equatoriale qui aurait du mal à écouler ses récoltes sur les marchés de Bata pourra davantage le faire sans se déplacer s’il existait un système d’informations et de paiement par réseau mobile. Il en est de même pour les transferts d’argent à l’intérieur d’un même pays.

Un rôle pour l’Etat ?

Il ressort de cette description que le potentiel de croissance des communications sur le réseau mobile, même s’il est globalement fort en Afrique, diffère significativement d’un pays à un autre. Cependant, la faiblesse des revenus et la règlementation bancaire sont les deux principaux obstacles susceptibles de limiter la traduction de cette demande potentielle en une demande effective adressée aux opérateurs. Dans le premier cas, l’Etat n’a pas un moyen d’action direct en dehors des politiques de croissance et de réduction de la pauvreté. Celles-ci devraient à moyen terme augmenter le niveau de vie des populations et par conséquent accroître leur propension à consommer les services de télécommunications mobiles. C’est plutôt dans le second cas que le rôle de l’Etat sera le plus déterminant. En effet, les règlementations en matière de transferts d’argents et de paiements monétaires ne permettent pas nécessairement aux opérateurs de téléphonie mobile de proposer des gammes de services variés aux clients. Un prochain article devrait déterminer en quoi ces règlementations peuvent être des freins au développement des activités monétaires et financières sur les réseaux de communications.

 

Georges Vivien Houngbonon

 

 

 


[1] L’article précédent n’avait pas mentionné les perspectives de croissance économique en Afrique qui sont aussi un indicateur important du potentiel de croissance. Toutefois, la croissance dépend en elle-même du potentiel de croissance de la téléphonie mobile. Il serait donc fallacieux de faire de cette association une causalité.

 

 

[2] Il s’agit là d’indicateurs mis en place par les chercheurs de la Banque Mondiale pour mesurer ces différentes variables.

 

 

[3] Ces deux groupes ne pas nécessairement distincts comme on peut le constater sur le graphique.

 

 

[4] Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de potentiel de croissance dans les autres pays. Il s’agit d’une appréciation relative basée sur la comparaison entre les pays de cette zone et les autres.

 

 

Quel est le potentiel de croissance du secteur des télécoms en Afrique ?

En dépit d’un taux de pénétration avoisinant les 100%, nous appelions dans un récent article à une révolution numérique en Afrique. En général, cette révolution n’est possible que si les trois conditions suivantes sont simultanément remplies : La valorisation des nouveaux services de télécommunications, le déploiement des réseaux de nouvelles générations capables de supporter des flux de données et enfin l’existence d’un cadre réglementaire qui garantisse la rentabilité des investissements et la qualité des services aux consommateurs finaux.[1] Aujourd’hui rien n’indique si ces conditions sont remplies sur le marché africain. Dans cette première série d’articles sur le développement des services de télécommunications en Afrique, il sera question de déterminer si la première des conditions est effective.

Il y a essentiellement trois sources de croissance du marché des télécommunications en Afrique. A moyen terme, le potentiel de croissance du marché est fort et stable. Cette caractéristique du marché africain vient de la structure de sa population dont environ 40% a moins de 15 ans. Cette tranche de la population fournit environ 30 millions de nouveaux clients potentiels chaque année sur le marché africain de la téléphonie mobile.[2] Sur les quinze prochaines années, les opérateurs de téléphonie mobile devraient étendre leur marché à plus de 400 millions de nouveaux clients. De plus, ce nombre est censé croître dans les prochaines années comme le montre le graphique ci-dessous. Il s’en suit donc que la dynamique et la structure de la population africaine constitue un atout favorable à la croissance du marché des télécommunications en Afrique.[3]

Source des données : Base de données en ligne de la Banque Mondiale. (*)Le taux de pénétration représente le pourcentage de la population de plus de 15 ans  disposant d’un téléphone  mobile.

En dehors de la contribution des moins de 15 ans, il existe une seconde source de croissance provenant de la population de plus de 15 ans ne disposant pas encore d’un téléphone mobile. En effet, même si le taux de pénétration a atteint 100% en 2011, le marché de l’accès à la téléphonie mobile n’est pas encore saturé. Ce contraste est notamment lié à la multiplicité des clients ayant plusieurs cartes SIM (souvent autant qu’il y a d’opérateurs) à cause de la discrimination du prix de la communication en fonction de la terminaison. Sous l’hypothèse raisonnable de 3 cartes SIM pour deux personnes, ce taux de pénétration chute à 67%. Cela signifie qu’il existe environ 30% de la population de plus de 15 ans, soit environ 200 millions de personnes, qui peuvent être de nouveaux souscripteurs aux services de téléphonie mobile.

