Les nouveaux défis de la santé en Afrique, quel rôle pour le numérique? – Livre blanc de la conférence annuelle 2017 de l’ADI

Dans un environnement d’extrême pauvreté, la maladie fait partie des principaux risques auxquels est confronté une part importante de la population africaine,[1] et ce, malgré des progrès significatifs enregistrés au cours des quinze dernières années. Selon les statistiques de l’OMS, l’espérance de vie à la naissance est ainsi passée de 44 ans en 2000 à 53 ans en 2015, soit une augmentation de 9 années.[2] Cependant, l’émergence économique de l’Afrique s’accompagne d’une augmentation de la prévalence des maladies chroniques[3] imputable aux nouveaux modes de vie et de consommation.[4] De même, l’explosion démographique, avec la concentration urbaine qui l’accompagne, augmente les risques d’épidémies, notamment de maladies infectieuses.[5]

Face à ces nouveaux facteurs de risque, l’Afrique accuse encore un retard en matière de politiques de santé, d’équipements, de personnels et de traitements. Par exemple, le nombre de médecins pour 1000 habitants a seulement cru de 0,1 point entre 1990 et 2011 en Afrique subsaharienne contre 0,9 point en zone Euro et 0,8 point dans l’OCDE.[6] Alors que les politiques publiques ont été principalement axées autour de la lutte contre le VIH-SIDA, n’est-il pas temps qu’elles intègrent les nouveaux défis en matière de santé auxquels les pays africains doivent se confronter ?

Pour répondre à cette question, L’Afrique des Idées organise sa 3ème Conférence Annuelle afin d’identifier les nouveaux défis en matière de santé en Afrique, de discuter des causes et de formuler des recommandations. Retrouvez les conclusions de ces échanges dans le livre blanc de la conférence.


[1] Selon les résultats de l’enquête Afrobaromètre de 2014/2015, la moitié des africains ont déjà renoncé à des soins de santé faute de moyens.

[3] Diabète, cancer, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, etc.

[4] Le taux de prévalence des maladies chroniques non transmissibles est passé de 18,7% à 25% entre 1990 et 2000. BOUTAYEB A. “The Double Burden of Communicable and Non-Communicable Diseases in Developing Countries”. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 100, 2006, pp 191-199.

[5] Selon l’OMS, la plus longue et plus grave épidémie à virus Ebola a été enregistrée en Afrique de l’Ouest en 2014, avec plus de 150 cas recensés chaque semaine.

[6] Le nombre de médecins pour 1000 habitants est passé de 0,1 à 0,2 en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2011 alors qu’il est passé de 3 à 3,9 en zone Euro et de 2 à 2,8 dans les pays de l’OCDE sur la même période. Données Banque Mondiale : http://data.worldbank.org/indicator/SH.MED.PHYS.ZS

Mobilisation des recettes fiscales dans l’UEMOA : L’obstacle de l’informel, le levier du mobile-money

La mobilisation des recettes fiscales est, pour les pays africains, une urgence face aux besoins en financement nécessaires pour l’exécution des programmes de développement. Dans un contexte marqué par la raréfaction de l’aide publique au développement et le renchérissement de la dette, elle est encore plus pressante pour les Etats de l’UEMOA dont les rentrées fiscales représentent à peine 15% de leur produit intérieur brut (PIB), soit un niveau deux fois inférieur à celui constaté dans les pays de l’OCDE.

Ce rapport revisite l’ampleur du manque à gagner fiscal au sein des pays de l’UEMOA et analyse le rôle qu’y jouent le secteur informel et la fraude fiscale. Retrouvez ici l’intégralité de l’étude.

Le numérique au secours de la santé en Afrique

Ces dernières années, l’adoption progressive des services numériques en Afrique a eu des effets positifs incontestables sur le développement socio-économique des pays. Disposant d’un parc de près de 300 millions[1] de smartphones et de nombreux réservoirs d’entrepreneuriat et d’innovations technologiques, l’Afrique présente de sérieux atouts dans le domaine. Le secteur de la santé africain n’a pas échappé à cette digitalisation.

La m-santé africaine

De nombreuses initiatives innovantes en matière d’e-santé tentent de palier la faiblesse des systèmes de soin du continent. Les exemples ne manquent pas, et ce, à toutes les étapes.

Prévention et éducation : L’application Prévention Ebola (Côte d’Ivoire) a ainsi permis aux populations d’accéder à des informations de prévention contre l’infection en langues locales. Kasha (Rwanda) permet aux femmes de commander des produits d’hygiène et de contraception.

Diagnostic : Les utilisateurs de Matibabu en Ouganda peuvent, grâce à l’application, effectuer leur autodiagnostic du paludisme. Le projet IKON du Mali permet la transmission des radiographies depuis les cliniques isolées vers les spécialistes, faisant gagner un temps précieux au processus de diagnostic.

Traitement : Malisanté (Mali) et MedXCare facilitent la mise en relation entre professionnels de santé et patients. La problématique de la gestion des médicaments est quant à elle traitée par des startups telles que mPharma (Ghana) et Jokkosanté (Sénégal).

Suivi médical : SMS et messages vocaux permettent aux femmes enceintes un suivi de l’évolution de leur grossesse à travers l’application M@SAM (Burkina Faso).

Particulièrement adapté aux contraintes propres au contexte africain, le mobile s’impose peu à peu comme un outil stratégique en matière de santé.

L’hôpital numérique, opportunité et défi

Aujourd’hui, l’hôpital numérique en Afrique relève plus du défi que de la réalité de terrain. En effet, se limitant encore à la gestion des entrées et des sorties des patients, la gestion informatique des hôpitaux est encore insuffisamment développée. Rares sont les pays qui, à l’instar de la Côte d’Ivoire et du Bénin ont mis en place de tels systèmes, bien qu’ils renferment un fort potentiel en matière de gestion hospitalière et donc d’efficacité du système de santé.

Un constat similaire peut être fait en matière de formation des étudiants et professionnels de santé, à laquelle le numérique, via l’e-learning, ne contribue encore que de manière très sporadique.

Les initiatives existent mais restent pour la plupart isolées et en dehors de tout projet d’envergure ou de coordination à grande échelle. Ainsi, dans un contexte de contraintes budgétaires et d’explosion de la croissance démographique et des maladies chroniques, les africains continuent de pâtir d’inégalités dans l’accès aux soins et aux médicaments, des infrastructures défectueuses et du manque de personnel qualifié. Si le numérique apparaît comme un véritable levier d’amélioration du secteur de la santé, le continent ne pourra en tirer des bénéfices qu’à condition que les autorités publiques s’assurent de créer des conditions favorables : en développant l’accès aux réseaux et à l’outil numérique des professionnels de santé et des citoyens d’une part, et en se présentant comme les instigatrices d’un cadre réglementaire dans le domaine d’autre part.

Indispensable connectivité

Les pays africains ont connu ces dernières années une croissance impressionnante de la couverture du territoire en réseaux mobiles et d’utilisation des services numériques. Toutefois, si 46% de la population africaine a souscrit à un service mobile, seulement 29% des africains ont accès à internet mobile[2]. De plus, la fracture numérique entre zones rurales et zones urbaines sur le continent reste prégnante. L’amélioration de l’accès des professionnels et des citoyens à l’outil numérique est ainsi un enjeu important de l’e-santé et concerne aussi bien le développement des réseaux mobiles en zones non couvertes et des infrastructures d’électricité que l’accès à un équipement mobile ou informatique et la formation à l’utilisation des outils numériques.

L’impulsion politique comme enjeu majeur de l’e-santé

Le développement de mécanismes de gouvernance appropriés assurant redevabilité, transparence et leadership est un véritable défi de la e-santé en Afrique[3]. Il est primordial qu’un environnement favorable soit créé – aux niveaux régional et national – pour que le secteur de la santé puisse tirer le meilleur parti du numérique.

Plusieurs recommandations en ce sens, à l’égard des autorités africaines et autres parties prenantes du secteur de la santé sur le continent, peuvent être faites :

  • Encourager la collaboration entre les différentes parties prenantes, afin d’assurer la cohérence, la pertinence et l’efficacité des programmes.
  • Améliorer le cadre réglementaire pour établir un climat de confiance et assurer la sécurité des usagers et des différents acteurs.
  • Faciliter l’investissement pour dynamiser le secteur et favoriser l’innovation, à travers la mobilisation de fonds publics, la mise en place de cadres législatifs favorables à l’innovation et à l’investissement et des Partenariats Public-Privé favorisant le passage à l’échelle des projets d’e-santé.
  • Développer la formation aux outils numériques afin d’améliorer les compétences et leur utilisation.[4]

La mobilisation devra s’effectuer à tous les niveaux : des Etats aux opérateurs en passant par les professionnels de santé et les citoyens.

Aude Schoentgen

Pour aller plus loin, participez à la conférence ici


[1] 296 millions de smartphones, Afrique, Q4 2016 (Source : GSMA Intelligence)

 

 

 

[2] 2016, GSMA Intelligence

 

 

 

[4] L’Afrique des Idées, L’impact du numérique sur l’amélioration de la santé en Afrique, Etude annuelle, 2017​

 

 

 

Comment les femmes africaines peuvent-elles tirer parti de la révolution numérique ?

