Quelles perspectives de croissance pour l’Afrique en 2017 ?

Alors que l’économie mondiale tend à se redresser, le FMI estime que le ralentissement devrait persister en Afrique subsaharienne, mettant en exergue la fragilité des ressorts des économies de cette région. 

Le FMI a publié son édition d’avril des perspectives économiques pour 2017. Le rapport indique une stagnation générale de l’économie mondiale à 3.5% (contre une prévision de 3.1% en 2016). Pour l’Afrique subsaharienne, un léger redressement est escompté à 2.6% (contre une prévision initiale de 3% fin 2016), après la décevante performante de 2016[1]. Selon le FMI, ce rebond est porté notamment par le recouvrement en cours au Nigéria dans la production pétrolière, les dépenses publiques engagées en Angola – dans la perspective des élections à venir – et la résolution de la sécheresse dans la zone sud du continent.

Cette performance reste toutefois bien en dessous des performances enregistrées par le continent sur les deux dernières décennies, tranchant ainsi avec les discours laudateurs présentant le continent comme le nouvel eldorado économique et mettent en exergue les ressorts fragiles des économies africaines.

Si à l’échelle mondiale, le recouvrement paraît plus lent que prévu, les pays africains semblent, pour leur part, loin de retrouver le rythme de croissance de ces dernières décennies. Cette situation amène à s’interroger sur le caractère durable des performances enregistrées par la région ces dernières années et l’efficience et la pertinence des politiques économiques mises en place sur le continent.

Il convient avant toute chose de préciser que cette donnée masque de fortes hétérogénéités dans la région. Alors que l’économie de près de la moitié des pays du continent – pays riches en ressources naturelles pour l’essentiel – a été affaiblie par la baisse du cours des matières premières, dont notamment le Nigéria, l’Afrique du Sud, l’Angola (premières économies d’Afrique) ; l’autre moitié – pays pauvres en ressources naturelles pour l’essentiel – enregistrent des performances plutôt robustes. Selon les estimations du Fonds, pour ce dernier groupe, le taux de croissance devrait s’établir en moyenne à 5.4% en 2017 (contre 5.1% en 2016). Globalement, ce léger redressement est dû à la faiblesse de la performance économique dans le premier groupe de pays, constitué par les principales économies du continent qui dépendent fortement de leurs ressources naturelles. Même pour le second groupe, le niveau relativement bas du prix des ressources naturelles, notamment celui du pétrole, a fortement contribué à leur performance. En effet, pour ces pays, la baisse de la facture d’importations a permis de renforcer l’activité intérieure et de dégager des marges pour l’investissement public. Au final, les économies de la région restent encore fortement dépendantes des fluctuations sur le marché des ressources naturelles.

Des politiques publiques inadéquates ? 

Le manque de résilience des économies africaines vis-à-vis de ces chocs exogènes tient essentiellement au manque de mécanismes adéquats dans les pays pour les absorber. Dans les pays exportateurs, les mesures d’ajustement ont été mises en place avec beaucoup de lenteur et sont parfois inadéquates et contreproductives.

La principale économie du continent, le Nigéria, est depuis fin 2014 plongée dans une crise économique liée à la tardive décision des autorités de laisser le taux de change s’ajuster au marché. Si une telle mesure aurait été difficile à adopter dans les économies appartenant à une union monétaire (pays de la zone franc notamment), les mesures budgétaires n’ont consisté essentiellement qu’à une réduction des dépenses publiques plutôt qu’au renforcement des mécanismes de mobilisation des ressources financières internes pour financer les projets et renforcer l’activité interne.

Aussi, la bonne performance enregistrée par les pays non exportateurs n’est pas la conséquence de quelques mesures de politiques publiques mais le fait d’une conjoncture plutôt favorable. D’ailleurs, profitant de cette embellie économique, certains pays ont accélérer l’investissement public en s’endettant davantage et en ne prenant que peu de précautions contre un éventuel retournement de la conjoncture ou en mettant en place des mécanismes permettant d’amplifier cet impact à long terme. La Zambie et la Cote d’Ivoire auraient ainsi levé près de 3 Mds USD sur les marchés financiers internationaux en 2014 et 2015.

