Entretien avec Bénédicte Kudiman, fondatrice de Beto academy

L'Afrique des Idées a rencontré Beto Academy, une plateforme d'enseignement en ligne qui veut promouvoir les langues africaines et créer de l'emploi sur le continent africain. Sa fondatrice Bénédicte Kudiman revient sur le rationnel derrière la création de cette plateforme d'entrepreneuriat social et leurs ambitions. 

ADI : En quoi consiste votre initiative, pourriez-vous nous donner un aperçu général de vos activités ?

Beto academy est une plateforme d'enseignement des langues africaines (toutes présentées dans notre catalogue) par des enseignants qui résident dans des pays africains pour un public qui vient des quatre coins du monde. Aussi, depuis peu nous sommes sollicités pour réaliser la traduction des textes en langue européenne vers des langues africaines.

ADI : D’où vous est venue l’idée de fonder une académie des langues africaines ? 

Je fais partie de ces enfants qui ont vu leurs parents se priver pour envoyer des sous dans leurs pays d'origine. À la maison, il y a des plaisirs auxquels nous avons dû renoncer parce qu'il fallait aider tel ou tel membre de la famille au pays. Peut-on leur en vouloir ? Dans la plupart des pays africains, les gens ne sont pas payés à la fin du mois, et lorsqu'ils le sont, les sommes sont ridicules.

Nous sommes partis du constat que les autorités africaines n’ont pas la capacité de fournir à tous un emploi tel qu’elles le suggèrent dans leur programme politique. Le pouvoir politique ne  suffit pas pour assurer à tous un revenu suffisant. Le pouvoir est chez celui qui détient de quoi l'acheter…

Nous sommes en mesure de créer de la plus-value. La première matière première d'un pays c'est sa population. Nous sommes créateurs et sources de revenue. La matière première que nous proposons est inépuisable et d'une valeur inestimable : Les langues.

ADI : Quelles sont les modalités d'inscription et le profil type des adhérents ? 

Pour s'inscrire en tant qu'étudiant à une langue il n'y a pas de profil type. Vous pouvez être germanophone, anglophone, francophone. Les cours ont un coût qui reste très accessible. Il y a plusieurs options disponibles, la plus basique au prix de $15/mois inclut 1h30 d’enseignement, alors que la plus avancée au prix de $40/mois propose 4h d’enseignement. Il faut cependant prendre soin de s’enregistrer durant nos sessions d’inscriptions.

Pour ceux qui souhaitent devenir enseignants, nous recherchons des personnes motivées, qui parle couramment la langue qu’ils veulent enseigner, et bien sûr possédant une connexion Internet !

ADI : Comment voyez-vous l'avenir de Beto academy ?

Nous espérons que lorsqu'une personne souhaite faire des affaires ou immigrer dans un pays Africain que l'équivalent du TEF ou du IELTS soit requis. Nous espérons être amenés à la traduction d'œuvres littéraires en langues africaines, mais aussi de films, documentaires, et de chansons. Et bien évidement devenir une académie de référence et reconnue pour l’apprentissage des langues africaines de façon équitable. 

Mais plus sérieusement nous espérons faire partie des plus grands employeurs en Afrique.

ADI : Quel est votre bilan aujourd’hui : le nombre de personnes à qui cela a bénéficié et ce que cela a apporté en plus dans le plan de carrière de ces gens ?

Nous avons à peine un an et deux mois. Il est difficile de dire ce que cela à apporter en plus dans le plan de carrière de ceux qui ont suivi nos cours. Cela dit nous avons pu voir défiler pas moins de 3000 élèves et engager plus de 70 enseignants, c'est encourageant !

N’hésitez pas à contribuer à la cagnotte du projet :

https://www.leetchi.com/c/projets-de-benedicte-16821845

Plus d’informations sont disponibles sur le site de Beto academy :

http://www.betoacademy.com/

 

 

Aphrodice Mutangana, entrepreneur social au Rwanda

"Quand on veut aller vite, on y va seul. Quand on veut aller loin, on y va ensemble"