Davantage de transparence, davantage de renouvellement… le numérique est depuis plusieurs années l’allié des progrès de l’égalité entre les femmes et les hommes en entreprise. Toutefois, non seulement la route est encore longue, mais les disruptions technologiques à venir pourraient accroître la fracture d’une manière inattendue si les entreprises ne révolutionnent pas leur manière de garantir la parité, de gérer les compétences et de faire émerger les leaders de demain.

Dans Le cycle des affaires (1939) l’économiste Joseph Schumpeter (1) comparait son concept de « destruction créatrice » à un « ouragan perpétuel ». Les deux côtés d’une médaille : celui de l’innovation qui connaît, à notre époque, une accélération sans précédent, et celui de la tempête, qui balaie tous les secteurs traditionnels sur son passage.

Les terres nouvelles que nous offre aujourd’hui la révolution numérique sont une chance de rebattre les cartes et de permettre à de nouveaux talents, plus adaptés et plus divers, de prendre le leadership des entreprises.

Mais cet « ouragan » est aussi porteur de graves risques de ruptures, et de nouveaux obstacles dans la quête d’égalité, sur laquelle l’Afrique des Idées s’est penchée, à l’occasion de la Journée Internationale des droits des femmes.

  1. Un nouveau risque de fracture entre les femmes et les hommes

Selon l’étude mondiale The future of jobs (2), les secteurs qui sont (et seront) les plus impactés par la digitalisation, la robotique et l’intelligence artificielle sont aujourd’hui majoritairement occupés par des femmes (3). Et cela touche aussi davantage certains métiers dans la vente, les opérations financières, les fonctions supports et administratives, des fonctions qui sont de plus en plus automatisées et qui comptent parmi leur effectif… une majorité de femmes.

L’égalité femmes-hommes, en faveur de laquelle nos sociétés se sont pourtant investies, risque ainsi de subir un contrecoup, d’autant plus que les femmes restent aujourd’hui sous-représentées dans les secteurs qui, eux, prévoient une croissance de l’emploi, comme l’architecture, l’ingénierie, l’informatique et les mathématiques.

Qu’en est-il des technologies de l’information ? Un secteur évidemment stratégique dont la situation est symptomatique du problème. Dans le monde, les femmes ne représentent que 21% des actifs du secteur (4), un chiffre un peu plus élevé en France, avec 33%, selon le Syntec (5). D’autant plus que celles-ci sont concentrées sur des fonctions de ventes pour près de la moitié d’entre elles contre 27% dans la programmation informatique et l’ingénierie.

Si cette tendance se confirme, la quatrième révolution industrielle en cours pourrait engendrer la perte de trois millions d’emplois actuellement occupés par des femmes pour une création d’un demi-million d’emplois seulement… et accroître mécaniquement les inégalités.

  1. Une opportunité de rebattre les cartes

Face à l’accélération de l’innovation technologique, les entreprises ne peuvent plus prédire les compétences dont elles auront besoin à l’avenir.

Dès lors, la seule façon pour les entreprises de rester agiles est de recruter des personnes capables de s’adapter et d’acquérir rapidement et continuellement de nouvelles compétences.

C’est une opportunité pour tous, et en particulier pour les femmes, de changer la donne et d’accélérer des transformations qui ont trop tardé à venir. Pour les entreprises, nourrir la capacité d’apprendre et l’agilité des collaborateurs est indispensable si elles veulent tirer profit de ces transformations.

Et, sur le front de la capacité d’apprentissage, force est de constater que les femmes ont une longueur d’avance : les emplois qualifiés sont les plus demandés, et la tendance ne fait que s’accélérer. C’est un indicateur très encourageant pour l’avenir : dans deux tiers des pays du monde, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être diplômées (6).

En Afrique d’ailleurs des progrès ont été enregistrés en matière d’éducation  des femmes puisque le taux brut de scolarisation au primaire des filles dans cette région qui était de 44,43% en 1970,  atteignait 97% en 2013. Le dernier Rapport mondial de suivi sur l’Education Pour Tous (EPT), publié en 2015, indique ainsi que 17 pays d’Afrique subsaharienne sur 117 pays dans le monde ont atteint la parité au primaire. 

  1. Recommandations : l’une des clefs pour l’égalité est la capacité d’apprentissage

« Le futur du travail ne sera pas un monde d’hommes, mais un monde de compétences », expliquait Mara Swan, Vice-présidente exécutive de Global Strategy and Talent chez ManpowerGroup, lors du dernier Forum économique mondial, à Davos. Selon elle, pour surmonter ce risque de fractures, la clef est là : « Il faut comprendre que nous vivons une véritable révolution des compétences, sans doute inédite dans l’histoire, et que le monde de demain appartiendra à celles et ceux qui donnent la part belle à l’apprentissage tout au long de leur carrière. »

Il faut continuer à encourager les entreprises et les individus à investir massivement – et durablement – dans le développement des compétences et du capital humain qui sont, les principaux vecteurs de réduction des inégalités de toute nature. « C’est cette capacité  d’apprentissage qui est la clef pour trouver un nouvel équilibre sur le marché du travail. »

Dans cette grande « révolution des compétences » (7) que nous vivons tous et à l’heure où 65% des métiers qu’exerceront les membres de la Génération Z n’existent pas encore, il semble pertinent d’envisager que cette capacité d’apprentissage sera à terme la clef d’un véritable équilibre sur le marché du travail. 

Cette solution durable permettra de remettre les compétences et la résilience des collaborateurs quel que soit leur sexe au cœur des organisations. La compétence acquise avant l’entrée dans l’entreprise et consolidée tout au long de la carrière deviendrait alors le seul et unique critère de sélection et de performance.

A nous tous, à nos niveaux, de faire que cet « ouragan » qu’annonçait Schumpeter soit une chance pour l’égalité !

Omar Ibn Abdillah

Sources

  1. Le cycle des affaires, Joseph Schumpeter (1939)
  2. https://www.weforum.org/agenda/2017/01/future-of-jobs-women-female-automation/
  3. http://reports.weforum.org/future-of-jobs-2016/gaps-in-the-female-talent-pipeline/
  4. http://reports.weforum.org/future-of-jobs-2016/information-communication-technology/
  5. http://www.femmesdunumerique.com/actualites/secteur-numerique-ou-sont-les-femmes
  6. https://www.weforum.org/agenda/2017/01/future-of-jobs-women-female-automation/
  7. « Révolutionnons les compétences » Alain Romilhac
  8. La révolution des compétences

Les usages du numérique en Afrique : Impacts économiques, sociaux et politiques

Résultat d’une étude réalisée en partenariat avec le Comité Colbert, cette note rend compte de l’adoption des services numériques en Afrique, avec un accent particulier sur quelques pays dont la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Kenya et le Sénégal.

Le fait que l’adoption progressive des services numériques ait eu des effets positifs sur les dimensions économique, sociale et politique du développement en Afrique est indéniable. A partir des résultats d’études menées dans certains pays africains, cette note met en exergue l’effet positif du numérique sur les dimensions économiques, sociales et politiques du développement en Afrique. Lisez l’intégralité de cette étude.

Equipe de recherche:

Georges Vivien HOUNGBONON, Economiste, Institut d’Economie Industrielle, TSE

Amadou Beydi SANGARE, Ingénieur Télécom SudParis

Aude SCHOENTGEN, Consultante Indépendante, Telecom Paristech

Hamidou CISSE, Ingénierie Mécatronique au CNAM Paris

Experts locaux : 

Onyinyechi ANANABA, Project Manager chez The Springfield Schools

Réassi OUABONZI, MBA Marketing Digital

 

Webdays : un rendez-vous 2.0 en Afrique et au Moyen-Orient

En 2011, en Algérie, un groupe de passionnés des nouvelles technologies décide d'organiser un évènement qui serait dédié à ces dernières. Les Webdays sont nées. Elles deviennent peu à peu un évènement phare dans le domaine en Afrique, présent dans plus de 20 pays. L'association fête ses 5 ans le 30 novembre. L'occasion pour nous d'établir un bilan avec l'une des membres de l'organisation, Mounira Hamdi. 

Une brève histoire des Webdays ?
A l'origine des Webdays, il y a l'association Founder Family. Elle a été fondée par Farid Arab (Franco-Algérien) et Mehdi Omarouayache (Algérien). Cette association à but non lucratif est axée sur les nouvelles technologies, l'innovation et l'entreprenariat. Les#webdays sont ensuite nées de cette démarche. Ces rencontres sont organisées sous forme de symposiums. Elles visent à favoriser les rencontres entre acteurs des différents écosystèmes numériques. Nous avons organisé plus d'une centaine de rencontres en 5 ans. 

Dans quelq pays les webdays sont-ils présents ?
A ce jour, les Webdays sont présents dans plus de 20 pays, dont  l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal, le Togo, l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la Lybie et le Qatar. 
 

Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?
Nous comptons développer les rencontres Webdays dans la majorité des pays d'Afrique et créer des synergies avec d'autres écosystèmes entrepreneuriaux dans le monde.

Les prochaisn rendez-vous #webdays
La prochaine session des Webdays aura lieu le 30 novembre à Oran, pour fêter les 5 ans de l'organisation. Communicants, technophiles, passionnés du web, réservez vos billets ici : https://www.facebook.com/events/1421476624733899/

Boom du e-commerce dans le monde : l’Afrique est-elle préparée ?

ecomDans le monde, 1 462 milliards d’euros ont été générés par l’e – commerce en 2014 avec en tête la Chine et les États – Unies[1]. En parallèle, l’e – commerce pourrait atteindre plus de 50 milliard en 2018 en Afrique[2]. Cette activité correspond à l’achat et ventes  de biens et services sur internet. Malgré la fracture numérique en Afrique- 26% seulement de la population africaine a accès à internet[3]-, la population africaine très jeune et l’essor de la classe moyenne sont autant d’atouts qui permettent au e – commerce d’avoir de beaux jours devant lui en Afrique. Toutefois beaucoup reste à faire pour donner une véritable impulsion au e-commerce en Afrique. Cet article revient sur l’écosystème du e-commerce et les défis à relever pour booster le commerce en ligne en Afrique.

L’écosystème du e – commerce

Le fameux clic sur un site marchand confirmant l’acte d’achat de biens physiques ou immatériel déclenche une multitude d’activités pour que la livraison se déroule dans les meilleures conditions.
Un écosystème gravite autour de la chaîne de distribution. Cette dernière est composée d’intermédiaires ayant pour rôle de produire, de stocker, d’expédier et de livrer les marchandises.
L’écosystème, est composé de quatre éléments :

  • Infrastructure : axes routiers et réseaux internet
  • Économie numérique : Site internet adaptés/ applications mobiles/ gestion de la données et éditeurs de systèmes d’informations
  • Moyens de paiement : carte de bancaire ou par espèce
  • Outils de connexion internet : Les téléphones portables, tablettes et ordinateurs

C’est la combinaison et l’interdépendance de ces éléments qui permettront le développement du e – commerce et par conséquent qui donnera naissance aux prochains champions du secteur. Charge aux entreprises de se différencier grâce aux produits vendus.  

Le développement se fera dans un premier temps dans les villes fortement peuplées et situées à proximité des principaux axes routiers. En effet, c’est dans ces zones où l’infrastructure est développée, où les axes routiers sont dans un meilleur état et  c’est avec une connexion internet rapide  que le délai entre l’achat en ligne et la livraison se feront plus rapidement.

En effet, les coûts sous-jacents au e – commerce sont bien moins élevés que la distribution traditionnelle. Le réseau logistique sera moins complexe puisque contrairement aux distributeurs, les e – commerçants n’ont pas besoin de boutiques physiques pour proposer leurs produits car un site internet suffit pour que le client puisse visualiser des produit, sélectionner un produit et l’acheter. Les e – commerçants économisent des ressources financières car ces derniers n’ont pas à sécuriser des droits de terre pour implanter un point de vente.

Le client dispose de plusieurs moyens de paiements pour régler sa commande à savoir le paiement en espèces ou le paiement en ligne. Ces différentes possibilités auront un impact sur la chaîne de distribution. En effet, un dispositif de sécurité doit être mis en place afin d’éviter les tentatives d’arnaques si le paiement se fait en ligne.
Il faut savoir que le taux de bancarisation reste faible en Afrique. En revanche, les transferts d’argent via le téléphone mobile ne nécessitent pas forcement la possession d’un compte bancaire. Nous pouvons prédire que les moyens privilégiés seront les paiements par espèces et les transferts d’argent via le téléphone mobile.

Le portable sera le support à privilégier pour les achats en ligne!

Le e – consommateur dispose de plusieurs outils afin d’effectuer son achat tels que l’ordinateur, le téléphone  ou la tablette. En Afrique, 12% des consommateurs ont déjà achetés via leur mobile[1].

En effet, le secteur des smartphones a le vent en poupe sur le continent africain. D’une part, nous avons un continent qui a dépassé la barre du milliard d’habitant. En 2050, trois pays à savoir le Nigéria, la République Démocratique du Congo et l’Éthiopie[2] feront partie des 10 pays les plus peuplés du monde. En plus d’être peuplée, la population a la particularité d’être jeune avec une forte propension d’utilisation des TIC et du téléphone portable en particulier.

D’une autre part, la classe moyenne ne fait que croître et s’enrichir. Les constructeurs de téléphone portable africain et groupes internationaux proposent des téléphones entré de gamme à des prix raisonnables avec des fonctionnalités proches voir semblables aux portables haut de gamme. Ce n’est pas étonnant si 97% des africains auront un téléphone mobile en 2017 contre 82% en 2016[3].

Cependant, le principal challenge des e – commerçants sera de convertir les surfeurs en consommateurs grâces à des applications et sites internet adaptés pour les smartphones.

L’Etat, acteur clé du développement du e-commerce!

Tous les éléments précédemment cités permettront l’essor du e – commerce. En revanche, un dernier acteur à savoir l’État pourra accélérer ou ralentir ce développement. Le cadre législatif n’est pas à négliger puisque ce dernier pourra être propice à l’amélioration des infrastructures ainsi qu’à l’accès à internet. Prenons l’exemple du Sénégal avec le Plan Sénégal Émergent (PSE) initié par l’actuel président Macky Sall. Un des grands chantiers de ce plan est l’énergie. Ceci permettra d’améliorer la performance du secteur et de réduire la dépendance du pays. Ces ambitions auront un impact positif sur le e-commerce.
Des infrastructures développées permettront une circulation plus fluide des produits. La distribution continue d’électricité et d’un réseau de télécommunication sont des éléments nécessaires pour que le consommateur puisse effectuer une commande sur un site marchand sans interruption. 

Deux principales compétences seront requises pour lancer un site commerçant. La première compétence est la logistique. L’objectif sera de distribuer le produit le plus rapidement. Pour cela, il faudra définir un réseau de distribution adéquat et performant.
La seconde est informatique et technique. Cette compétence fait partie actuellement des compétences les plus recherchées du marché du travail. Celle-ci permettra non seulement de concevoir un site internet ergonomique ainsi qu’un back office capable de traiter les données mais aussi de comprendre le consommateur pour proposer des produits et d’établir une cartographie de la région livrée au fil des livraisons.  
L’interaction de ces compétences permettra de suivre le produit dans toute la chaîne de distribution. L’état aura la responsabilité de promouvoir cette discipline afin de profiter des retombés économiques.

En conclusion, le boom se fera en plusieurs vagues sur le continent Africain selon le degré de maturité des éléments précédemment cités. Plusieurs scenarios sont envisageables pour l’e-commerce en Afrique :

  • L’e – commerce amènera le développement d’une économie local : Cdiscount avant de s’implémenter en Afrique a fait appel à Bolloré Africa Logistics pour déléguer les activités logistiques. Les prochains e – commerçants locaux devront faire confiance aux acteurs locaux afin de créer un écosystème et faire en sorte que l’essor du e-commerce puisse aussi profiter aux acteurs locaux.
  • L’e – commerce produira des groupes nationaux : Les entreprises de commerce électronique ne proposeront pas seulement des services de ventes mais aussi des services annexes tels que la logistique, informatiques ou des services de cartographie. À titre d’exemple, Jumia, e – commerçant nigérian et 1er e – commerçant du continent africain propose désormais des services logistiques grâce à une expérience gagnée avec le temps. Les entreprises pourront aussi proposer des services plus complexes tels que des points de retrait plus nombreux, retour du produit et remboursements plus rapide. Lorsque le secteur du e – commerce aura atteint un niveau de maturité, les entreprises seront tentées par l’internationalisation. C’est à moment que l’état pourra intervenir afin de faciliter cette démarche en proposant un régime fiscal favorable tout en protégeant les entreprises nationales des entreprises étrangères.

Néanmoins, le commerce électronique sera confronté à plusieurs challenges.
La cybercriminalité sera un fléau qu’il faudra combattre. Ce dernier affecte autant les particuliers que les entreprises. En effet, les consommateurs seront découragés pour renseigner leurs identifiants bancaires et par conséquent d’effectuer une commande sur un site marchand non sécurisé.
Enfin, la mondialisation est une opportunité à double tranchant pour le e – commerce en Afrique. Quand bien même ceci permet aux entreprises de vendre leurs produits à d’autre pays, si l’état ne met pas en place un régime protégeant ces mêmes entreprises, le pays ne sera pas à l’abri de la concurrence étrangère. Des entreprises étrangères proposeront des produits présents localement mais de meilleure qualité ou avec des prix plus intéressants.

 

Issa KANOUTE


[1] Deloitte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] RFI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le numérique peut-il vraiment changer votre vie ?

