« Madiba l’Africain »: retour sur le voyage initiatique de Nelson Mandela en Afrique

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Avant de devenir le symbole de paix et de réconciliation auquel le monde entier rend un vibrant hommage aujourd’hui, Nelson Mandela a d’abord été un militant qui a préparé avec détermination la lutte contre le régime raciste de l'apartheid.

Il ne faut pas oublier que l’ANC était considérée comme une organisation terroriste par certains pays occidentaux, et que le nom de Nelson Mandela figurait (jusque très récemment…) sur la liste des personnes considérées comme « terroristes » par les autorités américaines.

Les pays africains ont pour leur part fait preuve, dès les années 1960, d’un engagement sans faille dans la lutte anti-apartheid, en soutenant Nelson Mandela et beaucoup d’autres dans leur lutte légitime contre l’oppression et la discrimination.

La tournée de Mandela à travers l’Afrique, qui le mènera dans une dizaine de pays au début des années 1960, lui permettra de récolter des soutiens de poids et de bénéficier d’une formation militaire auprès de révolutionnaires aguerris, en particulier en Ethiopie et dans les camps de l’Armée de Libération Nationale algérienne dans lesquels il passera plusieurs mois. 

Ceci lui permettra à Nelson Mandela de jouer un rôle majeur au sein de l’ANC, et débouchera, quelques semaines à peine après son retour, sur son arrestation et son emprisonnement pour une période qui durera 27 ans, jusqu’à sa libération en 1990.

Entretemps, l’ANC aura bénéficié du soutien politique et logistique des pays africains pour abattre le régime raciste de Pretoria, en l’isolant diplomatiquement (il sera exclu de l’ONU en 1974) et en l’étouffant économiquement à travers les sanctions et l’effort de guerre imposé par ses guerres en Afrique Australe (Namibie, Angola…).

LE TOURNANT REVOLUTIONNAIRE DE L’ANC

Dans ses mémoires Mandela  rappelle que « pendant cinquante ans, l'ANC avait considéré la non-violence comme un principe central ».  Cette situation n’était plus tenable face à la répression du régime de l'apartheid (notamment le massacre de Sharpeville en mars 1960), rendant inéluctable l’engagement de l’ANC dans la lutte armée.

La rupture marque un tournant majeur dans l’histoire de l’Afrique du Sud: « désormais, l'ANC serait une organisation d'un genre différent. Nous nous engagions dans une voie nouvelle et plus dangereuse, la voie de la violence organisée", dira Mandela. Ce dernier sera la personne chargée par l’ANC de créer une branche armée, Umkhonto We Sizwe (« fer de lance de la nation »). Il se rendra à ce titre dans plusieurs pays africains pour s’inspirer de leur expérience et bénéficier de leur soutien.

La vie et l’œuvre de Nelson Mandela montrent clairement que lorsque les Africains travaillent ensemble et consentent des sacrifices communs, ils peuvent réaliser des victoires majeures pour faire avancer leurs causes, en l’occurrence enregistrer une victoire historique sur la discrimination raciale. 

UN VOYAGE INITIATIQUE SUR LE CONTINENT AFRICAIN

Madiba quitte clandestinement l'Afrique du Sud en janvier 1962 en transitant par le Botswana.  En décembre 1961, l'ANC avait en effet reçu une invitation pour assister à une conférence à Addis-Abeba, prévue en février 1962.  

En Ethiopie, il reçoit un premier entrainement au maniement des armes et assistera à une parade militaire. Il notera à ce propos : «pour la première fois de ma vie, je voyais des soldats noirs commandés par des responsables noirs.» Il sera ensuite aussi en Guinée, au Ghana et au Nigeria.

A Dakar, il observe que « la société montre comment des éléments très disparates – français, islamiques et africains – peuvent se mêler pour former une culture unique et distincte", contrairement à la société fragmentée de l’apartheid. Mandela visitera également les pays d’Afrique du Nord, de l’Egypte au Maroc.

