Les nouveaux modèles de financement du développement en Afrique

fonds-souverainsDambisa Moyo, William Easterly, ou encore Jeffrey Sachs sont des noms qui reviennent souvent dans les débats sur l’aide au développement. À coup de théories économiques et d’exemples de cas d’école, chacun d’entre eux, et de nombreux autres économistes du développement, apportent leurs perspectives à la question de l’efficacité de l’aide, et son impact réel sur le développement. Pourtant, les alternatives à l’aide au développement attirent également de plus en plus l’attention des économistes comme substitut ou complément à l’aide au développement, car ayant le potentiel de limiter la dépendance à l’aide ou de combler certaines de ses lacunes. Cet article a donc pour objectif de présenter certains de ces nouveaux moyens de financement du développement, notamment les partenariats publics privés,  et l’autofinancement à travers le recours aux ressources internes et à l’endettement sur les marchés financiers. Ces modèles ont également leurs limites, qui seront présentées dans un second temps.

 

 

  1. Quels nouveaux modèles de financement pour le développement ?
  1. Les Partenariats Public–Privé (PPP)

Les Partenariats Public–Privé (PPP) sont principalement utilisés pour financer des infrastructures, et ont été imaginés pour éviter certaines difficultés posées par les modèles traditionnels de financement des infrastructures. En effet, le modèle de marché public, dans lequel une entreprise produit une infrastructure qui sera ensuite gérée par l’État, fait peser sur celui-ci des risques liés à un manque de contrôle sur la qualité de l’infrastructure, et sur les coûts que cela peut engendrer. Le modèle de la concession publique, où c’est l’État qui est en charge de la construction de l’infrastructure qui sera gérée par une entreprise, fait peser ces risques entièrement sur l’entreprise.

 Les PPP représentent donc un nouveau modèle de financement, censé permettre une meilleure répartition des risques. Même si le terme de PPP peut être utilisé pour désigner différents type de projets, c’est en général la réalisation et l’entretien par une entreprise, pour le compte de l’État d’un ouvrage ou un service public, qui produit ensuite des recettes qui servent à rémunérer l’entreprise. C’est par exemple le cas de l’autoroute à péage Dakar-Diamniado, réalisée par la société Eiffage au Sénégal ou le pont Henry Konan Bédié réalisé par la Socoprim en Côte d’Ivoire. Dans les deux cas, l’entreprise a été chargée par le gouvernement de concevoir et réaliser l’ouvrage, ainsi que de l’exploiter et de l’entretenir, pour une durée de 30 ans.

Le modèle des PPP permet un meilleur équilibre des risques, avec un État garantissant des compensations au cas où l’équilibre financier prévu pour le projet, n’est pas atteint. Ce modèle de financement assure également en général des ouvrages de qualité, dans les délais, d’une part car le partenaire privé qui le réalise possède une expertise en la matière, de l’autre car elle doit bénéficier des recettes qui en découlent.

  1. Les marchés financiers

L’autofinancement du développement représente une autre alternative à l’aide au développement. Elle permettrait aux États de rompre une situation de dépendance à l’aide, souvent critiquée, et de moins subir les chocs externes. On peut s’intéresser d’une part à l’emprunt sur les marchés financiers, et d’autre part  aux ressources que sont l’épargne privée intérieure (c’est-à-dire celle des populations), et l’épargne publique, qui découle des impôts sur les particuliers et les entreprises.

L’émission d’emprunts sur les marchés se développe depuis quelques années, avec de plus en plus de pays africains qui se tournent vers l’émission d’emprunts sur les marchés financiers, comme moyen de financer leur développement. Ces émissions consistent en des titres de créances émis par les États africains, sur des marchés étrangers, qui seront remboursés en totalité et avec intérêts. Le Ghana était ainsi le premier à émettre des obligations souveraines d’un montant total de 750 millions de dollars à un taux d’intérêt de 8,5%. En Octobre 2015, il émettait à nouveau des obligations, cette fois pour un montant de 1 milliard de dollar US, à un taux d’intérêt de 10,75%.