Depuis que le football ne fait plus rêver, le nouvel eldorado social africain se trouve dans l’entrepreneuriat, avec un intérêt particulier dans les domaines du virtuel. En même temps que le nombre d’Africains connectés monte en flèche, Internet, les réseaux sociaux en général ainsi que les solutions numériques sont  envisagés dans tous les discours. Ces changements se suivent forcément de modifications plus ou moins profondes dans le quotidien des uns et des autres, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Le digital a-t-il une influence si grande sur nos vies ?

  1. Le digital change-t-il nos habitudes ?

Le réseau social Facebook a atteint en juin 2014 les 100 millions d’utilisateurs mensuels en Afrique. Avec une telle croissance, les faits par eux même  prouvent que les modes de vie changent, ici comme ailleurs. L’ampleur de ces changements se perçoit plus facilement dans des nations à forte présence technologique comme le japon ou Singapour, mais de plus en plus les vies africaines se modifient, de manière parfois plus forte qu’ailleurs. Le continent vert étant par exemple le seul sur lequel le mobile est utilisé à plus de 80% par rapport aux ordinateurs et autres tablettes pour les connexions sur le Web.

 

FB-afrique

 

(c) Jeune Afrique / Infogram

Plus généralement, on voit le digital changer les sociétés de plusieurs manières. Nous le voyons quand nous nous rendons compte que plus du tiers de la population mondiale aujourd’hui dispose d’internet. Nous voyons de  plus en plus fréquemment nos mamans nous envoyer des demandes d’amitié sur Facebook *pour notre plus grand malheur*, pendant que nos papas regardent leurs matchs, consultent leurs mails, profitent des services vidéos comme YouTube via leurs téléphones. Et la tendance est croissante, puisque les transports par drones d’Amazon et les ballons distributeurs de Wi-Fi nous font passer dans un univers digne des meilleures séries de science-fiction.
Nous voyons aussi le digital quand nous pouvons assister en streaming (en direct) à l’E3, la conférence du jeu vidéo, et lorsque nous pouvons lancer des campagnes de financement participatif (« Crowdfunding »). Ces campagnes de financement permettent entre autres de redonner ses couleurs à une culture comme avec le projet JeParleBassa’a 2.0, qui vise à réhabiliter certaines langues  locales au Cameroun. Le digital permet à  une entreprise de faire de la location de voitures sans voitures, et le digital permet aussi à une voiture de se déplacer sans chauffeur. De la monnaie à la météo en passant par la télévision, les transports. D’ailleurs prenez une minute, et pensez au téléphone. A chaque appels que vous émettez, vous entendez distinctement la voix d’une personne située à des milliers de kilomètres de votre position, vous arrivez à la voir en direct et même, vous pouvez lui faire un transfert d’argent *ce qui doit être fréquent si vous êtes africains*.

Il y a moins de quarante ans que l’internet est entré dans nos habitudes, mais on peut difficilement imaginer un monde sans le digital. Ceci dit, ces changements globaux n’ont pas forcément d’impact réel sur les vies des africains, qui sont relativement en retard dans la course aux datas.

  1. Le digital change-t-il vraiment la vie ?

Selon beaucoup, pas vraiment. Soyons un peu pragmatiques. L’homme n’en est pas à sa première révolution, et à moins que les mayas aient raison, l’humanité a encore quelques belles années avant que nous ne soyons tous dévorés par les oranges mutantes issues de l’agriculture OGM. En attendant, l’homme a toujours vécu des innovations, et très peu ont réellement changé quelque chose à notre manière fondamentale de vivre. Malgré les discours  optimistes à souhait, en fait, tout   est pareil. Notre manière d’aimer par exemple n’a pas changé, les compétences nécessaires au leadership n’ont pas  changé, et on se rend compte que la vie est un éternel recommencement, vu que Pokemon et les jeans déchirés  sont revenus à  la mode.  De plus, malgré les ambitions philanthropiques et mégalomaniaques des superpuissances et des milliardaires de l’heure, on n’a pas encore vu beaucoup de réalisations  vraiment utiles pour l’humanité, au point que certains se demandent si ces projets humanitaires sont vraiment si humanitaires que ça.

Parce qu’entre nous, l’Afrique est pauvre. Bon. Soyons politiquement corrects. L’Afrique est un « contexte géopolitique complexe et incertain». Qu’est-ce que des applications web, le data mining ou les drones peuvent apporter à une région où on a des coupures de courant de vingt heures par semaine? Qu’est-ce que les « wazzaps » et les « fassbook » peuvent apporter à quelqu’un qui vit sous le seuil de un Euro par jour ? Comment est-ce possible que l’homme soit capable d’aller sur la Lune et sur Mars, et qu’il soit inapte pour éradiquer la famine ?

 

chomage

 

(c) Jeune Afrique / Infogram

A contrario, la transformation digitale qu’est en train de connaitre le continent africain ne se fait  pas sans risques. En Algérie qui est le cinquième pays africain sur  les réseaux sociaux, on a récemment ouvert un centre de désintoxication contre  Facebook. Incroyable mais vrai. Pendant ce temps des terroristes notoires utilisent fréquemment des vidéos de propagande diffusées via les réseaux sociaux, ainsi que des services de messagerie chiffrée comme Telegram, l’application de messagerie qui permet d’envoyer des messages virtuellement impossibles à intercepter. Le digital change même la manière de faire la guerre.

Des variations notables du quotidien africain sont certes perceptibles. Outre les 25 % d’abonnés mensuels revendiqués par le continent, on compte aussi une utilisation plus que massive des outils de messagerie instantanée comme WhatsApp, qui a affiché deux années de suite un taux de croissance de plus de 50%. L’Afrique est aujourd’hui le premier continent en matière d’utilisation de solutions de paiement mobile comme avec M-PESA au Kenya, et de manière générale le digital a rendu l’Afrique beaucoup plus mobile. Dans les deux sens que peuvent prendre ce mot.

  1. Qu’est-ce que le digital apporte alors à l’Afrique ?

Des perspectives.

Il ne faut pas se voiler la face. Les discours sur le prétendu réveil africain n’auront pas passé l’épreuve du temps. Beaucoup des problématiques sociales, économiques, structurelles de  l’époque des indépendances sont encore bien présentes de nos jours. Ceci dit, même si une connexion internet ne remplace un champ détruit par la sécheresse, le digital est loin d’être un placement à perte, au contraire.

Considérer que le numérique n’est pas une  priorité parce que le peuple a faim, c’est  équivalent à considérer en pleine deuxième guerre mondiale que la fabrication d’armes  et les entraînements  des soldats ne sont pas  une priorité… parce que le peuple a faim. C’est incohérent, surtout qu’en vérité, on est vraiment en guerre. Les épidémies, l’instabilité sociale, et les très nombreux préjugés nuisent à l’image de l’Afrique, et empêchent l’instauration d’un climat entrepreneurial fiable.

Sur tous ces champs de bataille, les technologies de l’information et de la communication offrent des perspectives, ouvrent des portes. Le simple accès à l’information permettrait déjà de mieux gérer certaines épidémies, pendant que les applications de sécurité routière offrent de belles solutions à des problèmes concrets, permettant de [plus ou moins] réduire les taux d’accidents en attendant les super-routes promises par tous les plans africains d’émergence en 2025, 2035, 2045 et cetera.

S’agissant de l’éducation la question ne se pose même pas. A l’heure actuelle on devrait intégrer l’utilisation des blogs et des algorithmes dès la sixième pour rattraper le retard pris sur les nations des autres continents. Au japon, on envisage déjà d’introduire le code dans les programmes scolaires. Au primaire -_-.

De toutes manières, même si les technologies de l’information ne résolvaient aucun problème et ne changeaient rien au quotidien, il faudrait  quand même capitaliser dessus. Si on ne le fait pas, d’autres le feront à notre place et ils ont même déjà commencé. Les projets visant à « connecter l’Afrique » sont des priorités pour de nombreuses grosses boites américaines et chinoises. La ville de Hong Kong à elle seule produit plus de contenu sur WIKIPEDIA que tout le continent Africain. Faudra-t-il attendre que le monde vienne écrire nos articles à notre place ?

Quelques-uns ont compris, et certaines de nos figures politiques se sont aussi mises à la page, avec des mesures plus ou moins utiles, éthiques, efficaces. L’exonération d’impôts sur l’importation de matériel technologique ou l’achat d’ordinateurs pour les universités sont déjà adoptées, même si on débattra plus tard de la pertinence souvent discutable de celles-ci. Dans le même temps les coupures brutales de l’internet en périodes électorales ne sont pas rares non plus. En outre il n’est pas rare de voir quelques « négligences » de la part des gros médias sociaux, envers certaines figures emblématiques africaines. Le compte « officiel » de l’artiste Youssou n’dour notamment, avec 173k abonnés, n’est pas certifié. Comme quoi le digital ne peut pas tout changer, sans une vraie volonté.