Entrepreneur rwandais actif dans les nouvelles technologies, Aphrodice Mutangana est à l'image de cette jeune génération du pays des Mille Collines qui rêve de « faire la différence » et d'être actrice du changement.  Une ambition qui ne relève pas que de la rhétorique.  À 29 ans, Aphrodice peut déjà se prévaloir de quelques belles réalisations : à la tête de son entreprise, il a lancé m-Health[1], une application mobile qui propose des conseils de santé à ses abonnés ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels du corps médical. De quoi impressionner les membres du jury de Seedstars World[2]– une organisation basée en Suisse qui récompense les meilleures start-up dans les pays émergents- pour que ces derniers lui attribuent en 2013 le premier prix régional en Afrique de l’Est. Mais le jeune entrepreneur, non content de développer sa seule affaire, cherche aussi à apporter sa pierre à l’édifice du nouveau Rwanda en construction. En parallèle à son activité professionnelle, il a co-initié bénévolement Incike[3], un site de financement participatif qui vient en aide aux victimes du Génocide ayant perdu tous leurs enfants.  Une contribution symbolique de plus pour cet autodidacte de la high-tech – il a étudié l’agronomie-, cité en exemple dans le prestigieux Washington Post[4], et qui se définit d’abord comme un entrepreneur social.  Entretien.  

APHRODICE MUTANGANA

Aphrodice, pourrais-tu brièvement te présenter ?

Je suis un entrepreneur rwandais, créateur d’une entreprise positionnée sur le segment des nouvelles technologies, et dont le produit phare est une application mobile dédiée aux conseils de santé, m-Health.  Ma formation initiale est cependant l’agronomie – l’horticulture-, bien loin donc de mon environnement professionnel actuel, les technologies de l’information et de la communication. C’est un univers que j’ai découvert comme un à-côté, en autodidacte. Intéressé depuis longtemps par le secteur de la santé, je me suis finalement lancé dans l’aventure entrepreneuriale. Une façon comme une autre d’assouvir mon inclination par des voies autres que celles suivies par les praticiens de cette filière -médecins, infirmiers, pharmaciens-. Au final, je me définis d’abord comme un entrepreneur social, qui développe une activité à la fois profitable et utile à l’ensemble de la communauté.

L’entrepreneuriat social justement. Peux-tu nous décrire les différentes initiatives que tu as prises dans ce domaine ?

foyomLa première concerne bien entendu m-Health. L’idée de base était de fournir, via le téléphone mobile, des conseils de diététique et de santé aux personnes souffrant de certaines maladies chroniques (diabète, insuffisances respiratoires…) ainsi qu’un suivi personnalisé avec des professionnels de la santé. L’application automatise les réponses aux questions les plus fréquemment posées par nos abonnés, et le cas échéant, permet d’interroger à distance un spécialiste sur une requête plus spécifique. Un service utile et pratique qui permet bien évidemment de dégager un revenu. Mais l’entrepreneuriat social va bien au-delà. Dans le cadre de l’initiative Incike, un programme soutenu par les autorités et destiné à soutenir les personnes âgées ayant perdu tous leurs enfants pendant et après le Génocide,  nous avons développé avec d’autres bénévoles un site de financement participatif afin de collecter les fonds nécessaires à ce type d’action. C’est là un exemple typique de ce que peut faire l’entrepreneuriat social : mettre en commun des compétences en vue de fournir une prestation qui exercera un impact positif sur la collectivité, et ce sans avoir nécessairement un retour financier immédiat.  Dans la même veine, mon site personnel Mutangana.rw[5], lancé il y a peu, cherche quant à lui à agréger et faire partager gratuitement certaines idées d’affaires à développer, tous secteurs d’activité confondus. Celle ou celui qui se sent en mesure de reprendre à son compte une idée de business, et d’en faire une activité profitable, tant mieux.  Sur le long terme, une idée n’a de valeur pour la société que si elle est suivie d’une exécution réussie qui profite au plus grand nombre. Le site n’est qu’une plateforme, un outil au service de tous.

Des initiatives qui ont en tous les cas contribué à te faire connaître d’un plus grand public. Prix de la meilleure start-up régionale, couverture dans les médias locaux et internationaux (France 24, Washington Post). Quel est ton sentiment par rapport à cette visibilité grandissante ? 

De la fierté bien sûr, mais en même temps, beaucoup d’humilité. Je sais d’où je viens, me souviens des difficultés et obstacles surmontés, des sacrifices consentis. Il y a beaucoup de travail pour en arriver là, on apprend donc à remettre les choses en perspectives et à savourer l’instant présent. Mais sans jamais perdre de vue le chemin à venir, les projets qui restent encore à accomplir.