D’autres pays ont rapidement suivi le Ghana, parmi lesquels la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon, le Cameroun ou encore le Tchad. Derniers en date, le Sénégal en  Mars et l’Algérie en Avril. Avec des taux de croissance importants et des profils de risque qui se sont améliorés, les États africains peuvent apparaitre comme particulièrement attractifs pour certains investisseurs. Du côté des États, l’intérêt de ces émissions d’emprunt est qu’elles les laissent autonomes dans la gestion des fonds obtenus, contrairement aux prêts bilatéraux et multilatéraux. Cependant, ce modèle remplace les créanciers traditionnels des États africains que sont les bailleurs de fonds, par de nouveaux créanciers.

  1. Les ressources internes

En revanche, d’autres ressources internes gagneraient à être davantage exploitées par les États africains, notamment l’épargne. D’après le rapport économique sur l'Afrique 2010, publié par la Commission économique pour l’Afrique, « le taux d’épargne en Afrique est très faible par rapport à ceux d’autres parties du monde en développement », avec moins de 20% du PIB. Les ressources comme l’épargne privée ou les impôts sont donc clairement sous exploitées par les États, malgré le potentiel important qu’elles représentent.

C’est notamment le cas de l’épargne privée, alors que la microfinance a montré que même les populations les plus pauvres sont capables d’épargner. En cause : des systèmes financiers qui excluent la majorité des citoyens. À cause d’un nombre d’agences insuffisant surtout dans les zones rurales, de versements minimum demandés trop élevés, de taux d’intérêt peu intéressants ou encore une documentation à fournir, trop importante, les conditions nécessaires à l’ouverture d’un compte d’épargne sont souvent des barrières rendant ceux-ci peu attractifs pour les particuliers.

Du côté des ressources publiques, les systèmes fiscaux gagneraient à être développés. Les impôts collectés par les États africains ont pourtant augmentés, selon le rapport Perspectives Économiques en Afrique publié en 2010. Le rapport montre ainsi qu’ils sont passés de 113 milliards de dollars USD en 1996, à 479 milliards en 2008. Cependant, ces impôts sont souvent issus de la taxation des ressources minières et naturelles. Or, les crises successives des matières premières ont montré les limites de ce type de fiscalité ; de plus, cette source de revenus est souvent montrée du doigt comme facteur contribuant à la mauvaise gouvernance et à l’instabilité politique. Enfin, elles peuvent représenter un obstacle à la mise en place de systèmes fiscaux plus complexes, car représentant une source de revenus faciles.

En revanche, la mise en place d’impôts directs sur les populations et les sociétés, et indirects (TVA et autres taxes commerciales) permettrait de mobiliser de nouvelles ressources. Certains économistes argumentent par ailleurs que la taxation des particuliers peut rendre la population plus regardante sur la gestion des ressources publiques lorsque celles-ci sont issues de ses propres revenus, en comparaison avec l’aide extérieur, qui n’exerce pas la même pression sur les populations.

 

  1. Limites et risques des nouveaux moyens de financement

Ces nouveaux moyens de financement du développement ne sont pas exempts de risques et de coûts, qu’on ne retrouve pas forcément avec l’aide au développement.

  1. Les Partenariats Public–Privé (PPP)

Dans le cas des PPP, les États ne maitrisent pas forcément les risques liés à la demande. En effet, le niveau futur de demande ou d’utilisation par les usagers de l’ouvrage, est estimé lors de la signature du PPP. Si ce niveau n’est pas atteint, l’État doit verser des compensations financières au partenaire privé, ce qui représente donc des dépenses supplémentaires pour l’État. Par ailleurs, le risque de mauvaise gouvernance, liés aux marchés publics et aux concessions lorsque ceux-ci ne sont pas attribués de manière transparente et équitable, reste présent dans les PPP. Pour limiter ces risques, le développement d’un cadre réglementaire des PPP pourrait favoriser leur réussite. La Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale encouragent les États africains à aller dans ce sens, et c’est de plus en plus le cas. Les États de l’UEMOA travaillent ainsi à la mise en place d’un cadre régional des PPP, et nombreux sont les États qui ont déjà un cadre national, comme le Sénégal, le Niger ou la Côte d’Ivoire. Pour que ce cadre devienne réellement opérationnel, il sera important de renforcer les capacités des organismes en charge de gérer les PPP, et l’aide au développement pourrait y contribuer directement en facilitant des transferts de compétences dans ce domaine.