A propos de l’Algérie, il écrira ainsi que son combat pour l’indépendance était «le modèle le plus proche» de l’Afrique du Sud, et en tirera des enseignements majeurs aux cours des mois qu’il a passé dans les camps d’entrainement de l’ALN (branche militaire du FLN) aux frontières algéro-marocaines.

A sa libération de prison en 1990, l’Algérie sera d’ailleurs le premier pays que Mandela visitera, comme pour marquer sa reconnaissance au pays en général et à ses instructeurs militaires en particulier. Il déclarera, en toute modestie, « c’est l’Algérie qui a fait de moi un homme ».

UN PARCOURS RICHE D’ENSEIGNEMENTS

Après son arrestation en 1962, Mandela ne cessera de répéter pendant son procès que le recours à la lutte armée n'était qu'une réponse à la violence du régime de l'apartheid. Il proclamera par ailleurs ce qui fera figure de profession de foi du père de la nation arc-en-ciel : "j'ai lutté contre la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales." Après vingt-sept années en prison, il saura pardonner et négocier avec ses anciens geôliers, séduisant des adversaires d'hier qu'il s'est bien gardé d'humilier.

Le parcours de Nelson Mandela est unanimement salué. En Afrique, l’hommage est d’autant plus vibrant pour cet homme d’exception, qui aura réussi le double exploit de libérer son pays et de réconcilier ses habitants, évitant des souffrances supplémentaires. Il aura plus que nul autre su personnaliser les valeurs de liberté et de dignité humaine. Indéniablement, une page de l’histoire se tourne avec la disparition de Madiba, mais son œuvre et ses valeurs resteront gravés dans le marbre.

Pourquoi a-t-on si peur de la mort de Nelson Mandela ?

Dernier acte du focus de Terangaweb sur l'Afrique Sud. Vincent Rouget s'interroge et nous interroge. L'Afrique du Sud pourra-t-elle tenir le choc de la disparition de Madiba.  Un article qui nous interpelle tous. 

BRITAIN-SOUTH AFRICA-POLITICS-BROWN-MANDELA2012, comme chaque année, a connu son lot de chefs d’Etat souffrants et de leaders politiques à la peine physiquement. Meles Zenawi, président éthiopien, est décédé à la fin du mois d’août des suites d’une maladie inconnue ; Hugo Chavez lutte actuellement contre un cancer et multiplie les séjours hospitaliers à Cuba ; plus récemment, Hillary Clinton a dû se faire opérer en urgence d’un caillot sanguin au cerveau. Trois figures internationales d’envergure – leader de la puissance régionale est-africaine pour le premier, figure de proue de la gauche radicale latino-américaine pour le second, chef de la diplomatie étasunienne pour la troisième – dont les problèmes médicaux n’ont pourtant attiré qu’une attention limitée au regard de celle qu’a reçue une autre personnalité : Nelson Mandela.
L’ancien président sud-africain a été admis dans un hôpital de Pretoria à la mi-décembre pour être soigné d’une infection pulmonaire et d’un calcul biliaire. Après trois semaines de traitement et un Noël passé en observation, les médecins l’ont finalement laissé sortir le 27 décembre, et il se repose depuis dans sa maison de Houghton, dans la banlieue de Johannesburg.

Mandela n’en est pas à sa première alerte médicale. Au début de 2011, il avait déjà effectué un séjour à l’hôpital pour des problèmes similaires. A l’époque, les autorités sud-africaines avaient tardé à réagir, et leur communication hasardeuse avait fait naître les bruits les plus catastrophistes sur son état de santé. Cette année, le gouvernement a clairement mieux géré ce nouvel épisode médical, en publiant régulièrement des communiqués rassurants, sans pour autant réussir à empêcher les rumeurs de courir bon train. Immédiatement, les grandes chaînes nationales et internationales ont dépêché leurs correspondants pour prendre position devant l’hôpital, et c’est le monde entier qui s’est ainsi précipité au chevet du nonagénaire sud-africain, retenant son souffle devant l’évolution de ses bulletins de santé.