Parle-nous de tes projets en cours.

A court terme, je vais continuer à développer mon application mobile en tâchant de la dupliquer sur une plus large gamme de systèmes d’exploitation (Android, Windows Phone, iOS d’Apple). Cela reste la meilleure façon de toucher une clientèle plus large, et pas uniquement au Rwanda. Si le produit est bon, il peut a priori être répliqué ailleurs. J’attends beaucoup aussi de mon site Mutangana.rw de partage d’idées. Contacts multiples, mentorat, possibilités de financement, c’est l’essence de l’entrepreneuriat social. Enfin, je souhaiterais développer une activité plus centrée sur l’événementiel, telle que l’organisation de colloques et forums portant sur les opportunités d’affaires au Rwanda et dans la sous-région. Ce qu’il faut, c’est un point de rencontre entre investisseurs et entrepreneurs, une plateforme où chacun pourrait obtenir ce qu’il est venu chercher. Des capitaux et une méthode managériale pour les entrepreneurs, des équipes compétentes et de bonnes idées sur lesquelles se positionner pour les investisseurs.  En clair, mettre à disposition tous les ingrédients nécessaires à la réussite.

Un dernier mot sur ces facteurs de réussite. En tant que chef d’entreprise, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui se souhaitent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

Il faudrait idéalement toujours faire ce que l’on aime. Ce sera d’autant plus utile lorsque les choses se compliqueront et que les difficultés, immanquables, surviendront. A ce titre, dans le contexte souvent précaire et changeant qu’est l’entrepreneuriat, la persévérance, la débrouillardise et la flexibilité sont incontestablement des qualités qui peuvent faire la différence. La créativité peut aussi être un plus indéniable, mais elle devra, pour être efficace, se baser sur les besoins concrets de vos clients, fournisseurs et partenaires. Il faut donc être constamment à l’écoute, sensible aux signaux donnés par le marché, tout en se concentrant sur l’essentiel et en connaissant ses limites. Dernier point enfin, et probablement le plus important : savoir travailler avec d’autres personnes, c’est indispensable. Quand on veut aller vite, on y va seul, mais quand on veut aller loin, on y va ensemble.  

Propos recueillis par Jacques Leroueil à Kigali

Pour aller plus loin : https://www.youtube.com/watch?v=B_84fPKNORQ

 


[1] http://www.foyo.rw/

 

[2] http://www.seedstarsworld.com/

 

[3] http://www.incike.rw/

 

[4] http://www.washingtonpost.com/world/africa/20-years-after-the-genocide-rwanda-looks-to-a-tech-revolution/2014/04/04/bbde2df2-bb4a-11e3-80de-2ff8801f27af_story.html

 

[5] http://mutangana.rw/

 

Le potentiel des start-ups sociales pour répondre au défi de l’électrification rurale

1,3 milliards de personnes dans le monde vivent actuellement sans électricité, et dépendent de carburants traditionnels aux prix élevés et aux effets néfastes afin de satisfaire leurs besoins énergétiques de base.

La majorité des foyers dépourvus d’accès à l’électricité vivent dans les régions rurales des pays en voie de développement. Ces régions, souvent isolées et parfois difficiles d’accès, sont largement laissées pour compte dans les grands plans étatiques pour étendre les réseaux nationaux de distribution[1]. Ce problème de grande échelle se révèle aujourd’hui être un terreau fertile pour le développement de start-ups sociales, dont les initiatives privées offrent une alternative de plus en plus crédible aux projets humanitaires.

Les organisations à but non-lucratif ont certes remporté de beaux succès avec la réalisation de projets ayant eu un impact significatif sur les conditions de vie de millions de bénéficiaires. Cependant, elles se heurtent également à de nombreuses difficultés, au premier rang desquelles figure le caractère limité de leurs ressources, qui ne leur permet pas d’atteindre une échelle véritablement significative en regard de l’immensité des besoins. La multiplication de leurs projets passerait en effet nécessairement par une multiplication correspondante de leurs financements, ce qui est extrêmement difficile dans le cadre d’un paradigme philanthropique. 