Cela signifie que nous avons encore du chemin à faire, mais ce qui est sûr c’est que ce chemin sera bien moins pénible pour les nations et peuples africains qui auront compris ce qui est plus qu’un slogan pour quelques geeks en mal de reconnaissance : Le digital, c’est le futur. Si vous en doutez, vous vous trompez.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

 

What a digital world : code binaire et numération africaine

Numérique et numération africaine. Sikidy
Divination Sikidy – Madagascar
Le mot « digital », usité aujourd’hui pour désigner tous les appareils et outils, matériels ou immatériels, dérivés de la nouvelle technologie d’information et de communication qu’est Internet, est un anglicisme. En anglais, « digital system » est le processus de traitement de données construit grâce à l’encodage de tout type d’information à l’aide du code binaire, deux chiffres représentant les deux états électriques de l’ordinateur : 0 et 1.

Peut-on retrouver cette logique binaire, autrement, dans d’autres civilisations ?

Maths pour tous

Des informaticiens, mathématiciens et physiciens tels que Leibniz, Raymond Lull, George Boole, se sont basés sur le système binaire pour construire les prémices de ce qui fait l’informatique aujourd’hui. On note d’ailleurs la référence souvent faite à l’algèbre de Boole en matière d’histoire du numérique.

Là où il est né, le code binaire est associé à l’énergie électrique et aux deux états d’un ordinateur qui fonctionne correctement : l’état de non passage du courant (0), et l’état de passage du courant (1).

Le codage, autrement

 

En Afrique, le stockage et la restitution de données à travers l’utilisation d’un système numérique à deux constantes existe sous la forme que les anthropologues nomment « divination ».

Cette discipline a son équivalent en Europe, sous le nom de divination par le tarot, ou par les runes. Mais en Afrique, elle est fortement attachée à une idée qui rappelle les éléments de l'informatique : stockage des données (mémorisation), traduction en information exploitable (nombres), interprétation.

Répandue dans tout le continent, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, existe sous plusieurs variantes. Leur origine varie selon la région où l’on se trouve : le sikidy à Madagascar, le sâhil aux îles Comores, le Bamana dans la région centrale (Cameroun), le hakata en Afrique du Sud (Zimbabwe, Zambie et Botswana). Du point de vue de l’histoire des mathématiques, on attribue l’origine des systèmes de divination, du moins en grande partie, à l’expansion de la géomancie arabo-islamique (Wim van Binsbergen (2000) et Eglash (1998) )[1].

Cependant, il est intéressant de noter des différences significatives entre ces systèmes ; différences que l’on ne saurait imputer aux seuls effets de l’évolution culturelle d’un savoir originaire des anciens empires arabo-islamiques.

Les systèmes de divination mathématiques

Attention : Lire une pensée qui ne privilégie pas l’écriture comme mode d’échange reviendrait à non seulement s’exposer à de fausses interprétations, mais aussi acquérir une vision "primitiviste" de cette pensée. De quoi voir le "sauvage" tel qu'il est : cette part de nous qui reste liée au monde du vivant, à la faune et à la flore.

Ainsi, pour éviter toute interprétation teintée de primitivisme, il vaut mieux prendre en compte, dès à présent, le caractère différent, et néanmoins tout à fait égal à toute autre pensée, de la pensée développée en Afrique. Les mathématiques ne se développent et ne s’étudient pas de la même manière en Afrique que dans les civilisations gréco-romaines, pour la simple raison qu’elles ne sont pas abordées de la même manière.

Revenons-en aux différences entre les systèmes de divination. En Afrique du Nord et en Afrique de l’Est, la divination numérique repose sur trois éléments matériels : le sable, les instruments et le devin. Le sable sert de support aux outils que le devin utilisera. Les instruments seront les représentations visuelles et matérielles des données numériques qui vont être utilisées. Il peut s’agit de cailloux, de cauris, de bâtons de petite taille ou d’os. Le devin, quant à lui, est l’interprète.

1ère analogie : Je ne peux m’empêcher ici de faire l’analogie entre le sable et l’écran, les instruments de codage et le code binaire, et le devin et le processeur/serveur.

Le principe, partout, consiste à isoler des éléments générateurs, toujours en nombre pair, et, à partir de celui-ci, à dégager une suite infinie de combinaisons paires ou impaires. Partout, le système semble être le même ; mais il diffère dans le nombre d’éléments utilisés.

A Madagascar (sikidy), au Nigeria (Ifa), le devin commence par tracer, ou poser, deux objets sur le sable. Ces deux objets seront les générateurs. Il lance ensuite les objets restés dans sa main. Chaque fois, il en retirera un ou deux, jamais plus, de sorte que se met en place un système basé sur une valeur impaire et une valeur paire. Ces valeurs, dans la plupart des régions, sont appelés la fille et le garçon, et le système générateur porte le nom de mère.

En Afrique du Sud, plus particulièrement chez certaines populations comme les Shonas, les Tswana ou les Kwi, également appelés Khoï, Kua ou Khoe, le système hakata diffère dans le sens où la combinaison génératrice est composée de quatre valeurs. Ces valeurs donneront ensuite naissance à des combinaisons diverses, au nombre de 16. Le caractère binaire ici concerne les faces des bouts de bois que l’on utilise : ils ont tous une face sombre et une face claire, et il existe deux probabilités : all faces up et all faces down.

L’humanité n’a donc pas fini de s’étonner elle-même !

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

Le numérique, un atout pour le développement de l’économie verte en Afrique ?

clipboard06Le numérique, particulièrement la téléphonie mobile marque une rupture dans le quotidien des africains de par les opportunités qu’elle offre à toujours plus de personnes. Cette technologie a donné naissance à des innovations qui serviraient considérablement le développement de l’économie verte sur le continent.  

Cet article s’inscrit dans  le cadre de la préparation du Forum International sur le Green Business qui sera organisé à Pointe Noire du 17 au 19  mai 2016.

La pénétration du mobile en Afrique, un rattrapage à un rythme incroyable

La révolution numérique africaine s’initie certes avec quelques décennies de décalage par rapport aux autres régions du monde. Néanmoins, elle est bien enclenchée, portée par la « révolution mobile ».  La  percée de cette technologie depuis le début des années 2000 est fulgurante, au point que le continent connaît la plus forte croissance au monde de la téléphonie et de l’internet mobiles.  Aujourd’hui, 80% de la population[i] est équipée d’un téléphone mobile contre 1% en 2000 alors que moins de 30% de la population a accès à l’électricité.

Cette pénétration rapide de la téléphonie s’accompagne de la création de nouveaux usages adaptés aux contextes socio-économiques africains qui pourraient pallier les difficultés économiques structurelles du continent. Les agendas publics ont tout intérêt à intégrer ces innovations.

L’exemple de l’amélioration des pratiques agricoles grâce à la téléphonie

La téléphonie a donné lieu à plusieurs expérimentations en matière agricole, notamment pour l’amélioration de l’accès aux savoirs et savoir-faire, qui, à grande échelle pourraient servir l’agriculture verte. Par exemple, l’ONG SAILD[ii] développe depuis 2004 le programme Allô Ingénieur dans tout le Cameroun qui permet aux agriculteurs de bipper un ingénieur agronome qui les rappelle ensuite. Ce service a une incidence notamment sur le choix des productions agricoles et l’achat des équipements au démarrage d’un projet agricole. Les ingénieurs du programme sont également sollicités à propos de l’usage des intrants agricoles. La généralisation d’un tel service contribuerait de lutter contre les mauvaises utilisations des pesticides et engrais liés à la méconnaissance des modalités d’utilisation par les producteurs. Ce mode de vulgarisation interactif permet aussi de promouvoir de meilleures pratiques dans l’utilisation des intrants et de rationnaliser les productions.

En matière vétérinaire, la FAO a expérimenté en 2013 au Kenya une application mobile en partenariat avec le Royal Veterinary College et l'ONG locale Vetaid[iii]. EpiCollect permet aux vétérinaires de suivre les campagnes de vaccination et les soins prodigués aux animaux mais aussi de lancer des alertes précoces sur d'éventuels foyers de maladies animales. Si la phase teste s’avère concluante, ces outils peuvent être mis à la disposition des anciens d'un village et de réseaux bien établis de travailleurs communautaires s'occupant de santé animale.

Des entreprises kenyanes proposent aussi de souscrire à un service de diffusion d’information en temps réel par SMS sur les conditions climatiques mais aussi sur les conjonctures économiques régionales. Ces systèmes d’information relient les paysans, ceux les plus éloignés des points de vente,  aux marchés pour qu’ils puissent faire de meilleurs choix stratégiques et renforcent leur pouvoir de négociation[iv].

La téléphonie contribue ainsi dans le contexte du dérèglement climatique à améliorer les pratiques agricoles.

Le numérique au service de l’entreprenariat vert

L’avancée du numérique révolutionne l’entreprenariat en Afrique. En matière financière, elle améliore l’accès au service de paiement dématérialisé. C’est au Kenya que les services financiers par téléphone mobile se sont d’abord développés. Créé en 2007, par l’opérateur mobile Safaricom[v],  le service M-Pesa[vi] permet aux utilisateurs de déposer et de retirer de l’argent à partir d’un réseau d’agents certifiés, de transférer de l’argent à des tierces personnes et de payer des factures. Les avantages du m-paiement sont nombreux : quasi instantané, il réduit considérément la distance entre les utilisateurs ; son coût reste inférieur à celui que nécessite la gestion d’un compte bancaire. Il est surtout facile à appréhender et à appliquer, même dans un contexte d’analphabétisme.