  1. Les marchés financiers

Les émissions d’emprunt sur les marchés financiers, elles, si elles représentent une alternative intéressante à l’aide au développement, envoyant des signaux positifs quant au développement économique de l’Afrique, peuvent également être à double tranchant. Dans un article publié en 2013 dans le journal les Échos, l’économiste Joseph Stiglitz met en garde contre un enthousiasme exagéré vis-à-vis de ces émissions. En effet, elles ont un coût supérieur à celui des prêts bilatéraux ou multilatéraux, car ces derniers ont des taux d’intérêts bas voir nuls, ce qui n’est pas le cas des obligations. Elles contribuent ainsi à l’endettement des pays africains : alors qu’il y a une dizaine d’années, les émissions d’obligations des États africains représentaient 1% de la dette extérieure des pays en développement, elles sont passées aujourd’hui à 4%.

  1. Les ressources internes

Le développement d’un système fiscal efficace parait de loin plus avantageux, car permettant à l’État de rester autonome et de mobiliser sa population. Le potentiel parait énorme, notamment avec la possibilité de taxer le secteur informel. Pourtant les réformes du système administratif devraient être profondes, avec notamment un besoin de décentralisation de l’administration pour assurer une collecte dans toutes les zones des pays. Les nouvelles technologies peuvent ici jouer un rôle efficace dans cette collecte, avec le potentiel de systèmes comme les paiements mobiles ou la plateforme eZwick au Ghana qui permet à ses utilisateurs d’atteindre des instruments financiers peu importe leur situation géographique. 

Cependant, la mise en place d’une fiscalité efficace nécessitera des réformes plus profondes des systèmes en place. Parmi celles-ci, l’allocation d’une part plus importante des ressources collectées aux des dépenses productives, plutôt que pour couvrir les dépenses de fonctionnement, qui représentent aujourd’hui 85% des ressources internes collectées. Enfin, pour qu’un tel système fiscal fonctionne, la confiance de la population dans le système et une gestion transparente des fonds seront des prérequis, ainsi qu’une société civile engagée et vigilante par rapport à l’utilisation des fonds. Cette évolution ne pourra se faire qu’avec des États prêts à dialoguer davantage avec leurs populations, et des populations plus regardantes sur le modèle de gouvernance de leurs États.

 

MC 

 

L’emprunt souverain sur les marchés financiers: une solution de financement ou un danger ?

Face au peu de succès des solutions traditionnelles de financement (investissements directs à l’étranger, dette concessionnelle provenant d’institutions internationales), les Etats Africains se tournent de plus en plus vers les marchés financiers et émettent des obligations souveraines dont les montants sont importants. C’est peut-être le signe d’un plus grand professionnalisme dans la gestion des finances publiques mais les risques associés sont énormes. De meilleures alternatives sont pourtant plus accessibles et se trouvent dans le développement des marchés et de l’épargne intérieurs.


Emprunt-obligataire-TchadEn dépit des inquiétudes soulevées dans le premier volet de cette série sur l’emballement des émissions obligataires souveraines africaines, il faut aussi y voir des signes positifs. L’émission sur les marchés financiers internationaux renforce la crédibilité macroéconomique du continent. Il faut pour ainsi émettre des obligations que les Etats acceptent de se soumettre à une notation de crédit, une démarche qui les pousse à assainir les comptes et les finances publiques.

D’ailleurs selon Graham Stock, directeur du département de recherche sur les marchés émergents de la banque d’investissement JP Morgan, la réussite des émissions obligataires africaines sur les marchés financiers internationaux est due à une plus grande crédibilité macroéconomique du continent : « la hausse des prix des matières premières, la forte demande chinoise et l’amélioration de la gouvernance et de la situation politique générale rendent les obligations africaines particulièrement attractives pour les investisseurs cherchant à diversifier leurs portefeuilles ». Pour le FMI aussi, ces émissions traduisent une reconnaissance du potentiel du continent lié "à l'abondance des ressources naturelles, à l'amélioration des politiques macroéconomiques et à de bonnes perspectives de développement".  Ensuite, contrairement au laxisme qui entourait les termes de la dette concessionnelle traditionnelle, le côté inflexible des marchés et la menace d’exclusion en cas de défaut, constituent une pression positive ex-ante pour investir dans des secteurs porteurs pour l’économie des Etats concernés. Cette nouvelle solution de financement prisée désormais par de nombreux pays africains pointe dans la bonne direction dans la mesure où ces pays prennent ainsi leurs responsabilités dans la recherche de financements – notamment pour les infrastructures et l’éducation – et refusent de plus en plus l’assistanat et le paternalisme des solutions de financement traditionnelles.