Et de fait, le nombre de personnes dépourvues d’accès à l’électricité reste extrêmement élevé. Selon les prévisions de l’IEA, ce nombre restera même relativement stable au cours des prochaines années, notamment en raison d’une croissance démographique plus rapide que le rythme des nouvelles connexions.

tableau poweronPrévisions de l’Agence Internationale de l’Energie

Vers un changement de paradigme

Un changement de paradigme est donc nécessaire. Un consensus semble se créer progressivement autour de l’idée que ce problème pourrait être éliminé dans la prochaine décennie s’il était démontré que la fourniture d’électricité aux communautés isolées pouvait être réalisée de façon durable et rentable. Le déclin continu du prix des technologies renouvelables au cours des dernières décennies a en effet rendu les solutions de marché accessibles aux habitants les plus pauvres de la planète, qui consacrent aujourd’hui jusqu’à 30% de leur budget à l’énergie.

L’implication du secteur privé dans ce secteur d’intérêt général nécessite cependant de nouveaux business models, adaptées aux populations les plus pauvres (Base of the Pyramid). Les pratiques traditionnellement adoptées par les grands acteurs en place ne prennent pas en compte leur contexte particulier et ne peuvent ainsi pas répondre à leur besoin en énergie.

Ces nouveaux business models sont actuellement principalement développés par de jeunes start up sociales innovantes, dont les premières expérimentations contribuent progressivement à la structuration d’un nouveau marché de l’électrification rurale[1].

D.light a distribué 8 millions de lampes solaires en 7 ans


Une première vague de ces start up à fort impact s’est matérialisée à partir de la deuxième moitié des années 2000, avec la multiplication d’entreprises distribuant des lampes et kits solaires. Certaines de ces entreprises sont extrêmement performantes, à l’image par exemple de d.light qui annonce avoir vendu 8 millions d’appareils solaires en 7 ans d’existence.


Ce mouvement est encouragé et coordonné par les grandes organisations internationales dont la vocation est de faciliter la réalisation des objectifs millénaires du développement, telles que la Banque Mondiale à travers le programme dédié Lighting Africa. Le développement de ces start-ups est par ailleurs soutenu par des investisseurs intéressés par le potentiel à la fois social et financier de ces entreprises.

 

Structuration d’un nouvel écosystème, au service de l’innovation sociale

« Les lampes solaires ne suffisent pas à éliminer la pauvreté. Il faut réussir à alimenter des usages productifs » – K. Yumkella, UN Under-Secretary-General – Special Rep & CEO – Sustainable Energy for All

Ceci étant, ces entreprises sont loin de régler totalement le problème de l’accès à l’électricité. Les solutions qu’elles proposent permettent en effet de révolutionner les usages énergétiques domestiques dans les foyers BoP off-grid, et ce faisant d’améliorer radicalement leurs conditions de vie. Malgé tout, elles ne suffisent pas à répondre à une demande plus intense concernant les usages collectifs et économiques (alimentation électriques de centres de santé, de petites entreprises et ateliers, qui demandent des puissances qu’un kit solaire ne pourra jamais délivrer).

Ce sont pourtant ces usages qui in fine enclencheront un réel développement dans les zones rurales. Pour y répondre, une deuxième vague a émergé, qui s’attaque à des solutions d’électrification d’une autre ampleur, à même de fournir des puissances électriques capables d’alimenter des appareils et machines jusque dans les régions les plus reculées. Ce besoin a là encore été bien compris par les grandes
institutions internationales, à l’image des Nations Unies à l’origine de l’initiative Sustainable Energy For All qui s’attache à mettre en réseau les acteurs de cette nouvelle industrie et à leur fournir des données et ressources susceptibles de faciliter leur action.

Husk Power System – Success story du nouveau paradigme de la fourniture d’électricité pour le BoP

Le meilleur exemple de ces start-ups dédiées à l’électrification rurale est à mes yeux celui de Husk Power Systems. A l’aide de leur technologie de gazification de biomasse (cosses de riz) associé à du solaire photovoltaïque et de réseaux de distribution low cost en bambou, la start up indienne a pu construire près d’une centaine de minigrids depuis 2007 et commence aujourd’hui à s’implanter en Afrique de l’Est. Ses minigrids sont capables de produire une électricité à un prix très attractif pour les habitants des régions les plus pauvres du monde. Les bénéficiaires les plus pauvres sont impliqués durablement dans leur électrification.