Vecteur de flux financiers, le téléphone mobile, pallie le manque de canaux formels de transaction bancaire et accélère même la bancarisation d’une partie de la population. Grâce à des partenariats entre banques et opérateurs mobiles, de nouveaux services financiers plus sûrs et diversifiés sont développés : microcrédit, micro-épargne et micro-assurance. Ces services bancaires par mobile supposent la possession d’un compte en banque et s’adressent à des utilisateurs déjà habitués au m-paiement. Des dispositifs sont d’ailleurs mis en place pour aider les utilisateurs du m-paiement à migrer vers cette seconde offre.

L’entreprenariat en Afrique bénéficie aussi de la progression d’une autre technologie numérique, pas encore évoquée ici : l’internet. « Moins un pays est développé, plus Internet a des raisons d’exister », a dit d’ailleurs Sacha Poignonnec, cofondateur de Africa Internet Group. Encore faiblement développé sur le continent, Internet rend accessibles, aux classes moyennes en priorité, de nouvelles offres, via des market-places (plateformes de vente en ligne). Jumia[vii], le leader africain de l’e-commerce, propose des services similaires à ceux fournis en Europe ou aux Etats-Unis : téléphones, fours à micro-ondes, grilles pains, jouets et autres biens de consommation, sont livrés  à domicile dans une dizaine de  pays[viii], même dans les régions reculées ou peu sécurisées.

Fabuleux vecteur de bonnes pratiques entrepreneuriales, Internet permet à des initiatives telles que Rocket Africa de favoriser le développement de technologies et nouveaux concepts verts. Cet incubateur de start-up tire parti des opportunités créées par le net pour faciliter l’implantation en Afrique d’innovations qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs.

En conclusion, les technologies numériques et les innovations dont elles sont porteuses sont au service de l’autonomisation des entrepreneurs et des producteurs agricoles. La téléphonie mobile, contribue à l’amélioration de la circulation de l’information alors que les infrastructures de base déficitaires isolent les territoires et entravent le fonctionnement des administrations publiques et privées. Elle offre davantage d’opportunités aux entrepreneures. De telles innovations appellent à de meilleures interactions entre les acteurs concernés par le développement durable.

Thiaba Diagne


[i]DAOUDI Dounia, « E-commerce, M-banking: l’Afrique s’investit », RFI, 22 février 2016, http://www.rfi.fr/economie/20160222-e-commerce-banking-afrique-investit-telephonie-mobile-internet-kenya-nigeria-rdc.

[ii] LEMOGO Jerry Laurence, TIC, agriculture et révolution verte en Afrique: le cas du Cameroun, Editions Universitaires Européennes, 2013.

[iii]FAO, « Les téléphones portables révolutionnent la filière élevage au Kenya », ttp://www.fao.org/news/story/fr/item/170808/icode/.

[iv] ICT UpDate, Bulletin d’alerte pour l’agriculture ACPWageningen, numéro 77, avril 2014, pages 6 à 9.

[v] La société de télécommunication britannique Vodafone est le principal actionnaire d Safaricom.

[vi] CHAIX Laetitia, TORRE Dominique, « Le double rôle du paiement mobile dans les pays en développement  », Revue économique 2015/4 (Vol. 66), p. 703-727.

[vii] KANE Coumba et MICHEL Serge, « L’Afrique, terre de conquête du e-commerce, entretien avec Sacha  Poignonnec  », Le Monde, 06 juin 2015, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/03/06/l-afrique-terre-de-conquete-du-e-commerce_4588836_3212.html.

[viii]  Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Côte d'Ivoire, Egypte, Ethiopie Ghana, Kenya, Marocn Mozambique, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Tanzanie.

Ce qu’apportent les fablabs aux écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains

Il y a dix ans, Neil Gershenfeld ouvrait le premier « fabrication laboratory » au Massachussetts Institute of Technology. Très vite et un peu partout dans le monde de nombreux « fablabs » ont vu le jour, en 2011 on en dénombrait déjà 50 dans 16 pays. Sur le continent africain, plus d’une vingtaine sont référencés. Que font ces fablabs et quel(s) rôle(s) jouent-ils dans les écosystèmes numériques et entrepreneuriaux africains?

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La carte ci-dessus répertorie tous les établissements respectant la charte du MIT mais il existe de nombreux autres établissements qu’on dénomme « fablab » par abus de langage.

 

Faire émerger des solutions adaptées aux besoins du continent africain et y faciliter l’accès et l’appropriation des nouvelles technologies…

Atelier de fabrication numérique, un fablab est un lieu librement accessible où l’on doit pouvoir trouver de quoi confectionner à peu près tout et n’importe quoi en bénéficiant d’une assistance opérationnelle, technique, financière et logistique. Voilà ce qu’exige la charte du MIT, qui se résume en tout et pour tout à cinq articles. Innovation et partage en sont les maîtres mots. Ainsi, chaque fablab est un lieu unique dont le destin ne dépend que de ceux qui s’y rendent. Cela en fait un espace idéal pour concevoir des solutions à des problèmes locaux, des produits « made in & for Africa » comme l’application GBATA développée à OVillage, en Côte d’Ivoire, pour fournir des informations sur l’immobilier à Abidjan. Il n’est plus besoin de présenter la désormais célèbre W. Afate, première imprimante 3D conçue à partir de matériaux recyclés, au sein du Woelab au Togo. Cette imprimante 3D low cost, primée à l’internationale, rend imaginable la diffusion d’une technologie de pointe sur le continent africain. Woelab se revendique d’ailleurs comme un espace de démocratisation technologie et vulgariser et faciliter l’appropriation des outils numériques est bien une spécificité des fablabs en Afrique. Ils jouent à ce titre un rôle important dans la formation des plus jeunes aux technologies d’aujourd’hui et de demain. Les membres du Ouagalab n’hésitent d’ailleurs pas à se déplacer et à consacrer des jours (et des nuits blanches !) à des formations dans les écoles du Burkina Faso.

Offrir des perspectives pour l’industrialisation du continent…

Si chaque fablab est unique et a sa propre identité, il est, à travers le label du MIT, intégré à un réseau au sein duquel des rencontres sont organisées. Entre les fablabs africains, des ponts se mettent progressivement en place, des échanges entre membres se font, la propagation d’innovations d’un pays à l’autre s’opère, des opportunités apparaissent. A Dakar, au sein du Defko Niek Lab de Ker Thiossanne, l’imprimante 3D jumelle de la W.Afate ainsi qu’une fraiseuse numérique, ont suscité l’intérêt des artisans sénégalais. Avec de tels outils, leur travail pourrait être mécanisé, l’industrialisation se substituerait alors à l’artisanat, une perspective porteuse pour un continent qui souffre précisément de son manque d’industrialisation.

…Ou servir de relais pour agir sur les écosystèmes numériques….

Enfin la visibilité et la crédibilité que peut donner un label octroyé par le MIT font des fablabs des relais intéressants pour qui entend conduire des politiques publiques dans le numérique. Le plan « développement et numérique » lancé par le gouvernement français en décembre 2015 et, qui est presque exclusivement orienté vers l’Afrique, les perçoit comme des leviers possibles de son action.

A condition de trouver le bon business model

Néanmoins, les fablabs peinent aujourd’hui à trouver le bon modèle économique. Acquérir du matériel informatique et électronique, qu’il faut importer, coûte cher. Les fablabs, en Afrique comme ailleurs, vivent dans la majorité des cas de subventions versées par les pouvoirs publics ou les ONG ou encore des prix qu’ils reçoivent. Cela rend leur survie fragile à l’instar de l’Atelier de Beauvais qui n’a pas survécu au changement de couleur politique de son département.

Sur le long terme, deux choix semblent donc s’offrir donc aux fablabs : être rattaché à une entreprise ou une école (auquel cas ils ne seront plus des fablabs au sens du MIT) ou parvenir à une autonomie financière à travers la vente de prestations (conseils aux entreprises, formations) ou de produits. Cette dernière option passe par la professionnalisation des membres des fablabs et la commercialisation des productions qui en sont issues. Le défi est de taille mais il en vaut la chandelle.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

Entretien avec Nunu Ntshingila, future directrice de Facebook en Afrique

12c509eLorsqu’elle débute sa carrière dans le secteur de la publicité à la fin des années 80 en Afrique du Sud, Nunu Ntshingila découvre un univers qu’elle décrit comme étant « très blanc et très masculin ». Retour sur une Afrique en pleine (r)évolution digitale, au travers du regard d’une femme qui prône l’afro-responsabilité sur le continent.