Au final, les performances économiques robustes récentes du continent ne découlent pas forcément d’une stratégie visant à asseoir une activité interne dynamique. Elles reposent encore sur des ressorts exogènes, qui se sont renforcés avec la crise de 2007/2008. Une situation qui corrobore les récents résultats de l’ADI en ce qui concerne le caractère inclusif de la croissance en Afrique subsaharienne.

Des conditions financières de plus en plus serrées, qui vont ralentir la reprise escomptée   

La baisse de régime de la performance économique dans les pays d’Afrique subsaharienne affecte notamment leur capacité à financer leur développement. Selon les données du FMI, les pays exportateurs de ressources naturelles affichent aujourd’hui des déficits (près de 5% du PIB en moyenne entre 2015 et 2016) contre des excédents (pouvant atteindre 4% du PIB) en 2013. Alors que les financements internationaux se font de plus en plus rares, le manque de ressorts économiques internes vient accentuer ces pressions. Le recours à l’endettement pour financer l’investissement public dans ces conditions est fortement porteur de risques. Un article précédent discutait les forts risques qui pèsent sur les économies africaines du fait de l’accélération de la dette.

Dans ce contexte, les espoirs d’une reprise économique robuste permettant d’améliorer les conditions de vie des populations s’estompent. D’ailleurs, le FMI indique que la croissance dans la région pourrait se relever à 3% en 2017 si les mesures de politiques publiques s’appuient sur l’activité économique interne portée par une politique publique de diversification. Il faudrait, en outre, que les pays trouvent des alternatifs financiers pour poursuivre l’exécution des investissements publics nécessaires pour l’attractivité des pays sans accentuer les risques de surendettement.  Une question que l’ADI a discuté lors de sa conférence annuelle 2016.

Si bien de progrès ont été réalisés ces dernières années, la fragilité de certaines économies africaines démontrées par ces données interpellent à plusieurs niveaux. On peut, dès lors, se mettre d’accord avec le FMI en insistant sur la nécessité de repenser la politique économique dans les pays africains. La prépondérance des ressources naturelles dans la trajectoire socio-économique du continent constitue le premier obstacle pour son développement. En outre, la dépendance des économies africaines vis-à-vis des ressources financières externes entravent fortement la mise en valeur de son potentiel économique. Tout en misant sur une politique de diversification, il apparait important pour les Etats africains de renforcer les mécanismes de mobilisation des ressources intérieures afin de faire face à leur important besoin financier.


[1] La croissance s’était établie à 1.4% pour la région alors qu’il était attendu à 1.5%.

KATANGA BUSINESS (2009) – Un film documentaire de Thierry Michel

Du business dans la rubrique culture, allons donc ! Et si on désappropriait le discours économique de la voix des seuls experts… Soyons encore plus fous, faisons en l’affaire de tous. Déplaçons donc le discours économique et adoptons une autre perspective.

Affiche_katanga_business Avec « Congo River », nous avons exploré les méandres du Congo en suivant le contre-courant du fleuve. Toujours plus haut, vers la source, tentant de surmonter le désespoir des habitants du Congo, fleuve-pays. Avec « Katanga Business », revenons sur terre et tentons d’affronter la guerre…économique qui s’y livre. Encore une guerre… Katanga Business ou la guerre des intérêts particuliers multinationaux.

Le Katanga, cette région bien nommée (katanga signifie cuivre) est une région du Congo qui détient 80% des mines du pays : cuivre, cobalt, uranium, manganèse… On croirait réciter la table de Mendeleïev, cette fameuse table d'éléments qu’on apprend en cours de chimie.

Autant de minerais qui transforment la terre en argent, sonnant et trébuchant.

Ceux qui trébuchent, les creuseurs, ces hommes venus de tout le pays pour espérer trouver quelque subsistance en creusant la terre de leurs mains nues et revendre le minerai brut souvent à prix dérisoire. Ils creusent, creusent et souvent c’est leur propre tombe qui apparaît.