Plusieurs grands groupes industriels du secteur électrique traditionnel développent de leur côté des initiatives tournées vers le BoP s’inscrivant pour la plupart dans le cadre de politique de responsabilité sociale et environnementale (comme par exemple le programme BIPBOP de Schneider Electric). Mais la dynamique globale dans ce domaine est surtout portée par quelques dizaines de start-ups qui développent leurs propres modèles dans différentes régions à travers le monde, chacune expérimentant différents choix technologiques et différents modèles d’affaires susceptibles de rendre les projets à la fois durables et rentables.

Frilosité des financeurs…

La plupart des projets sont encore relativement récents et ne sont guère au-delà de la phase pilote. C’est bien en raison de cette incertitude fondamentale que ce mouvement reste pour l’heure soutenu majoritairement (et assez paradoxalement) par des acteurs issus du secteur philanthropique. Ce sont en effet les fondations (parfois issues de grands groupes de la filière comme la Fondation Shell), les donneurs privés et certains fonds public dédiés à l’aide au développement qui assument le financement d’une l’innovation sociale jugée encore trop risquée ou pas assez rémunératrice par les financeurs de l’économie traditionnelle.

D’un point de vue d’ensemble, cette situation est assez regrettable dans la mesure où en renonçant à jouer leur rôle, à l’image des fonds de capital risque traditionnels, les « Venture Philanthropists » privent nombre de start-ups des fonds qui leur seraient nécessaires pour émerger. Ces derniers préfèrent en effet se concentrer sur le créneau du capital développement, afin d’accompagner des entreprises déjà établies (et situées dans la première vague citée plus haut) dans leur changement d’échelle. Pourtant, les montants pour lancer un pilote, relativement limités par rapport aux tickets moyens dans les deals avec les start-ups, leur permettraient de prendre des positions intéressantes dans de nouveaux projets tout autant, voire plus prometteurs.

…en dépit d’un vrai potentiel de disruption pour tout le secteur

Toujours est-il que nous assistons actuellement à la naissance d’une nouvelle classe d’acteurs, qui vient disrupter le secteur de la fourniture d’électricité par le bas, c’est-à-dire en s’attaquant à un segment du marché (les communauté off-grid situées à la Base de la Pyramide) qui est resté durant des années inaccessible aux acteurs traditionnels (si ce n’est totalement négligé).

Power:On, l’entreprise sociale dont je suis le fondateur, s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Power:On est un fournisseur d’électricité dédié aux villages isolés des pays en voie de développement, exploitant des minigrids hybrides photovoltaïque-diesel, efficients et intelligents, tirant parti de ressources renouvelables locales. Notre mission est de révolutionner le rapport de communautés rurales à l’énergie – pour un prix moins élevé́ que ce que nos clients dépensent actuellement en carburants fossiles de mauvaise qualité́.

Power:On vend des contrats prépayés, liés à des catégories d’usages énergétiques spécifiques tels que l’éclairage, l’utilisation d’un moulin électrique, d’un réfrigérateur ou d’une pompe électrique. Chaque client a donc accès à l’électricité́ en fonction de ses besoins et de ses ressources.

Nos systèmes sont ainsi optimisés et conçus sur-mesure, en réponse aux demandes exprimées par nos clients qui sont les entreprises, les foyers et les services publics. Nous avons également voulu tirer parti des nouvelles technologies pour affirmer notre crédo : le BoP n’implique pas le low cost et la faible qualité de service. Au contraire, les technologies numériques permettent de mieux communiquer avec les clients, de proposer une excellente expérience utilisateur et de promouvoir des usages responsables. Le contexte BoP représente une opportunité́ unique de transformer le métier de la fourniture d’électricité́, en adoptant des technologies de nouvelle génération sans pâtir d’un héritage d’installations obsolètes.

Grâce au déploiement de réseaux de compteurs intelligents, nos clients peuvent ainsi contrôler, payer leur consommation et recevoir des conseils d’efficacité énergétiques personnalisés directement sur leurs téléphones mobiles. Ces mêmes technologies de l’information et des communications permettent aussi à nos réseaux de devenir intelligents et d’optimiser leur fonctionnement en temps réel. Enfin, la gestion des systèmes isolés est facilitée par la mise en place d’une plateforme de maintenance et de formation technique en ligne.

Power:On est actuellement en pleine préparation d’un premier projet pilote au Bénin, pour la fin de l’année 2014.