Désormais âgé de 94 ans, « Madiba » a quitté la présidence sud-africaine en 1999, après un mandat de cinq ans. Après quelques années d’engagements politiques divers (sur la question du SIDA ou dans les processus de paix au Congo et au Burundi), il s’est définitivement retiré de la vie publique depuis 2004. Partageant son temps entre son village natal de Qunu (Eastern Cape) et Houghton, il ne joue plus aucun rôle politique, ni au sein de l’ANC, ni sur la scène nationale. Ses fonctions cérébrales souffrent apparemment d’une forme de sénilité naturelle ; et au vu de son âge avancé, il n’y a rien d’étonnant à ce que son corps, malmené par 27 ans de prison (à la fin desquels il a notamment contracté la tuberculose), soit parfois en difficulté. Comment alors expliquer la frénésie médiatique et populaire autour de la santé de Mandela ? Pourquoi la moindre anicroche, même bénigne, reçoit-elle incomparablement plus d’attention à l’échelle mondiale que les complications médicales d’autres leaders au pouvoir politique bien plus important aujourd’hui ?

Au gotha des personnalités mondiales les plus respectées, Nelson Mandela occupe incontestablement une place de choix. Rares sont ceux qui ont comme lui sacrifié une vie toute entière pour le combat pour la liberté et l’égalité. Militant ANC depuis la fin des années 1930, il contribue largement à transformer ce rassemblement bourgeois aux revendications feutrées en un mouvement contestataire de masse dans les années 1950. Arrêté, d’abord condamné à mort, puis à la prison à perpétuité lors du procès de Rivonia en 1964, il devient durant son emprisonnement à Robben Island le symbole de la résistance à un régime discriminatoire inique.

Libéré après 27 ans sous les verrous, Mandela prend les rênes d’un pays au bord du précipice, et sa gestion de la transition va encore accroître son statut d’icône : repoussant tout esprit de revanche, prêchant le pardon et la réconciliation avec une énergie insatiable, il réussit à jeter les bases d’une nouvelle Afrique du Sud, démocratique et non-raciale, et à éviter le bain de sang que tous les observateurs prédisaient au tournant des années 1990. Récompensé par un demi-Prix Nobel de la Paix (partagé avec FW De Klerk), modeste récompense au vu de sa contribution incalculable au règlement pacifique de l’apartheid, Nelson Mandela est de ceux dont on aimerait qu’ils puissent vivre une éternité. « Tata » Mandela, grand-père de la nation, a avec tant de Sud-Africains une relation quasi-filiale : quand grand-père va mal, les enfants s’alarment. Quoi de plus normal ?

Mais derrière la tristesse de voir un leader vénéré subir les affres du temps, se cache une autre angoisse. Dans cette agitation qui entoure l’hospitalisation de Mandela, on peut lire en filigrane une question, un doute, une crainte : qu’adviendra-t-il de l’Afrique du Sud une fois Mandela décédé ? En réalité, que l’on s’inquiète tant de la santé d’un retraité inactif est révélateur d’une nation qui, 20 ans après la fin de l’apartheid, continue encore à se chercher, et à envisager son futur avec anxiété.

Mandela serait-il si important que sa seule présence, planant comme une ombre sur la politique sud-africaine, retiendrait le pays de plonger dans le chaos ? Les milieux extrémistes blancs raffolent de ce genre d’allégations, et diffusent sans relâche leur vision apocalyptique d’une horde d’Africains qui, sitôt le décès de Mandela annoncé, prendraient les armes et déferleraient sur les villes et les campagnes pour chasser manu militari tous les Blancs du pays.

On ne saurait cependant limiter ces peurs à une bande de suprématistes blancs nostalgiques de l’apartheid. Noirs comme blancs, beaucoup d’autres continuent de voir en Mandela la conscience morale de la nation, soutenant sur ses épaules de plus en plus frêles l’édifice instable de l’Afrique du Sud réconciliée. Attachés au respect de leurs aînés, les dirigeants sud-africains se seraient jusqu’à maintenant contraints à une certaine modération ; modération qui laisserait place, après la mort de Madiba, à des politiques plus radicales et moins respectueuses du compromis post-apartheid entériné par la Constitution de 1996.