C’est l’ouverture de ce film documentaire de Thierry Michel, une tombe qui se referme. Image glaçante, plus terrible encore que les maux qu’on découvre ensuite: corruption, exploitation, mépris de la vie humaine…

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Fidèle à son dispositif de montage, Thierry Michel mixe ses images aux archives en noir et blanc filmées du temps du Congo Belge à l’industrie florissante… une autre exploitation encore.

Du temps de la colonie, on pillait les ressources. Aujourd’hui, qu’en est-il ?

L’histoire de la Gécamines devient sous la caméra de Thierry Michel un petit cours d’histoire économique. Fleuron industriel du Congo Belge, nationalisée à l’indépendance, cette entreprise d’Etat est dirigée –au début du documentaire- par le canadien Paul Fortin. Nommé par le Président de la République Démocratique du Congo, c’est un patron pour le maintien de qui les salariés n’ont pas hésité à faire grève.  Ce patron illustre bien l’ancienne façon de diriger "à la papa". Mes ouailles, ayez confiance. « La politique, cela ne donne pas à manger » nous dit-il. Mais ça pourrait si on arrêtait de tirer sur les creuseurs qui manifestent pour défendre leurs droits. Oui, on tire pour assurer la sécurité des investissements…

Thierry Michel  trouve dans la région du Katanga le cœur brut et géologique des stratégies économiques mondiales. Cette région dotée de fabuleuses ressources énergétiques est convoitée par tous les pays avides de minerais pour accroître leur développement industriel. Et cela profite-t-il à la région et au pays lui-même ? Les Congolais gagnent-ils aussi ?

Pour y répondre, Thierry Michel pointe sa caméra vers le Gouverneur de la riche région et nous laisse faire notre propre idée.


KATANGA business de Thierry Michel

Moïse apparaît ainsi en Terre d’Afrique. Oui, un nom qui décide de son destin, dixit l’intéressé. Moïse Katumbi est dans le documentaire de Thierry Michel un véritable personnage. Ancien homme d’affaires ayant fait fortune et aussi président du fameux club de football TP Mazeme au Lubumbashi, il est élu gouverneur du Katanga en 2007. L’ancien homme d’affaires s’est mué en intercesseur de l’intérêt général.

Moïse gouverneur des hommes devient aussi le défenseur des creuseurs.

Moïse solution ! Scandent les creuseurs. Mais peut-il empêcher les multinationales de déloger les creuseurs ? C’est à ce titre que le personnage de Moïse Katumbi  attire la caméra et notre attention dans ce documentaire. Il est l’incarnation des contradictions à résoudre. Dans quelle mesure l’ancien homme d’affaires peut-il protéger l’intérêt général ? Comment peut-il à la fois encourager les investissements étrangers dans sa région et défendre les intérêts de ses administrés ?

On le sent sincère. Et puis, c’est sans compter sur l’aide contre-productive de certaines autorités qui s’accoquinent avec des investisseurs peu scrupuleux.

Les investisseurs indiens et chinois montent en puissance sur le continent. (Non, il n’y a pas de lien entre le manque de scrupule de la phrase précédente et ce qui suit)

« Nous attachons beaucoup d’importance à l’amitié. Nouer des liens amicaux avec l’ensemble des pays du monde est l’idée fondamentale de la politique étrangère de la Chine » nous dit l’ambassadeur chinois, Wu Zexian. Bon, il faut savoir aussi choisir ses amis…

Mais c’est vrai aussi que la Chine et la plupart des pays africains appartiennent encore au mouvement des non-alignés, feu mouvement qui se constitua comme une troisième voie pendant la guerre froide et surtout en lutte contre la colonisation.

On ne peut donc que sourire quand on découvre à la fin du documentaire que Paul Fortin de la Gécamines passe la main à l’investisseur chinois M. Min. C’est peut-être le début d’une grande amitié…

 


Post-scriptum :

Thierry Michel consacre son dernier documentaire au gouverneur du Katanga – « L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi»-. Le film est sorti fin avril en Belgique, il est prévu en France à la rentrée, il est d’ores et déjà interdit en République Démocratique du Congo. Interdit de visa au Congo, Thierry Michel est d’ailleurs aussi menacé de mort par certains partisans (vraiment ?) de Moïse Katumbi. Faire un film n’est pas sans risques.