Notre objectif à travers ce premier projet est de démontrer la viabilité de nos modèles technique et économique, et leur capacité à produire un impact social et des retours financiers significatifs. Ce faisant, nous participerons à la structuration d’un écosystème capable de mobiliser les ressources nécessaires au changement d’échelle de ces nouvelles solutions, notamment par le biais de l’impact investing. Power:On pourra alors répliquer l’initiative dans d’autres localités au Bénin et dans la sous-région en 2015.

Tristan Kochoyan, fondateur de Power:on



[1] voir les précédents articles de Power On publiés sur leur blog : The pricing issue et Smart subsidies to fight poverty

 

 

Entrepreneuriat : Inspiration #1

Pas trop de lecture cette semaine, mais un petit film de 30 minutes pour vous inspirer! L'équipe l'a regardé, a aimé, certains ont commenté, et nous espérons que vous prendrez la suite!

Ce que nous souhaitons? Que vous puissiez, dans la partie Commentaires de cet article, marquer vous aussi quelques mots, quelques idées ou réflexions que vous inspire le film "le Mur du Son". Enjoy!

Quel mur du son? De quoi ça parle? by Lisa

Entreprendre en Afrique, c’est impossible ? Nous ne sommes pas assez formés ? Sans relations, nous n’arriverons à rien ? Les jeunes ne peuvent pas défendre leurs innovations ? Et pourtant … face à toutes ces idées reçues qui freinent souvent les porteurs de projet, voici un magnifique exemple de jeunes africains désireux d’innover pour le continent. Burkinabè, camerounais, burundais : ils ont tous à cœur de créer des entreprises ambitieuses et créatrices d’emplois pour répondre aux besoins de nos populations. Cette motivation les amènera à défier les plus grands entrepreneurs du monde jusqu’aux Etats-Unis ! La preuve en images.

Découvrez le parcours de Roosvelt, Yasmine, Ghislain, Amadou, Moctar et Gérard dans cette grande compétition qu’est la Global Social Venture Compétition et laissez-vous inspirer par le nouveau visage de l’Afrique qui innove!

Le Mur du Son, par 2ie productions:

https://www.youtube.com/watch?v=pQ1i_kIpkOg

Commentaires des rédacteurs

Véra : Un petit reportage autour d’une aventure humaine, une histoire de jeunes entrepreneurs, qui exprime enfin que les Africains sont porteurs d’innovations sociales potentiellement déterminantes pour l’avenir du continent. Inspirant et résolument optimiste, ce documentaire illustre sans aucun doute un précédent, et inspirera d’autres vocations!

Cécile : Ce reportage est un bol d’air frais d’expérience positive à l’africaine mais est également le fruit d’un travail collectif de structures, de personnes qui ont favorisé ce genre d’initiative, loin des poncifs classiques sur le continent, les jeunes africains osent montrer leurs potentiels et réussir. Ce reportage donne envie d’essayer, envie de réussir, envie de partager enfin de vaincre cette crainte lancinante que les jeunes entrepreneurs africains peuvent avoir en se disant simplement pourquoi pas nous ?

A vous! Vos réactions à chaud!

 

FasoPro, une start up 100% Burkinabè

kahit redimmensionné

FasoPro, comme la majorité des start ups, est d’abord l’histoire d’un entrepreneur. Kahitouo HIEN est Burkinabè. Dagara, plus précisément. De là où il vient, il est traditionnellement considéré comme l’un de ces burkinabè qui consomment régulièrement des chenilles. En effet, dans tout l’ouest du pays, c’est un met répandu, que les populations s’arrachent pendant les mois de juillet, août et septembre.