Une militante de l’accès des femmes au leadership

« Après un séjour aux Etats-Unis pour mes études, je suis rentrée en Afrique du Sud pour travailler chez Nike en communication. A mon retour dans le secteur de la publicité, l’Afrique du Sud se démocratisait. Je me souviens particulièrement des débats sur le rôle des femmes dans le développement du pays post-apartheid. C’était rassurant de nous savoir incluses dans ce genre de discussions. » raconte Nunu Ntshingila qui a bientôt 50 ans, et s’apprête à quitter le monde de la publicité pour prendre la tête de Facebook en Afrique.  En 2011, Nunu Ntshingila rejoignait le comité de direction d’Ogilvy & Mather, devenant ainsi la seule représentante du continent africain à siéger parmi une trentaine de cadres.

« L’accès des femmes à un poste de direction est un facteur d’autant plus déterminant dans l’industrie créative où les femmes doivent prendre la parole pour être représentées avec respect ». La représentation, explique Nunu Ntshingila, passe également par la question de la race, une question qui, selon elle, n’est pas prête de disparaître si facilement en Afrique du Sud. Elle estime qu'une meilleure répartition des richesses serait une bonne solution pour remédier aux tensions raciales qui divisent encore le pays: «  Nous devons nous assurer que la diversité puisse prendre racine dans notre environnement. Tout le capital appartient aujourd’hui à la minorité blanche, nous devons nous assurer que ce capital appartienne à la majorité. »

Un marché publicitaire plus fort grâce aux nouvelles technologies

En 2015, la croissance du marché publicitaire en Afrique est estimé à 8%, contre 5% sur le reste du marché mondial. A ce sujet, Nunu Ntshingila confirme « Il est vrai que le marché évolue énormément. Mais j’insiste sur le fait que nous devons conduire cette évolution par nous-même. Quand on parle de l’Afrique en mouvement, il est d’abord important que les Africains s’approprient ce discours. Je suis sceptique quand ce message provient de l’extérieur du continent. Nous devons grandir l’Afrique en tant qu’Africains. Les gens ici veulent aujourd’hui vivre dans de meilleures conditions. C’est à ce titre que la diaspora se rend compte du potentiel du continent et rentre en Afrique. »

Interrogée sur l’impact du digital, elle admet ne pas croire en un aspect négatif de cette révolution pour le marché de la publicité. « La presse était un pilier de nos stratégies et on sent bien en Afrique du Sud une orientation du marché publicitaire vers le digital. Il faut s’adapter aux nouvelles technologies »

Des nouvelles technologies, comme le mobile

Selon une étude révélée en début d’année par Frost & Sullivan sur les tendance d’usage du mobile en Afrique subsaharienne, le taux de pénétration mobile devrait atteindre 79% en 2020.   « Le mobile a permis un bond en avant sur notre façon de communiquer avec les consommateurs. La technologie permet de réduire l’écart entre le milieu urbain et le milieu rural. C’est aussi un outil puissant pour entendre les voix des plus pauvres. Il a même transformer notre manière de communiquer entre pays. L’époque ici est à l’effacement des frontières », affirme celle qui a participé au développement du groupe international de publicité dans quatorze pays africains.

Malgré le regard optimiste qu’elle porte sur l’état actuel du marché publicitaire africain, Nunu Ntshingila demeure lucide sur le chemin qu’il reste à parcourir. Il existe des disparités notamment entre le Maghreb, l’Afrique du Sud et le reste de l’Afrique subsaharienne. Un rapport de l’Alliance For Affordable Internet (L’Alliance pour un internet abordable) montre que les pays d’Afrique francophone sont d’autant plus touchés par les coûts élevés du haut-débit. « En Afrique, ce qui va déterminer l’évolution de la publicité, c’est le coût du haut-débit », déclare-t-elle. Ce coût compte parmi les nombreux obstacles auxquels la future directrice de Facebook devra faire face pour développer le réseau social sur le continent africain dès le mois de septembre.

Interviewé réalisé par Ndeye Diobaye pour l'Afrique des Idées

Rencontr’Afrique avec Mongi Marzoug: Pour une mise en lumière des enjeux du numérique en Afrique

1L’Afrique des Idées a eu l’honneur de recevoir samedi 7 mars 2015 à Paris, Monsieur Mongi Marzoug[1], expert en télécommunications et Ministre tunisien des Technologies de l’Information et des Communications de décembre 2011 à Janvier 2014. Lors de cet échange passionnant, Monsieur Marzoug a partagé avec nous son expertise et son expérience en matière de Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications et présenté les questions fondamentales qu’elles mettent en jeu sur le continent africain.

La transition numérique, une grande question pour l’Afrique

Cette Rencontr’Afrique très enrichissante a mis en lumière les enjeux colossaux que présentent les Technologies de l’Information et des Communications en Afrique ; en effet, les télécommunications, et notamment l’Internet constituent un monde parallèle, un espace virtuel qui reflète les même réalités et opportunités que l’espace physique dans lequel nous évoluons ; existe ainsi dans ce monde virtuel du commerce électronique, de la politique, voire même des guerres du numérique.

Le problème de la réglementation du numérique

Puisque le monde virtuel est aussi complexe que le monde réel, il est nécessaire qu’existe une réglementation exhaustive encadrant tous ses aspects, qu’ils soient juridiques, économiques, sociétaux ou politiques. Monsieur Marzoug pointe la faiblesse, voire l’inexistence de la réglementation dans ce domaine en Afrique ; or il est nécessaire que des questions relatives à la protection et l’hébergement de données, à l’ouverture et à l’accès au réseau, à la confiance dans le numérique, à la transparence ou encore à la gestion des trafics soient encadrées juridiquement.

En outre, il est impératif que les Etats adoptent des réglementations adaptées à l’économie numérique (services numériques et accès, infrastructures du numérique, protection des données, fiscalité, et autres), et instaurent des règles équitables entre les différents acteurs de l’économie numérique, fondées sur les services offerts et non les technologies utilisées (« same services, same rules ») ; à cet égard, les entreprises du Net (ou Over The Top) posent une véritable question ; les géants de l’internet tels que Google ou Amazon offrent des services et récoltent des bénéfices dans les pays d’Afrique, tout en étant basés à l’étranger, échappant ainsi à toute réglementation ou fiscalité, alors qu’ils devraient être soumis aux mêmes règles que les opérateurs qui fournissent des services en étant basés sur le territoire de l’Etat concerné.

Un secteur privé dynamique et des Etats en retrait

Le fait marquant à l’égard des réseaux mobiles en Afrique est leur ouverture à l’investissement privé d’une part, et étranger d’autre part. Il y a donc des enjeux économiques colossaux, et cette ouverture à l’investissement privé pose la question du service public ou du service universel des télécoms. En effet, les opérateurs qui bénéficient de licences ont tendance à déployer leurs services dans les zones urbaines qui sont les plus rentables, tournant ainsi le dos aux zones reculées et moins peuplées. Il est nécessaire donc que les Etats imposent à ces investisseurs privés de participer financièrement au service public des télécoms pour assurer sa continuité, et ce même dans les zones les plus en retrait.

Par ailleurs, il est de la responsabilité des gouvernements africains garantir la qualité des services de télécommunications offerts à leurs citoyens ; à cet égard, on observe, suite à l’octroi de licences à des opérateurs privés, peu de suivi de l’exécution de ces licences.

Beaucoup d’Etats africains travaillent à implémenter une identification numérique de leurs citoyens, qui permettrait à ces derniers d’accéder en ligne aux services de l’Etat et des entreprises publiques, et faciliterait leurs relations avec les administrations publiques ; dans ce cadre il est nécessaire de garantir la sécurité de des flux et stockage des données.

Un modèle à définir pour le développement du numérique

Pour les Etats africains se pose la question du modèle à adopter pour le développement du numérique : faut-il développer une industrie des télécoms, ou focaliser les efforts sur le développement des services numériques ? Selon Monsieur Marzoug, les ressources humaines et financières en Afrique sont insuffisantes pour développer une industrie complète des télécoms ; il serait préférable d’effectuer des choix sur des segments pour lesquels des ressources et compétences existent.

2A propos de l’utilisation de satellites pour garantir l’accès au réseau, à l’image des fameux « Ballons Google », qui visent à permettre l’accès à internet dans les zones reculées, Monsieur Marzoug note, qu’au-delà des questions d’autorisation et de licence qu’ils soulèvent s’agissant de Google, leur efficacité trouve ses limites dès lors que l’on se trouve en présence d’une importante concentration de population. Ainsi, s’ils peuvent être adaptés pour couvrir des zones vastes et peu peuplées, un réseau de type cellulaire est nécessaire pour garantir l’accès au réseau dans les zones à forte concentration de population.

Pour le développement des infrastructures haut débit (mobiles et fixes), la meilleure solution pour les Etats consisterait donc à mettre en place le partage d’infrastructures en particulier dans l’accès avec des processus de planification et de coordination efficaces entre les autorités et les différents opérateurs des services de communication électronique.