Par ailleurs, la gamme des usages de la téléphonie mobile en Afrique est très large et inexploité. Ce potentiel des usages vient surtout du déficit en infrastructures de base que ce soit dans les domaines de la santé, de l’éducation ou du transport. Pour combler ce déficit, des services de consultations à distance (e-health) ou d’enseignement à distance (e-learning) sont de plus en plus développés. Cette tendance est plus importante dans des pays comme le Nigéria et le Kenya où le taux de pénétration du mobile est très élevé. Il en est de même pour les moyens de paiement qui se font de plus en plus à travers le téléphone mobile. L’accroissement de cette demande constitue la troisième source de croissance du marché. Elle permettra aux opérateurs de proposer de nouveaux services à valeur ajoutée comme cela n’est possible ailleurs. Cependant, il n’existe aujourd’hui de chiffres officiels sur la valeur de ce marché.

En somme, la forme pyramidale de la structure de la population africaine, la non saturation du marché et le déficit en infrastructures de base garantissent l’existence d’un potentiel de croissance du secteur des télécommunications en Afrique. Toutefois, compte tenu de la diversité des marchés nationaux, un prochain article devrait examiner la contribution de chacune de ses sources de croissance au développement des marchés nationaux. De plus, l’analyse des déterminants de l’adoption de la téléphonie mobile permettrait d’élucider les raisons qui expliquent que des personnes en âges de travailler ne disposent pas d’un téléphone portable. Par ailleurs, le potentiel de croissance du marché africain devrait susciter d’importants investissements dans les réseaux de nouvelles générations (3G ou LTE) capables de supporter des débits plus importants et de transporter davantage de trafics de données. Cela n’est pas actuellement le cas. Un autre article étudiera les raisons économiques qui justifient ce retard dans le déploiement des réseaux de nouvelles générations en Afrique.

Georges Vivien Houngbonon


[1] L’accès à l’énergie électrique ou l’aménagement du territoire constituent aussi des pré-requis pour le développement des réseaux de communications électroniques. Mais ces questions ne sont pas abordées ici, car des alternatives existent à ces obstacles. Un prochain article sera dédié à cette question.

[2] Cela correspond au nombre de jeunes qui ont 15 ans chaque année sur le continent. Ce nombre est obtenu à partir d’une estimation qui consiste à diviser le nombre total de jeunes de moins de 15 ans par 15. La question de la contrainte budgétaire ne se pose pas en tant que telle puisque le terminal mobile est à la bourse de tous.

[3] L’industrie des télécoms n’est pas la seule bénéficiaire de cette structure de la population africaine.

Pour une révolution numérique en Afrique

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Malgré le développement de la téléphonie mobile en Afrique, très peu de ménages sont connectés à l’internet haut débit. Compte tenu de son rôle transversal dans l’économie, ne faudrait-il pas que l’accès au haut débit pour tous devienne une priorité de développement ?

 

Lorsqu’on parle de communications électroniques, cela évoque des échanges d’informations entre amis, entre familles ou entre partenaires en affaires. Cela évoque également l’histoire de cette grand-mère qui reçoit régulièrement les nouvelles de son petit-fils vivant à l’étranger, ou encore celle de ces amoureux qui se contemplent chaque jour en dépit de la distance qui les sépare. Laissons néanmoins toute la poésie que nous apportent les télécommunications et focalisons-nous plutôt sur sa contribution à l’amélioration de notre bien-être matériel.

L’Etat des technologies de communications en Afrique

Source : Tiré du Rapport 2011 de l’Observatoire de la téléphonie mobile en Afrique (Figure 1), GSMA. Les données au-delà de 2011 sont des prévisions du GSMA.

Au cours des dix dernières années, les NTIC ont connu une croissance fulgurante dans le monde entier. Particulièrement en Afrique, cette croissance concerne surtout la téléphonie mobile dont le nombre d’utilisateurs a été multiplié par 30 entre 2001 et 2011 ; avec 620 millions de connectés en 2011. Cependant, ce progrès cache les performances du réseau mobile qui ne permet pas encore la connexion à l’internet dans plusieurs Etats Africains.[1] Ainsi, très peu d’Africains ont accès au réseau internet mobile : moins de 5% de la population selon les statistiques de l’UIT en fin 2011. Le réseau fixe est encore moins développé avec seulement 0,2% des ménages ayant accès au haut débit fixe en fin 2011. Il existe également des différences persistantes entre pays, entre les régions d’un même pays et entre les riches et les pauvres.

Ce tableau contrasté de l’état des nouvelles technologies de communications en Afrique appelle à une révolution numérique compte tenu de ses incidences sur le développement économique et social.