L’épisode Mandela a fait ressurgir une nouvelle fois le spectre d’une dérive « à la zimbabwéenne ». Robert Mugabe, Nelson Mandela : les deux héros de la libération de l’Afrique australe ont souvent été comparés pour leurs pratiques du pouvoir radicalement opposées. Mandela, tout retraité politique qu’il soit, serait la garantie silencieuse d’un Etat libre et bien gouverné ; sans lui, l’Afrique du Sud tomberait, à la suite de son voisin septentrional, dans le syndrome de la « république bananière ». Que l’après-Mandela fasse si peur est la preuve éloquente d’un désenchantement populaire vis–vis de l’ANC. 2012 a été il est vrai une annus horribilis pour le parti au pouvoir. Luttes intestines, scandales de corruption, gestion calamiteuse de la fusillade de Marikana (34 mineurs en grève tués par la police en août)…beaucoup de Sud-Africains se demandent ce qu’est devenu le parti de Mandela, et craignent que l’ANC ne tourne définitivement le dos à ses idéaux une fois que celui-ci aura disparu.

Si les bulletins de santé de Mandela ont à nouveau fait le tour du monde, c’est parce que cette inquiétude est également partagée à l’international. « L’Afrique du Sud après Mandela sera un pays très différent », écrivait ainsi David Blair pour The Daily Telegraph. Le Nouvel Observateur, plus étrangement encore, titrait récemment : « Au secours Mandela ! Ils sont devenus fous… ». Des remarques teintées d’une certaine condescendance envers le pays (voire le continent), comme si Mandela surnageait seul au milieu d’un océan africain d’incompétence politique. Dès la fin des années 1990, Thabo Mbeki, deuxième président d’Afrique du Sud, constatait avec amertume que ses interlocuteurs occidentaux ne lui accordaient jamais la confiance dont jouissait son prédécesseur, et dénonçait cet « exceptionnalisme Mandela » par une expression percutante : le « syndrome du bon indigène » (the one good native).

Au-delà de la seule admiration pour Mandela, n’est-ce pas aussi la raison pour laquelle les médias ont fait tant de cas de ses problèmes médicaux ? Ne voient-ils pas en lui, encore aujourd’hui, une présence rassurante, l’exception qui confirmerait la prétendue règle de la « mauvaise gouvernance africaine », un pare-feu indispensable qui empêcherait l’Afrique du Sud de tomber, comme le reste du continent, dans les tréfonds de la corruption et de l’autoritarisme ?

Nelson Mandela n’est malheureusement pas immortel. Son décès, selon toute vraisemblance, ne changera pas fondamentalement le visage de l’Afrique du Sud – tout au plus verra-t-on différents courants de l’ANC rivaliser d’ardeurs pour revendiquer son héritage politique. Mais l’étincelle qui luit encore dans les yeux de Mandela est éminemment symbolique, et à ce titre, l’hystérie collective et les spéculations autour de son état de santé sont riches d’enseignements quant à l’état du pays. Malgré une solidité institutionnelle indéniable et de nombreux contrepouvoirs (syndicats, société civile, presse…), la démocratie sud-africaine est encore jeune et incertaine quant à son avenir ; si l’on redoute que la mort de Mandela mette en péril tout un système, c’est que le jeu politique y reste largement personnalisé.

Plus important encore, 20 années après la transition démocratique, l’Afrique du Sud (comme les observateurs internationaux) peine toujours à envisager son futur autrement que sur un mode binaire : entre le miracle et le chaos, aucune alternative n’apparaît envisageable. Or, l’un comme l’autre de ces extrêmes sont trompeurs. L’Afrique du Sud n’est toujours pas la Rainbow Nation (nation arc-en-ciel) prêchée par Mandela et Desmond Tutu. Elle continue sa recomposition, lentement et péniblement ; mais cessons de voir en elle un Zimbabwe en puissance, dont le décès de Mandela ne ferait que précipiter la décadence. Ce serait faire injure à Madiba que d’imaginer que ses idéaux ne sauront lui survivre. 

 

Vincent Rouget

On veut des légendes !