Les risques  associés à cette stratégie sont néanmoins réels. Le service de la dette pèse lourd dans les budgets nationaux et le risque d’entrer dans un cercle vicieux d’endettement conduisant quasi-inévitablement au défaut est énorme. D’ailleurs, les difficultés n’ont pas tardé à se manifester. En janvier 2011, la Côte d’Ivoire a fait défaut sur sa dette souveraine même si cet événement est lié à la situation politique compliquée que traversait alors le pays. Il y a un an, le Gabon a dû reporter le paiement des intérêts sur sa dette – d’un montant supérieur au milliard de dollars – et a échappé de justesse au défaut. Le cours élevé des prix des matières premières porte à bout de bras des pays comme le Congo et la Zambie ; un effondrement de ces derniers transformerait le service de la dette en un fardeau insupportable pour ces pays.

Il est donc évidemment crucial de réaliser les meilleurs investissements possibles avec les fonds collectés. Les projets à haut rendement qu’ils s’agissent d’infrastructures vraiment nécessaires au développement de l’économie ou d’investissements clés et intelligents dans le développement du capital humain ou dans l’amélioration de l’environnement des affaires sont à privilégier. Outre des stratégies d’investissement bien mûries, il faut aussi réduire la voilure quant aux montants de ces émissions afin d’éviter de créer les conditions de difficultés insurmontables dès le moindre revirement de la conjoncture.

Le mot clé est la diversification des sources de financement. Les emprunts obligataires souverains sur les marchés financiers participent de cette stratégie de diversification mais doivent également en pâtir, c’est-à-dire qu’ils doivent être une solution mais une solution parmi d’autres. Surtout que de meilleures alternatives existent et qu’elles sont intérieures, donc plus faciles d’accès. L’amélioration des marchés intérieurs par une bancarisation accrue des populations devrait être la priorité. Elle encourage et stimule l’épargne intérieure qui peut ainsi être investie pour répondre aux besoins de financement de l’Etat mais aussi de ceux des entrepreneurs, entrainant ainsi une hausse de l’activité et donc des recettes fiscales de l’Etat. Une telle stratégie pousse aussi à l’amélioration des marchés financiers intérieurs, qui elle aussi, soutient l’activité économique mais surtout réduit la vulnérabilité face aux comportements de vautours qu’adoptent souvent les grands fonds d’investissements internationaux lorsqu’un pays en développement se retrouve en difficulté pour honorer ses engagements. En se tournant vers leurs propres citoyens, les gouvernements africains peuvent mieux gérer ces phases de turbulence et inclure des procédés de retardement ou de lissage afin de tenir leurs engagements financiers sans sacrifier des pans essentiels de leur mandat social.

Les partenariats public-privé constituent une autre solution de financement, intérieure elle aussi. C’est le thème qu’aborde Nicolas Simel dans une série de deux articles dont le premier rappelle l’échec d’autres solutions de financement. Ces types de partenariat où l’Etat fait appel à un partenaire privé, le charge d’une mission de construction et/ou de gestion d’infrastructures publiques cofinancées, a l’avantage d’alléger la charge de financement publique tout en assurant une meilleure gestion des infrastructures, synonyme d’un meilleur rendement pour les citoyens, pour l’Etat et pour l’activité économique.

Tite Yokossi

Les Etats africains et l’emprunt souverain sur les marchés financiers

Face au peu de succès des solutions traditionnelles de financement (investissements directs à l’étranger, dette concessionnelle provenant d’institutions internationales), les Etats Africains se tournent de plus en plus vers les marchés financiers et émettent des obligations souveraines dont les montants sont importants. C’est peut-être le signe d’un plus grand professionnalisme dans la gestion des finances publiques mais les risques associés à cette stratégie sont énormes. De meilleures alternatives sont pourtant plus accessibles et se trouvent dans le développement des marchés et de l’épargne intérieurs.


recentes_obligations_souv_Afrique (2)Traditionnellement, les pays africains recourent à l’aide au développement, à la dette concessionnelle – en général négociée avec le FMI ou la Banque Mondiale – ou encore à des investissements directs venus de l’étranger pour financer les écarts souvent importants entre les dépenses inscrites au budget et les recettes intérieures. La donne est en train de changer depuis quelques années avec l’emballement autour de la dette souveraine émise sur les marchés financiers.