Impact sur le développement du marché

En effet, la réduction de la distorsion dans les prix relatifs des produits constitue l’une des incidences majeures du développement de la téléphonie mobile en Afrique. En effet, le manque de coordination dans la détermination des prix des produits crée souvent de grandes disparités régionales préjudiciables au niveau de vie des agriculteurs Africains. Par exemple, un agriculteur de maïs dans le nord du Bénin n’a pas d’information sur l’offre et la demande de maïs dans le pays en dehors de son village. Ainsi, en fixant son prix à l’acheteur, il ne tient pas compte des conditions de transactions sur les autres marchés géographiques. Cela a une incidence directe sur son niveau de vie dans la mesure où le revenu tiré de cette production ne lui permet pas toujours d’acheter d’autres produits de consommation dont les prix sont fixés en tenant compte des conditions du marché. C’est le cas souvent des produits importés dont les prix sont déterminés à l’échelle mondiale. Une récente étude menée au Niger montre comment le développement de la téléphonie mobile permet de corriger cette distorsion et d’assurer un niveau de vie plus élevé aux agriculteurs qui utilisent leur téléphone portable pour avoir l’information sur les prix dans les autres marchés géographiques.

Par ailleurs, le développement des communications électroniques a permis d’élargir et d’intégrer le marché via l’émergence de nouveaux services et la réduction des coûts de transactions. Concrètement, le paiement par téléphone mobile, la réception des informations sur un ordinateur, un poste téléviseur ou même sur un écran mobile sont de nouveaux services qui permettent d’élargir le marché et ainsi créer de nouveaux emplois. En plus, la possibilité pour un habitant d’une contrée quelconque de faire des achats via internet ou de recevoir des informations provenant de la ville permet de mieux intégrer le marché. Le cas du mobile-banking est un exemple typique qui regroupe à la fois ces deux fonctions. Non seulement, il a permis à des millions de personnes d’accéder aux services bancaires, mais également l’émergence de nouveaux services comme l’utilisation du téléphone mobile comme moyen de paiement dans un commerce. A titre d’exemple, une étude réalisée sur le système de mobile-banking au Kenya (M-Pesa) montre qu’il a fortement augmenté la bancarisation des ménages. [2]

En plus de son incidence sur le contenu et l’étendue du marché, le développement des communications électroniques contribue à entretenir la concurrence dans les autres secteurs de l’économie. Une récente étude conduite dans certains pays de l’Union Européenne montre que la diffusion des services de télécommunications induit un développement de la concurrence dans les autres secteurs. En Afrique, l’étude réalisée au Kenya montre que le M-Pesa a entraîné une baisse des prix des services de transfert d’argent comme Western Union ou Money-Gram.

Impact sur le développement social

Au delà de son impact sur le développement économique, les communications électroniques ont des ramifications dans les domaines tels que l’éducation (e-education), la santé (e-health) et l’administration publique (e-government). L’importance que prennent ces nouvelles formes de services appelle à une remise en question des politiques de développement actuellement mises en œuvre dans les pays pauvres et plus particulièrement en Afrique.

Par exemple, aurons-nous encore besoin de regrouper des élèves dans une même salle de classe ou des patients dans une même salle de soins dans 50 ans ? L’organisation de l’administration publique telle qu’elle est aujourd’hui serait-elle encore convenable dans 50 ans ? Les perspectives qu’offrent les nouvelles technologies semblent suggérer qu’il n’y rien de plus incertaine qu’une réponse à ces questions. Il s’en suit donc que le développement dans les pays actuellement dits « en développement » ne consiste pas à transposer les modèles qui existent actuellement dans les pays développés ; mais plutôt à inventer les nouveaux modèles de développement. Mon intuition est que l’accès au tout numérique doit faire partie intégrante de tout modèle de développement.

Dès lors, l’accès à l’internet haut débit fixe ou mobile représente une pièce centrale dans le puzzle que constitue le développement de l’Afrique. Alors que les agences spécialisées des Nations Unies ont récemment constitué un groupe de réflexion sur les OMD post-2015, il est temps que l’accès à l’internet haut débit pour tous soit inscrit comme un objectif global à part entière au même titre que l’accès à l’éducation pour tous.[3]

 

Georges Vivien Houngbonon


[1] Cela est dû à l’absence des réseaux mobiles de nouvelles générations telles que la 3G, la 4G ou la LTE dans la plupart des pays Africains.

[2] Voir l’étude de Issac Mbiti sur le sujet.

[3] Actuellement l’accès au NTIC fait partie des derniers objectifs des OMD !!! Voir Objectif 8, Cible F.