Dans la plupart des Etats africains, les infrastructures existantes étaient suffisantes pour le développement de la 2G, mais il faut maintenant les améliorer pour développer le haut débit mobile (3G et 4G) et fixe, notamment grâce à la fibre optique. Des solutions hybrides permettraient d’améliorer la qualité des réseaux en minimisant les coûts; dans ce cadre une coordination entre tous les opérateurs de télécoms pour le partage de l’accès à la fibre optique serait nécessaire.

Rouguyatou Touré


[1] Mongi Marzoug est directeur dans le Groupe Orange en charge de la gouvernance de l'Internet et du développement du Numérique. Il était ministre des Technologies de l'Information et de la Communication de décembre 2011 à janvier 2014 en charge des technologies du numérique et des services postaux. Il a exercé entre 1999 et 2011 dans la direction technique du Groupe Orange. Il a occupé les fonctions de responsable du Département "Architecture & Fonctions",  Directeur Adjoint chargé des études, de l'ingénierie et des produits, responsable du Département "Networks Quality & Cost Modeling", et enfin responsable du Département "Roaming, Networks Modeling & Performance". Auparavant, il était pendant dix ans à Orange Labs en charge des projets et équipes de R&D dans les domaines de télédétection, imagerie radar et planification des réseaux mobiles. Il est auteur d'un brevet sur la modélisation des interférences et l'affectation des fréquences dans un réseau mobile. Il est également auteur de plusieurs articles scientifiques dans des revues internationales  en particulier IEEE et JAOT et de nombreux rapports techniques et communications dans des conférences et forums internationaux. Il est diplômé de l'“Ecole Polytechnique” et de Télécom ParisTech. Il est titulaire d'un doctorat en physique expérimentale et d'une Habilitation à Diriger des Recherches

 

 

Le numérique ne portera pas le développement des pays africains

22068197L’explosion de l’économie numérique en Afrique …

L’économie numérique reste l’un des rares secteurs dans lesquels l’Afrique a réussi à réduire son retard par rapport aux pays développés. De fait, le continent a extraordinairement réussi à s’accrocher au rythme phénoménal de la croissance de ce secteur au cours des dernières années en s’appropriant les solutions qu’il offre. Selon le rapport 2012 de l’Observatoire de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne, le taux de pénétration de la connexion mobile en Afrique est passé d’à peine 2% en 2000 à plus de 63% en 2013 et devrait atteindre 78% en 2016. Une tendance qui est confirmé par McKinsey Global Institute (MGI) dans son rapport de novembre 2013 intitulé "Les lions passent au numérique : le potentiel de transformation d'internet en Afrique", qui souligne que la contribution d'internet au PIB de l'Afrique passerait de 18 Mds USD en 2013 à 300 Mds USD en 2025.

Derrière ces chiffres mirobolants, se cachent de grosses multinationales et surtout de nombreuses PME locales détenues par des nationaux. En effet, au cours de la dernière décennie, l’on a assisté à une floraison de petites entreprises qui opèrent dans le secteur de l’économie numérique. Ces « business de stars » (pour paraphraser le ministre français de l’économie Emmanuel Macron), se développent généralement à l’initiative de jeunes africains issus de la diaspora qui essaient de dupliquer des business model  qu’ils ont eu l’opportunité de découvrir en occident. Ainsi, sans avoir la prétention d’être exhaustif, on peut classer les business du numériques en Afrique en trois grands groupes :

  • La création de sites internet qui proposent différents services dont : l’information grand public, le commerce en ligne et les réseaux sociaux.  Le site de vente en ligne « JUMIA » et le site d’information « abidjan.net » qui ont le vent en poupe actuellement en sont une parfaite illustration.

  • Développement d’applications et plateformes informatiques: Il s’agit de programmes adaptables à différents supports (ordinateur, smartphone, tablette, etc.) qui proposent entre autre des services de géolocalisation et de traçabilité aux particuliers et entreprises

  • Déploiement de systèmesd’information et de gestion : logiciels clé en main de gestion d’activité proposés aux entreprises

Le succès enregistré par les entreprises de ce secteur s’explique sans doute par le fait que les barrières à l’entrée sont très faibles. En effet, ce type d’activités est peu exigeant en investissement et en ressources humaines. Avec un ordinateur et une seule personne disposant d’une bonne maitrise de l’informatique, on peut lancer un business de ce type en quelques mois. Par ailleurs, ces entreprises offrent une grande flexibilité dans leur gestion. La plupart des grosses entreprises du numérique (Google, Microsoft, Facebook etc.) qui dominent le monde actuellement sont nées dans des chambres d’étudiant ou des garages.

…ne doit pas masquer les vrais enjeux : bâtir un secteur industriel productif

Au regard de cette forte capacité du continent à absorber les nouvelles technologies, l’on a tendance à oublier que l’Afrique accuse un retard séculaire dans le secteur de l’industrie, qui reste incontournable dans la construction d’une économie stable et durable, et qui se manifeste par une importation massive de produits manufacturés, notamment dans les secteurs de l’agro-industrie, des électro-ménagers & électroniques, du BTP, de l’industrie automobile, de l’industrie textile, de l’énergie, de l’eau & assainissement . Bien que le numérique offre des solutions permettant d’accroitre l’efficacité de l’activité économique, il ne peut être considéré comme un socle sur lequel repose l’économie d’un pays. Il sert simplement de catalyseur pour les secteurs fondamentaux qui constituent les principaux leviers du développement. A ce titre, il ne génère pas suffisamment d’emplois, canal principal de distribution des revenus, et n’a qu’un effet très limité sur les autres secteurs d’activités.  Ainsi, il est urgent que les pays africains arrêtent de s’auto-satisfaire du succès du « soft-business » pour se recentrer sur la construction d’un vrai secteur industriel (chaînon manquant de nos économies) afin d’inonder le marché local et international de produits manufacturés « made in Africa ». Ce n’est que par ce canal que l’Afrique pourra véritablement faire face aux réels défis, à savoir : la création d’emplois pérennes, la réduction de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, la réduction du coût de la vie, l’amélioration des conditions de vie des ménages, etc.

Compte tenu de sa complexité, le développement du  secteur secondaire, requiert une forte implication de l’Etat qui doit créer toutes les conditions pour accompagner les entrepreneurs. Ainsi, la révolution industrielle africaine passera nécessairement par les étapes suivantes :

  • L’Acquisition du savoir et du savoir-faire: Développer des écoles spécialisées et refonder la formation de sorte à permettre aux jeunes apprenants de s’approprier les fondamentaux des sciences et de la technologie. Les pays développés regorgent de nombreuses personnes qui disposent d’un savoir-faire avéré dans divers domaines et qui sont aujourd’hui hors du système après avoir fait valoir leur droit à la retraite. Les Etats africains pourraient collaborer avec ces derniers en les recrutant comme formateurs afin qu’ils transmettent leur savoir-faire aux jeunes africains. L’objet de cette approche de collaboration « Etat à individus » est de contourner le schéma traditionnel de collaboration « Etat à Etat » (coopérants) qui, en raison d’enjeux stratégiques, a été nuisible aux pays africains au cours du dernier demi-siècle. 

  • S’inscrire résolument dans une logique de transfert de technologie Dans la réalisation des grands projets publics, les Etats africains ont généralement recours à des multinationales qui interviennent comme des prestataires de services, qui une fois le projet achevé, empochent leur dû et disparaissent. Il faudrait que désormais, les Etats africains mettent à profit ces projets structurants pour aider les PME nationales à devenir de véritables champions. Pour ce faire, les termes des contrats liant les Etats à ces sociétés étrangères doivent inclurent entre autre les closes suivantes: recruter des nationaux à des postes de direction,  travailler en partenariat avec des PME locales, s’engager à  transmettre le savoir-faire de manière transparente à l’acteur local etc.

  • Opter sans complexe pour un protectionnisme intelligent : pour protéger les PME locales face à la concurrence des multinationales, les Etats africains doivent courageusement opter pour un protectionnisme intelligent visant à leur accorder un accès privilégié au  marché national, notamment les contrats publics. De nombreux pays émergents d’Asie et d’Amérique latine régulièrement cités en exemple pour leur performance économique ont bâti leurs fondamentaux à partir d’un fort protectionnisme. La Corée du Sud par exemple, sous la houlette du Général Park qui régna de 1962 à 1979, a mis en place une politique de protectionnisme qui impose des barrières à l’entrée aux entreprises étrangères ; ce qui a permis d’accélérer le développement de petites entreprises locales (les chaebol). Aujourd’hui, on compte entre autres parmi ces sociétés, de grandes marques comme Hyundai, LG, Samsung, etc.

En définitive, au-delà de l’enthousiasme suscité par l’économie numérique, le développement d’un tissu industriel fort et durable doit être la priorité des pays africains au cours des années à venir. C’est uniquement à ce prix qu’elle pourra véritablement obtenir son indépendance économique. Cet objectif ne pourra être atteint, s’il n’est soutenu par un mécanisme de financement adéquat, et ce dans la mesure où il est envisagé dans un modèle pseudo-protectionniste. Un prochain article discutera des options de financement qui peuvent être développées dans cette configuration.

Lagassane Ouattara