 

Plus qu'un insecte goutu, craquant à l’extérieur et moelleux à l’intérieur s’il est bien préparé, la chenille a d’autres propriétés. Et c’est bien là ce qui a intéressé notre entrepreneur. Alors qu’il étudie pour obtenir sa Maitrise en Biochimie à l’Université de Ouagadougou, il apprend que la chenille de karité est particulièrement riche en protéines : composé de 63% de protéines, elle serait même plus protéinée que la viande ou le poisson. Il apprendra plus tard que 100g de chenilles permettent de fournir à un homme de corpulence moyenne le taux journalier nécessaire en fer, et que les chenilles présentent également un excellent rapport oméga 3 / oméga 6. Dès alors, pourquoi ne pas l’utiliser et la valoriser pour lutter contre la malnutrition, un de ces fléaux qui ravage encore le Burkina ?

chenilles redim

L’idée suit son chemin … Et Kahitouo intègre une école d’ingénieur pour obtenir un Master en Environnement. Mais cette école est un peu spéciale et propose de former des « ingénieurs-entrepreneurs ». C’est ainsi qu’à 2iE (Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement[1]). Kahitouo va imaginer une réalité économique à son idée. Première étape : structurer ses pensées dans un Business Plan. Exercice beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Et pour augmenter la pression, c’est à travers une compétition plus qu’exigeante qu’il se prête à l’exercice : la Global Social Venture Competition[2]. Surprise : le jury est intéressé par le projet, le trouve pertinent, et potentiellement très successful. Direction la finale mondiale à Berkeley en Californie, où, après de multiples étapes, Kahitouo obtient le Prix du Meilleur Impact Social et repart à Ouagadougou avec la somme de 10 000$. Oui, son projet a du potentiel. Oui, il créera une entreprise dont l’objectif est de prévenir la malnutrition grâce à la valorisation des chenilles de karité du Burkina Faso.

Il s’agit maintenant d’avancer. Créer une nouvelle industrie agroalimentaire, ça ne s’improvise pas. Pour cela, il intègre l’incubateur d’entreprises de 2iE. Un incubateur, qu’est-ce que c’est ? Un dispositif d’accompagnement à la création d’entreprise (souvent adossé à une institution d’enseignement supérieur, mais qui peut aussi être totalement privé et indépendant). Pendant deux années, il profite d’un accompagnement intensif du point de vue technique (grâce à l’intervention d’agronomes et à la collaboration avec un centre spécialisé français pour valider la composition nutritionnelle de ses produits[3]), du point de vue stratégique (pour penser un modèle économique performant et rédiger un Business Plan convainquant), du point de vue juridique (pour protéger ses innovations) et du point de vue financier (avec le financement de tout le travail de prototypage et l’accompagnement dans la première levée de fonds de l’entreprise). Il rencontre beaucoup d’experts et apprend beaucoup. Son projet est malmené, remis en question sans cesse, questionné dans un seul but : le rendre toujours plus ambitieux.

cuisine redim2014 : c’est parti pour une phase pilote. Grâce au partenariat avec des associations regroupant une centaine de femmes collectrices de chenilles, à la création d’un packaging sur-mesure, à la collaboration avec une association locale pour la location des équipements lourds, à une première levée de fonds réussie (en participant à des concours, en menant une campagne de crowdfunding[4] et en mobilisant des donateurs privés), et au recrutement d’une équipe de 6 personnes pour la production … FasoPro lance ToumouDélice, son premier produit. Objectif : commercialiser 17 000 produits pour valider l’existence d’un marché réel et convaincre les investisseurs potentiels de suivre l’entreprise dans son changement d’échelle en 2015.

 

ToumouDélice, ce sont des sachets de 500g ou 1kg de chenilles fraiches, savamment conditionnées pour être conservées pendant 18 mois, tout en préservant au mieux leurs qualités nutritionnelles. Ainsi, grâce à FasoPro, les Burkinabè peuvent désormais consommer toute l’année des chenilles de qualité, à un prix fixe palliant ainsi le caractère saisonnier de cette ressource. Les produits sont aujourd’hui en vente dans les alimentations ouagalaises, et bien sûr, les projets de recherche pour développer de nouveaux produits spécifiquement dédiés aux populations malnutries sont nombreux !

redim vente

FasoPro est une illustration parfaite de l’entrepreneuriat social « made in Africa » : un entrepreneur profondément attaché à son pays, une idée qui part de la valorisation de traditions et de savoir-faire locaux, un projet qui cherche à répondre à un problème social important, une utilisation intelligente des outils et des ressources existants, un développement étape par étape pour convaincre les consommateurs … FasoPro pourrait bien devenir incontournable sur le marché de la commercialisation des insectes.

  

Lisa Barutel

Pour en savoir plus :

www.fasopro.com

contact@fasopro.com

https://www.facebook.com/pages/FasoPro/192247810976127?fref=ts

https://www.youtube.com/watch?v=B_8daR_NgVo