Dans un article paru récemment dans les Echos[1], Joseph Stiglitz[2] fait le point de la fièvre obligataire récente des Etats Africains, en souligne les risques associés et la possibilité d’une nouvelle crise systémique qui pourrait en découler. Le constat de l’emballement des pays Africains pour les emprunts obligataires est frappant. Avant 2007, la quasi-totalité des pays africains en dehors de l’Afrique du Sud se limitait aux solutions de financement traditionnelles.

Le vent du changement a d’abord soufflé au Ghana avec l’émission en octobre 2007 d’obligations d’un montant de 750 millions de dollars à un taux d’intérêt de 8.5% sur trente ans. La Côte d'Ivoire, le Sénégal, l’Angola, le Nigeria, la Namibie, la Zambie, la Tanzanie, le Gabon, la République du Congo et les Seychelles ont depuis suivi l’exemple du Ghana. Un engouement qui ne se dément pas. En juin 2013 par exemple, les deux Etats  africains suivants ont émis de la dette souveraine sur les marchés financiers: le Sénégal (172 milliards de FCFA) et la Côte d’Ivoire (93 milliards de FCFA).

Les principaux besoins mis en avant par les Etats débiteurs pour motiver ces émissions d’obligations sont en premier lieu les dépenses d’infrastructures. Ce fut le cas du Ghana en 2007, du Sénégal en 2009 et en 2011), de la Zambie en 2012 et de la Tanzanie en 2013. L’Afrique du Sud et le Nigéria (2011) ont fait des émissions de référence. Il s’agit là de pays dont le volume économique leur permet de lancer des obligations désormais de référence plutôt que des émissions ponctuelles et conjoncturelles. Enfin, plusieurs pays africains ont émis de la dette dans un cadre de restructuration de la dette contractée antérieurement. Les Seychelles en 2006 et en 2010, le Gabon en 2007, la République du Congo en 2007 et la Côte d’Ivoire en 2010 en sont des exemples récents.

Les raisons de cet engouement pour l’émission d’obligations souveraines africaines sur les marchés financiers internationaux sont multiples. Stiglitz y voit une manifestation de l’appétit des investisseurs pour le rendement, car les taux que promettent ces obligations sont largement supérieurs à ceux des obligations d’Etat américaines, par exemple, qui sont au plus bas. L’autre raison évoquée est l’autonomie et la liberté d’action que confèrent ces emprunts, une liberté qui fait complètement défaut aux dirigeants africains lorsqu’ils empruntent auprès des partenaires au développement. Le compromis classique était d’obtenir des taux d’intérêts bas, parfois nuls ou négatifs sur la dette mais en revanche d’accepter une surveillance drastique quant à la manière d’utiliser les fonds, une surveillance souvent  accompagnée de contraintes d’ajustement structurel.

D’un côté, on aurait donc des investisseurs obnubilés par l’appât du gain, prêts à prêter à des taux inférieurs à ceux de la dette souveraine espagnole, à des Etats comme la Zambie, malgré leur mauvaise note de crédit. Ces investisseurs iraient même jusqu’à espérer un sauvetage si les pays débiteurs se retrouvaient au bord du défaut, un sauvetage qui serait orchestré par les fameux partenaires au développement et qui pourrait rapporter gros aux institutions prêteuses. De l’autre côté, on aurait des dirigeants qui souhaiteraient bénéficier de la liberté d’utilisation et d’investissement des fonds collectés tout en faisant le calcul qu’il incombera aux dirigeants des mandatures à suivre de faire face aux difficultés liées au service de la dette. La rencontre de ces investisseurs et de ces dirigeants de pays africains, tous pensant uniquement à leurs intérêts et faisant preuve d’une vision très court-termiste serait à la base de cette exubérance, qui a en elle les germes d’une crise systémique dont les conséquences seraient catastrophiques.

Peut-on cependant y voir des signes positifs ? Que faire face aux risques liés à cette stratégie de financement ? Nous aborderons ces points dans le deuxième volet de cette série.

A suivre…

Tite Yokossi

 

 

 

 

 

 


[1] L’article est initialement paru sur Project Syndicate, une plateforme très influente où s’expriment régulièrement des économistes de renom

 

 

 

 

 

[2] Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel d’Economie en 2001, est professeur à la prestigieuse université de Columbia à New York.