“My greatest hero is Nelson Mandela……incarcerated for 25 years, he was released in 1990, he’s been out about 18 years now……and he hasn’t reoffended. Prison works!”
Ricky Gervais


J’ai horreur des sanctifications comme des exécutions publiques. Gandhi fut tour à tour, un anglophile monomaniaque, obsédé par la Couronne, qui méprisait les Noirs et souhaitait s’engager dans les armées de Sa Majesté, puis un « Sage » admiré par tous, en même temps qu’un lâche effroyable qui laissa sa femme mourir sans soins et enfin, un vieillard impuissant et libidineux qui s’endormait entouré de fillettes de treize ans. Martin Luther King trompait sa femme, allait au boxon, plagia des pans entiers de sa thèse de doctorat et de longs morceaux de son « I Have a Dream ». Jésus habitait chez ses parents, aima une pute et éprouvait des sentiments ambigus envers un de ses disciples. Le Général de Gaulle se prenait pour La France et sortait des phrases comme « Les Arabes, ce n’est rien. Jamais on n’a vu des Arabes construire des routes, des barrages, des usines» ou « Ce sont d’habiles politiques. Ils sont habiles comme des mendiants » ou encore « Je n’aime pas les youpins. » Mahomet épousa une fille de six ans puis coucha avec quand elle en eut neuf – autant surveiller la marchandise, soi-même, « dans ces pays-là ».

Ces travers personnels n’enlèvent pas toute leur puissance aux bouleversements plus ou moins positifs, que ces figures ont occasionnés dans l’histoire des hommes, mais suffisent, amplement, à ce qu’on nous épargne les « comme disait Gandhi » et autres prêts-à-penser du même genre.

La nouvelle idole qu’on essaie de nous imposer est : Nelson Mandela !

Ah, ils auront tout essayé : timbre-poste, statue ; bio-auto-bio-bio-romancée-essai-biographique-recueil-de-citations-recueil-de-citations-authentifiées ; t-shirt, pin’s, casquettes, chemises ; décorations, prix Nobel-et-non-Nobel, Doctorat Honoris Causa, pièces-de-théâtre-films-documentaires-BD ;  écoles-musées-aéroports-baptisés en son nom,. Tout ! J’avais proposé les préservatifs Mandela « pour garder le goût de la liberté ». Personne n’en a voulu !

 Il y a aujourd’hui une véritable industrie Mandela, qui supervise l’utilisation de la marque, porte plainte, récupère des dommages et intérêts, interdit à Charlize Théron de vendre un baiser pour la Fondation, qui négocie les apparitions de la diva, signe les contrats d’édition, relit les scenarii. Mandela lui-même pourrait mourir demain, que ça ne changerait plus grand-chose – ça pourrait même booster la marque !

On nous vend un Mandela sans aspérités. Il n’a jamais rien fait de mal. On travestit son histoire personnelle au point d’omettre qu’avant d’être le vieillard souriant, au pardon œcuménique qu’on nous présente, il a aidé à la formation de la branche armée de l’ANC. Qu’il a pris les armes et que c’est justement pour ça que sa vie est passionnante. On veut nous faire aimer Mandela pour les mauvaises raisons. On a fait de ce politicien doué, calculateur et tenace, une espèce de momie fade, mal fagotée, un distributeur de sagesse ancestrale. Un sage, en un mot – c'est-à-dire un vieux con. Le plus étrange,  c’est que je crois qu’il en joue et qu’il n’est pas dupe. Le monde a besoin de légendes. Il se prête au jeu. Que faire d’autre ?  

Ce qui fait la vie d’un homme ? C’est à peine une façon de dire « non ». Les refus de Mandela ont eu une dureté, une force, une beauté, hors du commun ! C’est en homme apaisé qu’il est sorti de prison, comme on dit d’un volcan qu’il est endormi mais pas éteint! Sa capacité d’indignation était intacte, formidable, en veille. Qu’est-ce qu’il en reste aujourd’hui ? Un Christ Bantou…

Demain, le monde célébrera les 93 ans de « Madiba ». Tout bien compris, mieux vaut ça que les 86 ans de la publication de Mein Kampf…

Joël Té-Léssia